Elizabeth & Thomas
© Never-Utopia

Non vraiment, dormir en cours ! On n’a pas idée ; ai-je un jour fermé les yeux alors qu’un professeur –tant passionné qu’habité par sa matière, qualifié et imprégné par elle – essayait d’inculquer aux ânes que nous étions tout son savoir et toute sa vie !?!
…Oui. Et alors ? Je peux bien feindre avoir été l’élève parfait, irréprochable petit étudiant avec mes lunettes sur le bout de mon nez volontaire ; qui ici en douterait ? Personne j’imagine.
L’assemblée est composée d’étudiants relativement sérieux, qui se fichent pas mal de ma petite vie et c’est tant mieux. Il faut dire que je me moque généreusement de la leur ;
Mais elle ! Elle dort. Elle roupille sagement pendant que je parle à son sommeil…incroyable, je ne sais même pas son prénom.

Alors que j’occupe niaisement mes esprits avec cette parfaite impolie, les élèves quittent l’énorme pièce dans laquelle ma voix a raisonné deux heures durant. J’ai soif, un peu faim aussi et une envie folle de me jeter dans le canapé de mon appartement ;
Pas pour tout de suite. J’ai promis à ce collègue de lui payer le café et surtout : je pense avoir trouvé un génie ! Enfin, l’ébauche d’un génie peut être ; mais c’est loin d’être négligeable !

Mes pensées abandonnent la petite gonflée qui dort un cours sur deux et s’agrippent à cet étudiant – étudiante ? Je ne sais plus – qui a si bien déblayer la plupart de mes doutes concernant ce problème que je leur avais posé ;
Passant par-dessus la réponse attendue, il – ou elle – a développé de manière bordélique mais intelligente et impressionnante une formule permettant de sauter l’étape numéro 1 du calcul initial…Je n’en reviens pas et tandis que je range mes affaires dans ma mallette, je pense qu’une blague s’est préparée dans mon dos.

« Mademoiselle… ? »

Merde, ça n’le fait pas trop, qui est-elle? Qu’importe. Je me racle la gorge en prenant mes affaires à bout de bras et je hausse un sourcil après avoir balancé un regard intrigué dans l’amphithéâtre.

« Je ; non je vous ai simplement reproché de fermer les yeux au moment ou je vous passe devant qui plus est, et…ils sont tous partis ? »

Avoir l’air con ; hum ; ça m’arrive.
Je plisse les yeux et la foudroie presque avec méfiance d’un regard aussi noir que déçu. C’est impossible…Elle est plus jolie que je ne le pensais, la fainéante…Ahem ! Plus intelligente surtout ! Comment est-ce possible… ?

« C’est sur votre copie que...? J’m’excuse. Je voulais, vous voir en effet ;ce ; accepteriez vous que nous étudions vos « brouillons » ? Maintenant ou, à un autre moment mais j’aimerais vraiment qu’on regarde ça de plus près…c’était remarquable. »

Suis-je contrains d’admettre, un air légèrement jaloux sur les traits de mon visage. Enfin, qu’importe. Je reste fier de posséder telle étudiante dans une de mes classes, mes collègues vont jaser : c’est encore moi qui aurais le plus de trucs à raconter !
Quoique ; si nous gardions ceci entre nous ?...

Une idée ; juste une idée ; comment juste une idée peut-elle m’étonner à tel point que j’ai faillit m’étouffer avec le café que je dégustais au moment ou j’ai corrigé cette copie ! Non vraiment, ça ne peut pas rimer avec « juste une idée ».
Ce qui est écrit là dans la marge de la page qui porte son nom, si ce n’est pas révolutionnaire car je n’en ai pas la preuve, je sais ô combien c’est impressionnant. Voire fabuleux.

« Ne soyez pas si prétentieuse. C'était vraiment du beau boulot ça ne sort pas comme ça ! »

Je suis contrains de lui répondre sur ce ton on ne peut plus sceptique ; quasiment moqueur.
Elle se fout bien de moi, je peux en faire aisément autant qu’elle compte dessus. Ceci dit, j’avoue que de poser une telle évolution de calculs et de recherches sur le coin d’une copie lors d’un simple contrôle de mi semestre…C’est étonnant. Illogique en fait.

Je m’arrange pour récupérer la copie et survoler une nouvelle fois ce qui est inscrit dessus de façon si désordonnée. Une nouvelle fois subjugué par ce que je lis, j’attire la chaise se trouvant dans mon dos jusqu’à moi pour me poser dessus.
Sourcils froncés, je ramène mes lunettes au plus près de mes yeux avant de me frotter le menton ; pensif. Il me faudrait du temps, beaucoup de temps pour tout décomposer et analyser. Simplement pour comprendre en réalité.
Si elle a pondu ça, elle doit pouvoir l’expliquer et…mais !

- Laissez tomber…

« Attendez !...S’il vous plait attendez mademoiselle… »

Je me relève brusquement, manquant de faire tomber la chaise derrière moi et je me concentre sur la copie pour en déchiffrer le nom de famille inscrit au coin de la page avant de tendre le bras à elle ; comme si je tentais de l’arrêter dans sa fuite.

« …mademoiselle Wellington ! Je vous ai vexé ? Pardonnez-moi c’était grotesque mais permettez. »

Je lui indique la table la plus proche sur laquelle nous pourrions échanger deux mots alors qu'elle se tient bras croisés, avec un air blasé. Rien que deux mots. Elle ne va pas – en plus de s’endormir pendant que je donne cours – me fuir lâchement et faire la possessive avec une telle révolution scientifique ; en tout cas pour les étudiants de mon amphi : Elizabeth Wellington est une révolution.
Un peut têtue, la révolution tout de même. Je soupire et insiste d’un mouvement de tête en direction des bancs. Je ne vais pas la manger après tout !
Je prends sur moi pour éviter toute remarque déplacée ou lourde. Même l’humour, je mets de côté. La jeune femme a l’air susceptible et ce n’est pas dans mon intérêt je crois de la taquiner.

« …Cinq minutes. »

Je ne lui demande pas grand chose ! J'ai eu la nette impression il n'y a pas deux minutes qu'elle avait un minimum de temps à me consacrer pour m'éclairer, et voici qu'une impulsive remarque m'échappe et suffise à la rendre si fermée?

- Monsieur Covington je ne comprends pas ma note parce qu'en plus de...

« Plus tard ! »

Dis-je en déplaçant ma main tendue en direction de ce jeune homme aux airs mécontents qui s'incruste et brise ma tentative. Je ne lui adresse pas le moindre regard car mes yeux ne quittent pas le visage étrangement pâle de la surprenante demoiselle.
Je n’ai pas le temps, là, mon grand. Il reviendra demain ou je n’sais quand, mais j’ai ici une occasion que je ne peux pas perdre ;
Il a beau insister, l’étudiant finit par repartir en pestant fortement. Qu’importe…
Va-t-elle comprendre que j'y tiens?

Tête de mule semble accepter de m’accorder quelques minutes ; eh bien, j’allais finir par penser qu’en plus d’être intelligente, dormeuse et possessive la petite était rancunière !
Il semblerait que non, ou pas au point que je l’imaginais et c’est tant mieux. Je retiens un soupir de soulagement lorsqu’elle fait signe de bien vouloir m’expliquer et elle va immédiatement s’installer devant la petite table – appelons plutôt ça une longue et peu large planche de bois rapidement travaillée ;

- J’vous écoute…

« ...comment, comment avez-vous réussi à passer de cette étape à celle-ci ?? Je n'comprends pas. »

Dis-je en restant debout face à elle alors que mon index tapote la feuille pour indiquer la formule qui me pose problème. Du moins l’étape qui a conduit la jeune Elizabeth de l’étape supérieure précisée dans mon énoncé à ce qu’elle a si brillamment et étonnement réussi à écrire ;
Je ne pense pas être un petit joueur, je suis quand même professeur et je n’ai pas souvent eu du mal…En physique. Les autres matières tout dépend, je ne suis pas non plus un génie ! Mais quand bien même la physique est la matière que j’enseigne et logiquement celle que je maitrise : je suis perdu entre ces deux étapes, ces deux formules et je secoue la tête frustré de ne pas être foutu de trouver la même conclusion qu’elle.
Une chose est sur pourtant : ses résultats sont bons ! Mais quels chemins a-t-elle emprunté ?...


Désormais installé à ses côtés, je me laisse quelques instants pour étudier avec précision ce qu’elle a rajouté sur la copie. C’est en effet plus clair, mais je suis certain que tout ceci peut encore être détaillé et simplifié. Comment peut-elle… ?
Mon regard oscille d’elle à sa copie, s’y accroche alors que je fronce à nouveau les sourcils en posant sur le visage de l’étudiante des yeux suspicieux.
Je doute encore ? Non pas vraiment, comment pourrais-je douter ? Elle vient de me prouver qu’elle était on ne peut plus futée. Je suis simplement abruti, ébahi. C’est bien elle qui dort en cours ?! Nous sommes bien d’accord !

« Avez-vous conscience de vos capacités ? Mademoiselle Wellington ? Il faudrait que je discute avec le doyen si vous m’y autorisez mais ; enfin je n’sais pas ce que peuvent vous offrir réellement vos dons mais vous ne pouvez rester là à dormir… »

Y a-t-il une place pour une étudiante si étonnante ? Malheureusement sans diplôme, la demoiselle aurait beau être la plus brillante elle ne pourra exercer quelle profession que ce soit. Simplement si – comme je le pressens – ses compétences sont énormes et potentiellement intéressantes pour nombre de recherches pourquoi la cantonner à une faculté dans laquelle elle s’ennuie ?

- Je ne fais pas que dormir...

Mon visage se détend et je hausse les sourcils, étonné par une telle remarque. C’était façon de parler, je me fous pas mal de ce qu’elle peut faire à part dormir sauf si bien sur ça concerne la science en tout genre et je n’en doute pas : elle doit bosser dur.
Mais elle ne répond pas à ma question, la susceptible.

« Mais !...J’imagine, là n’est pourtant pas ma question : voulez-vous que je montre vos avancées au doyen ? Voulez-vous essayer de faire reconnaitre votre esprit scientifique ? »

Oui ça reviendrait à mettre à jour une partie de son boulot, ça reviendrait à prendre le risque que d’autres s'en inspirent et pas les plus bêtes. C’est à elle de voir, je ne demande qu’une réponse bien que mon ton est explicite : j’espère que son avis sera positif…

Que font maintenant ces deux étudiantes devant l'entrée de l'amphithéâtre?
Je jette un coup d’œil à ma montre et me mord aussitôt la lèvre, réalisant qu'un autre cours doit ici commencer. Le prof n'étant pas là, je me permets de squatter encore un peu les lieux. Je ne vais pas tout gâcher alors que la réponse de Mlle Wellington a son importance!
Est-ce une raison pour que ces deux jolies blondes pouffent dans notre dos?...

Environ 2 jours ont passé __________________________________


Sa copie, sa brillante copie a atterrit violemment sur ma mallette que j’étais en train de refermer pour m’en aller et céder ma place à mon collègue – censé arriver pour faire cours.
Cette copie donc, j’en ai « hérité » car la jeune femme a décampé sans demander son reste, visiblement contrariée, peut être une mauvaise semaine ? Je pensais avoir droit d’étudier à nouveau la fameuse copie le temps d’une soirée ; et seulement une soirée.

Mais non, le lendemain en cours dans ce même amphithéâtre dans lequel nous avons eu une succincte conversation, ladite Elizabeth Wellington n’était pas là. Voilà qu’après passer mes heures de boulot à dormir, elle les séchait.
Rien d’affligeant ceci dit, les cours en amphi sont particuliers et il est régulier que les élèves les manquent et se partagent leurs prises de notes. Mais j’avoue : je fus étonné par son absence. Elle a beau dormir une fois sur deux, elle est d’ordinaire toujours présente.

Le jour suivant, pas plus de nouvelles que la veille. La tête de mule n’avait pas simplement l’air rancunière et voici ma conclusion que je ne pense pas hâtive : elle l’est !
Alors que je me masse les tempes douloureuses – migraine sans doute due aux trois heures de sport intensives d’hier soir ; ou les deux verres de trop ? – j’entends une conversation bruyante ; un groupe d’étudiantes piailleuses que je foudroie d’un regard accusateur ;
Ne voient-elles pas que je souffre ?!
Cependant mon visage se décrispe lorsque leurs mots prennent un sens intéressant :

- Elle a encore eu la meilleure note. Elle triche je t’assure, elle glande toute la journée et elle a mieux que moi qui passe mes nuits et toutes mes vacances à… !

Blabla, elle abuse la petite. Pendant mes cours elle est sur facebook, saleté. Je m’efforce pourtant d'afficher le plus beau sourire qui soit – et en matière de beaux sourires je m’y connais croyez moi – et je les aborde poliment ; bien que pressé.

« …Oui nous regarderons ceci lors du prochain cours mademoiselle mais j’aurais une question…Cette charge de travail dont vous parlez c’est, impressionnant, ahem, quel cursus suivez vous exactement ?... »

- Si vous saviez monsieur Convington ! On est en physique-maths, 4ème année et ;

« J’imagine bien oui oui mais, excusez moi je dois y aller ; bonne fin de journée ! »

C’est moi ou mon postérieur est victime d’un assaut de regards déplacés ?
Je lève les yeux au ciel amusé par ma propre pensée tandis qu’elles gloussent et je rejoins en vitesse le secrétariat des études de science. Grands sourires des secrétaires – que j’ai du mal à apprécier – mais je réussis rapidement à me renseigner sur l’emploi du temps de cette fameuse 4ème année.
Avec un peu de chance, la dormeuse fait partie de la classe de ces bavardes !
Je prends la direction de la salle indiquée sur l’emploi du temps d’un pas décidé ; pressé.

C’est cette fois le claquement de ma mallette qui s’ouvre au sol qui attire la plupart des regards. Prétexte moins flatteur, plutôt embêtant même. J’entends d’ici les plus abrutis se moquer mais avant de me précipiter sur mes précieux documents qui volent, je suis contrains de venir en aide à la personne que j’ai percuté ; ou qui m’a percuté, peut être.
Je tends la main avant même de poser mon regard sur la potentielle victime et je lui prends doucement l’avant bras pour l’aider à se redresser ; m’assurer que tout va bien.
Ça aurait été trop beau que nos relations « tendues » s’arrangent, c’est ça ?

« …Mademoiselle Wellington !...J’ai votre copie qui… »

Se trouve quelque part dans ce bordel étalé sur le sol du hall d’entrée…

Je m’apprête à relâcher la nerveuse demoiselle Wellington pour m’occuper de rassembler mes affaires et ainsi éviter qu’elles ne se fassent toutes écraser par les étudiants qui continuent de passer dans les escaliers comme si de rien n’était !
Je n’y crois pas.
Cependant je n’ai pas réellement le temps de me pencher sur les copies que celle qui vient de se dégager brusquement de moi comme si j’avais la peste s’agrippe alors à mon bras d’une telle façon que j’en reste bouche bée.
Qu’est ce qui lui prend tout à coup ? Je ne l’ai pas vue grimacer sous le poids qu’elle a infligé à sa cheville j’ai donc du mal à comprendre son geste. Je hausse alors un sourcil moqueur tandis que sa main desserre progressivement mon avant bras.

- Il ne fallait pas vous déranger, je vous ai dit d’en faire ce que vous vouliez.

« Je n’ai pas l’intention de m’échapper, je vais vous la rendre cette copie, respirez. »

- Vous pouvez la garder.

Têtue ! Je vais la lui rendre et cette fois j’ai bien l’intention de m’occuper de mes affaires, inutile de s’accrocher si fermement à moi. Décidément si je considère avoir du mal à comprendre les femmes, celle-ci me parait plus barrée encore que les autres !
Sauf qu’au moment ou je me baisse pour m’emparer d’un paquet de feuille, je remarque que son pied droit ne s’appuie pas sur le sol, nous ne sommes pas des flamants roses et quand bien même elle est louche, elle ne se tiendrait pas volontairement sur un pied.
Je me redresse, le regard plissé, inquiet ? Attentif surtout.

« …Vous seriez-vous blessée ?... Attendez, tenez-vous à moi nous allons quitter les escaliers ce sera moins risqué. »

- Je…

J’empêche un soupir de s’échapper d’entre mes lèvres afin de ne pas paraitre plus grossier que ça ; elle a bien droit de refuser de toute façon…Mais non. Apparemment Elizabeth n’a pas le choix, si l’idée de se tenir à moi la répugne elle doit se contenter de mon aide, personne ici ne s’est approché de nous pour s’assurer que tout allait bien.

« Doucement ; voilà asseyez vous là. »

Je l’accompagne en me baissant doucement pour être certain qu’à aucun moment la demoiselle n’ait à se blesser pour se retrouver assise sur le banc situé aux pieds des escaliers, sur la gauche.
Bon, maintenant que la capricieuse est en sureté je m’empresse d’aller ramasser mes affaires éparpillées sans attendre une éventuelle réponse et enfin l’on vient à mon secours. Je remercie les deux trois personnes qui ont accepté de perdre deux secondes de leur précieux temps pour me rendre des copies et je rejoins ma plus difficile étudiante en tendant fièrement la page portant son nom.

« Ceci est à vous. Non je ne vais pas la garder, je l’ai lue, relue, et je dois reconnaitre être dépassé. Je comprends tout ça grâce au peu d’explication que vous m’avez donné l’autre fois mais je n’aurais pu trouver seul…Bravo. Gardez-le précieusement, si l’idée de voir le doyen vous chante un jour. »

Moi qui pensais que mon humour faisait toujours mouche ; la jeune femme serait-elle en train de mettre au point une technique cherchant à me déstabiliser ? M’humilier ? Me décrédibiliser ?
Foutaises, je ne perdrais pas la face devant une étudiante, si intelligente soit-elle. Tant de froideur, d’arrogance, d’impolitesse de sa part ! Des exemples ? Je ; elle dort en cours c’est bien suffisant pour avoir de la demoiselle Wellington une bien mauvais image.
Elle pense vraiment que parce que j’ai repéré son ‘talent’ je vais perdre tout mon temps et la guider gentiment jusqu’à la gloire ? Je rêve, et elle aussi par la même occasion.
Alors qu’Elisabeth semble réfuter mon offre, je laisse un regard nonchalant, désespéré, balayer ce hall d’entrée bruyant avant de la regarder à nouveau.

« Tss…En séchant mes cours ? Vous pensez peut être que je vais vous courir après une seconde fois ? »

Aie ; elle ignorait jusqu’alors que j’étais à sa recherche. Le fait en soit n’est pas grave voir carrément compréhensible : je voulais lui rendre sa copie. Mais ma tournure de phrase et le ton sur lequel je l’ai articulé est presque ambigüe ;
Cette fois c’en est trop ! Je ne vais pas perdre la face j’ai dit, ressaisis toi mon vieux !
Je secoue la tête vivement pour reprendre mes esprits…

- Je viendrai à vos cours et je promets d'essayer de ne pas dormir. Ça vous va ?

…au risque de vous surprendre : j’ai du mal à savoir si la demoiselle est ici sincère, si elle est en train de se racheter une conduite ou si elle se fout ouvertement de ma gueule en usant très habilement de l’ironie !

« …c’est plus qu’acceptable en effet, et que serait ma contrepartie du marché, alors ? »

Qu’elle le dise clairement ! Qu’elle me demande de la conduire chez le doyen, qu’elle me demande de préparer un papier, qu’elle me demande conseils quand à ce qu’elle pourra déclarer à ce vieil homme ; je ne sais pas moi, mais qu’elle cesse de jouer les impolies de première !

- N'avez-vous pas dit que vous parleriez de moi au doyen ?

« C’est en effet un début…oui. Je vais lui parler de vous. Venez en cours, faites semblant d’être éveillée et allez le voir après moi. »

Voilà, mes clauses sont posées. Il n’y en a d’ailleurs pas de particulières. Qu’elle respecte ceci, et je pense que l’on peut s’entendre.
Je ne réalise pas bien que je suis en train de marchander avec une de mes élèves ; que nous sommes tous deux – intelligents sans doute – bêtement en train de jouer sur les talents scientifiques de la demoiselle…

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas ? Laissez moi rire ; voilà trois semaines que les jours se suivent de la foutrement même manière et je commence à m’ennuyer. Je parle de l’université ceci dit. Il y a eu quelques changements mouvementés durant le cours d’aïkido et si au fond ça n’avait rien de bien positif, ça m’a changé les idées – bien le but d’une telle activité me direz-vous.
Mais revenons à nos moutons.

Trois semaines environ que la petite Elisabeth Wellington et moi-même nous sommes quittés dans le hall d’entrée, suite à cette brutale rencontre qui lui a couté une cheville et moi quelques feuilles de cours…
Je suis allé parler au doyen d’une brillante élève ; j’ai vanté ses mérites un moment pour réussir à le convaincre de s’intéresser à elle et j’ai même évoqué le thème sur lequel les avancées de l’étudiante portaient. Je sais qu’il l’a reçue depuis, et ? Et Elizabeth vient à tous mes cours pour – avoir l’air de – les suivre.
Suspect non ? Je n’ose demander ni à l’un ni à l’autre ce qui a été conclu et discuté ce jour là…

Alors que l’amphi se vide progressivement et que j’entasse mes affaires au fond de ma mallette, sa voix vient me sortir de mes pensées et j’esquisse un sourire avant même de la regarder ;
Enfin ! En réalité je suppose que seule la curiosité me pousse à être si impatient de savoir ; à avoir tant envie qu’elle vienne m’adresser la parole. Quoi d’autre ? Ses recherches et ses études ne me concernent que très peu, et professionnellement seulement !

Je découvre que l’étudiante a eu un sacré coup de main du doyen. J’étais optimiste concernant sa générosité et l’aide qu’il pourrait lui donner mais je n’en aurais pas tant imaginé ! Je cache cependant assez bien ma surprise et fais mine d’avoir plus à faire avec le rangement de mes affaires qu’avec sa thèse ;
Qu’est-elle venue me dire de toute façon ? Elle veut me prouver que moi le sage petit professeur qui met des tapes dans la tête de ses élèves somnolents j’aurais mieux fait de l’aduler tant elle est futée ?
Soit ça par excès d’arrogance de sa part soit…n’a-t-elle aucun professeur plus charismatique que moi ? Le titre de plus sexy de l’université ne doit pas inciter mes élèves à me lécher les bottes.
Trêves de plaisanteries, je fronce les sourcils suite au ton qu’elle prend et j’ouvre la bouche alors que mademoiselle Wellington me donne la vraie raison de cette discussion.

« Pardon ?... Vous aimeriez que ce soit moi ? Je, pourquoi pas Elizabeth mais… »

Réalisant que nous ne sommes pas tout à fait seuls, je me permets de lui attraper le bras pour l’attirer dans un recoin éloigné du bureau, puisque les étudiants viennent y déposer ou prendre des documents.

« …Votre proposition est intéressante, vraiment, mais vous avez besoin de moi pour la forme ? J’imagine. Il vous faut un directeur de thèse pour qu’elle soit valide mais je doute pouvoir vous apporter grand-chose en matière de physique… »

- Vous avez vu ce que je valais, je vous dois bien ça non ? Et puis... Je suis peut-être douée pour faire des calculs, mais pas pour présenter les choses...

Je me sous estime un peu ? Surement. On me l’a déjà dit, mais là face à ce petit génie de ma matière, il me parait clair et évident que je ne pourrais l’aider ;
Je réagis peut être trop rapidement ceci dit. Brillante en science oui, mais la miss a besoin de quelqu’un pour encadrer les formalités et la méthodologie de sa thèse. Qui plus est, je sais à quoi s’attendent les personnes chargées de sa notation et puis quand même… je ne devrais pas être largué par tout ce qu’elle peut écrire ;
N’est ce pas ?

« Euh…vous aimez le café ? Il faut que l’on discute afin de voir si je peux réellement vous être utile. Il y a des tas de profs compétents ici. »