Je regardais mon téléphone où toujours aucune barre n’apparaissait. Cela faisait maintenant quarante-cinq heures que nous étions enfermés dans cet ascenseur. Quelque chose me disait qu’une fois de retour à l’hôpital – même si l'espoir d'y remettre un jour les pieds s'amoindrissait – je ne prendrais plus que les escaliers. Bon, en même temps, je n’avais plus le temps de faire du sport ces derniers temps, donc faire des allers retours en courant dans les escaliers ne pouvait pas me faire du mal, non ? Je regardais mon sac pour vérifier ce qu’il nous restait comme vivres. Heureusement, étant prévoyante et devant passer plusieurs heures dans un train supposé m’amener à une conférence sur la chirurgie pédiatrique, j’avais apporté beaucoup de provisions. Pas suffisamment apparemment. Il ne me restait qu’une demie bouteille d’eau et un paquet de chips. Le reste, et bien disons qu’en quarante heures et à deux dans un ascenseur, cela partait plutôt rapidement. Et le jeune homme à mes côtés n’avait apparemment pas l’habitude de passer plusieurs heures sans boire ni manger. Au moins, j’aurais appris quelque chose de mon internat : me priver de repas et d’eau. J’avais également appris à me retenir de faire la petite commission, mais malheureusement, mon nouveau record n’avait duré que neuf heures. Je regardais Rafaello – nous en étions venus aux prénoms dès la première heure coincés – et un rire nerveux me monta à la gorge. « Je n’arrive toujours pas à y croire. Dire que je me faisais des soucis pour mon couple hier matin et que je m’en voulais d’être partie en claquant la porte. Et si c’était mes derniers mots à Joshua ? Et si mes derniers mots c’était : "Va te faire foutre, j’en ai marre de n’être qu’une potiche à tes yeux ! Tu n’es pas content que je passe mon temps à l’hôpital à sauver des vies, c’est ça ? C’est vrai que c’était tellement mieux lorsque je ne brillais que par mon physique !" » répétais-je mot à mot mes dernières phrases à mon petit ami. La scène tournait en rond dans ma tête et aujourd’hui, plus que jamais, j’aurais voulu ne pas avoir ma mémoire qui s’était transformée en mémoire épisodique.

J’inspirais et expirais longuement, tentant de calmer mes nerfs. Allez, j’avais vécu bien pire dans ma vie que d’être enfermée dans un ascenseur depuis … – je regardais de nouveau mon téléphone – quarante-cinq heures. J’eus d’un coup un flashback de ce jour où j’avais dû m’occuper des urgences et où, à la suite d’un accident avec un car scolaire, les enfants mouraient les uns après les autres. Ce jour-là, je n’avais pu sauver qu’un seul enfant, la plupart des vingt-sept autres n’ayant même pas eu la possibilité d’aller en salle d’opération. C’était d’ailleurs ce jour-là qui avait déclenché ma mémoire épisodique apparemment, et qui faisait que je pouvais revoir cette scène dans les moindres détails – n’importe quelle autre scène aussi, d’ailleurs. J’avais donc finit par aller consulter. Un neurologue tout d’abord, qui confirma qu’il ne se passait rien dans mon cerveau et que celui-ci était normal. Puis il avait réussi à me diagnostiquer. Et m’avait envoyée voir un psychologue de l’hôpital. Même si j’avais rechigné à y aller au début, cela me faisait beaucoup de bien finalement. Je pouvais parler de mes flash-back sans être jugée et en plus, il y avait un nom à ce que j’avais. Bref, mon hypermnésie s’était tout simplement développé suite à mon stress post-traumatique … Je regardais le jeune homme en face de moi. Il avait l’air d’aller de plus en plus mal. Et pourtant, il essayait de me rassurer, en quelque sorte. « Je n’en sais rien. Mais le docteur Fitzgerald, avec qui je devais assister au séminaire, doit probablement s’être inquiété de ne pas me voir arriver, non ? » espérais-je de tout mon cœur. « Je pense en effet qu’il y a dû y avoir un grave accident de train, ou quelque chose du genre. Si ça se trouve, les hôpitaux sont pleins et ils doivent rester sur place. C’est déjà arriver. C’est vraiment stupide, je pourrais aider et je me retrouve enfermée dans un ascenseur ! » m’exclamais-je en me levant. J’avais besoin de marcher un peu, sinon j’allais devenir folle. « Oh, vous avez des jumeaux ? » lui demandais-je des étoiles dans les yeux. J’adorais réellement les enfants, à un point que je me demandais si je ne choisirais pas la chirurgie pédiatrique comme spécialité.

Je savais bien que je ne devrais pas me morfondre ainsi, et plutôt rester positive et optimiste, comme je l’étais habituellement et surtout comme je le demandais à mes patients, qui pour la plupart vivaient bien pire que ce que je vivais actuellement. Quoique est-ce que ce qu’ils vivaient était réellement pire ? Même pour ceux qui étaient atteints d’un cancer au stade terminal, s’ils savaient qu’ils allaient mourir, ils avaient des médicaments pour les aider à rendre cela moins … pénible. Alors que moi, en plus d’être dans l’inconnu le plus total par rapport à ma survie, si je mourrais, ce serait probablement de soif. On pouvait ne pas manger pendant plusieurs jours sans avoir réellement de conséquence par la suite. L’eau, par contre, ce n’était pas la même chose. Les risques liés à la déshydratation n’étaient pas des moindres, bien au contraire. Si nous restions ici pendant plusieurs jours encore, notre dernière bouteille d’eau finirait par être vides, et beaucoup de choses pourraient nous emporter dans un autre monde. Entre les risques d’œdème cérébral et autres œdèmes de tous types, d’hypovolémie, et bien sûr les risques de maladies rénales, qu’est-ce qui nous tuerait en premier ? Je tentais de calmer ma respiration. Cela ne me servirait à rien d’être en hyperventilation, bien au contraire. Mais si seulement ma mémoire pouvait arrêter de me faire réciter les risques d’une déshydratation, alors tout irait pour le mieux. « Oui, et peut-être qu’il s’inquiète. » acquiesçais-je pour me rassurer. Surtout que nous étions plutôt proches, en quelque sorte. Il me favorisait toujours pour la chirurgie, nous parlions souvent. Si nous n’étions pas amis, cela s’en rapprochait en tout cas. Je ne relevais pas son deuxième point, ne voulant pas penser à ce qui se passerait s’il arrivait quelque chose au jeune homme dans cet ascenseur. Je n’étais pas une chirurgienne d’urgences, bien au contraire, je détestais lorsque je devais m’occuper de trauma. « Non, je n’ai pas d’enfants. Mais je pense à devenir chirurgienne pédiatrique. M’occuper des enfants, et tout et tout quoi. »

« J’ai terminé mes études de médecine à l’université et je suis maintenant en troisième année d’internat en chirurgie. J’arrive pas à crois que l’année prochaine, je serais résidente. » Parler me déstressait. Je ne comprenais pas pourquoi, mais c’était pourtant le cas. Probablement parce que mon esprit était tourné vers autre chose que le fait d’être coincée dans un ascenseur ? Et puis là, je pouvais parler de ma passion en plus : la chirurgie. On ne pouvait pas dire que je pouvais en parler chez moi, bien au contraire. Depuis que j’avais emménagé avec Joshua, c’était réellement devenu l’horreur entre nous. J’avais accepté d’emménager avec lui parce que j’avais écouté son argument principal : je passais trop de temps à l’hôpital et nous n’avions plus le temps de nous voir. J’avais donc accepté pour sauver notre couple, en quelque sorte. Et pourtant, je le voyais à présent encore moins qu’avant. Je m’échappais à l’hôpital, passais le plus de nuit possible dans une des chambres de repos, … Et le reste du temps, je le passais avec Joshua, à me disputer. Joshua et moi étions ensemble depuis le lycée. Nous étions tous deux en terminale, j’avais quinze ans et il en avait dix-huit. Mais cela faisait plus d’un an que j’étais sa tutrice et lui donnais des cours particuliers. En fait, notre histoire de couple était plutôt banale. Mais il était la seule personne avec qui j’avais été. Je ne savais donc pas si notre relation – nos disputes, surtout – étaient normale. Si le fait qu’il déteste autant ma passion était normal. Est-ce qu’une relation de couple ressemblait réellement à cela ? Je n’en avais aucune idée. Bien sûr, j’avais l’exemple de mes parents, qui s’aimaient toujours autant après vingt-cinq ans de mariage. Mais c’était le seul exemple que j’avais. Et en tant que cartésienne, je me refusais de rêver à une relation comme on pouvait en voir dans les films ou en lire dans les livres, sachant parfaitement que cela n’existait pas. Je m’empressais de regarder la photo des enfants de Rafaello, un grand sourire ornant mon visage. « Votre petite famille est vraiment magnifique. » le compliementais-je.

Je me demandais si quelqu’un finirait par se rendre compte que j’avais disparu depuis deux jours. Je savais bien que les secours avaient probablement beaucoup à faire, mais et mes proches ? Est-ce qu’ils se rendraient compte de ma disparition ? Le problème, c’était que je voyais peu mes proches. Mon petit ami penserait que j’étais probablement à l’hôpital – surtout après la dispute que nous avions eu – et ne s’inquiéterait pas de ne pas me voir. Mes parents … Malheureusement, je les voyais peu en ce moment, étant tous les trois accaparés par notre emploi du temps chargé. Bridget, ma meilleure amie ? Pareil que pour mes parents … Cela faisait un moment que nous ne nous étions pas vues. Il n’y avait donc que les personnes travaillant à l’hôpital qui pourraient s’inquiéter de ne pas me voir, moi qui étais tout le temps présente. Sauf que j’étais supposée avoir pris ce train avec Elijah – enfin, le docteur Fitzgerald – pour assister à une conférence. Quant à lui et bien … Il devrait probablement penser qu’une urgence m’avait retenue à l’hôpital. Et il n’était probablement pas encore rentré. Sentant les larmes me monter aux yeux en réalisant que personne ne remarquerait ma disparition, je décidais de me concentrer sur les photos que mon partenaire d’ascenseur me montrait. Quand il me montra la photo de celle qui semblait être la mère de ses enfants, un sourire orna mon visage.  « C’est vraiment une jolie petite famille. » répétais-je de nouveau, sincère. Peut-être que ses proches à lui s’inquiéteraient de ne pas le voir, non ? Je baissais les yeux tandis qu’il me demandait si j’avais trouvé la personne avec qui j’avais envie de fonder une famille. « Je ne sais pas … Si vous m’aviez posé cette même question il y a quelques années, j’aurais répondu Joshua sans hésitation. Mais maintenant … On va dire que c’est compliqué. » répondais-je gênée, tout en remettant une mèche rebelle à sa place.

J’étais réellement envieuse de la petite famille qu’avait mon interlocuteur. Ils avaient l’air tellement heureux ensemble. Mais je me demandais en même temps si je pourrais avoir cela un jour. Pas forcément par rapport à Joshua, mais plutôt par rapport à mon métier. Après tout, je passais la majeure partie de mon temps à l’hôpital. Et puis même lorsque j’étais chez moi, si mon biper sonnait, il fallait immédiatement que je retourne à l’hôpital. En fait, ma vie tournait autour de l’hôpital. Et si pour le moment j’aimais cela – surtout que, malheureusement pour notre situation, cela me permettait d’avoir une excuse pour ne pas voir Joshua – en serait-il encore le cas lorsque je serais maman ? En même temps, ce que je me disais, c’était qu’il y avait pas mal de chirurgiens qui étaient également parents. Mes supérieurs l’étaient, après tout. Le docteur Hamilton, chef de la chirurgie de l’hôpital, avait une fille adolescente et tout avait l’air de bien se passer. Le docteur Fitztgerald, chef du service pédiatrique, avait plusieurs enfants, lui aussi. Et même ma résidente, Ariel en avait un. C’était qu’il était donc possible d’allier vie de famille avec la chirurgie, non ? Je l’espérais tout du moins. Même si je n’avais jamais rêvé d’une grande famille, j’avais toujours eu, dans un des coins de ma tête, cette idée qui germait. « Pourquoi ne s’inquiéteraient-il pas de votre absence ? » lui demandais-je, un peu surprise. Puis nous parlâmes de mon petit ami. Moi qui étais d’habitude une personne verbeuse, qui parlais tout le temps pour ne rien dire, et bien cette fois-ci, je n’y arrivais pas vraiment. Le sujet peut-être ? Je n’en savais rien. « Ce n’est plus la même chose entre nous … » commençais-je doucement. « On s’est rencontré au lycée, j’avais seize ans et lui dix-huit. J’imagine que nous avons changé depuis. Mais il ne semble pas accepter mon métier. Je pense qu’il préférait quand je n’étais qu’une simple mannequin. Bref, quand mon corps était mis en valeur, pas mon cerveau … »

Je ne savais pas comment tirer l’épingle de mon jeu dans cette histoire. Cela faisait plus deux jours maintenant que nous étions enfermés dans cet ascenseur, et personne ne semblait s’inquiéter de notre sort. Je savais bien qu’il y avait dû se passer un terrible accident, mais étrangement, je m’en moquais et ne pensais qu’à moi. Était-ce un mal ? Probablement. Mais bon, ce n’était pas que j’étais claustrophobe ou du style, mais je commençais sérieusement à le devenir. Est-ce que le docteur Fitzgerald allait se rendre compte de ma disparition ? Il était probablement en train de revenir du séminaire, où nous aurions dû aller ensemble, en ce moment-même. Peut-être qu’en apprenant l’accident qu’il y avait eu – puisque j’imaginais que c’était ce qui s’était passé – il s’inquiéterait de ne pas me voir ? Etrangement, je comptais bien plus là-dessus que sur Joshua s’inquiétant pour moi. Pour lui, ne pas me voir pendant deux jours était devenu naturel en somme. Pourquoi s’inquiéterait-il ? Et apparemment, ce n’était pas la compagne de mon partenaire de galères qui allait s’inquiéter non plus. En fait, si nous disparaissions, personne ne s’en rendrait compte. Cette pensée me fit froid dans le dos. Moi qui étais d’habitude si positive et optmiste, je ne me reconnaissais plus vraiment … « Je pense qu’elle s’inquiète pour vous et de ne pas vous voir. Enfin, je ne sais pas, mais on ne forme pas une famille si on pense cela d’une personne … » tentais-je de le rassurer. Et puis, je le pensais. Après, ma vision de la famille était peut-être rose, de part l’amour que se portaient encore aujourd’hui mes parents. Mais je n’arrivais pas à imaginer une personne faire des enfants d’un partenaire dans lequel elle n’aurait pas confiance et pensait qu’il prendrait la fuite au moindre problème … Puis la discussion dériva sur mon petit ami, et la remarque de Rafaello me déclencha un grand rire. « Je n’avais pas vu ça sous cet angle-là. » commençais-je sans cesser de rire, avant de redevenir plus sérieuse. « Le mannequinat me prenait que quelques heures par semaine. Donc on se voyait plus souvent. Et puis il était fier que d’autres hommes puissent me regarder. Maintenant, juste il s’en moque, je pense … »

Un petit rire sortit de ma couche, tandis que le jeune homme me demandait si j’étais toujours autant optimiste ou si je ne disais cela que pour le rassurer. « Je suis du genre optimiste. Et romantique aussi. Donc ce n’est pas que pour vous rassurer. C’est que je le pense vraiment … Je ne vois pas pourquoi elle aurait voulu former une famille avec vous si elle ne vous faisait pas confiance. Parce que la confiance, c’est le béton du couple je pense … » lui dis-je dans un petit sourire. La vérité, c’était qu’en plus d’être une grande romantique qui essayait toujours de prendre la vie du bon côté – même si en cet instant, bloqué dans un ascenseur depuis plus de deux jours, cela devenait de plus en plus compliqué de garder ce côté optimiste que j’avais – j’avais un modèle de couple parfait, représenté par mes parents. Mes parents s’étaient rencontrés à l’université et ne s’étaient jamais quittés depuis. Je ne les avais même jamais vu se disputer. Ils étaient réellement mon modèle. Et c’était d’ailleurs pour cette raison qu’il était étrange que je reste tant accrochée à Joshua. Je savais à quoi l’amour heureux pouvait ressembler, et pourtant … Mais en même temps, je savais aussi que Joshua avait réellement besoin de moi, en ce moment plus que d’habitude. Il venait de perdre sa sœur. Et même s’il me rejetait, même s’il buvait bien trop, même s’il me faisait peur lorsqu’il se mettait en colère, je ne pouvais me résoudre à le laisser tomber. Surtout pas avec ce qu’il vivait en ce moment. Je savais pourtant que c’était la chose la plus raisonnable à faire. Tout le monde me le disait. Mais je n’arrivais tout simplement à imaginer le quitter. Et puis, peut-être qu’il irait mieux ? Peut-être que tout irait bien entre nous ? Peut-être que ce n’était qu’une simple crise ? Après tout, cela faisait plus de sept ans que nous étions ensemble … Peut-être que nous finirions comme mes parents ? Pouvais-je réellement le laisser et prendre le risque de rater quelque chose de merveilleux par la suite ? « Non, c’est vrai que je ne suis pas jalouse … Je pourrais l’être pourtant. Joshua est un bel homme, et intelligent aussi. Il gagne bien sa vie. Bref, j’imagine qu’il est ce qu’on appelle un « bon parti » mais je sais pas, je ne l’imagine pas me tromper. Ça va mal entre nous, et pourtant vraiment, je ne l’imagine pas m’être infidèle … »

Peut-être n’étais-je pas optimiste, mais naïve finalement ? Après tout, je n’avais eu qu’une seule relation. Joshua était mon premier vrai baiser – oui, seize ans pouvait être assez vieux pour un premier baiser, mais ce n’était pas comme si j’avais été populaire à l’école avant ma terminale, au contraire même – ma première fois, mon premier tout en fait. Donc peut-être était-ce finalement mon manque d’expérience qui me faisait parler ainsi ? Bon bien sûr, mes parents m’avaient donné un tel exemple d’à quoi le véritable amour pouvait bien ressembler, que cela n’aidait pas vraiment à mon objectivité. Je n’en savais rien, finalement … « Je continue à penser que si elle n’avait pas voulu fonder une famille avec vous, elle ne l’aurait tout simplement pas fait. Elle aurait très bien pu ne pas vous parler de sa grossesse et avorter par exemple ? » lui répondais-je à propos de sa petite amie. Et je pensais tout ce que je disais. Après, je ne savais pas si c’était à cause de mon inexpérience, de mon optimisme ou de mes parents. Mais le fait est que c’était ce que je pensais. Si je tombais enceinte maintenant – enfin, encore faudrait-il qu’il se passe quelque chose de ce côté-là entre Joshua et moi, ce qui était loin d’être le cas en ce moment – il était clair que ce ne serait véritablement pas le moment, et que je préférerais mettre fin à ma grossesse. Même si … même si cela me briserait probablement le cœur de le faire. Mais il était impossible que nous commencions une famille avec Joshua, alors que tout allait au plus mal entre nous. Et je refusais d’imposer cela à un enfant innocent, c’était sûr. Donc je me disais que c’était probablement le cas pour sa petite amie aussi, non ? Que si vraiment elle n’avait pas confiance en lui à ce point, elle ne voudrait pas fonder une famille avec lui. C’était mon opinion tout du moins. « Et pourquoi vous ne la laissez pas faire ce choix elle-même ? Enfin peut-être qu’elle trouve que vous êtes l’homme de sa vie, et donc le meilleur parti pour elle ? C’est à elle de prendre cette décision en tous cas … »

Il semblait réellement être obtus à propos de sa petite amie. Mais bon, après tout, qu’est-ce que j’y connaissais en relation ? À l’exception de la relation qu’entretenaient mes parents et qui me semblait idyllique, je n’y connaissais strictement rien. Je n’avais eu qu’un seul petit ami, et je ne me voyais même pas rompre avec lui, alors même que tout allait mal entre nous. Je tentais de me forcer à penser que tout ce qui se passait actuellement entre nous n’était qu’une simple mauvaise phase, et pas la fin de notre relation. Mais donc je n’allais pas lui dire que si sa petite amie n’avait plus envie d’être avec lui, elle romprait, non ? Alors que moi-même je ne rompais pas avec Joshua. Et puis j’avais vraiment trop peu d’expérience en la matière pour pouvoir lui donner des conseils utiles, c’était sûr. « Je pense quand même que c’est elle qui est la plus à même de savoir ce qu’elle veut et surtout qui elle veut. Vous avez simplement un caractère fort, mais si elle a envie d’être avec vous, c’est son choix … » lui répondais-je en haussant les épaules. Bon, je n’étais vraiment pas sûre de ce que j’avançais, bien au contraire même. Après tout, ce qu’il disait à propos de casser des objets sous le coup de la colère, cela me faisait réellement penser à ce que faisait Joshua en ce moment. Je ne comptais plus le nombre de fois où il avait cassé son verre d’alcool en me hurlant dessus. Ni le nombre de fois où il avait cassé d’autres objets. Et encore moins le nombre de fois où j’avais eu peur qu’il lève la main sur moi. Mais cela n’était jamais arrivé. Et je n’arrivais réellement pas à le quitter alors qu’il vivait le pire moment de sa vie, et que c’était probablement le moment où il avait le plus besoin de moi. « Y’a quelqu’un là dedans ?! » entendais-je à travers les portes, me donnant enfin une lueur d’espoir. « Oui, on est enfermé dans l’ascenseur ! » m’écriais-je en me levant. Enfin le calvaire était fini ! Ce n’était pas trop tôt ! Un peu plus, et on aurait fini par y rester. Une chose était sûre, il était très probable que cette aventure m’ait rendue claustrophobe.