Apollinaria & Nathaniel

Nathaniel Carl Michael Windsor, prince de Kent, était de fort bonne humeur ce matin-là. Il n’était pas de garde à l’hôpital ce jour-là, sa relation avec Mélisandre avançait sur de bons rails et il faisait particulièrement beau et doux pour une journée d’automne. Il s’était levé relativement tard et avait pris son petit-déjeuner en lisant les dernières nouvelles du monde. Puis, il avait pris une décision : aujourd’hui, il allait rendre visite à Apollinaria. Il se sentait un peu honteux. Certes, il n’était à New York que depuis peu de temps et avait été occupé par une multitude de choses. Mais il aurait quand même pu trouver deux minutes pour l’informer de son arrivée par SMS ou mail. Pour Apollinaria, ce serait une surprise. Mais connaissant le tempérament de la grande-duchesse de Russie, il ne savait pas comment il serait accueilli : elle pouvait tout aussi bien se jeter dans ses bras que le gifler et le renvoyer d’où il venait.

Pourtant, Apollinaria et lui étaient de grands amis. Ils s’étaient rencontrés, des années auparavant, lors d’une soirée mondaine quelconque au grand-duché de Luxembourg, où la belle vivait alors. Nate l’avait tout de suite remarquée, tant par sa beauté que par la farouche détermination qu’il lisait sur son visage. Il s’était approché d’elle avec son sourire le plus charmeur et elle avait semblé répondre à son flirt, les premiers temps. Mais il avait vite compris que cela n’irait pas plus loin. Ils se ressemblaient trop. Et elle avait un petit ami, Alexandr, prince héritier de la couronne du Luxembourg, avec lequel elle venait de se fâcher. De fait, si Apollinaria avait semblée sensible au charme de Nate le premier temps, c’était pour rendre jaloux Alexandr. Nate aurait pu se sentir vexé ou blessé, mais il avait ri aux éclats quand il avait compris l’entourloupe. C’était exactement le genre de chose que lui-même aurait été capable de faire. À partir de cet instant, Apo (comme on l’appelait) et Nate devinrent de grands amis, à tel point que lorsque les deux tourtereaux décidèrent de se marier, l’année des 19 ans d’Apo, celle-ci demanda à Nate d’être son témoin. Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… C’est ce qui se dit dans les contes de fées et c’est ce qui aurait pu se passer, si, quelques semaines après les noces, Alexandr n’avait pas été assassiné. Nate se rendit aussitôt au palais grand-ducal pour soutenir son amie. Puis, elle partit quelques mois en Afrique et en Asie, et vint s’installer par la suite à New York. Mais ils ne se perdaient jamais vraiment de vue, s’écrivant et se téléphonant de temps en temps pour prendre des nouvelles. Et comme elle lui avait demandé d’être son témoin à son mariage, il lui fit la même proposition six mois plus tôt. S’il avait su, il ne lui aurait rien demandé, ce mariage ayant tourné au fiasco après qu’il ait été abandonné devant l’autel par sa promise…

Nate sortit de son immeuble et d’un pas guilleret, prit la direction de l’immeuble d’Apollinaria. Non seulement, il ne l’avait pas averti de son arrivée, mais en plus, ils habitaient le même quartier, puisqu’Apo vivait au 9 de Park Avenue et Nate au 15 ! Ils auraient pu se croiser bien avant, mais le monde ne semblait pas assez petit, finalement. Il s’arrêta devant un fleuriste ambulant, acheta un sublime bouquet de tulipes roses – Nate, en vrai gentleman, ne se montrait jamais chez une dame sans un présent – et reprit sa route. Arrivé au bas de l’immeuble, il dut forcer les barrages du vigile et du concierge, mais avec son titre et son éloquence, il arriva à ses fins et se dirigea vers les ascenseurs. Il sortit à l’étage où résidait Apo et frappa à la porte de son appartement. Il attendit quelques secondes. Quand la porte s’ouvrit, il ne laissa pas le temps à Apo de prononcer un mot et lui tendit les fleurs : « Devine qui vient s’installer à New York ?! »