« Ca te dis qu’on se voit cet aprèm ? » Mon portable coincé entre mon oreille et mon épaule, je multiplie les allers retours entre le lavabo de la cuisine et entre ma chambre tout en essayant de ne pas mettre de la peinture partout sur le sol. Noah se moque de la décoration mais j’ignore s’il apprécierait. Notre colocation se passe plutôt pas mal, même si je pense que parfois, on a tous les deux besoin d’une certaine solitude. D’ailleurs Noah n’étant pas là et vu que je ne travaille pas aujourd’hui, j’en profite. Avant d’emménager avec lui, j’avais l’habitude de m’étaler et de prendre beaucoup de place avec mon matériel mais maintenant je dois faire attention, ou simplement attendre d’être toute seule quand j’ai envie de travailler un peu. Les cours n’ont pas recommencé mais c’est histoire de se remettre un peu dans le bain. Sauf que j’aie eu un ou deux petits soucis entre ma spatule et ma terre glaise, problèmes qui ne devraient plus arriver quand on sait depuis combien de temps je fais de l’Arts Plastiques. Peu importe. Sutton m’a appelée en plein milieu de ce K.O et je me retrouve en train de jongler entre le reste et elle. « Si tu veux … Ca permettra sûrement de sauver l’appart’ de mes conneries. » ai-je murmuré en balançant le pinceau et la spatule dans l’évier avant d’arroser copieusement le tout pour rincer. Merde, je sais plus si c’est la terre glaise ou l’argile qui risque de boucher la tuyauterie … Je crains comme colocataire. « T’es en train de peindre là ? » demande-t-elle. Faut dire qu’elle commence à me connaître depuis le temps qu’on s’est retrouvées elle et moi. Elle sait bien que je passe beaucoup de temps à faire tout ça, même s’il va falloir que je songe à en faire quelque chose. Même si elle ne peut pas me voir, je hausse les épaules tout en me lavant les mains. « On va dire ça comme ça oui … Une amie m’a demandée si je pouvais faire un truc pour le baptême de son fils et … enfin bref. Je te retrouve chez toi ? » Assez parlé d’Arts. Je me suis séchée les mains avant de retourner dans le salon pour ranger tout mon foutoir dans ma chambre. Je continuerai tout ça plus tard, j’ai le temps vu que le baptême est dans trois semaines. Enfin vu les allures que ça prend, heureusement qu’elle m’a prévenue en avance. C’est à ce moment que je remarque qu’il semble y avoir beaucoup de bruits derrière Sutton. « Je suis pas chez moi là, je dois faire un truc avant, du coup j’arriverai un peu après mais je ferai au plus vite. » Je fronce les sourcils en refermant la porte de ma chambre avant de dire que c’est bon pour moi. En plus, ça fait déjà un certain temps que nous ne nous sommes pas vues, avec le déménagement et tout ça … C’est vraiment une bonne occasion de passer un peu de temps ensemble.

On a toutes les deux raccroché ayant trouvé comment on va procéder. Je fonce dont à nouveau dans ma chambre. Les Arts-Plastiques, ce n’est pas une activité sans risques vous l’avez compris. J’ai donc troqué mon vieux jeans troué et déjà bien décoré et mon vieux t-shirt blanc –à l’origine- pour une blouse à carreaux blancs et bleus et un pantalon noir. J’ai relâché mes cheveux jusque-là attachés négligemment. Bref, je me suis préparé pour partir, en prenant mon temps du coup puis, je suis sortie de l’appartement. C’est la fin de l’après-midi, il commence à y avoir de la circulation donc j’ai préféré prendre le métro plutôt que ma voiture pour aller chez Sutton sur Park Avenue. Le métro, je ne le prends que quand je sais que mon trajet en voiture risque d’être encore plus long que celui en métro, sinon j’évite. Pas trop de monde dans les rames, j’ai de la chance. En quelques minutes, j’arrive sur Manhattan et près du quartier de ma jumelle. En sortant de la bouche de métro pour revenir à la surface, je remarque exaspérée que je me suis foutue de la peinture violette et de la peinture blanche dans les cheveux, et j’ai beau frotté avec mon ongle, ça refuse de partir complètement. Tant pis, je me rincerai les cheveux chez Sutton. Après avoir marché un peu, je me retrouve devant l’immeuble de ma sœur et là … l’horreur. Merde. Je me rends compte devant l’interphone que j’ai oublié le code pour rentrer dans l’immeuble. Elle me l’a dit pourtant, et moi je lui ai dit que c’était bon, que j’avais pas besoin de le noter … La preuve que j’avais pas besoin de le noter, parce que je viens de l’oublier ! J’ai fermé les yeux quelques secondes en me traitant intérieurement de tous les noms. J’ai eu beau fixer les chiffres du digicode, ils ne me soufflent pas pour autant la réponse. Et comme personne n’a l’air de sortir de l’immeuble ou même de vouloir entrer … Je suis mal. Soupir. Du coup, j’ai appuyé sur le bouton de l’interphone par désespoir parce que je sais très bien que ma sœur n’est pas là. C’est juste que … enfin sait-on jamais hein. Mais bien sûr, y a que le silence qui m’a répondue. « Bin alors ? T’as oublié ton code ? » a soudain fait une voix. Ne l’ayant pas entendu arriver, j’ai sursauté avant de me retourner. Si j’avais pu sursauter en voyant le propriétaire de la voix, je l’aurais fait. « Peter… » ai-je soufflé. Oh … zut. Je l’ai regardé quelques instants et forcément, ce qui devait arriver … est arrivé. Les images de mon rêve sur Peter que j’ai fait l’autre jour affluent en masse et je me fais violence pour me reprendre. « C’est Mia. » ai-je murmuré en souriant légèrement avant de reprendre. « Et donc oui j’ai oublié le code ..» C’est bien ma veine. Au lieu de voir Sutton, je tombe sur Peter. Enfin non dans un sens c’est bien mais … c’est compliqué. En plus de mon rêve, les souvenirs de notre dernière et première rencontre reviennent aussi. Comment ça s’est terminé surtout. La copine. Mal à l’aise par rapport à tout ça, je me retiens de dire une bêtise en voyant le gâteau qu’il tient, au risque de me trahir pour le rêve. La honte s’il apprend que j’ai rêvé de lui … et de moi … en train de … s’embrasser à pleine bouche ? Et encore ç’a coupé au meilleur moment … Okay je me tais. J’essaie de me détendre un peu mais ce n’est pas vraiment une chose facile. « Oh et Sutton est pas là pour l’instant. Elle devait faire un truc et venir ensuite … je sais pas quand exactement. J’avais pas vraiment l’intention de l’attendre dehors. » ai-je expliqué en souriant un peu.

Sur le coup, j'ai maudit Sutton une bonne centaine de fois ainsi que celui ou celle qui se fout visiblement de ma gueule là-haut pour avoir provoqué un si mauvais timing. Bon, bien sûr je savais très bien qu'à un moment, j'allais devoir refaire face à Peter seulement, je me suis attendue à être préparer mentalement pour ça. Pas que ça arrive pas surprise. Et là par arriver par surprise, c'est arrivé par surprise. Il y a encore quelques secondes, je venais voir Sutton sauf que, il a suffi d'un erreur de ma part pour que je me retrouve face à celui qui occupe mon esprit toute une partie de la journée, en particulier depuis que j'ai fait ce rêve étrange avec lui où le dîner qu'il avait préparé est rapidement passé au second plan, si vous voyez ce que je veux dire. Enfin quand on oublie le tremblement de terre qu'il y a eu. Mais tout ça, je ne peux vraiment pas en parler à Peter, pas dans la vie réelle malheureusement. Oui, la vie réelle où tout a été remis à sa place. Peter avec sa copine et moi en figurante et fille maladroite qui ne peut pas ramasser du verre sans se couper. Voilà, c'est tout, point barre. Seulement je sais très bien que se dire ça ne va pour l'instant rien arrêter du tout. Du coup, je me surprends, sans trop de mal à le détailler du regard ... quand je le regarde. Parce qu'en fait, je ne sais plus très bien ou me mettre là tout de suite. Si je préfère le regarder ou pas, plutôt baisser la tête, regarder ailleurs. Sauf que quand je ne le regarde pas, je ressens aussitôt le besoin de le regarder. Cercle vicieux, très vicieux. Car quand je le regarde, c'est le Peter de mon rêve que je vois. C'est le paysage, la table qu'il avait dressé, le son de sa voix, son sourire, la chaleur de ses lèvres et celle de sa peau ... Wow, on se calme là. Mais se calmer, alors qu'il est à un mètre de moi, ce n'est pas l'idéal. Je ne reviens pas d'être tombée sur lui, même si après tout, c'est le meilleur de Sutton. Il fallait bien que ça arrive à un moment ou à un autre.

Dit comme ça on a l'impression que je ne suis pas contente de le voir, ce qui n'est pas le cas hein, bien sûr que non. C'est juste que c'est compliqué ... ça me perturbe. Oui je sais, il ne faut ps grand chose pour me perturber. On se calme. J'essaie de me redonner un peu d'allure et d'arrêter de donner l'impression d'être gênée. Mes lèvres s'étirent en un sourire plus franc tandis que malgré tout, tout continue de me revenir en pleine figure dans mon esprit. Notre précédente rencontre. Enfin la vraie précédente rencontre je veux dire, et notre première, accessoirement. A quel point tout est allé vite. A sa main sur ma cuisse, à ma main qui frôle la sienne et à la scène de la salle de bain. Le silence, presque douloureux. Le temps qui se dilue. L'air qui semble s'est électrifié ... Bref, tout ça plus mon rêve et le fait qu'il a déjà le coeur pris. Après on s'étonne que je ne sache pas comment agir. « Ah… Dommage, j’avais emmené le goûter ! » a-t-il fait quand je l'ai informé que Sutton ne va pas arriver tout de suite. Il agite doucement le gâteau qu'il a préparé pour ma soeur. Devant cette scène, je n'ai pas besoin de me forcer pour sourire légèrement. Je n'ai pas encore eu l'occasion de trop voir Peter et ma jumelle tous les deux, mais ils ont l'air proches. C'est bien. Enfin je veux dire, le connaître me donne la certitude que Sutton peut compter sur lui. J'ai regardé son gâteau de plus près. « Oui, dommage, c'est bête de gâcher un gâteau pareil ... » ai-je fait en ne sachant pas très bien le sens de ma phrase. Je n'ai pas spécialement faim hein, j'ai pas dit ça pour qu'on se partage le gâteau à nous deux hein, j'ai dit ça parce que ... je sais pas trop en fait. C'est qu'il a l'air bon ... enfin bref, je me tais. Donc voilà où j'en suis. Peter, son gâteau et moi en bas de chez Sutton, sur le trottoir. Bloquée, autant avec le code qu'avec Peter j'imagine. Mmmm. Je me suis mordue l'intérieur de la joue, jonglant entre les souvenirs du rêve et ceux de la réalité et le fait que j'essaie de ne pas perdre pied au milieu de tout ça. Pourquoi je me mets dans tous mes états déjà ? « Ça va ? » a-t-il demandé, jugeant visiblement mon état critique. Hum. Allez ma grande, reprends-toi ! Même lui a remarqué que ... il y a quelques choses. Si tu continues comme ça tu vas bientôt tu lui avouer. Du coup, j'ai essayé de prendre mon air le plus décontracté possible. J'ai même haussé légèrement les épaules. Ça, ça fait peut-être un peu trop. « Oui et toi ? Depuis la dernière fois ? » ai-je répondu avec un large sourire. Oui, comment tu vas Peter depuis la dernière fois ? Pas celle où on a dîné au milieu des plus grands monuments du monde en haut de la Tour de Pise, qu'il y a eu un tremblement de terre et qu'ensuite, on s'est embrassés de façon incontrôlée à répétition ... pas celle-là, juste celle d'avant. Celle avec les longs regards, le verre cassé dans le bar, la main sur la cuisse, puis la salle de bain ... Tout ça tout ça. Soudain, je vois sa main s'avancer sur mon visage. Sur le coup, je commence à m'imaginer des trucs et je panique un bon coup avant de comprendre que c'est une mèche de mes cheveux qu'il attrape entre ses doigts. « T’as fait de la peinture ? » Oh zut ... de quoi j'ai l'air avec de la peinture blanche et violette face à Peter ? En même temps, pourquoi je m'en soucie vu le point où j'en suis ? Mais ce geste, prendre une mèche de cheveux provoque un truc là ... C'est dingue. Ça me donne envie de ... le toucher. Oh mon dieu, la ferme Mia. Essayant de le regarder dans les yeux pour lui répondre, je hoche la tête. « Oui, une amie m'a passée commande pour son bébé ... du coup j'y ai passé toute la matinée mais j'ai pas vérifié avant de partir pour mes cheveux. » J'ai haussé les épaules. Ca ne me fait pas grand chose de toute façon, ce n'est pas la première ni la dernière fois que j'aie de la peinture dans les cheveux. La seule chose de différente, c'est que Peter est juste en face de moi. Hum. Le regarder dans les yeux oui, mais pas trop. Respire, essaie de te mettre à l'aise ... mais pas trop. Dans mon rêve je me suis mise un peu trop à l'aise et on sait tous les deux comment ç'a a terminé. Enfin pas vraiment en fait. J'ai enchaîné, sachant que le regarder en plein silence serait mortel. « Du coup, tu as le code pour entrer ou on est réellement condamnés à rester dehors ? »

Je tâche de garder les idées de claires en me disant que c'est la deuxième fois de notre vie que nous nous croisons. C'est vrai, quand j'y pense n'empêche ... Peter a beau être le meilleur ami de Sutton, c'est que la deuxième fois qu'on se voit et c'est comme si ... Je cherche même pas à expliquer en fait, j'ai abandonné l'idée je crois bien, c'est mieux. Pour ma santé mentale j'imagine. Parce que ça se confirme, quand Peter est là ... bah voilà quoi. Du coup, c'est à croire que Sutton l'a fait exprès, qu'elle nous a tendus une embuscade et franchement, elle n'aurait pas pu mieux s'y prendre. Et nous voilà coincés tous les deux dehors, sur le trottoir de son immeuble sur Park Avenue. Le Destin se fout vraiment de moi, même si j'y crois pas. Et que je l'ai déjà dit. Peu importe. « Ca va, super ! Je… en fait, je venais voir ta sœur, et pour la convaincre de me laisser entrer, j’avais fait un gâteau ! » lance Peter avec un air moqueur. J'imagine tout de suite la scène oui. Sutton attendant son gâteau au chocolat à chaque fois que Peter vient lui rendre visite. C'est un système que je devrais penser à adopter tiens. J'ai souri, en me mordillant la lèvre inférieure. « Ma soeur va finir par te ruiner en pâtisseries ... Dis toi que c'est moi qui doit assurer après si sa ligne est mise est péril. » ai-je fait pour plaisanter. J'exagère largement de toute façon. Après ça a lieu la scène très perturbante de la mèche de cheveux. Sérieux sur le coup mon coeur a loupé un battement et j'ai eu ... légèrement chaud. Je sais, m'en faut pas beaucoup mais croyez-moi, c'est suffisant. Pour mes nerfs en tout cas. Je baisse la tête quelques secondes. Ca me rappelle la proximité qu'on avait dans mon rêve. D'accord il y avait encore plus de proximité dans mon rêve, c'est pas comparable. Euh non, là encore, mauvaise idée de penser à ce genre de chose.

J'ai l'impression d'être incroyablement gauche quand Peter est là. Pour la mèche de cheveux, je me suis maudite de ne pas avoir été capable de faire de la peinture sans m'en foutre partout. On pourrait croire qu'après toutes ces années, je sois capable de faire sans les tâches et tout ça, mais non. Mon truc c'est de dire que ce n'est pas marrant sinon. Voilà le résultat. Remarque c'était une bonne occasion de le voir de plus près ... Hum, qu'est ce que je raconte ? Du coup je lui ai expliqué pourquoi j'ai des restes de violet et de blanc dans les cheveux. Il a semblé trouvé ça très marrant, à moins que ce soit moi qui le fasse rire tellement je m'en sors pas. Pourquoi j'ai rêvé de lui déjà ? Comme si la situation n'était pas assez compliquée. Et étrangement, je me souviens de tout. Normalement j'ai toujours tendance à oublier en me réveillant, mais pas là. Un signe. Seulement dans mon rêve il n'y avait pas de Coleen ou qui que ce soit d'autre. Là on est de retour dans la réalité. « Non ! Je n’ai jamais eu le code moi… » me répond Peter quand je lui demande s'il a le code. C'est génial. En même temps j'ai rien à dire vu que c'est moi qui ai oublié le code. J'essaie de fouiller dans ma mémoire encore une fois, en vain. « J'ai vraiment une mémoire de poisson rouge ! » ai-je fait agacé par ce fait indéniable. Nous voilà donc coincés tous les deux sur le trottoir. Ouah. « Mais euh… on va l’attendre ! Tu crois qu’elle va mettre longtemps ?! Viens, on va… » commence Peter en regardant dans les environs. Il semble plutôt bien prendre la chose. Je me mets à regarder aussi aux alentours histoire de voir un endroit où on pourrait aller se poser. « Euh, ouais, non… » J'en viens à la même conclusion que lui. Peter s'assoit sur le petit rebord devant la porte de l'immeuble. « Je sais pas quand elle va arriver ... elle a dit qu'elle ferait au plus vite. Mais bon c'est Sutton. » ai-je fait avec un sourire même si je n'ai aucune idée de ce que ma jumelle doit faire avant de venir. Peter s'est donc assis, moi je préfère rester debout pour le moment. La marche est petite donc ... enfin voilà quoi. Ca m'a rappelée notre première rencontre devant le club, quand il s'est assis sur le muret et moi pas. Maintenant, il faut trouver un sujet de conversation. Mes yeux ont dévié sur son gâteau. « Autant mettre tes talents de cuisinier à l'oeuvre après tout. » ai-je souri avant de me rendre compte de ma bêtise. Je me suis retenue de faire des yeux ronds. Oh. Mon. Dieu. Ma première gaffe par rapport au rêve ! Je me suis empressée de poursuivre pour me rattraper. Parce que je ne crois pas que Peter m'ait jamais dit qu'il sait cuisiner ... enfin je sais plus ... « Euh ... Sutton m'avait dit que t'étais plutôt doué dans le domaine. » ai-je fait en essayant de paraître sure de moi. En même temps, c'est forcément vrai, elle a forcément dû m'en parler à un moment pour que j'en aie rêvé ensuite ... et merde.

Je me pose des tas de questions, à savoir par exemple, si Sutton l'a fait exprès, si elle savait que Peter allait être là en même temps que moi. Puis aussi pourquoi je réagis ainsi. Il va peut-être pas comprendre pourquoi je ne m'assois pas à ses côtés sur la marche de l'entrée mais ... non, ce n'est pas prudent. Vous voulez que je vous rappelle tout ce qui est arrivé la dernier fois qu'on a été un peu trop proches Peter et moi ? Dans la réalité hein, pas dans mon rêve, enfin peu importe. J'ai jamais été douée en sciences mais je crois que ça s'appelle l'alchimie. Ou alors on a qu'à dire que c'est physique. La science est censée tout expliquer après tout. Mais j'emmerde la science depuis que j'ai eu six à mon devoir de physique chimie en cinquième. « Oh, il fallait le dire ! Je lui ferai croire que j’apporte des trucs light la prochaine fois ! » répond-il quand j'évoque la ligne de Sutton. Bon, j'exagère clairement parce que ma soeur a pas un centimètre de graisse à l'horizon. Mais bon, ça reste des trucs de filles j'imagine ce genre de préoccupation ... et puis on va dire que pour le moment, ça permet de maintenir un sujet de discussion plutôt léger. Autant vous dire que c'est ce qu'il faut pour ... enfin essayer d'oublier cette impression que l'air s'est électrifiée et que si je m'approche un peu plus de Peter ... enfin en gros il y a écrit attention danger. Du style, si je m'approche trop de lui, la fin du monde va arriver. Mais là tout de suite, je tâche de garder mon calme et de me montrer amicale. pas que je ne veuille pas ne pas me montrer amicale avec Peter, bien sûr que non, c'est juste que ... Il me perturbe, et les images de mon rêve me torturent. J'ai donc eu un large sourire en entendant sa réponse, essaie de penser à quelque chose pour lui répondre mais hélas, rien ne vient. J'imagine que ce n'est pas étonnant vu que je viens de dire qu'il me perturbe.

Donc voilà en gros le programme de notre deuxième rencontre. Lui et moi en train d'attendre Sutton sur le trottoir de son immeuble. Le pire ? C'est que c'est ma faute en plus ! Et pourtant j'essaie de toutes mes forces mais rien ne me revient, aucune illumination qui nous permettrait de rentrer tranquillement et d'attendre ma soeur à l'intérieur. Quoique je ne suis pas sure que l'attendre là-haut toute seule avec Peter soit une très bonne idée ... Hum. Okay, si mon imagination s'y met, c'est nul. Je suis juste foutue. Ma mémoire n'est pas spécialement une passoire, c'est juste qu'elle fonctionne mieux pour certain sujet que d'autres. Mémoire sélective. Autrement dit, j'ai pas dû vraiment écouter quand Sutton m'a passé son code. Autant dire que là, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Et puis Peter a l'occasion de voir à quel point je peux oublier des trucs importants au point de nous coincer dehors ... C'est génial, bravo Mia. Je l'ai regardé un peu, assis sur sa marche, en me demandant s'il est dans le même état que moi ou si je me monte simplement la tête. La deuxième solution ne me surprendrait pas. En plus ça m'étonnerait qu'il ait fait un rêve aussi subjectif sur moi que moi j'en ai fait de lui. Je me sens stupide en fait, et je n'aime pas ça, surtout face à Peter. Il va sûrement bien rire, enfin il rirait sûrement bien s'il apprend que je rêve de lui la nuit.

Seulement pour que ceci reste dans le domaine de l'hypothèse, il faut que je fasse attention car cela sous-entend de ne pas évoquer le moindre détail de mon rêve car il ne saurait pas de quoi je parle et donc, se poserait des questions. Or, le sujet de la pâtisserie et de la cuisine en général étant un sujet très dangereux, donc j'aurais dû faire attention. Sauf que noooon, bien sûr, j'ai commencé les gaffes. En m'entendant parler de ses talents de cuisinier, je me suis figée sur place, littéralement. C'est ce genre de moment où vous réalisez que vous avez dit une connerie juste à la fin de votre phrase. Seulement c'est trop tard, vous ne pouvez plus ravaler les mots, vous devez faire avec. Du coup j'ai fait ce que j'ai pu pour rattraper ma bêtise, le tout sous le regard surpris de Peter. Enfin déjà que c'est pas évident alors s'il me fixe comme ça ... Mais apparemment, j'ai réussi vu qu'un sourire finit par apparaitre sur ses lèvres. « Ah oui ?! J’ignorai qu’elle me faisait de la pub à ce point-là ! Il faudra que je pense à la remercier ! » lance-t-il. Je souris aussi, sentant mon coeur battre moins rapidement qu'il y a quelques secondes. Je viens d'avouer que Sutton et moi on parlait de lui toutes les deux ? Bah oui ... en même temps c'était soit je disais ça, soit ... je n'ose même pas imaginer. « C'est ma soeur ... elle sait bien que si elle veut continuer à avoir des gâteaux il faut être gentille avec le cuisinier ... et tu pourras la remercier, si elle arrive un jour. » ai-je fait en levant légèrement les yeux au ciel. Il se mordille la lèvre inférieure. Je sais pas à quoi il pense mais ce geste discret n'arrange rien. Puis, il se cale un peu sur le côté de l'entrée, comme si ... comme s'il voulait me laisser une place. « Euh… tu sais, si elle n’arrive pas on peut… enfin, on va se faire tuer hein, mais on peut commencer à le goûter en l’attendant ! » propose Peter. Sur le coup, j'arrive pas à savoir quoi répondre. « Maintenant c'est ma ligne que tu veux ruiner. » ai-je fait en fronçant le nez avec un petit sourire. Je me suis soudainement souvenue des derniers pots de glace et des cookies que j'ai mangé y pas longtemps encore ... Bon, cesse de faire l'enfant Mia. Peter ne va pas te manger, ton coeur ne va pas exploser et la fin du monde ne va pas arriver si tu t'assois sur cette marche. A force de rester debout, tu vas finir par le vexer. « Mais oui, je serais ravie de goûter à ton gâteau. » Et là je me suis assise à côté de lui. Honnêtement je suis pas sure du fait que mon coeur ne sorte pas de ma poitrine. Parce que forcément, la marche n'est pas très grande, ce qui fait que nos cuisses se touchent. Je sens la chaleur de son corps à travers mon jeans. Nos cuisses se touchent. Oh putain, il manquait plus que ça. Je me demande s'il peut entendre mon coeur battre de là où il est, tellement il bat vite ...

Je finis par m'asseoir à ses côtés sur la marche d'entrée de l'immeuble. J'ai peur d'avoir l'air un peu désagréable si je ne le fais pas ... Quelle excuse bidon hein. Faut bien avouer que même si la proximité de Peter a tendance à me mettre dans tous mes états, elle n'est pas désagréable du tout, loin de là. Mmm oui j'imagine que c'est quelque chose de facilement devinable en me voyant sur ce bout de marche, même si je vous assure que je me contiens plutôt bien actuellement. Dit la fille qui a failli faire la bourde de sa vie à cause de ce maudit rêve. Honnêtement, avec les mecs j'ai parfois l'impression d'être un cas désespéré. La plupart de mes amies préconisent le fait qu'à notre âge, il faut encore en profiter et s'amuser. C'est pas que je suis contre hein, c'est juste que c'est pas ma philosophie de vie et je doute que ça le soit un jour. Même si je me doute que ça a ses avantages. Je m'épargnerais bien des maux si je prenais tout ça de façon aussi légère mais ce n'est pas le cas. Tout ça reste sérieux pour moi, la preuve avec cette situation que je prends sans doute beaucoup trop sérieusement. Premièrement, Peter est le meilleur ami de Sutton. Ensuite ça fait la deuxième fois de ma vie que je le croise donc ... pourquoi prendre ça si sérieusement ? C'est là qu'on revient au fait que je suis un cas réellement désespéré, je vois pas d'autres explications. Le fait de ressentir de telles choses pour lui alors qu'on se connaît à peine me perturbe. Enfin je sais pas si le verbe ressentir est le bon mais ... peu importe.

Nos cuisses se touchent. Je fais un effort pour donner l'impression que ça m'est égal alors que c'est tout le contraire. J'ai l'impression qu'à l'endroit précis où nos cuisses sont en contact ... enfin j'ai une sensation de brûlure ... Désespérée je vous dis. Et pourtant, cette sensation de brûlure ne m'est pas inconnue car je l'ai déjà ressentie quand sa main a touché ma cuisse ou quand nos deux mains ont été en contact. Le bar. Son appartement. Ma blessure. La salle de bain. Coleen. Et comme si tout ça ne suffisait pas, voilà que je me mets à faire un rêve très équivoque sur lui par-dessus. Génial. Absolument génial. Je l'ai déjà dit mais je le redis. Tout va bien. Les passants circulent sur le trottoir devant nous sans faire attention. S'ils savaient ... Oouh si Peter savait que j'ai rêvé de lui l'autre nuit et qu'en plus il me demande ce qu'il se passait dedans ... Je persiste à croire que c'est la honte. Je le regarde s'occuper de son gâteau, c'est à dire le sortir et ensuite m'en donner une part. Ma ligne est pour le moment le cadet de mes soucis. Pendant qu'il s'occupe de ça, mes yeux dévient involontairement sur ses lèvres. Involontairement, si. Ils faisaient pareil dans mon rêve et ... mais vu comment il s'est terminé, ce n'est peut-être pas une très bonne référence en fait. Sauf que quand il m'a tendu la part du gâteau, mes yeux, qui visiblement apprécient le spectacle, n'ont pas cherché à bouger. Nos visages sont proches. Je vous laisse imaginer le genre de moment qui a suivi. La chaleur de sa cuisse contre la mienne me transperce la peau. Je prends la part de gâteau au moment où il reprend la parole. « Alors, quoi de neuf depuis la dernière fois ? » Question bateau, certes, mais de survie en ce qui nous concerne car les moments de silence et de gêne ... j'ai fini par comprendre que c'est mauvais, très mauvais. Dans le rêve tout allait bien, on était que tous les deux mais je doute qu'on puisse refaire en pleine rue ce qu'on a fait ... Oh mon dieu, la ferme Mia. J'ai souri en me rappelant de la dernière fois et de tout ce qui va avec. « Pas grand chose ... Les cours, le boulot ... la routine je crois. » Je pense sincèrement à ce que je dis et je finis par réaliser, très soudainement que j'ai oublié un détail qui a son importance. « Mais j'ai déménagé aussi, y a pas très longtemps. Je suis restée dans le même coin mais je suis en coloc maintenant. » Noah. Je sais pas si c'est vraiment une bonne idée de mentionner Noah ... Pourquoi ça ne le serait pas hein ? Il a bien Coleen lui. Ouh si on continue dans cette voie ... J'ai fini par mordre dans la part de son gâteau qu'il vient de me donner, autre main sous mon menton pour pouvoir récupérer les miettes et ne pas en mettre partout si la part se casse. Manger quelque chose qu'il a préparé me rappelle mon rêve, ce qui explique sans doute la suite. « Il est très bon. » ai-je fait la bouche pleine. J'ai fait les gros yeux en réalisant, avalant toute ma bouchée d'un coup. « Désolée, faut vraiment que j'arrête de te parler la bouche pleine ... » C'est sorti tout seul. Qu'est-ce que je disais déjà, je suis un cas désespéré, c'est ça. Je viens de gaffer, encore une fois. Merde. J'y crois pas ! c'est à croire qu'être à côté de lui ça me pousse à ... J'ai essayé de masquer la chose au maximum en priant pour qu'il n'ait pas entendu le "te". T'es trop bête ma grande. Oh mon dieu ... Pourquoi j'ai fait ça ? Ca m'arrive vraiment jamais et là ... Enchaîne ! « Ça va ta main ? » C'est déjà un meilleur sujet. J'ai un petit sourire en regardant la paume de ma main, encore légèrement marquée par la large coupure provoquée par les morceaux de verres brisés. Ceux que Peter a fait tombé. La même coupure qui a été la raison de ma présence à son appartement quelques minutes après notre rencontre. « Oui, j'ai survécu. Ça disparait progressivement. Mais faut dire qu'elle a été bien soignée, je n'ai pas à me plaindre du docteur à ce niveau là ... » ai-je fait avec un sourire en le regardant. Mmm le docteur ... Hum. J'avale une nouvelle bouchée de gâteau en me disant que Sutton en a de la chance s'il lui en fait régulièrement.

Je me sens totalement idiote, en plus avec cette histoire de rêve ... ça n'aurait pas pu mieux tombé. Ironie pour ceux qui n'auraient pas suivi l'histoire. Néanmoins, à ma grande surprise, mon coeur commence à retrouver petit à petit un rythme normal. A croire qu'il s'habitue progressivement à la proximité de Peter, ce qui m'étonne de lui tiens. Digne d’une adolescente de comédies romantiques, je suis vraiment un cas désespérée. Mais je dois avouer que cet infime instant qui a semblé durer une éternité à mes yeux était simplement … Ouah. Le blocage suprême sur ses lèvres, comme si je n’étais pas assez grillée comme ça avec cette histoire de rêve, qu’il va bientôt découvrir d’ailleurs si je n’arrête pas de faire des gaffes. Je tente au maximum de me concentrer sur ma part de gâteau pour essayer d’oublier la scène précédente, cet instant figé où j’ai cru sentir une envie presque violente au creux de mon ventre. Cette envie que la situation dérape totalement, là sur le trottoir devant l’immeuble de ma sœur. Bon okay, on fait plus romantique mais est-ce que c’est le plus important ? Tant qu’on est avec … D’accord, oubliez, j’ai rien dit, c’est même très important. C’est juste que … ça craint parfois d’être la romantique de service mais comme ce n’est que la deuxième fois qu’on se voit … Comment je peux avoir des envies pareilles d’abord ? Parfois ça craint de se poser autant de questions. J’allais dire que Sutton me dirait sûrement de foncer mais comme Peter est son meilleur ami, ça serait risqué de s’avancer. Surtout que depuis Ronon j’ignore si elle a vraiment les idées claires sur le sujet. Je suppose que si j’avais été le genre de fille à multiplier les coups d’un soir, les choses auraient été plus faciles. Manque de chance, elles ne le sont pas, ou alors, c’est nous qui rendons ça plus compliqué que ça ne l’est, une capacité incroyable de l’être humain, si vous voulez mon avis.

Du coup nous voilà discuter tranquillement, comme si tout était normal alors que nos cuisses sont justes collées l’une à l’autre ou comme si on avait oublié comment notre dernière rencontre s’est terminée. C’est ça, je me fais des films. Je deviens complètement cinglée et il y a que moi qui imagine certaines choses entre … nous. La preuve, ça m’étonnerait que Peter ait un rêve de moi qui se finissait dans un lit. J’ai commencé à lui parler de mon tout récent déménagement et de ma mise en colocation avec Noah. Un sujet comme un autre en quelque sorte. « Oh… C’est cool ! Enfin… j’ai jamais été en coloc’, mais j’imagine que ça a ses avantages ! » répond-il avec un sourire. Ses avantages ? Même si je veux bien croire que ce soit étrange de se mettre en colocation avec un de ses ex –ce qu’il ne sait pas encore- mais la différence se fait vraiment à la fin du mois même si ma colocation avec Noah ne se résume pas à ça. « Ooh oui ça a ses avantages, niveau argent ça passe beaucoup mieux étrangement … Et puis comme je connais la personne depuis longtemps, c’est assez drôle, c’est plus animé. » J’aime aussi ma solitude. Il y a des moments où je me dis qu’en fait, le fait qu’il y ait à Noah dans la pièce d’à côté m’empêche d’agir comme je le veux réellement , quand je veux être seule et qu’il est là … Il doit penser pareil aussi parfois, mais au final, la liste des points positifs est toujours plus longue que celle des négatifs. De toute façon c’est logique, sinon on n’aurait pas emménagé ensemble. Maintenant, le soir, quand je rentre déprimée, il y a souvent quelqu’un pour essayer de me remonter le moral … pas que ça arrive tout le temps mais des fois ça fait du bien de savoir que quelqu’un vous attend.

Donc pour en revenir à Peter et à moi assis sur le trottoir en train de déguster son gâteau, je n’ai, bien sûr pas pu m’empêcher de faire ma seconde gaffe à propos du rêve. Si je n’avais pas peur de passer pour une cinglée, je me lèverais pour aller me frapper la tête contre un mur en me maudissant pour ma stupidité. Normalement, je ne suis pas du genre gaffeuse, enfin je crois. A croire que quand Pete est à côté de moi je suis … nerveuse ? Oh mon dieu, pourquoi serais-je nerveuse ? A cause de la scène qui s’est déroulée il y a quelques minutes j’imagine, c’est-à-dire le moment embarrassant de silence où on se fixe sans rien dire l’un et l’autre avant de tourner la tête gêné et de sortir une phrase bateau. Résultat j’ai pris un nouveau morceau de gâteau, en me disant qu’au point où j’en suis, c’est tant pis pour ma ligne. Actuellement, c’est même le cadet de mes soucis. D’ailleurs, c’est sûrement un signe mais on se remet à parler de la dernière fois, c’est-à-dire lui et moi dans sa salle de bain parce que, comme je viens de le dire, je deviens maladroite quand il est là et que je suis incapable de ramasser des morceaux de verres sans me couper. C’est étrange d’en reparler. Je peux pas être la seule à avoir remarquer que durant cette soirée, il y a eu plusieurs moments où … enfin voilà quoi ! Le visage de mon voisin est partagé entre rire et grimace. « Je ne dirai pas ça comme ça non… C’est quand même A CAUSE de ce docteur que tu t’es blessée ! Heureusement que les docteurs ne sont pas des gens comme moi ! » J’ai fait un plus large sourire en entendant sa réponse. Je ne sais pas si on peut vraiment dire qu’il est la cause de ma coupure à la main. D’accord il a fait tomber les verres mais ce n’est pas lui qui m’a poussée à en ramasser les morceaux, donc bon … On va dire que je suis la seule responsable de ce qui est arrivé ensuite, c’est-à-dire les mains et aller dans son appartement dès le premier soir. Pas que ça m’ait déplu mais bref. J’ai haussé les épaules, toujours avec un grand sourire sur mes lèvres. « Bizarrement, je n’ai retenu que la partie où tu t’es occupée de moi chez toi. » ai-je fait … en ne me rendant pas compte que la phrase pouvait comporter quelques sous-entendus. Aaargh peu importe, j’en ai marre de faire attention à tout ce que je dis. Nouvelle bouchée de gâteau, que je ne vais pas tarder à terminer. Enfin ma part je veux dire, pas le gâteau dans son entièreté. « Hm… Je ferai peut-être mieux de vous laisser quand Sutton arrivera, je ne voudrai pas m’immiscer dans vos réunions de famille ! Et puis en plus, si je n’ai plus de gâteau à lui offrir… » lance soudain Peter. J’ai reposé mes yeux sur lui. Etrangement, même si j’ai l’impression d’être une parfaite idiote depuis tout à l’heure, la perspective que Sutton arrive … Pas que je n’ai pas envie de voir ma sœur hein, mais bon, voilà. « Ma sœur serait vraiment sans cœur si elle te mettait à la porte à cause du gâteau qu’on a mangé … » ai-je fait toujours en souriant, avant de reprendre. « Mais t’es son meilleur ami, y a pas de raison pour que tu partes. » Ce qui est vraiment, je veux pas qu’il ait l’impression que je lui vole sa meilleure amie. Bien sûr c’est la seule raison pour laquelle je lui dis que ce n’est pas la peine qu’il parte … Bien sûr. Oouh vas-y, enchaîne avant de penser à la vraie raison. « Et toi, quoi de neuf depuis la dernière fois ? » Pourquoi je pense à sa copine quand je pose cette question ?

Avec le recul, après quelques jours notre première soirée m'a presque parue comme un mirage, comme si elle n'avait pas vraiment existé. Seulement la présence de Peter dans mon esprit jusqu'à maintenant avait tendance à prouver le contraire. Nous deux sur le trottoir de l'Awesome, en train de dire à quel point on a du mal avec ce genre d'endroit ... Je ne sais pas s'il y a eu le fameux trucs dès ce moment, dès le début ou bien si c'est venu ensuite, à l'endroit où il m'a emmenée. De toute façon à quoi bon chercher une quelconque explication à ce qui n'est pas explicable ? C'est juste que c'est perturbant, très perturbant, savoir que dès la première rencontre ... avec le meilleur ami de Sutton en plus. C'est étrange que ça soit différent, lui et moi, par rapport à sa relation avec ma soeur. Je veux dire, physiquement on est exactement pareilles alors pourquoi il n'y aurait qu'avec moi qu'il y aurait le fameux truc ? C'est le genre de question que je pourrais me poser si je ne savais pas faire la différence entre ma jumelle et moi, ce qui n'est pas le cas. En tous les cas, reparler de cette soirée a quelque chose de spécial qui contre toute attente, me fait sourire car malgré son lot d'évènements plutôt perturbateurs, elle a été agréable. Enfin si on oublie la façon dont elle s'est terminée bien évidemment et justement, j'aimerais bien oublier ce moment définitivement. Le foulard dans l'appartement qui a un peu tout cassé, voire beaucoup.

Je repense à tout ça quand soudain une petite silhouette s'approche de nous. Oh merde ... C'est un chien. Il manquait plus que ça. J'ai peur des chiens depuis mes cinq ans, depuis que le yorkshire de nos voisins a failli me dévorer alors que j'étais dans le bac à sable du parc ... Oui bon, c'est ce que je pensais à l'époque, qu'il allait me dévorer. En fait il est venu dans le bac à sable et s'est planté devant moi en m'aboyant dessus comme un taré, du coup, mois j'ai flippé et ... Bref, passionnant. Tout ça pour dire donc que j'ai peur des chiens. Certains sont sûrement très mignons et tout, mais j'en ai peur. Alors celui-là qui commence à s'approcher de nous ne m'inspire pas vraiment confiance. Je tâche de tenir le coup les premières secondes, serre les dents pour pas que Peter ne me prenne pour une folle. Seulement voilà, à un moment c'est au-dessus de mes forces. Le chien se jette soudainement sur nous, sur Peter, sur le gâteau ... je sais plus très bien. A ce moment précis, j'ai tellement eu peur que sans réfléchir je me suis cachée derrière Peter, enfin autant que je pouvais étant donné la situation. Le haut de mon corps se retrouve entre son dos et la porte de l'immeuble. Je ferme les yeux, le coeur battant à l'idée que le chien soit toujours là. « HE ! NON, REVIENS ICI ! SALE… » commence à hurler Peter. Je rouvre les yeux prudemment, comprenant que l'animal est parti et bien sûr, je ne tarde pas à me rendre compte de ce que je viens de faire. Mes mains ont agrippé sa veste et mon front est posé contre son dos. Son odeur ... Fuck ! Je me suis redressée, d'un bond. Avec la chance que j'aie, je viens sûrement de virer au cramoisi. Purée, plus gênant tu meurs. « Désolée ... j'ai ... j'ai peur des chiens. » ai-je murmuré blasée par ma réaction. Qu'est-ce que j'ai dit déjà ? Que je voulais pas qu'il me prenne pour une folle ?

« Génial… Vraiment génial. » fait Peter en regardant ses mains désormais vides. Je le regarde, désolée pour lui que son gâteau ait fini de cette façon. « Au moins, ça ne sera pas de notre faute si Sutton ne peut pas y gouter… » continue-t-il un peu désabusé. Sa phrase me fait sourire. En effet, même si dans un premier temps ça peut paraître comme étant une excuse bidon, on peut dire que cette histoire de chien, malgré la frayeur qu'elle m'a causée, est une bonne couverture. C'est après tout ça que je lui demande comment il va. « Oh… vraiment rien de bien passionnant… » Son soupire me rend perplexe. Un léger silence s'installe où il semble perdu dans ses pensées tandis que je pense avoir épuisé tous les sujets de conversation possibles. Si Sutton pouvait arriver à ce moment précis, elle me rendrait vraiment service mais malheureusement, j'ai beau regardé à droite et à gauche, aucune trace de ma jumelle. [colora=orange]« Enfin… tu sais, pour l’autre fois… Je… Je suis désolée que… Que tu sois partie comme ça, que tu aies vu ce… truc que Coleen avait oublié chez moi. C’était vraiment bête. Surtout que… enfin… »[/color] a commencé Peter l'air visiblement gêné. Oouh la fameux moment que j'aurais voulu oublié. Gênée, j'ai du mal à le regarder vraiment dans les yeux. A la fin, j'ai envie de lui dire que non, il n'a pas besoin de s'excuser, que c'est sa vie et tout ça mais il reprend la parole. « De toute façon, c’est… » Et là, boum, une sonnerie de portable. La sonnerie de mon portable plutôt. Oh. Hésitante, je le regarde, ne sachant pas très bien si je dois le laisser continuer sa phrase ou décrocher mais il finit par me faire un hochement de tête qui peut se traduire par un "pas de problème". « Désolée. » Oh, c'est Sutton tiens, qu'est-ce que je disais sur le fait qu'elle puisse me sauver la vie déjà ? Je décroche. « Ravie de voir que tu es encore en vie. » ai-je commence avec un sourire en coin. Je me suis levée du bout de marche. Ma cuisse me déteste déjà pour l'avoir faite quitter celle de Peter. « Ha, ha. Vraiment très drôle mais c'est pas le moment. Ma voiture a eu un petit problème technique et j'ai dû appeler une dépanneuse. Quand ils m'ont demandée si j'avais quelqu'un pour me ramener je leur ai dit que j'avais la meilleure soeur du monde ... pas vrai ? » Ne voyant que trop bien où elle veut en venir, mes yeux ont roulé dans leur orbite. « Mmm j'espère que tu t'en souviendras à notre anniversaire. T'es où là ? » lui-ai je demandé en soupirant. « Au centre commercial. Et je savais que tu diras oui. » « Oui, je suis vraiment trop bonne. Appelle moi Mère Thérésa, toujours prête à aider les plus démunis. » Sutton pouffe à l'autre bout du fil et je dois avouer que moi aussi. « Bref, bouge pas j'arrive. » « Où veux tu que j'aille sans voiture de toute façon ? » J'ai à nouveau levé les yeux au ciel avant de raccrocher. Vive Sutton. Soudain retour sur terre quand je vois Peter me regarder. « C'était Sutton, elle a eu un problème de voiture donc faut que j'aille la chercher. » ai-je commencé. Pourquoi on doit toujours se quitter en catastrophe ? Okay, on commençait à évoquer un sujet quelque peu spécial mais bon ... Oui je suis encore au stade où j'ignore si le quitter est une bonne chose ou une mauvaise. Précisons que c'est une bonne chose pour mes nerfs. « En tout cas, désolée que ton plan gâteau au chocolat avec ma soeur ait terminé de cette façon. » C'est vrai, je doute qu'en venant il avait dans l'idée de me croiser déjà et qu'il y aurait cette histoire de chien. Enfin bref. Je reste plantée sur le trottoir quelques instants, ne sachant pas très bien de quelle façon lui dire au revoir. Bon bah j'imagine qu'autant faire simple ... « Bon bah ... c'était cool de se recroiser. Merci encore pour le gâteau hein, et puis ... à bientôt, sûrement. » ai-je lancé avec un dernier sourire avant de m'éloigner pour retourner à ma voiture garée pas très loin. Oui je sais, j'ai manqué d'inspiration sur ce coup là mais bon, ça ne m'étonne pas vraiment. A croire que je fais tout de travers quand il est dans les parages.