Le petit nuage sur lequel était perché Chris durant les jours qui avaient suivis son mariage avec Kat s’était rapidement dissipé lorsqu’ils étaient rentrés à New-York. En effet, ils avaient très vite été confrontés à la dure réalité, et aux réactions de leurs proches : en particulier de la famille O’Maley. Comme le canadien avait pu le prévoir, leur bonheur n’avait ravi absolument personne de leur côté et pire, il avait même eu une terrible incidence sur celle qui était désormais sa femme. Dans un excès de colère et d’indignation, les O’Maley avaient privé Kat d’à peu près tous les « privilèges » dont elle disposait de par son rang. Ne maitrisant pas spécialement ce domaine-là, Chris n’avait pas vraiment compris de quoi sa femme venait d’être dépossédée, mais il savait seulement qu’elle avait perdu gros. En effet, la jeune femme ne pouvait désormais plus compter sur aucune aide financière mais surtout : elle s’était vue forcée de couper les ponts avec sa famille. Même Ben, qui était tout de même son frère jumeau, n’avait visiblement pas su comprendre que ce mariage était une bonne nouvelle. D’ailleurs, ce dernier avait même quitté la maison qu’ils partageaient jusqu’à maintenant, laissant ainsi la place libre pour sa sœur et pour Chris. Mais malgré tous ces déboires, le plus important pour l’étalagiste était de se trouver auprès de sa femme, aux côtés de celle qu’il aimait et qu’il soutenait à travers toutes les épreuves qu’elle endurait.

Ce soir, la jeune femme avait néanmoins tout mis en œuvre pour leur changer les idées, et faire disparaitre cette atmosphère lourde qui régnait dans la maison. Avec les moyens du bord, elle avait préparé un petit repas des plus appréciables et au moment du dessert, elle se présenta fièrement armée de deux yaourts au chocolat. En la voyant agir ainsi, Chris ne put s’empêcher de rire en se saisissant de son yaourt pour l’entamer sans tarder. Il le termina d’ailleurs assez rapidement, et se lança ensuite dans une contemplation à peine dissimulée de Kat. « Tu t’es bien débrouillée, on devrait faire ça plus souvent ! » déclara-t-il en s’essuyant finalement la bouche dans sa serviette. « En tous cas, tu as fait mieux que moi le soir de notre première Saint Valentin… » ajouta-t-il avec un regard moqueur envers lui-même, en se remémorant le flop de ses premiers essais culinaires. Ce faisant, il se redressa pour commencer à débarrasser la table mais fronça soudainement les sourcils en stoppant sa mission. Son regard glissa jusqu’à Kat et un petit sourire se dessina au coin de ses lèvres alors qu’il murmurait : « On peut aussi débarrasser demain, non ? » Lentement, il attrapa les mains de la jeune femme pour l’inciter à se lever, et plongea immédiatement son visage au creux de son cou pour y déposer quelques baisers. Ses bras vinrent naturellement entourer sa taille et après quelques instants, Chris se détacha légèrement de Kat afin de pouvoir plonger ses yeux dans les siens. « C’est exactement le genre de soirée dont on avait besoin… tu es parfaite… je t’aime. » articula-t-il tout en rapprochant un peu plus leurs deux visages entre chaque mots.

Même si ça n’avait pas du tout été le cas le soir même, Chris s’autorisait aujourd’hui à rire de leur toute première Saint Valentin. Le jeune homme avait voulu tellement bien faire ce jour-là, qu’il s’était quelque peu emmêlé les pinceaux, et n’avait au final offert qu’une bien pitoyable soirée à sa belle. Du moins, c’est ce qu’il en avait pensé. Ajoutez à cela la rupture de sa sœur avec son petit ami de l’époque, suivie d’un énorme malentendu entre Kat et Anna… Oui, leur première fête des amoureux avait été plus que mouvementée, et c’est précisément pour cela qu’elle restait mémorable. Mais depuis ces quelques déboires, beaucoup de choses avaient changées. Chris était devenu bien plus confiant, et après un passage à blanc interminable, leur relation avait prit un nouveau tournant, officialisé tout récemment par ce mariage qu’ils avaient célébré à Las Vegas. Aujourd’hui, le canadien ne se voyait clairement pas vivre ans Kat, et malgré tous les problèmes qui rythmaient leur quotidien depuis quelques temps, il se sentait amoureux d’elle, plus que jamais. Alors autant dire que cette petite soirée qu’elle leur avait organisée lui faisait le plus grand bien, et Chris savait précisément de quelle manière il pouvait la faire finir en beauté.

Le regard rempli de sous-entendus, il proposa dont à Kat de garder la vaisselle pour demain, et se lança sans attendre à l’assaut de sa peau. Très vite, leurs lèvres se lièrent dans quelques baisers de plus en plus langoureux, pour la plus grande satisfaction du canadien. « Apprends-moi quelque chose que je ne sais pas... » murmura alors la jeune femme, faisant brusquement rouvrir les yeux de Chris qui les avait fermés comme pour mieux profiter du moment. Un sourire réflexe se dessina sur son visage alors qu’il glissait ses mains vers les fesses de Kat pour la soulever, et l’inciter à se laisser porter jusqu’au salon. En chemin, il lui offrit quelques baisers supplémentaires en murmurant : « J’ai déjà entendu ça quelque part… » Et pour cause ! Cette phrase était précisément celle qui avait tout déclenché le soir de leur première fois, à Louxor. Et le fait de l’entendre de nouveau éveillait en Chris tout un tas de souvenirs des plus délicieux. « Je ne vais peut-être rien t’apprendre cette fois mais… » Sans cesser de sourire, l’étalagiste déposa Kat sur le canapé avant de fondre de nouveau sur elle, puis de murmurer au creux de son oreille : « J’ai envie de toi, Madame O’Maley-Stanford… » Décidément, Chris ne se lassait plus d’évoquer ce nouveau nom de famille qui était pour lui tout un symbole. Les doigts du jeune homme glissaient sur la peau de Kat, passant de ses cheveux à sa nuque, puis à son cou où quelque chose lui fit relever la tête. Les souvenirs de Louxor dont ils venaient de parler lui avaient également rappelé un détail auquel il n’avait plus pensé jusqu’ici. Plantant son regard dans celui de la jeune femme, Chris demanda : « Tu ne mets plus ton collier ? » avant de déposer un énième baiser sur ses lèvres.

A la simple évocation de ces deux petites phrases qui avaient marqué leur première fois, Chris se sentit comme projeté dans le passé. A Louxor, là où les tourtereaux avaient vécu leur premier vrai voyage en amoureux, le canadien avait eu l’occasion d’en apprendre un peu plus sur celle qui était désormais sa femme. Elle lui avait montré la maison de son enfance, la tombe de sa mère, mais bien plus encore, elle lui avait fait découvrir le pays dans lequel elle était née. Tout comme Chris avait pu le faire quelques mois auparavant en l’emmenant à Yellowknife, Kat l’avait laissé entrer dans sa vie sans se poser de questions. Et malheureusement, le jeune homme n’avait pas su se montrer digne de cette confiance qu’elle lui avait accordée. Il avait suffit d’une soirée un peu trop arrosée pour qu’il perde complètement pieds, et qu’il trahisse la femme qu’il aimait sans envisager les conséquences que cela aurait sur leur couple. Et il s’en était mordu les doigts… Mais désormais, le canadien voulait se racheter, et prouver à Kat qu’elle avait eu raison de lui faire confiance à nouveau, qu’elle n’aurait jamais à regretter de l’avoir épousé. La seule chose qui lui tenait désormais à cœur était de la rendre heureuse. Et même si les circonstances actuelles rendaient sa mission un peu plus compliquée que prévu, Chris tentait de ne pas perdre espoir. Un jour, tout finirait par s’arranger, et les proches de Kat finiraient par accepter leur relation. Et de toute façon, il ne comptait pas leur laisser une seule nouvelle chance de l’éloigner de sa femme.

Chris prenait donc cette soirée comme une parenthèse, une occasion de s’éloigner de la réalité et de tous les problèmes qu’elle engendrait. En faisant basculer Kat sur son canapé, l’étalagiste eut la certitude qu’ils étaient tous les deux sur la même longueur d’onde… jusqu’à ce qu’il lui demande innocemment des nouvelles du collier qu’il lui avait offert. Là, il sentit une sorte de malaise chez la jeune femme qui expliqua qu’elle avait peur de l’abimer en dansant. Et avant même que Chris n’ait pu dire ou faire quoi que ce soit, elle renoua le contact entre leurs lèvres, d’une manière que le canadien trouva étrange. Comme si tout à coup, toute la douceur du moment s’était évaporée. Le jeune homme voulut protester mais en sentant les mains de Kat se glisser sous son haut, il n’eut pas le cœur de rompre ce baiser. Néanmoins, son esprit était désormais totalement ailleurs, réfléchissant à ce qu’il avait bien pu dire de mal qui aurait ainsi fait basculer la situation. Kat se faisait de plus en plus pressante, et Chris avait terriblement envie de continuer mais avant toute chose, il devait savoir. Alors, se reculant légèrement d’elle pour pouvoir la regarder dans les yeux, il fronça les sourcils et adopta un air à la fois inquiet et compréhensif. « Tu… ça va ? Qu’est-ce que j’ai dit ? » Même si elle essayait clairement de cacher son ressenti, le canadien connaissait trop bien Kat pour faire comme si de rien n’était et passer au-dessus de cette réaction des plus troublantes qu’elle venait d’avoir. « Ca a quelque chose à voir avec le collier ? » se risqua-t-il finalement, même s’il ne voyait pas exactement de quelle manière son collier pourrait ainsi faire retomber l’ambiance.

Sans même savoir ce qu’il s’était passé avec ce collier qu’il lui avait offert lors de leur séjour à Louxor, Chris sentit que sa question, aussi innocente soit-elle, allait lui attirer des ennuis. Et pourtant, il n’y avait a priori aucune raison à cela ! L’avait-elle perdu ? Même si c’était le cas, le canadien ne pouvait pas lui en tenir rigueur et au contraire, il prendrait plutôt cela comme une opportunité de lui offrir un nouveau cadeau. Mais les choses semblaient être bien plus compliquées que cela, et ses craintes se confirmèrent lorsque Kat tenta de faire comme si tout allait pour le mieux. Désormais, il la connaissait tellement bien qu’il pouvait lire et décrypter la moindre de ses mimiques, le moindre petit changement d’expression, qu’il soit voulu ou non. Kat avait déglutit, elle avait baissé les yeux et ses joues semblaient être sur le point de s’empourprer, signe qu’il l’avait mise très mal à l’aise malgré lui. Mais alors qu’il s’apprêtait à s’excuser et à reprendre les choses où il les avait laissées, Chris fut on ne peut lus surpris par la réaction plutôt brusque de sa femme. Le regard qu’elle lui décocha suffit à le convaincre de se taire, et même de s’écarter sans protester pour la laisser s’éloigner de lui et du canapé. « Et toi, c'est quoi ton problème ? Si t'as pas envie de moi, t'as qu'à le dire tout de suite et on va se coucher, la maison est bien assez grande ! » cracha-t-elle donc sans prévenir, laissant un Chris complètement interdit, assis seul au fond du canapé. Il avait beau chercher, essayer de comprendre ce qu’il lui passait par la tête, l’étalagiste ne semblait pas être en mesure de trouver la solution à son problème. Il la connaissait par cœur, mais parfois même cela ne suffisait plus.

« Enfin Kat ! Tu sais bien que c’est pas ça ! Et puis qu’est-ce qui te prend tout à coup ? Je demandai ça comme ça… T’as aucune raison de t’emporter ! » lança-t-il en se redressant, bien décider à élucider ce mystère qu’elle venait de dévoiler et auquel il ne s’était pas spécialement attendu. Lentement, il se rapprocha d’elle et effleura sa chevelure du bout des doigts, comme pour tenter de rétablir un contact mais aussi et surtout pour essayer de calmer Kat. Peu à peu, le canadien tirait un trait sur la douce soirée qu’il avait imaginée et qui leur aurait pourtant fait tant de bien. Une fois de plus, il venait de tout gâcher, même si pour le coup il ne l’avait en aucun cas cherché. En essayant d’adopter la voix la plus douce possible, Chris se risqua donc à renouer le dialogue et surtout, à chercher à comprendre les raisons de ce brusque retournement de situation. « Kat… Pourquoi tu réagis comme ça ? C’est juste un collier… » Le jeune homme marqua une courte pause, avant d’ajouter dans un soupir : « Qu’est-ce que tu ne me dis pas ? »

La réaction de Kat avait laissé Chris complètement interdit, regrettant presque d’avoir voulu en savoir plus sur la mystérieuse disparition de ce collier. Et pourtant, plus il la voyait se débattre, plus il avait envie de connaitre la vérité. Non pas qu’il soit sadique au point de vouloir à tout prix lui faire cracher le morceau, mais le canadien s’inquiétait simplement pour elle. Et en connaissant toutes les mésaventures qu’ils avaient d’ores et déjà traversées ensemble, il y avait clairement de quoi paniquer. Chris ne voulait pas la brusquer, mais il ne put s’empêcher d’insister. Et lorsque Kat rouvrit les yeux, il put y voir des larmes qu’elle tentait visiblement de retenir depuis un moment. Instinctivement il s’approcha un peu plus d’elle et, le visage marqué par l’inquiétude, caressa doucement l’épaule de la jeune femme comme pour l’inciter à continuer, et à tout lui expliquer.

« Rien, je... Je l'ai plus. J'ai plus le collier, voilà. » souffla-t-elle finalement en refermant les yeux. Comme il le craignait, Kat avait donc essayé de lui cacher le fait qu’elle n’avait plus le collier et quelle qu’en soit la cause, Chris était convaincu qu’elle avait eu de bonnes raisons de le faire. Il ne lui en voulait pas d’avoir essayé, bien au contraire. Cet aveu lui apportait tout à coup la certitude que quelque chose de grave était arrivé, et les mots de Kat ne tardèrent pas à venir confirmer les inquiétudes de son mari. « C'est tout. Et s'il te plaît... S'il te plaît. Ne me demande pas pourquoi ou comment. » Le regard qui accompagna les paroles de la jeune femme vint saisir Chris, qui sentit immédiatement son cœur se serrer. Pendant quelques instants, il baissa même les yeux pour ne plus avoir à le supporter, mais ne s’éloigna pas de Kat pour autant. « Tu… tu peux pas me demander ça… Pas après avoir essayé de me le cacher… » Chris soupira, sans trop savoir comment il devait s’y prendre pour ne pas la faire fuir ou la laisser s’emporter contre lui une fois de plus. « Ecoute… Tu sais que je peux tout entendre hm ? Je ne peux pas te laisser dans cet état-là sans comprendre Kat…» Il leva à son tour un regard des plus suppliants vers elle, tout en reprenant les caresses qu’il appliquait sur son épaule. « Et puis… on est mariés maintenant. On est censés tout se dire, non ? S’il-te-plait… j’ai besoin de savoir ce qu’il s’est passé… » Chris était bien conscient que si elle ne lui disait rien, cette histoire allait le hanter pendant des semaines et même des mois, et qu’il finirait par échafauder les pires scénarios dans sa tête. Alors même si c’était douloureux pour elle, il voulait tout savoir. Il n’était d’ailleurs pas persuadé de pouvoir faire quoi que ce soit pour l’aider à se sentir mieux vis-à-vis de ça, mais en ayant tous les éléments en main, Chris ferait de son mieux : elle se devait de lui faire confiance pour cela.

Tant bien que mal, Chris tentait de rassurer la jeune femme, et ce dans un but bien précis. Bien sûr, il ne supportait pas de la voir dans cet état, mais il brûlait surtout d’envie de connaître les raisons de ce malaise. D’ailleurs, il se connaissait trop bien pour savoir qu’il n’abandonnerait pas même si elle le lui demandait. Le canadien ne pourrait clairement pas tirer un trait là-dessus en se disant que tout allait bien, puisque ce n’était visiblement pas le cas. Alors même si son insistance pouvait paraitre déplacée, Chris ne comptait pas laisser Kat toute seule dans cette histoire qui semblait la dévaster. Et pourtant, quelque chose interpellait l’étalagiste. Ces évènements dont il ne connaissait pas encore la teneur avaient l’air importants, même graves à en croire la réaction de Kat. Et jusqu’ici, il ne s’était douté de rien, et n’avait absolument pas soupçonné qu’elle puisse lui cacher quelque chose d’aussi énorme. Et c’est précisément ce « détail » qui le poussait à se montrer têtu alors que Kat rêvait certainement qu’il se taise. « Tu peux tout entendre, mais tu veux pas entendre ça... Et je veux pas le raconter, pas encore, c'est... du passé. Je retrouverais un collier pareil, je retournerais à Louxor s'il le faut. » souffla-t-elle d’ailleurs, en tentant visiblement de réorienter la conversation vers le collier qui avait tout déclenché…

… en vain. Chris n’était pas dupe, et il se doutait bien que l’occasion d’aborder le sujet n’allait pas se représenter de si tôt. Alors, il prit un air bien plus dur que ce qu’il l’était jusqu’à maintenant et sans vraiment le vouloir, adopta un ton des plus fermes. « Kat, je ne parle plus du collier, et toi non plus. Je veux savoir ce qu’il s’est passé. » Lui qui n’avait pas voulu la brusquer jusque là sentait son calme le quitter peu à peu, laissant place à une inquiétude grandissante, et donc à un certain empressement. Mais en sentant qu’il devenait un peu trop dur, le canadien s’empressa de fermer les yeux et soupira longuement en serrant la mâchoire. S’il voulait que leur discussion aboutisse, il devait à tout prix éviter que Kat se braque comme elle avait tenté de le faire lorsqu’il avait abordé le sujet du collier. En s’efforçant donc de paraitre plus calme, il expliqua : « Ecoute, tu sais tout aussi bien que moi que je ne pourrai pas rester comme ça sans savoir… Je ne veux pas te laisser seule là-dedans, quoi qu’il soit arrivé. Tu dois m’en parler Kat, je te le demande. Même si c’est dur… » Chris avait braqué son regard dans celui de Kat et attrapé ses mains, comme pour donner plus de sens à son discours. Il voulait qu’elle comprenne qu’il était là pour elle, et que même s’il s’acharnait contre sa volonté, ce n’était que pour mieux l’aider et la réconforter lorsqu’il connaitrait la vérité.

Chris pouvait peut-être paraitre cruel et son acharnement déplacé, mais l’inquiétude qui l’étreignait avait tendance à lui faire oublier tout le reste. Le canadien ne laissait absolument pas le choix à Kat et il était bien conscient qu’il prenait un risque en lui imposant cela. Comme elle l’avait déjà fait auparavant, la jeune femme pouvait très bien se braquer et couper court à leur discussion en se dérobant. Mais les choses semblaient si graves que Chris n’aurait certainement pas supporté d’être tenu à l’écart de tout ce qui avait bien pu lui arriver. « C'était... en Namibie. » lâcha-t-elle finalement, même si l’épreuve était visiblement des plus douloureuses. Kat marqua une pause enfermant les yeux, mais ne tarda pas à livrer la suite de son récit. Et plus son histoire avançait, plus la mine de Chris devenait grave. Il avait l’impression de s’être imaginé tous les pires scénarios possibles et pourtant, à aucun moment le canadien n’avait songé à un enlèvement. Cette hypothèse lui paraissait presque irréelle, et le fait que Kat ne lui en ait pas parlé plus tôt semblait impensable. Et pourtant, aux vues de l’émotion que son récit provoquait chez elle, la jeune femme disait bel et bien la vérité. Immobile, Chris l’écoutait en silence sans trouver la moindre phrase, le moindre mot qui pourrait la rassurer et la calmer. Lui-même étant totalement abasourdi par la révélation qu’elle venait de lui faire, il avait un peu de mal à remettre ses idées en place.

« Kat… c’est… c’est horrible… Est-ce qu’ils t’ont fait du mal ? » s’inquiéta-t-il brusquement après un long moment de silence. « C… comment tu es sortie de là ? Est-ce que tu as du t’enfuir ?! » Bien conscient qu’il la bombardait de questions alors qu’elle était au plus mal, Chris se mordit la lèvre inférieure d’un air gêné. Lentement, il s’approcha de Kat tout en caressant ses cheveux puis, n’y tenant plus, la serra dans ses bras en déposant un baiser sur son front. Et alors qu’il la tenait tout contre lui, l’étalagiste tentait en vain de s’imaginer quel genre d’individus avait pu vouloir l’enlever, elle et ses collègues. A vrai dire, il n’avait aucune idée des conditions dans lesquelles Kat avait vécu en Namibie, et ce parce qu’ils n’en avaient quasiment pas parlé ensemble. Et aujourd’hui, Chris comprenait pourquoi elle avait préféré tenir tout cela sous silence. Il comprenait, mais se sentait à la fois un peu blessé qu’elle n’ait jamais daigné lui parler de tout ça. Bien sûr, c’était dur pour elle et le simple fait d’évoquer ces souvenirs était certainement quasi-insupportable. Mais après tout, Chris était désormais son mari et il se sentait soudain complètement mis à l’écart d’une partie de la vie de Kat. « Tu aurais du m’en parler avant Kat… » murmura-t-il d’une voix qui marquait clairement sa contrariété, sans même qu’il n’ait tenté de la masquer.

Même les pires situations que Chris s’était prit à imaginer n’avait rien en commun avec le récit que Kat venait de lui faire. Il aurait voulu ne pas la croire, penser qu’elle racontait des histoires tout droit sorties de son imagination et pourtant, le canadien savait qu’il n’en était rien. Il lisait dans son regard la profonde tristesse qui l’étreignait, et se sentait totalement impuissant face à cela. Bien sûr, il pouvait toujours essayer de la consoler et de la rassurer, mais il n’avait pas vécu ce qu’elle avait vécu en Namibie. Il ne pouvait qu’avoir une vague idée de ce qu’elle ressentait, et n’avait donc aucune légitimité à vouloir la réconforter. Aussi, Chris ne chercha pas à retenir Kat lorsqu’elle se détacha une nouvelle fois de lui. Au contraire, il se contenta de l’écouter et de la regarder sans esquisser le moindre geste, sans prononcer le moindre mot. L’épreuve que constituait le fait de raconter toute cette histoire pour Kat semblait déjà assez pénible comme ça, et l’étalagiste ne voulait en aucun cas la couper ni même la brusquer. Pourtant, il était envahi d’une sorte d’empressement mêlé de crainte, qui l’obligeait à lutter contre lui-même pour ne pas la bombarder à nouveau de questions.

Kat disait ne pas vouloir que qui que ce soir apprenne son histoire et pourtant, Chris devinait aisément qu’elle était beaucoup trop lourde à porter seule. Alors même si ça lui faisait mal, il était en quelque sorte satisfait de pouvoir être l’oreille à laquelle la jeune femme se confiait, bien qu’il ait du la pousser à bout avant qu’elle ne daigne le faire. Après un court silence, Kat continua donc son récit en n’épargnant aucun détail. Le canadien apprit donc qu’elle avait connu Narmer pendant ces évènements dramatiques, qu’elle avait du se cacher dans la forêt pendant plusieurs jours, et ainsi mener une vie à mille lieues des habitudes qu’elle avait à New-York. Mais plus on récit avançait, plus la gorge de Kat semblait se nouer et chaque mot supplémentaire était un véritable supplice pour elle, ainsi que pour Chris qui avait l’impression de souffrir avec elle. Bien sûr, sa douleur n’était en rien comparable à celle de la jeune femme mais son cœur se serrait un peu plus à chaque nouvel aveu. Soudain, le silence se fit dans la pièce, mais le canadien n’osa pas bouger ni même parler, laissant ainsi le temps qu’il fallait à Kat pour retrouver un peu ses esprits. Mais au lieu de ça, elle sembla brusquement s’emporter en s’exclamant : « Il faut rétablir les circonstances ! Je pensais que j'allais mourir, qu'on allait tous mourir... Il... » Chris, qui pensait l’histoire terminée, fronça les sourcils sans comprendre et porta sur son épouse un regard médusé. « Il allait tuer Narmer, alors... je l'ai tué avant... je l'ai tué... » Cet ultime aveu eut l’effet d’une bombe dans l’esprit du canadien qui entrouvrit la bouche sans même s’en apercevoir. Son regard était braqué sur Kat alors qu’il se répétait intérieurement sa phrase comme pour mieux en saisir le sens, comme pour mieux se convaincre qu’il avait bien entendu. « Quoi ? » laissa-t-il échapper bien malgré lui. « Tu veux dire que… » Incapable de s’imaginer que sa femme puisse faire une chose pareille, Chris ne trouvait même plus les mots pour lui demander clairement d’autres explications. Et même s’il ne voulait pas le montrer pour ne pas la décevoir, le regard qu’il portait sur elle se fit soudain plus distant, presque méfiant. Aussi, en se rendant compte de cela, Chris s’empressa de baisser les yeux et les ferma même quelques instants comme pour assimiler toutes les informations qu’on venait de lui livrer. « Qui ? Qui est-ce que tu as… tué ? » balbutia-t-il, en ne croyant même pas qu’il puisse réellement poser une telle question à Kat.

Chris tombait de haut. Il lui semblait connaître sa femme par cœur et pourtant, à aucun moment il ne s’était douté qu’elle lui cachait une telle chose. En s’imaginant Kat dans la situation qu’elle venait de lui décrire, le canadien se sentait à la fois profondément triste, mais aussi trahi. C’était peut-être étrange, mais le fait qu’elle ne lui ait rien dit lui apparaissait presque comme un affront, un manque évident de confiance alors qu’elle savait qu’elle pouvait compter sur lui en toutes circonstances. Pour autant, Chris n’osait pas faire part de ses réflexions à al jeune femme, de peur de la blesser ou de la chambouler encore plus qu’elle ne l’était déjà en se replongeant dans ces souvenirs tout sauf agréables. Alors, l’étalagiste se contenta d’écouter Kat parler et tenter de justifier son geste par tous les moyens. De nouveau, il put entrevoir quelques larmes couler sur les joues de Kat et en voyant ses doigts trembler, il ne put s’empêcher de les saisir délicatement. Même si au fond de lui il lui en voulait pour tout ça, la volonté de la réconforter prenait le dessus sur tout le reste, et poussait Chris à se montrer le plus tendre et le plus délicat possible pour tenter d’apaiser la douleur de sa femme.

L’histoire de Kat était aussi incroyable que brutale et malgré tous ses efforts, le canadien avait bien du mal à imaginer cette fille qu’il connaissait si bien dans le rôle de celle qu’elle lui décrivait. Alors qu’il essayait de capter son regard pour la rassurer, Chris constata que la jeune femme mettait tout en œuvre pour éviter de croiser le sien. Alors, sans lui laisser le choix, il s’approcha d’elle pour la prendre dans ses bras et la serrer contre lui de toutes ses forces. De cette manière, il voulait lui prouver qu’il était là, mais aussi et surtout tenter de masquer son propre malaise. Car plus que jamais, une multitude d’idées se bousculaient dans son esprit, si bien qu’il ne savait absolument plus quoi penser ni comment se positionner face à tout ce qu’il venait d’apprendre. Mais plus il y pensait, plus la frustration de ne pas avoir été mis au courant plus tôt l’emportant sur tout le reste. Depuis des mois entiers elle lui avait caché cette histoire. Pendant ce temps, ils s’étaient remis ensemble, avaient appris à s’accorder la même confiance qu’auparavant et surtout : ils s’étaient marié, se promettant ainsi fidélité et soutien pour l’éternité. Et alors qu’il croyait tout savoir, Chris découvrait brusquement une nouvelle facette de Kat, une facette qu’il n’avait jusqu’alors même pas envisagée.

Alors qu’il la tenait toujours contre lui en caressant doucement son dos, le jeune homme stoppa ses mouvements et, n’y tenant plus, se risqua à reprendre la parole : « Kat… je me doute que tout ça n’a rien de facile mais… pourquoi tu ne m’en as pas parlé avant ? Je… si je n’avais pas demandé pour le collier, tu aurais continué à me cacher ça longtemps ? » Chris était hésitant, mais il avait besoin d’explications. Même s’il se doutait que Kat ne partagerait certainement pas son point de vue, il ne voulait pas commettre la même erreur qu’elle et accumuler les non dit qui finiraient forcément par ressortir un jour.

Dans un sens, le fait que Kat lui ait « menti » à propos de ce qu’il s’était réellement passé en Namibie le blessait. Mais plus il y pensait, plus Chris comprenait qu’elle ait voulu tenter d’oublier cette histoire par tous les moyens. Et le fait de la voir dans cet état-là n’arrangeant rien, il se trouvait totalement incapable de lui en vouloir. Peut-être qu’une certaine amertume finirait par le gagner dans quelques temps mais pour l’heure, la seule chose qui comptait aux yeux du canadien était de rassurer et surtout de consoler sa femme. Alors même s’il avait laissé échapper une question qui trahissait toute son incompréhension, Chris voulait prouver à Kat qu’elle avait bien fait de lui parler. En aucun cas il ne comptait la voir différemment car quoi qu’il arrive, elle était et resterait sa femme. Le canadien était tombé amoureux d’elle sans vraiment s’en apercevoir, sans y avoir été préparé. Et malgré toutes les épreuves qu’ils avaient eu à traverser à deux, il avait l’impression de voir l’amour qu’il lui portait grandir un peu plus chaque jour. Au fond, Chris savait que leur couple pourrait faire face à n’importe quel évènement, et qu’il finirait toujours par se relever. Cette constatation était d’ailleurs une immense satisfaction, et même un soulagement qui confortait le canadien dans son idée de vouloir finir sa vie auprès de Kat quoi qu’on puisse bien en dire, et quoi qu’il se passe.

Peu à peu, la jeune femme s’éloignait de Chris et au moment où elle se saisit de ses mains, l’étalagiste en profita pour les serrer, lui montrant ainsi une énième fois qu’il était là pour la soutenir. « Je voulais pas que tu me vois comme... une meurtrière. » souffla-t-elle alors que le canadien fronçait les sourcils. Mais il n’eut pas le temps de répondre que déjà, Kat reprenait ses explications, lui assurant qu’elle avait bel et bien confiance en dépit de ce que laissait transparaître la situation. Sans la quitter des yeux, Chris la laissa finir en l’écoutant attentivement, caressant ses mains du bout des pouces jusqu’à ce qu’elle détourne le regard en étouffant un sanglot. N’y tenant plus, le jeune homme se rapprocha de nouveau d’elle pour la serrer contre lui le plus délicatement possible, tout en déposant plusieurs baisers sur ses cheveux. « Kat, je ne te verrai jamais comme une meurtrière… Je te connais par cœur, et je sais bien que ce n’est pas toi ! » articula-t-il d’un ton rassurant. « Je ferai tout pour t’aider à oublier d’accord ? Il faut laisser faire le temps, mais si je peux faire quoi que ce soit pour t’aider… » Chris marqua alors une pause pour se reculer et chercher le regard de Kat, avant de murmurer : « Je suis là. » en caressant sa joue, et en profitant pour essuyer les larmes qui y coulaient encore.