❝ we're serious people doing serious stuff ❞

Yasmine adorait son métier ; parfois, elle se disait qu'elle avait abandonné son combat au front, en Syrie, mais d'un autre côté, elle se disait aussi qu'elle était tout aussi bien ici, à New York, où elle pourrait vraiment agir. De sa prison, pendant les mois qu'elle y avait passé, elle n'y avait ressorti qu'un livre, qui lui avait d'ailleurs permis de se faire embaucher dans des journaux et pour des chaînes de télévision sans qu'elle ai à passer par la difficulté de la vie de stagiaire & tout ce que ça impliquait. Non, Yasmine était surtout l'image d'une nouvelle génération de syriens et de syriennes, le nouveau visage d'une Syrie libre, et même si elle s'était un peu éloignée de son but premier ces derniers mois, en participant notamment à Dance with the Stars, elle n'en oubliait pas le sujet houleux de la situation politique de son pays, qu'elle ne manquait jamais de remettre sur la table lorsqu'elle en avait l'occasion. D'ailleurs, elle venait de terminer un nouvel article sur le sujet où le bilan des victimes était encore une fois accablant ; elle détestait être celle qui devait transmettre ces morbides nouvelles, mais elle savait que si ce n'était pas elle, peu de journalistes s'y risqueraient, préférant parler de l'arrivée du pollen à New York que d'affronter la terrible vérité en face. Yasmine détestait ces journalistes là, ceux qui ne parlaient que de ce qui était « correct » et qui osaient dénoncer le fait que ce blocage des aides était une véritable blague & qu'il était temps de prendre de véritables mesures contre l'abomination qu'était El-Assad. Contrairement à eux, Yasmine avait découvert un « jeune talent » comme elle aimait à la complimenter parfois, dans la personne de sa nouvelle stagiaire, Amelia Greenwood. Lorsque la jeune femme avait présenté sa candidature en affirmant qu'elle voulait être journaliste, qu'elle voulait être au cœur du sujet, qu'elle voulait faire bouger les choses & ne pas simplement servir des cafés & avoir l'air mignonne devant la photocopieuse comme elle le faisait dans son précédent journal, Yasmine avait très vite flairé que la jeune femme avait du potentiel, et son palmarès universitaire le montrait bien. Ce fut donc avec facilité que l'anglo-syrienne avait fait son choix & avait engagé Amelia, avec qui elle faisait un très bon travail. La jeune femme faisait encore des erreurs, bien sûr ! Mais Yasmine n'était vraiment pas du genre à la réprimander, plutôt à l'aider à corriger ses erreurs ; et puis, elle ne manquait jamais une occasion de l'emmener avec elle, de lui faire partager son expérience, de lui permettre d'apprendre sur le terrain... pour elle, c'était le plus important, tout ne pouvait pas être appris à l'école. « Amelia ? » demanda la jeune femme à travers la pièce en direction de l'extérieur, espérant que sa stagiaire soit bien à son bureau. « Tu peux envoyer ça au montage ? » lui demanda-t-elle une fois s'être levée et avoir rejoint le bureau où, effectivement, sa stagiaire s'apprêtait elle aussi à la rejoindre. « Je dois couvrir un braquage pour MNN Downtown, t'en es ? » demanda-t-elle, tout sourire ; elle savait que ça ne faisait pas partie de ses attributions, mais devinait également qu'Amelia était touche à tout & que le journalisme télévisé avait également tout son intérêt.

❝ we're serious people doing serious stuff ❞

Pour Yasmine, le journalisme n'avait pas été une passion, mais un but. Même si c'était vers cette filière qu'elle s'était dirigée dès le lycée terminé, c'était le combat sur le terrain qu'elle avait toujours voulu, la diplomatie directe, pas la simple information. En cherchant à obtenir le soutien des gouvernement du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient, Yasmine ne s'était jamais sentie aussi animée par la détermination. Et même si elle avait été enfermée pendant plusieurs mois et que beaucoup avaient tendance à oublier – même s'ils lisaient son livre – qu'elle avait vécu dans de terribles conditions pendant presque un an, cette épreuve n'avait fait que renforcer la conviction de Yasmine dans le combat qu'elle menait. Seulement, elle était lucide, elle savait qu'elle ne serait d'aucune aide si elle était morte. Alors, en se permettant de vivre (la détention lui avait fait comprendre à quel point tous les petits plaisirs se devaient d'être appréciés à leur juste valeur), elle avait repris ses études de journalisme et, à son sens, elle contribuait comme elle le pouvait à sa cause première, d'abord en faisant une promotion constante de son livre et de la censure dont il était victime dans les pays du nord de l'Afrique, du Proche et du Moyen-Orient, mais aussi en faisant son travail de journaliste, en mettant en avant sa propre personne pour que, lorsqu'elle avait quelque chose à dire, elle soit écoutée. Alors bien sûr, ça passait aussi par les histoires « mineures », qui n'avaient aucun rapport avec la Syrie et le régime terriblement odieux et inhumain d'El-Assad. « Avec plaisir. » Ravie que sa stagiaire soit de la partie, la jeune femme lui adressa un large sourire en enfilant son manteau avant de l'élancer en dehors des locaux du New York Times. « Il s’est passé quoi exactement ? » reprit la jeune femme. Yasmine regarda l'heure sur son portable avant de sortir les clefs de sa voiture de sa poche. « J'ai encore aucun détail, mais un appel à NYPD passé y'a à peine cinq minutes parle d'un braquage en cours dans la banque de NY Mellon, tout au sud de Manhattan. » déclara-t-elle en montant du côté conducteur, laissant à peine le temps à Amelia de fermer sa portière avant de s'engager dans la rue en direction de la pointe sud de Manhattan. « Toi qui fais des super photos, tu vas prendre l'appareil derrière. Quoiqu'il se passe, je veux un visuel, ok ? » lui demanda-t-elle, ravie de se rendre compte que d'avoir sa stagiaire avec elle était plein d'avantages, il suffisait d'un peu de confiance.