D’aussi loin qu’il puisse se souvenir, Pablo ne s’était jamais senti aussi mal. En perdant sa fille, le jeune homme avait eu la vague impression de perdre une partie de lui-même. Et pourtant, il n’avait aperçu ce bébé que pendant quelques dizaines de minutes, à peine assez pour se souvenir encore aujourd’hui de cette petite frimousse qui l’avait tant attendri. Alors qu’il aurait pu devenir le père ce petit être qu’il avait languis pendant neuf mois, le destin en avait décidé autrement. Ou plutôt, Bonnie et lui en avaient décidé autrement. En faisant adopter leur fille, les deux ex-tourtereaux s’étaient privés du bonheur qui aurait pu être le leur s’ils avaient accepté leurs responsabilités. Et même si Pablo ne le montrait pas devant Bonnie, il avait souvent regretté leur choix. En réalité, dès l’instant où il avait découvert le visage de sa fille, il s’était dit qu’en y mettant du sien, il n’aurait pas été un si mauvais père que ça. Mais bien évidemment, il était trop tard pour revenir sur leur décision, et les services d’adoption avaient emporté le bébé en leur laissant à peine le temps de lui dire au revoir. Depuis ce jour, Pablo n’était plus que l’ombre de lui-même. Il essayait de sortir comme avant, de s’amuser, mais le cœur n’y était définitivement pas. Même en ce qui concernait son job, qui était aussi sa passion, plus rien ne tournait rond. Le pilote avait du mal à se concentrer, et ses résultats brillants du début de saison n’étaient plus qu’un lointain souvenir. Tombé au fin fond du classement au fil des courses, il ne pouvait décemment plus prétendre au moindre titre cette année. Et contre toute attente, ça ne lui faisait ni chaud ni froid. La seule et unique chose qui hantait son esprit jour et nuit était désormais le visage de sa fille.
Et pourtant, Pablo faisait de son mieux pour remonter la pente. Lui qui d’ordinaire ne tenait pas en place s’auto-agaçait de se voir errer ainsi sans but, et ne rien faire de ses journées. Il était tombé tellement bas que même le fait de sortir faire les courses constituait une véritable corvée. C’est donc plus ou moins en trainant les pieds que le latino quitta son appartement et grimpa dans sa voiture, conduisant jusqu’à cette petite supérette dans laquelle il avait ses habitudes. Il attrapa un panier en entrant, et s’engagea dans un des rayons à la recherche d’une idée lumineuse pour son repas du soir. Et au moment om il commençait à sérieusement désespérer, son regard se posa sur une silhouette loin d’être inconnue. Elle ne l’avait même pas remarqué mais Pablo la fixait déjà avec un petit sourire. Et elle, c’était Calliopé. Cette fille qu’il avait voulu séduire au cours d’une soirée à l’Awesome mais qui n’avait rien voulu savoir. La persévérance du latino lui avait dicté de ne pas baisser les bras, et de retenter sa chance à chaque fois qu’il en aurait l’occasion… Et aujourd’hui, alors qu’il ne s’y attendait pas, une nouvelle occasion se présentait. Seulement voilà, des semaines particulièrement difficiles s’étaient écoulées depuis leur dernière rencontre, et Pablo n’était plus vraiment d’humeur à « s’amuser » de la sorte. Néanmoins, les courbes et le doux visage de la jeune femme le scotchèrent une nouvelle fois et sans même vraiment s’en rendre compte, le latino se rapprocha d’elle. Après tout, l’objectif de Pablo ces temps-ci était de remonter la pente… Alors quel meilleure remède que de reprendre ses bonnes vieilles habitudes de dragueur invétéré ? C’est donc avec un sourire se voulant charmeur que le jeune pilote se posta à côté de Calliopé, feignant de s’intéresser lui aussi au rayon auquel elle faisait face. « Salut… » lacha-t-il d’une voix suave avant de tourner la tête pour poser son regard sur elle.
Calliopé n'était pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Elle venait de perdre sa grand-mère, certes, mais elle savait qu'elle aurait voulu qu'elle se bouge et continue sa vie. C'est donc pour ça qu'elle tentait de garder le sourire, se disant que c'était la vie. Malheureusement, elle savait bien que ce genre de choses arrivait tôt ou tard. Bien évidemment, on n'était jamais préparé à cela, mais un jour cela nous tombait dessus et on n'avait pas le choix. On devait avancer. Pourtant, elle avait gentiment décliné l'invitation de Kennedy, qui voulait l'emmener dans un bar à tapas "histoire de lui rappeler ses origines". Non pas qu'elle n'appréciait pas l'intention, mais elle ne connaissait pas encore assez Kennedy pour passer une soirée avec elle. Et puis, une semaine avant, elle ne pouvait pas la supporter, donc elle savait que même des tapas de saumons fumé n'arrangerait pas forcément la situation. De plus, des tapas ne consolait pas un deuil.
Néanmoins, la vie continuait, et Calliopé se devait de faire quelques courses. Kennedy avait prit cela en charge la semaine dernière, et si d'habitude la blondinette ne faisait pas grand chose, elle savait que sortir faire des courses lui changerait les idées, et en même temps rendrait service à sa colocataire qui avait été si gentille avec elle dernièrement. Ainsi, elle se rendit à la supérette du coin de bon matin, à pied. C'était l'avantage d'habiter dans l'Upper East Side, tout était à proximité. En rentrant dans le magasin, Calliopé se saisit d'un caddie et se rendit dans son rayon préféré : le rayon "spécialités espagnoles". Sa grand-mère lui avait appris la meilleur recette de churros au monde, dans son enfance, et la blondinette avait pour intention de s'en faire une bonne fournée histoire de se régaler et de se rappeler d'elle. Ainsi, après avoir pris tous les ingrédients, elle se tourna naturellement vers le rayon féminin. Elle savait qu'elle était actuellement en période d'ovulation et que ses règles arrivaient la semaine d'après. Alors qu'elle choisissait la marque de tampon la pus efficasse, elle sentit une présence derrière elle. En un rapide coup d'oeil, Calliopé reconnut la silhouette d'un homme. Étrange ... depuis quand un homme avait besoin de serviettes hygiéniques ? Enfin bon, à New York, rien de tout ça n'était surprenant. Elle se concentra ainsi sur ses recherches, quand elle reconnut la voix suave qui la saluait. Pablo. Ce jeune homme l'avait dragué lors d'une soirée et Calliopé avait tant bien que mal repoussé ses avances. Tout en se retournant vers lui, la blondinette esquissa un sourire, tout naturellement. Puis, elle se rétracta. Il lui plaisait, c'était parfaitement son type d'homme. Seulement, elle n'avait pas envie d'être une fille parmi tant d'autres, et de passer après plein de pimbêches et de mannequins. Difficilement, elle l'avait rembarré, lors de cette soirée il y a quelques mois déjà. Aujourd'hui, elle était heureuse de le voir. Même très heureuse. Il était exactement ce dont elle avait besoin pour oublier le décès de son abuelita. Seulement, elle savait aussi qu'il était exactement ce dont elle n'avait pas envie. Un goujat, coureur de jupon. Un William Slayers caché. Une façon de plus de briser son coeur. Néanmoins, Pablo émanait de lui-même du réconfort et du désir. Sans qu'elle ne puisse vraiment le contrôler, Calliopé lui offrit son plus beau sourire, tout en reposant discrètement la boite de tampons qu'elle voulait initialement acheter. Sans même répondre à son "salut", elle repoussa une mèche rebelle, et lui murmura finalement. « Pablo ... quelle surprise ! Comment vas-tu ? »
Le fait de tomber comme ça sur une de ses anciennes « proies » avait éveillé en Pablo tout un tas de choses qui lui paraissaient particulièrement lointaines. En effet, depuis la naissance de sa fille le latino n’était pas parvenu à redevenir celui qu’il était avant. Comme si cet évènement lui avait fait prendre vingt années d’un coup, avec une bonne dose de responsabilités en plus, Pablo semblait avoir définitivement tiré un trait sur ses agissements d’avant. Plus de soirées qui ne finissaient jamais, plus de grand numéro de drague pour ramener une fille à tout prix, même plus de tournées enchainées jusqu’à plus soif. Bref, la vie de Pablo était devenue si terne et inintéressante que la vision de Calliopé en face de lui avait fait l’effet d’une bombe. Sa vie d’avant lui revenait en pleine poire, et contre toute attente, ce n’était pas spécialement désagréable. Plus il la regardait, plus il comprenait pourquoi il s’était acharné à vouloir la ramener chez lui… chose qu’elle avait refusé catégoriquement. Et pourtant, le jeune homme se souvenait des espoirs qu’il avait nourrit ce soir-là. Car il l’avait sentie tellement faible qu’il avait su qu’elle pouvait craquer à tout moment. Ce n’était qu’une question de temps. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que Pablo avait décidé de ne pas lâcher, et de retenter sa chance à chaque fois qu’il la recroiserait.
Après l’avoir abordée, le jeune homme se lança donc dans une observation plutôt poussée de la moindre de ses réactions. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il était servi. Comme lors de leur dernière rencontre, Calliopé semblait osciller entre des sentiments bien différents, voire même contradictoires, et Pablo se délectait presque de ce spectacle. Il n’y avait rien de méchant ou de pervers là-dedans, il retrouvait simplement ses vieux réflexes. Et autant qu’il dire qu’il avait toujours aimé voir les filles qui craquaient peu à peu pour lui. En vérité, il ne pouvait pas savoir ce qu’elle pensait au fond d’elle-même, mais les quelques indices qu’il discernait sur son visage ne trompaient pas. D’ailleurs, le large sourire qu’elle finit par lui offrir ne fit que confirmer ses hypothèses. « Pablo ... quelle surprise ! Comment vas-tu ? » murmura-t-elle en remettant ses cheveux en place. Plutôt fier de lui, Pablo esquissa un nouveau sourire en coin et attendit quelques instants avant de répondre. Juste histoire de fixer ses grands yeux clairs qui avaient fait qu’il l’avait remarquée le premier soir. Puis, après un court silence, le jeune pilote reprit : « Ca va, super ! » Evidemment, il n’y avait absolument rien de vrai là-dedans mais ça, elle n’était pas censée le savoir. Pablo comptait d’ailleurs sur ses maigres talents de comédien pour faire passer la pilule, ni vu ni connu. « Et toi ? Tu cherches aussi l’inspiration pour ton futur repas ? »
Ce n’est qu’à ce moment-là que le regard du latino se posa sur le rayon en question et visiblement… non, elle n’était pas venue mettre à l’épreuve son inspiration culinaire ! Un peu gêné, Pablo laissa échapper un petit rire discret. Avait-il perdu la main au point de se ridiculiser de la sorte ? Certainement pas ! « Ou pas… » lâcha-t-il finalement en grimaçant. Il se racla ensuite la gorge histoire de se redonner une contenance, puis reposa son regard sur Calliopé. « Hm, alors ? Quoi de neuf depuis la dernière fois ? »
Même si le physique très agréable de Pablo empêchait à Calliopé tout comportement neutre, elle ne pouvait ignorer la pointe d'amertume dans la voix du jeune homme quand celui-ci affirmait aller très bien. Peut-être était-il fatigué ? C'est ce que la blondinette se dit tout en hochant la tête de haut en bas. De tout de façon, elle ne creuserait pas plus. Cela était assez impoli que de dire à quelqu'un qu'il avait une petite mine. Et puis, ce serait mentir. Le regard de Pablo avait moins d'éclat que d'habitude, certes, mais il n'en demeurait pas moins tout aussi plaisant à contempler. Oui, Pablo qu'il soit fatigué, triste, ivre ou même endormi (et elle se souvenait l'avoir admiré pendant longtemps lors d'une soirée à l'Awesome, quand il s'était assoupi sur le comptoir); restait sexy. C'était justement ça le problème chez ce garçon : il était incroyablement séduisant, et de plus semblait cultivé et charmeur. Il avait en vérité toutes les qualités apparentes pour plaire ... s'il était moins volage, Calliopé n'aurait pas hésité. C'est d'ailleurs ce qu'elle se dit quand le brun ténébreux lui dit « Et toi ? Tu cherches aussi l’inspiration pour ton futur repas ? ». Elle n'avait pas besoin de chercher d'inspiration, elle avait trouver quelque chose de très alléchant à se mettre sous la dent. Peut-être qu'une nuit suffirait, après tout. Une nuit, un One Shot, une soirée et ... non, ce n'était pas envisageable. Calliopé méritait plus qu'une soirée. Tant pis.
Néanmoins, elle ne put s'empêcher de rire face au malaise du jeune homme qui venait de remarquer face à quel rayon il se trouvait. C'était elle qui aurait du se sentir gênée : c'était assez honteux de se retrouver à acheter des périodiques devant un garçon qui avait essayé de coucher avec vous. Et pourtant, c'était lui actuellement qui baissait les yeux et se touchait le coin des lèvres d'un air nerveux. Calliopé ne l'avait jamais vu si gêné; et c'était plaisant à regarder. Il n'était donc pas toujours confiant et sur de lui, c'était bon à savoir. Derrière le coureur de jupons se cachait un petit coeur. Cependant, la jeune femme ne put longtemps en profiter. Elle ne fut pas surprise non plus quand le jeune homme reprit ses bonnes vieilles habitudes, se raclant la gorge; et lui demandant comment elle allait, de sa voix si séductrice. Oh, actuellement, elle n'allait pas très bien, et pour cause : elle n'avait qu'une seule envie, c'était de lui sauter dessus, et se contenir demeurait très difficile.« Hum ... ça va bien. Je bosse pas mal et j'ai pas beaucoup de temps pour moi ... Mais toi, tu n'aurais pas quelque chose à me dire ? » Elle lui montra du regard le rayon hygiène féminine, le rayon qu'il était en train de regarder quelques minutes auparavant. Bon, Calliopé savait très bien qu'il avait fait semblant de regarder le rayon pour lui parler, mais c'était plaisant de se jouer de lui. Et puis, de cette façon, elle cachait son malaise grandissant.« Bon, blague à part, je ne t'ai pas trop vu à l'Awesome récemment ? » En vérité, Calliopé ne s'était pas rendu dans ce bar depuis un long moment également. Elle avait du loupé beaucoup d'invitations à boire un verre avec ses copines à cause du boulot. Cependant, elle avait à chaque fois demandé à ses amies de faire le compte rendu de leurs soirées, pour vérifier si Pablo était là. Après avoir insisté, Calliopé avait réussi à leur faire avouer qu'il ne venait plus au bar. Calliopé n'aurait pas du vérifier, elle le savait; mais elle savait aussi que c'était plus fort qu'elle ... Elle avait besoin de savoir à chaque soirée loupée si elle n'avait pas loupé une occasion de voir le beau jeune homme qui lui procurait tant d'effet.
A vrai dire, la seule et unique raison pour laquelle Pablo s’était approché, c’était Calliopé. L’idée de regarder dans quel rayon elle se trouvait ne lui était même pas venue à l’esprit, et de tout façon ça n’avait aucune espèce d’importance. La seule vision de la jeune femme lui avait suffit à se réveiller, à retrouver la quasi-totalité de ses anciens réflexes et c’était tout ce qui comptait. Bien sûr, au moment où il avait enfin tourné la tête pour se retrouver nez-à-nez avec un étalage de protections hygiéniques, Pablo avait compris qu’il n’avait peut-être pas choisi le meilleur moment pour l’aborder. Mais dans tous les cas, il ne le regrettait pas. Avec ses histoires de repas, il était totalement à côté de la plaque mais préféra en rire. Le latino n’était d’ailleurs pas vraiment du genre à se formaliser ou à s’arrêter à ce genre de détails… Et il put constater avec une certaine satisfaction que Calliopé pensait la même chose que lui, puisqu’elle le provoqua gentiment à propos du rayon dans lequel il l’avait trouvée. Pour toute réponse, Pablo se contenta de lever les yeux au ciel en riant. En vérité, le jeune homme était de plus en plus confiant car il voyait bien qu’il ne perdait pas son temps. Lorsqu’il avait croisé Calliopé et qu’il avait tenté de la séduire la première fois, elle l’avait rembarré. Mais aujourd’hui, tout dans son attitude et son regard confirmait à Pablo qu’elle n’était pas si insensible que ça à ses charmes. Et cela lui apportait précisément le réconfort qu’il était inconsciemment venu chercher à ses cotés.
« Bon, blague à part, je ne t'ai pas trop vu à l'Awesome récemment ? » demanda-t-elle alors l’air de rien. Et aussitôt, le visage de Pablo se referma légèrement. Elle avait raison, totalement raison. Il n’avait plus fréquenté l’endroit depuis des lustres, parce qu’il avait préféré se morfondre seul dans son appartement ou dans son bolide qu’il aimait tant. Et tout ce qui lui tenait à cœur auparavant était devenu sans intérêt à ses yeux. « Je… ouais. Disons que j’ai été un peu débordé ces temps-ci… J’ai pas vraiment eu le temps de passer. » Pablo priait intérieurement pour que son mensonge passe discrètement, et qu’elle ne revienne pas sur le sujet, l’obligeant ainsi à lui donner de plus amples explications. « Y’a eu des soirées sympas dernièrement ? » se renseigna-t-il sans vraiment porter intérêt à la question, mais uniquement pour détourner l’attention de Calliopé.
Puis, le latino baissa les yeux en direction de son panier désespérément vide et poussa un long soupir en secouant légèrement la tête. « T’aurais pas une idée pour moi ? Une suggestion ? Ca fait longtemps que je n’ai pas fait de courses et là… j’ai vraiment plus rien à manger ! » Bien sûr, en lui demandant cela, un tas d’idées trottaient déjà dans la tête de Pablo qui afficha d’ailleurs un nouveau sourire des plus charmeurs, mais se garda bien de dévoiler quoi que ce soit de plus.
« Je… ouais. Disons que j’ai été un peu débordé ces temps-ci… J’ai pas vraiment eu le temps de passer. » Calliopé hocha la tête, comme si elle comprenait exactement ce que Pablo disait. En vérité, elle le trouvait un peu distant .. comme s'il cachait quelque chose. Et elle espérait du plus profond de son coeur que ce n'était pas une brune séduisante, fan de Formule 1. Calliopé savait que c'était un coureur de joupon mais elle savait aussi que les coureurs pouvaient arrêter tout leur petit jeu en rencontrant LA fille. Et elle espérait que Pablo n'avait pas rencontré SA fille. Elle n'était pas jalouse, non ... elle ne pouvait juste pas imaginer le beau brun avec une autre fille. Parce que cela la réduirait elle, à un misérable flirt. C'était ce qu'elle était, malheureusement. Mais elle ne pouvait pas se l'avouer ...
Elle redressa la tête, offrant son plus beau sourire. Après tout, si Pablo avait vraiment trouvé LA fille, il ne serait pas là, à lui parler. Elle se passa ainsi une main dans ses cheveux et le regarda. « Oh ... euh tu sais, depuis que tu ne viens plus, les soirées craignent un peu. » Venait-elle vraiment de dire cela à voix haute ? De suite, elle se sentit rougir. Elle venait en gros d'avouer que les soirées sans Pablo étaient pas si marrantes que ça; alors que lors de leur rencontre, quand il avait tenté de la draguer, elle lui avait soutenu que "elle n'avait pas besoin de lui et de ses techniques de dragues misérables pour passer une bonne soirée", fin de citation. Elle baissa alors de suite la tête, regardant son panier à elle remplis de quelques bricoles pour ses churros, puis celui de Pablo qui était totalement vide. « T’aurais pas une idée pour moi ? Une suggestion ? Ca fait longtemps que je n’ai pas fait de courses et là… j’ai vraiment plus rien à manger ! » Oh si, Calliopé avait plein d'idée. De la fraise, de la chantilly, le corps svelte de Pablo, ses lèvres sucrées, un soutien gorge en chocolat ... Elle s'emportait un peu trop loin dans ses fantasmes, là. Elle passa nerveusement sa main dans son cou, et regarda l'objet de ses désirs. « Hum ... je ne sais pas, je t'avoue que je suis un peu à court d'idée moi aussi ... »
La blondinette en avait marre d'être raisonnable. Tant pis, elle ne résisterait plus à ses avances. Ou du moins, plus aussi fermement. Si par hasard, mais vraiment par hasard, Pablo l'invitait à manger, elle ne dirait pas non. La vie était trop courte, elle venait de l'apprendre par le décès de sa grand-mère. Elle se devait de profiter des beaux garçons, de son corps de déesse avant qu'elle ne devienne ridée et grosse.
En abordant le sujet de l’Awesome, Calliopé ne s’était certainement pas douté qu’elle touchait en fait un point sensible. Car la seule et unique raison qui pouvait expliquer l’absence du latino au sein de l’établissement, c’était sa fille. Sa fille et la détresse qui avait découlé du fait qu’il « l’abandonne ». Mais bien évidemment la jeune femme n’était pas au courant de tout ça. Très peu de personnes l’étaient d’ailleurs, ce qui rendait d’autant plus incompréhensible l’attitude de Pablo ces derniers temps. Mais pour une fois, le jeune homme se fichait pas mal de ce que pouvaient penser les gens et préférait de loin les laisser parler plutôt que de leur expliquer les causes de son malaise. « Oh ... euh tu sais, depuis que tu ne viens plus, les soirées craignent un peu. » déclara la jeune femme en lui répondant. Et autant dire que cette réponse extirpa Pablo de ses pensées, dessinant un sourire au coin de ses lèvres. Le latino arqua un sourcil d’un air intéressé tout en posant son regard sur Calliopé. Et immédiatement, la teinte rosée qu’il distingua sur ses joues lui apporta un sentiment de satisfaction. Visiblement, les réflexions peu agréables auxquelles il avait eu droit lorsqu’il avait tenté sa chance avec elle n’étaient que des prétextes, des sortes de boucliers pour l’éloigner alors que son esprit lui criait le contraire. Et tout ça, c’était précisément ce que Pablo aimait voir chez une femme. « Ah oui ?! A ce point ? » fit-il en feignant d’être étonné. « Je devrais peut-être reconsidérer la chose alors… Je passerai un de ces jours… » Son regard était une fois de plus plein de sous-entendus, et il prit grand soin de ne pas lâcher sa « proie » une seule seconde. Pablo sentait bien que s’il voulait la faire craquer, c’était le moment où jamais. Et autant dire qu’il était inconcevable pour lui de laisser passer sa chance.
Pour cela, l’excuse de son panier vide et de son manque d’idées était toute trouvée. « Hum ... je ne sais pas, je t'avoue que je suis un peu à court d'idée moi aussi ... » Une fois de plus, la réponse de Calliopé était intéressante, mais le latino décida de ne pas en profiter tout de suite. Pour arriver à ses fins, il préférait en général faire durer le plaisir. Haussant les épaules d’un air faussement déçu, il répondit donc : « Oh… bon, tant pis. Je vais continuer, je trouverai bien quelque chose… C’était sympa de te revoir en tous cas ! » Pablo commença alors à s’éloigner d’elle, et il dut se mordre la lèvre inférieure pour ne pas se mettre à rire. Mais après quelques pas, le latino stoppa sa course et retrouva son sourire de séducteur pour faire volte-face et s’adresser à la jeune femme. « A moins que… » Là encore, suspense oblige, Pablo fit mine de réfléchir quelque secondes, puis replanta ses yeux dans ceux de Calliopé. « Tu as quelque chose de prévu ce soir ? »
Si Pablo voulait tenter quoi que ce soit avec Calliopé, c'était le moment. En effet, la jeune femme était très enclin à se laisser séduire. L'esprit de Noel ou juste une pulsion ? Elle ne savait pas trop mais dans tous les cas, il était sur qu'elle n'avait pas envie de repousser le jeune homme ce jour là. Surtout qu'il semblait tout faire pour faire craquer la jeune femme. Avec son petit sourire en coin, et son moment d'hésitation quand il affirmait qu'il reviendrait à l'Awesome ... Il avait vraiment tout pour lui, tout simplement. Calliopé tenta bien que mal de ne pas vaciller et de garder ses yeux plongés dans ceux de Pablo, ce qui s'avérait difficile. Il avait cette facilité pour intimider les gens en un simple coup d'oeil. Ou alors était-ce simplement Calliopé qui était bien trop faible face à lui ? La blondinette l'ignorait, mais elle savait dans tous les cas qu'elle devait se ressaisir, et ce même si c'était difficile. Elle ne pouvait pas devenir si accessible aux yeux de Pablo, non, pas si facilement. Elle avait bien plus de fierté que ça. Après tout, c'était lui qui la chassait : elle se devait de se faire désirer. Bon, elle savait que c'était dure, dans sa personnalité. Elle n'avait jamais fait courir un homme pour elle, en principe soit elle rembarrait directement le garçon, soit elle craquait et tombait dans ses bras. Mais, elle devait bien apprendre, après tout. Une femme fatale, c'était sexy. Ainsi, tandis que Pablo parlait, elle se força à regarder le rayon d'hygiène intime. Pas très sexy, ça ... mais elle n'allait tout de même pas faire semblant de continuer ses courses. Cela serait trop surjoué. Ainsi elle fit mine de réfléchir à la marque de protections qu'elle allait prendre, en posant la main sur son menton, tandis que Pablo continuait son jeu de regard sex. Cependant, une parole qu'il prononça l'interrompit dans sa comédie ridicule. « Oh… bon, tant pis. Je vais continuer, je trouverai bien quelque chose… C’était sympa de te revoir en tous cas ! » Elle l'avait donc fait fuir ? C'était vraiment la meilleure.
Sans qu'elle ne puisse dire la moindre parole, Pablo se retourna, panier à la main, désirant surement continuer ses courses. Tandis qu'il avait le dos tourné, Calliopé se tapa la main sur le front, se moquant de sa propre stupidité. Super, sa stratégie ... elle avait pourtant lu dans Femme Plus que les hommes aimaient les filles difficiles à obtenir. Elle devait vraiment se désabonner à ce torchon. Quelle honte pour une journaliste du Times ! En soupirant, elle se saisit de son propre panier, prête à se diriger vers la caisse, la mine dépitée. Il y a des mois, c'était Pablo qui lui courait après, et voilà que l'inverse se produisait ... Pourtant, au moment où elle commençait à fouiller dans son sac, cherchant de l'argent, le jeune homme se retourna vers elle, le sourire aux lèvres. Oh ?« Tu as quelque chose de prévu ce soir ? » La jeune femme ne put retenir un sourire. Femme Plus n'était peut-être pas si nul que ça finalement ... Quoi que, peut-être que Pablo avait fait semblant de partir, pour la stresser ? Elle ne le saurait jamais. Quoi qu'il en soit, peu importe la raison de ce retournement de situation si soudain, elle n'allait pas laisser passer sa chance. C'était Pablo Fernandez, tout de même. Ainsi, elle passa une main dans ses cheveux, et le regarda. « Je n'ai rien de spécial ... tu as une idée en tête ? » Calliopé croisa discrètement les doigts de sa main gauche.
Pablo avait bien du mal à dissimuler le plaisir qu’il éprouvait à retrouver ses vieux réflexes. Aussi, il dut profiter d’être tourné pour pouvoir sourire librement, et ainsi éviter d’éveiller les soupçons de Calliopé. Evidemment, elle allait bien finir par savoir où il voulait en venir, mais la faire mariner un peu avant faisait partie du jeu. Et dès l’instant où il vit la mine déconfite de la jeune femme en se retournant, le latino comprit que la partie était gagnée. Si elle réagissait de cette manière en le voyant partir, l’optique de passer la soirée à ses côtés allait forcément l’enthousiasmer et même mieux : la séduire. Néanmoins soucieux de garder le suspense jusqu’au bout, Pablo s’adressa à la jeune femme comme si de rien n’était, et lui demanda le plus naturellement du monde si elle avait quelque chose de prévu le soir même. Le sourire qui éclaira alors le visage de Calliopé obligea le latino à user de toutes ses forces pour ne pas se mettre à rire, ou du moins à sourire d’un air un peu trop benêt.
« Je n'ai rien de spécial ... tu as une idée en tête ? » répondit-elle immédiatement en passant une main dans ses cheveux. Pablo s’autorisa alors finalement un sourire, qu’il voulut évidemment des plus charmeurs. Il arqua ensuite un sourcil tout en continuant : « Hm… Faut voir… C’est pas impossible ! » Le jeune homme s’approcha alors tout près de Calliopé, et jeta un nouveau coup d’œil au fond de son panier. Il sonda rapidement la nourriture qui s’y trouvait, et esquissa une légère grimace en relevant les yeux vers elle. « J’ai pas vraiment envie d’aller au resto alors… Je peux t’inviter chez moi ? » finit-il par lâcher avec des airs de véritable gentleman. « Je ne te promet pas de te préparer un bon repas mais… on pourra commander quelque chose ! »
Pablo était sûr de l’effet qu’il lui faisait, et de la réaction que son invitation avait déclenché chez elle, mais comme pour enfoncer un peu plus le clou, il ajouta : « Enfin… si tu veux hein ! Je ne t’oblige pas… » Le jeune homme posa ensuite son panier complètement vide au coin du rayon, et flanqua ses mains dans les poches de sa veste, prêt à partir. Il commença par faire quelques pas, puis se retourna une nouvelle fois avec un regard rempli de sous-entendus en direction de Calliopé, avant de demander : « Tu me suis… ? »
Le cerveau de Calliopé réfléchissait à toute vitesse. Ou du moins essayait. La blondinette avait des tas de pensées qui lui traversaient la tête "J'ai mis quoi comme sous-vêtement aujourd'hui ?" "Et s'il fait cuire de la viande saignante, je fais quoi, je détéste ça ?" "Est ce que ma coupe de cheveux ne fait pas trop ringarde ?" "Va-t-il remarquer que j'ai perdu 2 kilos depuis la dernière fois où on s'est vu?" Des tas de futilités lui traversaient l'esprit mais la plus récalcitrante était "Et si il tente de coucher avec moi, qu'est ce que je fais ?" Tous ces doutes méritaient au moins 20 bonnes minutes de réflexion, néanmoins Calliopé savait qu'elle ne bénéficiait pas de ce temps là. Une offre de dîner avec Pablo, cela n'arrivait pas tous les jours, surtout en ce moment. Ainsi, elle comprit vite qu'elle avait peut-être laissé passé sa chance quand le jeune homme feint de partir. A nouveau, comme elle l'avait fait quelques minutes auparavant, la blondinette soupira contre elle-même. Heureusement, le beau jeune homme lui relança une perche « Tu me suis… ? ». Calli ne se gêna pas cette fois-ci pour la prendre, posant à terre son panier composé du nécessaires à churros, et le suivant dans les rayons du magasins.« D'accord ... par contre, je te préviens, on commande pas chinois. J'aime pas les baguettes. » En revanche, la blondinette aimait se faire mener à la baguette, et surtout par les garçons. Elle semblait se plaire dans cette situation, et ce jour là elle ne dérogeait pas à sa règle, cédant à Pablo, et lui offrant ainsi ce qu'il désirait depuis déjà quelques mois.
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