Le choc ! « Tu trouves que je suis mal habillée ? » demanda Quinn, à la limite de la panique. Bien sûr qu’elle avait de beaux sous-vêtements, c’te bonne blague ! Elle en avait fait commande à C’ian quelques semaines plus tôt et celle-ci s’était appliquée à lui faire les plus beaux ensembles qui soient. Mais le lieutenant McNamara semblait d’humeur à faire du shopping, pour un prétexte fumeux qui lui fit froncer légèrement les sourcils avant qu’elle ne prenne tout de même sa veste et son sac à main. « Je suppose que je ne suis pas si mal fagotée ni si désagréable puisque le capitaine me trouve à son goût mais je te suis » fit-elle, coopérative. Elle suivit en silence Jeremiah jusqu’à sa voiture, curieuse de savoir pourquoi il voulait quitter la brigade dans un moment pareil et surtout curieuse d’en connaître la raison finale. « Tu sais, si tu voulais quitter la brigade, inutile d’inventer un prétexte, tu pouvais juste me le demander… » lança-t-elle au bout de quelques minutes de silence, alors qu’ils étaient en route pour un soit disant centre commercial. « Mais j’oubliais, tu ne fais jamais les choses comme le commun des mortels. Ceci étant un autre œil masculin n’est jamais mauvais. Prie juste pour que le capitaine ne soit pas au courant… je n’ai pas spécialement envie qu’il te refasse le portrait en prime ! » Gentille. Voilà le mot qui pouvait décrire au mieux Quinn et ses foutues habitudes de toujours voir le bon chez son prochain… et uniquement le bon à vrai dire.

« Je suis un peu mieux qu’un sac poubelle j’espère » plaisanta-t-elle, non pas par vexation mais plus histoire de rentrer dans le jeu de son lieutenant de collègue. Il valait mieux avoir un sacré sens de l’humour et du second degré en sa présence, sans quoi on était bon pour la dépression, purement et simplement. « Soit, admettons. Vous ne jouez pas dans les mêmes trous, je suis bien gaulée – enfin si vous le dites – mais j’avoue ne pas réussir à suivre : vous êtes plutôt musique classique ou voisine de pallier ? » le provoqua-t-elle ouvertement mais uniquement parce qu’il l’avait cherché et il n’y avait pas l’ombre d’une méchanceté dans son discours, bien au contraire. Son petit rire le prouva d’ailleurs aisément bien qu’elle ne manqua pas de redevenir sérieuse sitôt qu’il eut craché sa valda. « Mais c’est une merveilleuse nouvelle Jeremiah ! Je comprends mieux votre désir de discrétion et n’ayez crainte, je vais méditer l’adage « muet comme une tombe » mais j’ai peur de ne pas saisir pourquoi vous avez besoin de moi… à moins que… vous souhaitez que je vous accompagne ? » Quinn étant une véritable mère Theresa incarnée, il pouvait lui demander tout et n’importe quoi, si elle était en mesure de le faire, elle n’hésiterait pas une seconde. Pire, elle se ferait un plaisir que de lui tendre la main dans cette épreuve, et le sourire adorable qu’elle lui lança en fut une nouvelle preuve. Aucune pitié… juste de l’encouragement sincère et une foi en lui de l’étant pas moins.

« La musique est une… personne ? » osa-t-elle demander, non sans ponctuer sa question d’un petit sourire. Oh Jeremiah allait très certainement l’envoyer péter mais cela faisait belle lurette que Quinn ne s’en formalisait plus. Avec le recul, elle avait tendance à prendre ses « joutes verbales » avec le lieutenant comme un entrainement pour supporter les remarques désobligeantes de ses autres collègues, nettement plus sournoises et mauvaises que celles de son actuel interlocuteur. « Je sais, tu vas dire que cela ne me regarde pas, mais tu chantonnes toujours la même musique classique depuis deux bonnes semaines… au point que j’ai fini par la chantonner moi aussi ! » s’amusa-t-elle avant de ne reprendre aussitôt : « Ca ne veut pas forcément dire qu’elle a « retrouvé son cerveau » il ne faut pas voir tout en noir… si cela se trouve, elle était pressée et tu auras très prochainement des nouvelles d’elle ! Lyanna elle-même me l’a dit : on ne couche pas avec ce type sans que ça laisse sa marque, et je ne fais que la citer. » Il allait sans dire que Quinn n’avait aucune espèce d’intention de tester et puis de toute façon, cela ne la regardait pas, c’était juste histoire d’en causer… de son côté, loin d’elle l’envie de parler de sa vie sexuelle avec le capitaine de son cœur, c’était proprement hors de question ! « Gamine ? Je te signale que nous n’avons que trois ans de différence si ma mémoire est bonne… et puis tu es pessimiste, moi optimiste et je pense qu’à nous deux ça peut faire une bonne moyenne. Je veux bien t’accompagner si c’est ce que tu attends de moi… ou si ce n’est pas le cas, dis-moi en quoi puis-je t’être utile. »

« Donc tu te sens mieux en sachant que j’ai cette chanson dans la tête ? J’aurais peut-être dû te le dire plus tôt, alors… » ironisa Quinn sans l’ombre d’une hésitation avant de n’éclater purement et simplement de rire en obtenant de nouveaux détails sur la vie de Lyanna. Ce n’était pas faute d’avoir fait de nombreuses soirées confidences en compagnie de l’italienne mais fondamentalement, elle était restée très discrète sur ce qu’elle avait vécu en compagnie de Jeremiah. Sûrement parce qu’il se trouvait être un collègue de Quinn ET de Caine, et qu’il valait donc bien mieux éviter pour la santé mentale de tout le monde. « C’est drôle, je ne t’aurais jamais imaginé en train d’envier Caine… ceci étant ils ont fait plus que remettre le couvercle, Lyanna est enceinte. Elle s’est beaucoup confiée à moi et même si mes rapports avec le lieutenant McDouglas ne sont pas vraiment au beau fixe… je suis contente de savoir que j’ai pu les aider à se rabibocher. C’est tout ce qui m’importe » fit-elle en toute sincérité car elle les trouvait tellement mignons tous les deux qu’il aurait été criminel qu’ils se séparent pour de bon. « Jusqu’ici le capitaine ne s’est jamais plaint car après tout l’important ce n’est pas ce qu’il y a en surface… je croyais que tu en avais eu un aperçu, tu m’as même remerciée pour cela si ma mémoire est bonne ! Mais soit, tu me donnes des conseils et je suis ton garde pour ce que tu sais… mon vieux. »

« Pour se délecter de ce genre de choses, il faut le mériter ! Ton attente est ainsi récompensée ! » reprit-elle sur un même ton tandis qu’elle peinait presque à imaginer Lyanna dans une relation avec Jeremiah. A vrai dire, elle n’imaginait personne avec le lieutenant, celui-ci étant tellement solitaire et bourru qu’elle ne parvenait décidément pas à l’imaginer autrement. Mais ma foi, peut-être que dans un moment plus personnel… non, elle ne voulait même pas avoir, par peur de ne faire d’insupportables cauchemars d’un même temps ! « J’essaye de parler à Caine mais il m’évite… alors je lui laisse du temps. Viendra forcément un moment où il acceptera de me reparler, du moins je l’espère » reprit-il d’un ton légèrement plus attristé car elle tenait à son amitié avec son coéquipier et celle-ci lui manquait bien au-delà des mots. Surtout qu’elle n’avait même pas eu l’opportunité de lui dire qu’elle attendait une petite fille avec le capitaine de son cœur… « Oh mais je suis très douée pour faire la blonde, aucune crainte à avoir ! » s’exclama-t-elle alors que Jeremiah se garait justement sur le premier parking qu’il trouva en vue sans doute de la faire entrer dans les magasins les plus improbables possibles. « En plus du fait que tu m’as fait hautement baliser rien qu’à imaginer que des midinettes ne veuillent draguer le capitaine, j’ai bien l’impression que je vais avoir du mal à être autre chose que… ce que je suis déjà à vrai dire ! »

« Quel cynisme efficace ! Mais tu n’as pas tout à fait tort, les fleurs arrivent à apaiser toutes les tensions… ne me regarde pas comme ça, le capitaine ne m’en a offert qu’une fois, et je pense que si tu réfléchis tu trouveras à quand ça remonte. » Après tout, cet idiot de Jeremiah lui avait envoyé par message toutes les photographies de Léo en nu artistique… et l’épisode de l’offrande de fleurs remontait justement à ce moment là. Mais pas sûr que le lieutenant s’en souvienne rien qu’avec les détails qu’elle venait de lui donner, vu que leur discussion précédente n’y faisait absolument pas référence à la base. « Comment ça accumulé les prétendants ? Il n’y avait qu’un idiot pour me coller à l’arrière train, il n’y en avait pas quinze, qu’est-ce que tu vas chercher ?! Hormis le père de mon fils mais celui-là ne voulait pas me récupérer, il voulait m’emmerder et récupérer mon fils. » La première réaction qu’eut Quinn en pénétrant dans le premier magasin fut de soupirer. Elle détestait décidément faire du shopping, c’était plus ou moins de notoriété publique et ce n’était pas pour rien : la foule lui donnait des sueurs froides, les essayages des nausées et… le simple fait d’avoir à dépenser une fortune pour des vêtements l’agaçait, elle qui ne roulait pas sur l’or à vrai dire. « Et bien… le plus intelligent serait de commencer par les sous-vêtements, mais en ai-je vraiment besoin ? Et puis ne le prend pas mal, mais je n’ai pas forcément envie de défiler en petite tenue devant toi ! »

« Dois-je comprendre que tu as fais beaucoup de bourdes avec ta femme pour avoir carrément une carte de fidélité chez un fleuriste ? Je ne pense pas que ce soit le cas de Léo mais il faut dire que nous ne nous engueulons pas souvent… c’était la seule vraie fois ai-je envie de dire, même si je sais qu’il y en aura d’autres, bisounours n’est pas complètement mon second prénom. Mais ce n’est pas tant que cela m’avait amusée… c’est juste que comme beaucoup de gens, je ne sais pas dire non à Lyanna. Ceci étant je dois admettre que Léo était sexy avec ses clubs de golf, même s’il refuse d’en reparler tant ça lui rappelle sa gueule de bois » avoua-t-elle d’un air à la fois gêné et amusé, sentant qu’il serait mal avisé qu’elle soit muette comme une carpe étant donné qu’elle se trouvait en face de l’expert ès potins par excellence. Chose qui ne l’empêcha pas d’éclater de rire rien qu’à imaginer Léo crever les yeux de Jeremiah avec son stylo à plume si elle défilait pour lui… « Je te rassure, loin de moi cette envie, je n’arrive déjà pas à le faire devant Léo alors devant toi c’est absolument hors de question ! » Même si elle se prit rapidement au jeu, esquissant un petit sourire amusé tout en choisissant plusieurs jupes d’une couleur la mettant en valeur : du rouge, du bleu roi et du blanc. Rien de noir qui puisse lui donner l’impression de se rendre à un cimetière. Elle aimait cette couleur mais quitte à faire du shopping, autant changer ! « M’envoyer en l’air dans le bureau du grand patron ? Est-ce moi ou tu connais très mal Léo ? Il refuserait catégoriquement par principe, surtout depuis qu’on nous a en quelque sorte surpris après notre première fois dans la douche au commissariat… heu je ne t’ai pas confié ça et surtout tu passes outre à défaut d’oublier, vu ? »

« Je ne vois pas ça de la même façon. Ta femme a pardonné tes autres histoires mais ce n’est pas forcément la bouteille qui l’a fait partir… peut-être qu’elle s’est dit qu’elle ne serait pas de taille à rivaliser et que pour son propre bien, elle a abandonné la bataille. Du moins c’est comme ça que je l’interprète. » Même si de son côté, Quinn savait par avance qu’elle ne pourrait pas pardonner à Léo la moindre aventure extraconjugale, c’était impossible. Oh elle n’avait pas un tempérament vengeur, elle abandonnerait juste la lutte sans se battre, mais le pardon n’était pas envisageable une minute pour autant. « C’est vrai, il a dit ça à toutes les femmes étant venues le séduire ? Je ressens un mélange de contentement et de fierté, c’est assez grisant… merci pour l’information en tout cas, rien que pour cela il mérite que je le récompense ce soir » nota-t-elle avec amusement avant de ne se rendre compte de sa langue trop bien pendue, qui ne manqua pas de la pousser à se frapper le front avec sa main pour mieux se traiter intérieurement d’idiote. Elle n’aurait pas pu se la fermer, non ? « Tu ne peux pas juste mettre ça dans un coin de ta mémoire et éviter de me faire du chantage là-dessus ? Ah mais pourquoi je suis bavarde quand je me sens en confiance… écoute, niveau du paiement je ne suis vraiment pas quelqu’un de riche, alors… je ne sais pas, je peux peut-être te rendre un service ? »

« Pitié Jeremiah je n’ai aucune envie d’entendre tes suppositions sur une journaliste avec qui Leonard pourrait avoir couché » se plaignit-elle tout en plaquant subitement ses mains contre ses oreilles, lui lançant par la même occasion un semblant de regard désapprobateur bien que celui-ci ne soit guère mauvais. Quinn était décidément bien incapable que d’être méchante avec qui que ce soit, même envers ce lieutenant qu’elle apprenait à connaître. « Pardon ? » manqua-t-elle de s’étrangler alors que son collègue lui annonçait clairement la couleur du service dont il avait besoin, à savoir d’un conseil vis-à-vis du jeu de séduction de C’ian, la fille biologique de Léo. A cette confession, autant dire que la brunette écarquilla deux grands yeux surpris car elle ne l’avait clairement pas vue venir, celle-là. « Tout dépend… je veux dire si tu envisages de lui dire oui ou que tu comptes ne pas accéder à sa requête. Je ne la connais pas extrêmement bien mais de ce que j’ai pu observer d’elle, C’ian n’est pas une écervelée, ce n’est donc pas une demande qui lui a… disons pris comme une envie de faire pipi. Si tu ne veux pas être son premier, donne-lui un détail de ta personne qui ne pourra que la repousser par exemple. Dans le cas contraire je ne suis pas sûre que tu es besoin de mon aide, mais… pourquoi m’en parler à moi ? Si je peux poser la question, bien sûr… » Quinn était à la fois amusée et désolée pour lui car cela ne semblait pas être une mince affaire. « Tu crains que Léo ne te tue si tu le fais, n’est-ce pas ? »

« Je te signale que c’est toi qui en parle et non moi, je ne cherche pas à me renseigner sur la chose ou encore à ‘castagner’ qui que ce soit comme tu dis si agréablement. Ca ne m’intéresse pas, en vérité… et je ne suis pas sûre que la fameuse suicidaire en aura quelque chose à faire non plus » répondit-elle avec délicatesse, sans pour autant cesser de sourire à l’attention de son interlocuteur. Jeremiah avait beau avoir une façon de s’exprimer assez brutale et dépourvue de tout tact, il n’empêche qu’elle sentait une sorte de carapace très épaisse et solide qui cachait quelque chose de plus fragile et de plus doux. Loin de Quinn l’idée de creuser au point de le mettre mal à l’aise et donc de se faire envoyer paître, son collègue le faisait très bien tout en seul en mettant la demande de C’ian Maeda sur le tapis, à la plus grande surprise de la brunette. « A vrai dire si tu dis non, il est possible qu’elle choisisse quelqu’un qu’elle ne connaisse pas, par pur dépit et crois-en mon expérience elle ne veut surtout pas en arriver à un tel extrême alors elle a choisit quelqu’un qu’elle connaissait un petit peu… à savoir toi. Que ce soit inconfortable je veux bien le comprendre mais d’un autre côté, il s’agit de ta vie privée, Léo n’est pas forcément censé être au courant de tous tes faits et gestes. Ce n’est pas une trahison dans le sens où tu n’as pas non plus besoin de lui demander son consentement vu qu’il n’est pas question de mariage mais juste d’une première expérience. Si c’est toi qui le fait… quand bien même Léo l’apprend un jour, il verra peut-être aussi le fait que toi tu as fait les choses bien, que tu l’as protégée de potentielles maladies graves et tout ce genre de choses. Personnellement je ne pense pas que tu aies grand-chose à perdre. Mais pourquoi tu ne demandes pas aussi de l’aide à Caine ? Sans lui préciser de qui il s’agit… juste au cas où tu décides de le faire. Effectivement, Lyanna est quelqu’un de délicieux mais le tact n’est pas sa qualité première, même si je pense que c’est une grande qualité chez elle la plupart du temps. »

« Léo ne me dit jamais lorsqu’il est jaloux et je me demande bien pourquoi parce que je pourrais le rassurer bien plus facilement que toi ! » Quinn hocha négativement la tête sans pour autant perdre un centimètre de son sourire, surtout alors que Jeremiah se penchait plus sérieusement sur le cas de la fille de Léo, C’ian, manifestement décidée à faire de lui son tout premier amant. « Je crois qu’effectivement, Caine va être définitivement de bien meilleur conseil que moi et puis somme toute, moins j’en sais, mieux cela vaut peut-être. Ca ne veut pas dire que tu ne peux pas venir me trouver en cas d’urgence mais au moins, si je ne suis pas au courant de grand-chose, dis-toi que Léo ne pourra pas me cuisiner ! » Quinn commençait à connaître son futur mari mine de rien et elle savait que lorsqu’il avait une idée dans la tête, il ne la possédait pas dans les doigts de pieds. « Mais je te conseille d’aller quand même jusqu’au bout au risque d’éprouver de très nombreux regrets si tu ne le fais pas » fut le dernier conseil que la brunette se permit de donner à Jeremiah avant de passer par la case essayage avec tout ce qu’il avait sélectionné pour elle. Quelque chose lui disait qu’ils ne seraient pas sans se revoir de cette manière, ou même que Jeremiah ne serait pas sans vouloir la « conseiller en matière de mode » dans les semaines à venir… surtout s’il tentait l’expérience avec C’ian.

TOPIC FINITO **