Posant mes yeux sur ma petite sœur, je lui fis un léger sourire alors que je mangeais ma dernière fourchette de riz cantonnais. Ce soir, nous avions commandé chinois parce que je n'avais aucune envie de faire à manger, mais alors aucune. Ma journée avait été plutôt calme, j'avais passé deux entretiens et un semblait se solder par un rôle. J'allais enfin jouer l'infirmière sexy de la nouvelle série new yorkaise. J'étais heureuse, j'avais été plus qu'heureuse de rentrer et de partager cela avec mes deux sœurs mais lorsque j'avais ouvert la porte de la chambre d'Arizona, j'avais vite déchanté. Il n'y avait plus rien, absolument plus rien excepté un léger fil de poussière par ci par là. J'avais eu mal, tellement mal et mon cœur avait presque explosé dans ma poitrine en me rendant compte qu'elle était partie. Elle m'avait quitté comme une vieille chaussette sale, elle avait pris ses affaires pour déménager je ne sais où, laissant Indiana et moi même derrière elle. Je lui en voulais, énormément, plus que cela même. Si je la croisais, elle risquait de s'en prendre plein la tête mais pour le moment, j'évitais d'en parler à Indiana, j'évitais de lui faire ce mal, de lui dire que sa sœur, notre sœur, était partie je ne sais où faire je ne sais quoi. Depuis la mort des deux paires de jumeaux, tout était étrange à la maison mais après une confrontation avec ma petite sœur, j'avais compris. Il fallait que je me reprenne avant de finir les quatre fers en l'air ou pire, avec un polichinelle dans le tiroir. Finissant mon dernier beignet de pomme, je souris à Indiana et dis « Tu as fini tes devoirs ? » Il fallait que je me vide toutes ces images d'une manière ou d'une autre et discuter avec ma sœur était une option à considérer. Seulement, la petite brune ne resta pas bien longtemps avec moi. Oui elle avait fini ses devoirs et Amaury allait bientôt venir la chercher pour sortir. Elle ne restait pas à la maison à croupir elle au moins. Un signe de la main et j'entendais la porte d'entrée claquer. Seule, assise en tailleur sur ma chaise, je regardais devant moi, dans le vide et ne fis même pas attention lorsque mon portable se mit à vibrer sous mes yeux. C'était peut être un appel important mais, si c'était le cas, la personne allait rappeler. Posant ma tête sur la table, je soufflais. Pourquoi me faisait-elle ça à moi, maintenant ? Il y a deux semaines de cela nous enterrions nos deux petits frères et aujourd'hui, elle me fuyait comme on fuit la peste. J'avais toujours été là pour elle et elle foutait le camp à la moindre occasion, chose qui me brisait le cœur. Attrapant mon portable, je ne fis même pas attention à qui m'envoyait un message, tout ce que je voulais c'était envoyer un message à quelqu'un. J'avais besoin de quelqu'un – d'un homme plus précisément – et je savais que Joshua était occupé ce soir. Le pauvre venait de passer dix jours en ma compagnie et je ne pouvais pas le garder plus longtemps, bien que ce n'était pas l'envie qui me manquait. Parcourant mon répertoire, un léger sourire s'étira en voyant le nom de Maël. Maël, oh Maël. Je connaissais le jeune homme depuis tellement longtemps que je ne pouvais même pas dire comment je l'avais rencontré. Tout ce que je savais, c'était qu'il était l'un de mes ami les plus proches et que nous avions récemment dérapé lors d'une soirée un peu trop alcoolisée. Cela ne m'étonnait guère venant de moi mais de lui, c'était tout autre chose. Cependant, aujourd'hui, je n'avais pas besoin de finir nue sur la table ou dans mon lit mais bel et bien de bras et d'un soutien. Appuyant machinalement sur les touches, je débarrassa rapidement la table. Alors que je marchais, mon baggy glissait à moitié sur mes fines hanches. Les jours où je n'avais pas le moral, je ne faisais aucun effort pour me préparer, il n'y avait qu'à voir ma tenue et mon visage, vierge de tout maquillage et parsemé de cheveux, attachés à la va vite. Me laissant tomber sur le canapé, j'attrapai la télécommande devant moi et commença à changer les chaînes. Une histoire d'amour, non merci. Une série qui repassait pour la quinzième fois de l'année, non merci. Je soufflais en changeant les chaînes lorsque j'entendis toquer à la porte. Doucement, je me leva mais sans grande conviction. Ce ne serait pas la première fois qu'une bande de gamins sonneraient et partiraient en courant. Ouvrant la porte, je vis Maël et mon cœur se serra légèrement. J'avais été plutôt claire dans le message en lui disant que j'étais au fond du trou à cause de ma sœur et il semblait prêt à endosser le rôle de l'ami plus que celui de l'amant. Le laissant entrer, je ferma la porte derrière et souffla « Je suis désolée de te faire venir à cette heure là mais je ne savais pas qui appeler » J'haussais les épaules légèrement et les larmes me montaient aux yeux. Pourquoi m'avaient-elles fait ça ? Pourquoi à moi, pourquoi maintenant ? Me blottissant dans les bras du jeune franco-russe, je dis « Si je passe pas l'arme à gauche avant la fin de l'année, c'est que j'suis invincible »

Depuis l'accident d'Arizona en juin dernier, j'avais mis ma vie entre parenthèse. Bien entendu, je continuais quand même de vivre mais je tentais de réfléchir à tout avant d'agir. J'essayais d'être responsable, chose que je n'avais jamais été de toute ma vie. Cela faisait plus de dix ans que je vivais New York et donc plus de dix ans que j'étais seule et n'avais personne à m'occuper. J'avais passé près de dix ans à faire la fête, à sortir, coucher et boire. Ce mode de vie m'avait plus que contenté toutes ces années mais maintenant, tout était différent. Arizona était mal – au fond du trou pour tout dire – et je me devais d'être là pour elle puis pour Indiana aussi. En quelques mois, j'avais totalement changé, je réfléchissais avant d'agir et tentais de donner l'environnement le plus sain possible à ma famille. J'avais toujours été là pour Arizona et ce n'était pas aujourd'hui que cela allait changer. Seulement, elle m'avait fuit et ça, je ne m'y étais pas attendue mais alors pas du tout. La dernière fois que j'avais croisé son regard, elle m'avait prévenu aller quelques temps en Grèce, histoire de se ressourcer, de se sentir mieux et je l'avais cru, je l'avais bêtement cru. Qui avait pu penser qu'elle se servirait de ce temps libre pour me planter dans le dos ? On pouvait dire ce que l'on voulait, j'avais l'impression qu'elle m'avait trahi et plutôt facilement. À mes yeux, elle avait abusé de ma confiance, ma jumelle m'avait manipulé comme une marionnette bas prix et c'était ça, le plus blessant dans l'histoire. Entre nous deux, tout avait toujours été plutôt claire. Nous étions deux contre le monde et cela ne changerait pas, jamais. Seulement, un nouvel obstacle s'était planté sur la route sinueuse qu'empruntait ma sœur et elle avait baissé les bras. Voilà comment je voyais son abandon. C'était plus qu'une trahison, elle avait abandonné toutes ses convictions, elle ne se battait plus pour sa vie et se laissait aller. Ce qu'elle faisait maintenant, où elle était, je n'en savais rien et je n'étais même pas sûre de vouloir le savoir. Elle était peut être en de bonnes mains – ce que je lui espérais – ou peut être pas. Me torturant, je ne faisais même plus attention à Indiana qui commençait à en avoir marre de tout cela. Qu'est-ce que je pouvais la comprendre... Je regrettais d'avoir décidé de m'émanciper à mes quinze ans et de ne pas avoir pris le temps de la connaître plus. Aujourd'hui, je me sentais seule, terriblement seule et la petite dernière de la famille n'y pouvait rien, absolument rien. La laissant partir, je me sentais mal. Elle préférait sortir que de rester avec moi, cela montrait bien l'ironie de la situation. L'atmosphère était si froide et si tendue qu'elle m'évitait. Il fallait que je la mette au courant pour le départ de ma jumelle avant qu'elle s'en rende compte par elle même et qu'elle m'en veuille. Il fallait que je le fasse mais pas maintenant. Maintenant, j'avais besoin de discuter, d'ouvrir les vannes et de me laisser aller. Je souffrais, il ne fallait pas se voiler la face et je ne savais pas quand cela allait s'arrêter. Sûrement jamais. L'abandon était la pire de mes phobies et voilà que la personne qui comptait le plus à mes yeux s'en servait contre moi. Mon cœur se serra une nouvelle fois. Si j'en avais eu le courage, je serais sûrement sortie boire un coup – ou deux, même trois et quatre – mais rien ne me motivait, rien ne m'animait, à part ma tristesse. On pouvait lire toute ma détresse à travers mon regard. J'étais faible, pitoyable. Mon reflet me dégoûtait, mes actes me déprimaient et pourtant, je n'arrivais pas à reprendre du poil de la bête. Maël pourrait m'aider. Je ne connaissais pas toute sa vie et toutes les passions – et peur – qui l'animaient mais une chose était claire ; il en avait vu des vertes et des pas mûres, comme tout le monde après tout. Dans ses bras, je l'écoutais me parler. Bien entendu qu'il y avait eu assez de mort dans la famille Ioannis mais qui me disait que ce n'était pas mieux là haut ? Je pourrais enfin retrouver mes parents puis Paris et Phoenix. Bordel qu'ils me manquaient tant. J'avais l'impression que mon cœur se détachait petit à petit de ma poitrine et qu'au prochain choc, il finirait par exploser, définitivement. Levant la tête vers Maël, je secoua la tête de gauche à droite en signe de négation. Non je n'étais plus capable d'accepter et d'encaisser une mauvaise nouvelle. Il ne manquerait plus que je tombe enceinte d'un inconnu et là, ce serait le pompon. Me laissant porter et guider par le jeune homme, je repensais à tout ce qui venait de se passer. Ma cadette me fuyait, ma jumelle aussi, mes petits frères étaient morts et mes aînés ne donnaient pas signe de vie. Seul London était présent mais il était tellement accablé par les événements qu'il se noyait sous une dose de travail. J'étais seule. Blottie dans les bras du jeune homme, je soufflais légèrement et dis « Sers moi dans tes bras Maël » Pour la discussion, ce n'était pas pour tout de suite, j'avais besoin de me sentir entourer, même cinq minutes. Je ne desserrais pas l'étreinte pendant trois bonnes et longues minutes. Un silence de mort planait dans l'appartement. Voilà mon quotidien ; un silence et aucune vie. Levant la tête légèrement, je dis « Ari a foutu le camp. Ce matin, toutes ses affaires étaient dans sa chambre et maintenant, il n'y a plus rien. Ça fait des mois que je me bats pour elle, des mois que je fous ma vie entre parenthèse pour être là dès qu'elle en a besoin et qu'est-ce qu'elle fait ? Elle prend ses clics et ses clacs et dégage de mon appartement » Je laissais le côté calme et déprimée pour un côté un peu plus sec et colérique. Je lui en voulais tellement ! « Je lui ai tout offert. Je lui ai tout donné et elle est partie sans rien dire, comme une voleuse » Une larme coula le long de ma joue. J'étais en colère et pas qu'un peu...


omg, plus pourri tu meuuuurs. Bref hein, on va dire que mon état de contrariété avancé n'arrange en rien ma qualité médiocre de rp -->

Depuis mon plus jeune âge, j'avais l'habitude de prendre la colère et la peine de mes frères et sœurs pour leur permettre d'aller mieux. Je faisais mon maximum pour qu'ils se sentent tous mieux et depuis la mort de Paris et Phoenix, je redoublais d'efforts. On pouvait me dire tout ce que l'on voulait, je me sentais toujours plus que coupable. Les jumeaux étaient venus sur mon invitation, je les avais obligé à ne pas faire le coup du 'j'ai loupé l'avion' et maintenant, nous avions enfoui deux cercueils vides dans le sol. Personne ne réussirait à me faire comprendre et envisager la possibilité que tout cela n'était pas ma faute. Je me sentais coupable chaque minute qui passait, chaque seconde même. Seulement, cela ne me servait pas, j'étais de plus en plus fatiguée et irritable. En temps normal, je n'aurais jamais réagis de cette manière au départ de ma jumelle. J'aurais été en colère, certes, mais je l'aurais appelé jusqu'à ce qu'elle décroche, je l'aurais fait suivre jusqu'à trouver où elle dormait. Je me serais débrouillée pour retrouver son chemin, pour croiser sa route et lui dire ce que je pensais de son comportement. Je l'aurais fais, si je me sentais mieux, prête à affronter mes pires démons. L'abandon ne me réussissait pas, absolument pas pour tout dire et dans ces moments là, j'avais besoin de quelqu'un, d'une compagnie digne de ce nom et non pas d'un amant d'un soir. J'aimais profiter de la vie mais je savais bien que passer ma soirée à draguer, embrasser et boire n'allait pas m'aider, pas ce soir du moins. Il fallait qu'une partie de cette colère s'échappe, il fallait que j'évacue ne serait-ce qu'un dixième de cette envie d'assassiner ma sœur histoire de me sentir mieux. Cela ne changerait peut être pas grand chose mais il fallait que ça sorte. J'étais rapide, claire et nette. Passer par quarante six chemins n'était pas dans mon habitude. Je préférais les choses claires qu'un tas de fioritures qui empêchait de comprendre l'essence. Tout sortait en même temps. Arizona était partie et je lui en voulais. J'avais fait tout ce qui était capable de faire et cela ne semblait pas lui avoir suffit. C'était dure, difficile à imaginer que la personne qui était la plus importante à mes yeux – bien plus que mes autres frères et sœurs – m'avait planté dans le dos. C'était sûrement ça le plus blessant. Si Indiana m'avait fait cela, je l'aurais mal pris mais pas à ce point. Je fermais les yeux quelques secondes et secoua légèrement la tête. Comment pouvais-je me laisser faire comme cela ? Comment avais-je réussi à me faire manipuler de cette manière ? Je m'en voulais bien plus que je ne pouvais l'imaginer, bien plus que quiconque ne pouvait le penser. Arizona était ma famille et je lui avais fais confiance, un peu trop. À trop aimer on finit par se faire mal. J'écoutais Maël et mon cœur se brisait à chaque seconde. Certes, c'était son choix mais je n'avais rien vu, je n'avais rien ressenti lorsqu'elle avait pris la décision de foutre le camp. En temps normal, je ressentais lorsqu'elle était mal, en danger et tout ce qui allait avec mais sur ce coup, rien, le néant, juste le néant. Ne lâchant pas le regard du jeune homme, j'écoutais ce qu'il me disait. Certes j'étais encore jeune, certes j'avais la vie devant moi mais ce n'était pas tout. J'avais mal au cœur, horriblement mal et je ne pourrais jamais effacer cette douleur d'un simple geste. Ce n'était pas pareil, ça touchait mon essence même. « Je suis obligée de me sentir mal Maël... Et s'il lui arrive quelque chose ? Imagine qu'elle déraille complètement et qu'elle se prend une balle perdue, qu'elle se fasse frapper par je ne sais qui ou violer. J'imagine le pire des scénarios mais imagines une seule seconde qu'elle tourne mal, qu'elle finisse la tête dans le caniveau. Je m'en voudrais toute ma vie, absolument toute ma vie. » En quelques heures, j'avais imaginé les pires choses pour Arizona. Je l'avais vu imaginé morte, droguée ou bien même suicidaire. Cela ne correspondait pas à ma jumelle mais jusqu'au jour d'aujourd'hui, je ne l'avais jamais cru capable de me faire souffrir autant. Elle m'avait fait mal, tellement de mal mais pourtant, les larmes ne sortaient pas ou à petit flot. Soufflant légèrement, je passa une main dans mes cheveux et dis « Je commence sérieusement à me demander si c'est notre famille qui est maudite ou moi. Les jumeaux sont morts alors que je les ai forcé à prendre cet avion, les jumeaux d'Arizona sont morts lorsque je lui ai annoncé la nouvelle, elle me fuit comme la peste. Quelque chose doit clocher avec moi, c'est pas possible autrement » A chaque malheur, j'étais dans le coin et cela commençait légèrement à me peser. Je devais évacuer tout cela, il fallait que je le dise enfin à voix haute puisque depuis l'accident, je n'avais rien dis à personne, sauf à Joshua qui avait réussi à me rassurer pour la journée. Me levant légèrement, je regarda le jeune homme et dis « Tu veux boire quelque chose ? J'ai besoin d'un petit remontant là » Et de quelque chose qui me donnerait envie d'avancer et non pas de me jeter dans mon lit et de pleurer toute la journée. C'était tellement douloureux que seule une bonne cuite pourrait me remettre sur pieds. Seulement, je voulais éviter de donner des raisons à Indiana de m'en vouloir. Un verre et puis c'est tout. Boissons sur la table basse, je me servis un verre de vodka et dis – après l'avoir bu plus ou moins cul sec – « Et toi, comment ça va ? Tes sœurs vont bien et le boulot aussi ? » Mon esprit était tellement embrumé que je ne pourrais même plus dire exactement quel était le travail du jeune franco-russe. Tout était vague en ce moment et avec la dose d'alcool que je venais de boire d'un coup d'un seul, j'allais bientôt sentir les effets de l'alcool sur mon cerveau. Peut être allais-je enfin trouver la paix pour quelques heures ou du moins, me sentir bien moins idiote et mal à l'aise.