Cela faisait maintenant plusieurs mois que Caleb s’était installé à New-York avec son fils Nolan. Tout ça n’avait pas spécialement fait partie de ses plans de vie, et le militaire n’avait jamais vraiment voulu vivre ici. Mais le destin semblait en avoir décidé autrement. Lorsqu’il avait appris que Loan était installée dans la Grosse Pomme, tout un tas de souvenirs lui étaient revenus en tête. Et la plupart d’entre eux étaient mauvais, évidemment. Depuis sa naissance, toute la vie de Caleb tournait autour de Nolan. Ce petit bonhomme était devenu son principal souci, mais aussi sa principale source de bonheur et aujourd’hui, Caleb ne pouvait même pas s’imaginer vivre sans lui. Mais il était sans aucun doute bien le seul à voir les choses de cette manière… En effet, la mère de l’enfant n’avait pas jugé utile de s’en occuper. Pire, sa première réaction fut de vouloir le faire adopter, comme si elle avait cherché à s’en débarrasser par tous les moyens, lui, l’enfant de cet homme qu’elle n’avait jamais aimé. Après tout, la naissance de Nolan n’était probablement qu’une erreur de parcours pour elle ! Un dérapage qu’elle n’avait pas prévu au moment où elle avait échafaudé son plan diabolique visant à se venger de sa belle-mère. Mais Caleb s’était senti bien plus concerné et responsable de cet enfant qu’il avait fini par reconnaitre et adopter, même s’il était littéralement mort de trouille à l’idée de s’en occuper seul. Mais jour après jour, le jeune homme s’était amélioré. Il avait apprit à aimer ce bébé, SON bébé, et à faire en sorte qu’il ne manque de rien.

L’arrivée de Caleb à New-York n’avait donc qu’un seul et unique but. Renouer avec Loan, pour son fils. Malgré tout ce qu’elle lui avait fait, malgré la rancœur et la déception qui l’habitaient toujours, il avait décidé de prendre son courage à deux mains. Le militaire savait que Loan avait rejeté son fils une première fois, mais il osait espérer que les choses étaient différentes aujourd’hui. Nolan avait grandi, mais malgré tous les efforts que Caleb pouvait fournir, il y a bien une chose qu’il ne pouvait pas remplacer : sa mère. Alors que le petit garçon commençait à parler, il n’avait encore jamais prononcé un mot pourtant banal pou tous les autres enfants. Nolan n’avait jamais dit « Maman », tout simplement parce qu’il n’en avait pas l’utilité, et c’est ce manque-là que Caleb voulait aujourd’hui combler.

Le jeune homme avait déjà trouvé le courage de rendre visite à son ex-petite amie, en compagnie de Nolan, mais il n’avait rien pu tirer de cette entrevue. La rencontre avait peut-être été un peu trop précipitée, trop bouleversante, ou simplement sans grand intérêt pour Loan. Face à elle, le militaire ne savait plus quoi penser mais malgré tout, il ne lâchait pas l’affaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce soir, Caleb avait décidé de rendre visite à Loan, mais cette fois sans son fils. De cette manière, il espérait secrètement que la conversation serait plus facile, même sil ne pouvait s’empêcher de redouter le moment où il serait seul avec la jeune femme. Pour la garde de Nolan, il avait fait appel à Kiara qui, il le savait, adorait s’occuper du petit garçon. Une fois seul, Caleb prit donc une douche, s’habilla en vitesse puis quitta son appartement pour rallier celui de Loan. Arrivé devant la porte, Caleb prit une profonde inspiration pour se donner un peu plus de courage, et actionna anxieusement la sonnette.

CALEB & LOAN ❝ it's time to face the truth ❞

Mi-septembre … C’était si prêt que la jeune femme avait encore du mal à réaliser. Les conversations ne tournaient qu’autour de ça et Loan avait eu l’impression de manger seule au mess ne parvenant pas à s’intéresser à la discussion tant elle était surprise. Pourtant, elle aurait dû se réjouir elle qui avait attendu ce moment avec tellement d’impatience. C’était presque sa seule raison de vivre, ce qui lui avait permis de tenir pendant toute sa période de congé qui pourtant venait tout juste de terminer. Mais Loan n’avait pas pu ôter de sa tête que le mois prochain elle ne serait plus à New York, pas même en Amérique mais bien de l’autre côté de l’océan au beau milieu d’un conflit qui durait depuis plus de dix ans déjà. Pourquoi n’arrivait-elle pas à s’en réjouir ? Etait-elle devenue plus normale que par le passé au point de craindre pour sa vie alors qu’elle avait toujours ce don pour s’attirer les ennuis plus facilement que n’importe quel être humain ? La jeune philippine en doutait sincèrement mais fut incapable de se concentrer durant toute la matinée au point de voir son supérieur se défouler largement sur elle à chaque exercice qu’elle manquait. Elle qui était pourtant douée lorsqu’il s’agissait de tirer, elle avait dû s’y reprendre à quatre fois avant de toucher sa cible et malgré le fait qu’elle allait probablement se voir remonter les bretelles, rien n’y faisait, sa concentration n’était pas là.

Piloter ne serait-ce que pour l’entraînement était également une mauvaise idée, mais personne ne semblait s’apercevoir du fait qu’elle était vraiment ailleurs et si son vol semblait parfaitement correct, comme à son habitude, ce fut l’un de ses collègues qui se dirigeait droit vers elle qui remarqua en premier que quelque chose n’allait pas. Bien qu’en d’apparences concentrée sur son pilotage, la jeune femme évita la collision de justesse et décrocha sur la droite alors qu’en bas la plupart des militaires avaient retenu leur souffle en voyant les deux avions filer droit l’un vers l’autre alors qu’elle aurait dû faire sa manœuvre d’évitement bien plus tôt. Cependant, personne n’osa faire le moindre commentaire ce qui ne lui permit pas pour autant d’éviter la petite visite – loin d’être courtoise – dans le bureau du Général de Fort Hamilton où elle se fit passer l’un des pires savons de sa vie avant d’être congédiée pour le reste de la journée, ce qui n’était pas plus mal. Mi-septembre … c’était juste impossible, inconcevable. Comment pouvait-elle être prête physique et mentalement pour cette date alors qu’elle venait tout juste de reprendre du service, c’était à croire que l’armée se moquait éperdument de savoir ses soldats en forme ou non du moment qu’elle pouvait les envoyer au front. Arrivée chez elle, Loan se débarrassa de ses affaires et fila directement prendre une bonne douche chaude, laissant le temps à la fumée d’envahir la salle de bain pour quitter cette dernière et enfiler le jean et le débardeur qui lui tombèrent sous la main.

Que pouvait-elle bien faire de son après-midi elle qui avait prévu de passer sa journée sur la base ? Une fois dans la cuisine de son appartement, son regard se posa sur la lettre de l’armée qu’elle avait ouvert le matin et plus désespérée que jamais elle poussa un soupire et alla dans sa chambre. Plus fatiguée qu’elle ne l’aurait cru, Loan passa le reste de son après-midi à dormir et fut réveillée en sursaut par la sonnette qui retentit sans la moindre pitié dans toutes les pièces de l’appartement. Se redressant brusquement dans son lit, Loan passa une main sur son visage et se traîna jusqu’à la porte d’entrée qu’elle ouvrit pour faire face à la dernière personne qu’elle pensait voir. Plus réveillée que jamais, la jeune femme fixa un long moment Caleb sur le pas de sa porte sans parvenir à prononcer le moindre mot ni même à éprouver la moindre émotion. Elle se contenta simplement de se décaler sur le côté, de lui faire signe d’entrer et de fermer la porte derrière lui pour prendre appuie sur cette dernière. « Je t’ai laissé entrer, mais si c’était pour me rappeler combien je peux être égoïste tu peux faire demi-tour. ». Un bonjour aurait sans doute suffi et aurait été plus agréable, mais il n’était pas difficile de voir à sa tête qu’elle venait de se réveiller et ça doublé du fait qu’elle se remettait toujours pas du contenu de la lettre accrochée sur son réfrigérateur ne l’aidaient que très peu à être agréable avec la dernière personne qu’elle souhaitait voir.

Toute l’anxiété que Caleb éprouvait en attendant au pied de la porte de l’appartement se transforma en un mélange de surprise et d’inquiétude lorsqu’il se retrouva nez-à-nez avec la mine déconfite de Loan. D’ailleurs, il nota qu’elle ne le regard pas vraiment, et se contenta de se pousser pour le laisser entrer. Ce qu’il fit d’ailleurs sans attendre, tout en fronçant les sourcils. Il ne savait pas encore si c’était son arrivée qui la mettait dans un tel état, mais au moins le ton était donné. Caleb avait déjà redouté cette entrevue toute la journée, et l’humeur dans laquelle semblait se trouver la jeune femme promettait de grandes choses pour les minutes qui allaient suivre. Le militaire aurait pu baisser les bras et repartir de suite en devinant l’état d’esprit visiblement peu enclin à la conversation de Loan. Mais il n’était pas venu jusqu’ici pour rien. Sa détermination et son entêtement allaient une fois de plus bien lui servir, et même si la jeune femme aurait certainement préféré le voir déguerpir, elle allait devoir faire avec.

Je t’ai laissé entrer, mais si c’était pour me rappeler combien je peux être égoïste tu peux faire demi-tour. entendit-il derrière lui. Quel accueil ! Ca faisait chaud au cœur, vraiment… En se retournant, Caleb se retrouva face à une Loan appuyée contre la porte, et visiblement fatiguée. Mais il décida de ne pas s’arrêter à ça. Si il commençait déjà à perdre pied alors qu’il venait d’arriver, s’en était foutu de la « proposition » qu’il était venu lui réitérer. « Bonjour à toi aussi… » déclara-t-il finalement tout en arquant un sourcil. « Je ne suis pas venu te parler du passé d’accord ? Déjà, j’en ai pas vraiment envie et puis tout ce qui compte maintenant, c’est le présent. » Autrement dit : Nolan. Car oui, outre sa carrière militaire, le présent de Caleb se résumait désormais au bien-être de son fils, et à tous ce qu’ils pouvaient vivre ou subir ensemble. Mais devant la mine qu’affichait toujours son interlocutrice, le jeune homme ne put s’empêcher de laisser échapper un soupir. Même si elle n’était pas ravie de le voir, elle aurait au moins pu faire un petit effort ! Il en faisait énormément depuis qu’il était arrivé à New-York, et il ne comptait justement pas être le seul dans cette situation. Désormais, leur fils avait besoin d’elle, et elle allait devoir se faire violence pour enfin accepter son rôle de mère. Caleb ne lui en demanderait pas plus.

En voyant qu’ils restaient tous les deux dans l’entrée et que « l’ambiance » allait très vite retomber, Caleb décida de prendre les choses en main. Après tout, plus vite cette conversation serait terminée et plus vite il pourrait sortir d’ici, loin du visage de Loan qui lui semblait si familier, presque rassurant alors qu’il n’en était rien. « Euh… est-ce qu’on peut… s’installer quelque part ? Je voudrai te parler. » dit-il en désignant le reste de l’appartement du bout du doigt.

« Bonjour à toi aussi… ». Loan arqua un sourcil en posant son regard sur le jeune homme à quelques pas d’elle. Bonjour … elle en doutait sincèrement. S’il s’était agi d’un bon jour la jeune femme ne serait pas enfermée dans son appartement, elle ne se serait pas effondrée sur son lit encore plus épuisée que d’habitude, elle n’aurait pas été dernière à ces entraînements dont elle avait pourtant l’habitude depuis se seize ans et surtout il ne serait pas devant elle. Toutefois, elle devait avouer que sa mauvaise humeur l’agaçait elle-même et que jusqu’à présent la seule chose qu’elle pouvait reprocher à Caleb était de l’avoir réveillé, hormis ça le jeune homme était encore parfaitement aimable avec elle. Convaincue que pour une fois elle se devait de faire un effort pour éviter que la situation ne tourne mal, la jeune philippine passa une main sur sa nuque qu’elle massa et soupira. « Désolée, tu choisis juste la pire de mes journées pour venir me voir. ». A vrai dire toutes ses journées lui semblaient être horribles depuis qu’il avait mis les pieds à New York avec Nolan. Loan avait la sensation de s’être enfoncée un peu plus de jour en jour dans un trou sans fin dont elle peinait à sortir, du moins si elle avait essayé. La jeune femme ne se plaisait pas à être dans cet état, pas alors qu’elle avait toujours fait de son mieux pour apprécier la vie malgré ce par quoi elle passait, mais les évènements douloureux ne cessaient de s’accumuler au point qu’elle perdait pieds et ne parvenait pas à garder à la tête hors de l’eau trouvant bien plus simple de se laisser couler vers un fond qu’elle ne parvenait toujours pas à atteindre.

« Je ne suis pas venu te parler du passé d’accord ? Déjà, j’en ai pas vraiment envie et puis tout ce qui compte maintenant, c’est le présent. ». Ses sourcils se froncèrent légèrement et la demoiselle ne le quitta pas du regard un seul instant. Pourquoi sentait-elle que ce présent avait un rapport avec leur fils, ce petit garçon qu’elle avait mis au monde trois ans plus tôt ? C’était la raison de la venue de Caleb à New York, il voulait que ce petit bout ait une mère, sa mère et jusqu’à présent la jeune femme n’avait pas voulu s’occuper de lui. Ce n’était pas de l’égoïsme, uniquement de la panique à l’idée d’être incapable de donner assez d’amour à ce petit garçon, la même crainte qui l’avait envie lorsqu’elle l’avait mis au monde. A ses yeux, Nolan méritait mieux qu’elle et s’occuper de lui ne lui rappellerait trop l’erreur qu’elle avait pu faire par le passé, le fait d’avoir utilisé Caleb par pur vengeance, mais de ne pas avoir été assez forte pour tout arrêter et ainsi éviter de le perde comme ça avait été le cas. « Euh… est-ce qu’on peut… s’installer quelque part ? Je voudrai te parler. ». Pinçant légèrement ses lèvres et avalant sa salive avec difficulté, la jeune femme acquiesça et se décolla de la porte d’entrée pour rejoindre le salon où elle fit signe à Caleb de s’assoir et elle se laissa tomber sur le fauteuil face à lui, assise en tailleurs sur ce dernier doutant de plus en plus d’avoir envie de savoir sur quoi allait porter cette discussion. « Je t’écoute … qu’est-ce que tu as à me dire ? ». Le calme dont elle faisait preuve la surprenait elle-même alors qu’elle n’avait qu’une envie : le mettre à la porte et ne surtout pas entendre ce qu’il avait à lui dire alors qu’il était déjà assez difficile de le regarder dans les yeux sans avoir à se souvenir de son passé qu’elle avait volontairement enfouit au fond de son esprit.

En voyant l’expression de Loan, et les mouvements de sa main contre sa nuque, le jeune homme eut la confirmation que quelque chose n’allait pas. Et elle le lui affirma d’ailleurs clairement quelques instants plus tard. Mais Caleb voulait rester concentrer sur son but premier, et il se contenta de fixer la jeune femme sans rien dire. Ce n’était pas le moment de s’apitoyer sur son sort à elle, alors qu’il était venu tout spécialement pour parler de celui de leur fils. Il accéléra d’ailleurs un peu les choses en incitant Loan à le faire entrer chez elle ce qui, en soit, n’était pas très digne d’un gentleman. Mais peu importe, le militaire savait ce qu’il voulait, et rien ne pourrait le dévier du but qu’il s’était fixé.

Il suivit les instructions de son ex-petite amie en s’installant dans le canapé, et attendit qu’elle s’asseye en son tour juste en face de lui. « Je t’écoute … qu’est-ce que tu as à me dire ? » demanda-t-elle avec un enthousiasme tout relatif. Mais au fond, Caleb était conscient qu’elle savait exactement de quoi il était venu lui parler. Lors de leur dernière entrevue, il avait promis de lui laisser un peu de temps, et à son goût le temps était désormais écoulé. S’il était revenu à New-York, ce n’était pas pour attendre que mademoiselle soit décidée à le recevoir et à assumer ses « erreurs » du passé. Elle avait besoin de temps, et Caleb estimait pourtant qu’elle en avait eu assez. En même temps, trois ans, ça commençait à faire long ! Et il osait espérer qu’elle avait bien eu l’occasion de se rendre compte de ses erreurs… Mais son souhait le plus cher était qu’elle daigne enfin se rattraper, et considérer Nolan comme son fils. Car c’est exactement ce qu’il était, et il ne tarderait pas à réclamer sa mère. Et quand le moment serait venu, Caleb se voyait mal lui expliquer la vérité. De toute façon, elle était bien trop compliquée pour un enfant, et lui-même n’était parfois pas certain d’avoir tout saisi dans l’histoire. Mais si Loan acceptait d’assumer ses responsabilités, tout serait alors plus simple. Même s’ils ne vivraient jamais ensemble, Nolan aurait au moins l’opportunité de grandir au sein d’une famille à peu près normale.

Le jeune homme fixa Loan pendant quelques instants, en silence, comme s’il cherchait ses mots, ou s’assurait de n’avoir oublié aucun élément dans les discours qu’il avait répété toute la journée. « J’imagine que tu sais de quoi je viens parler… » finit-il par déclarer. « Je t’ai laissé du temps maintenant… Loan… il a besoin de toi, est-ce que tu comprends ? J’ai beau faire tout ce que je peux pour qu’il soit heureux, je ne pourrai jamais te remplacer… T’es sa mère ! Il… Il faut que tu prennes une décision. » Caleb n’avait pas prit la peine de préciser de qui il était en train de parler, et ce parce qu’il savait que c’était inutile. Le regard qu’il avait braqué sur Loan était maintenant plein d’espoir, et de crainte à la fois. Mais le moment était venu, il voulait avoir une réponse, il était grand temps qu’elle se décide et qu’elle assume.

Ce simple visage, cette simple présence lui rappelait tous ces souvenirs, ceux qu’elle avait volontairement occulté de son esprit pour éviter de couler bien plus qu’elle ne le faisait déjà depuis des années. Loan l’avait aimé, bien plus que ce qu’elle avait montré, bien plus que ce que tout le monde pouvait imaginer. Elle était tombée sous son charme et avait jalousé toutes ces filles qui avaient eu la chance d’être dans ses bras alors qu’elle, elle avait dû se contenter du fait qu’il soit son frère par alliance. Puis, vint le moment où son besoin de vengeance avait été si fort que la philippine avait fini par perdre le contrôle de ces faits et gestes. Elle l’avait manipulé, tout d’abord par obligation puis à contre cœur. Elle avait voulu lui avouer toutefois la crainte de lire dans son regard le dégoût l’avait forcé à ne rien dire jusqu’à ce que la vérité éclate et qu’elle n’ait d’autre choix que de faire face à ce dont elle avait toujours eu peur. Lorsqu’elle avait appris être enceinte, peu de temps après leur séparation, Loan avait gardé ça pour elle jusqu’à ce qu’elle mette Nolan au monde et s’en sépare en sachant pertinemment qu’elle ne rendrait jamais son fils heureux même si elle l’aimait, même s’il était un bout d’elle et un bout de son premier amour, le seul trésor qui restait de leur histoire. Comment pouvait-elle se montrer agréable avec Caleb alors que sa présence lui rappelait tout ça et le fait qu’elle avait lâchement abandonné leur fils ? « J’imagine que tu sais de quoi je viens parler… ». Loan redressa la tête vers lui après l’avoir baissé, perdue dans ses pensées.

Oui, elle savait parfaitement de quoi il venait lui parler et elle sentait déjà son estomac se nouer et son rythme cardiaque accélérer. « Je t’ai laissé du temps maintenant… Loan… il a besoin de toi, est-ce que tu comprends ? J’ai beau faire tout ce que je peux pour qu’il soit heureux, je ne pourrai jamais te remplacer… T’es sa mère ! Il… Il faut que tu prennes une décision. ». La jeune femme pinça nerveusement ses lèvres à plusieurs reprises et son regard ne tarda pas à dévier pour aller se poser sur la table basse entre eux deux. Elle resta silencieuse, luttant contre la colère qu’elle éprouvait contre elle-même et la gêne qu’elle éprouvait en présence de Caleb. « Je … j’en sais rien, maintenant encore moins qu’avant. ». Loan leva les yeux vers Caleb en mordillant sa lèvre tout en soupirant. « Il ne sera jamais heureux avec moi. Tu me connais, tu sais comment je suis … je suis incapable d’être une mère et … pourquoi est-ce que tu l’as adopté ? Pourquoi tu as fait ça ? Si je t’ai dit que je ne voulais pas le garder c’était parce que … il aurait sans doute été bien mieux sans une histoire pareille. ». Loan passa une main sur son visage et inspira doucement pour rester toujours aussi calme, ses jambes à présent droites. « Je l’ai voulu … je m’étais dit que … peu importe, mais il ne sera pas heureux avec moi. ». Elle ne s’attendait pas à ce qu’il comprenne ce qu’elle ressentait, de toute manière elle doutait que quelqu’un en soit capable, mais elle ignorait ce qu’elle devait faire. Loan était partagée entre sa crainte de ne pas rendre son fils heureux et le fait de vouloir voir ce petit bout d’eux grandir en étant à ses côtés.

Dès l’instant où il se mit à déblatérer son petit discours, Caleb fut incapable de soutenir le regard de Loan. Pas par manque de confiance en lui, mais plutôt par crainte. Il craignait d’être déstabilisé, de se perdre dans les yeux de Loan comme il avait l’habitude de le faire auparavant, lorsqu’il n’avait pas encore conscience qu’elle se jouait de lui et de ses sentiments. Pourtant il y avait cru, il avait pensé que l’amour qu’il lui portait était réciproque… d’où la douleur qu’il avait ressenti en apprenant la vérité. Et quelque part, cette douleur n’était pas tout à fait effacée. Le seul fait de revoir le visage de la jeune femme réveillait en lui un tas de souvenirs, qui risquaient à tout moment de lui faire perdre la tête. Mais il n’en avait pas le droit. Pour leur fils Nolan il devait se faire violence, et faire face à ses pires démons sans ciller. Alors, tant bien que mal, il tenta de lui faire comprendre à quel point son retour était important, à quel point Nolan avait besoin d’elle et à quel point il comptait sur elle pour qu’il soit heureux et ne manque de rien. Surtout pas d’une mère. Mais Loan resta bien silencieuse, ce qui du point de vue de Caleb n’annonçait rien de bon.

« Je … j’en sais rien, maintenant encore moins qu’avant. » Bouche bée, le jeune militaire releva finalement la tête vers sa voisine. A quoi jouait-elle ? Pouvait-elle être sérieuse en lui balançant ça comme ça ? Il aurait voulu protester, peut-être même en s’emportant, mais avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit, Loan reprit : « Il ne sera jamais heureux avec moi. Tu me connais, tu sais comment je suis … je suis incapable d’être une mère et … pourquoi est-ce que tu l’as adopté ? Pourquoi tu as fait ça ? Si je t’ai dit que je ne voulais pas le garder c’était parce que … il aurait sans doute été bien mieux sans une histoire pareille. » Tout d’abord, Caleb poussa un long soupir en prenant son visage entre ses mains. Si elle partait d’une constatation pareille, la partie était loin d’être gagnée pour Nolan et lui. Mais en entendant Loan l’accuser, il ne put se retenir davantage. « Pardon ?! T’aurais peut-être préféré qu’il passe des années entières dans un orphelinat avant de trouver une vraie famille qui, si ça se trouve, n’aurait même pas si s’occuper de lui ?! Loan, c’est ton fils bordel ! » s’emporta-t-il sans même écouter ce qu’elle avait à ajouter. « Arrête de dire qu’il ne serait pas heureux avec toi, c’est de TOI dont il a besoin et de personne d’autre ! Ca fait trois ans, TROIS ANS que je me casse la tête pour qu’il soit bien ! Et toi… toi t’as juste pas envie de t’emmerder, alors tu dis que tu n’en es pas capable, c’est tellement facile ! » Caleb ferma les yeux quelques instants, mais il ne put se résoudre à en rester là, et secoua la tête avant de reprendre : « Comme si j’avais été prêt pour ça moi… Si je l’ai fait, c’est parce que c’était AUSSI mon fils, et que je ne souhaitai que des inconnus s’en occupent. Tu sais quoi ? S’il n’est pas heureux, ça sera uniquement à cause de ton absence… J’ai fait en sorte qu’il ne manque de rien d’autre, mais la balle est dans ton camp, je ne peux rien faire de plus ! » Il s’était lâché, et en était presque essoufflé mais au moins, elle savait tout. Il lui avait balancé en pleine figure tout ce qu’il gardait depuis trois ans, au risque de la blesser. Mais peu importait, il n’avait pas su se retenir.

Pourquoi lui avait-elle ouvert ? C’était la question qu’elle ne cessait de se poser assise sur son fauteuil incapable de soutenir plus longtemps son regard. Durant trois ans elle avait espéré ne plus jamais avoir à recroiser sa route même si elle savait que son père serait toujours prêt à remuer le couteau dans la plaie en lui parlant la carrière brillante qu’effectuait Caleb. Pourtant, Richard n’avait jamais jugé bon de prévenir sa fille sur le fait que le père de son fils avait décidé de l’adopter après qu’elle soit partie et c’était en le voyant sur le pas de sa porte avec leur petit garçon qu’elle avait su, qu’elle avait appris la vérité. Loan ne parvenait toujours à pas à s’en remettre et encore moins à savoir ce qu’elle devait faire ou ne pas faire. Il était vrai qu’il s’agissait de son petit garçon, un enfant qu’elle avait porté durant neuf mois dans son ventre et qu’elle avait mis au monde. Il faisait partie d’elle et contrairement à ce qu’elle pouvait dire ou montrer, l’avoir abandonné fut le choix le plus difficile qu’elle eut à faire, mais elle s’était persuadée que c’était mieux pour lui, mieux pour son avenir et, quelque part, pour sa sécurité. Seulement Loan n’avait eu d’autre choix que de faire face au fait que Caleb et sa sœur ne le voyaient pas comme ça et que ça ne serait probablement jamais le cas. « Pardon ?! T’aurais peut-être préféré qu’il passe des années entières dans un orphelinat avant de trouver une vraie famille qui, si ça se trouve, n’aurait même pas su s’occuper de lui ?! Loan, c’est ton fils bordel ! ». Sa mâchoire se serra.

C’était bien la première fois en trois ans qu’elle entendait autant dire que Nolan était son fils. Elle était la mieux placée pour le savoir et pourtant elle n’avait pas pensé une seule minute au fait que ce petit garçon si innocent aurait pu avoir la malchance de tomber dans un orphelinat jusqu’à sa majorité ou sur une mauvaise famille sans doute parce qu’elle s’était convaincue qu’il ne pouvait pas hériter de sa malchance à elle. « Arrête de dire qu’il ne serait pas heureux avec toi, c’est de TOI dont il a besoin et de personne d’autre ! Ça fait trois ans, TROIS ANS que je me casse la tête pour qu’il soit bien ! Et toi… toi t’as juste pas envie de t’emmerder, alors tu dis que tu n’en es pas capable, c’est tellement facile ! ». Loan encaissa sans rien dire toujours aussi incapable de croiser son regard. Elle se contenta juste de lever la tête en silence et de l’écouter sans rien dire le connaissant assez pour savoir qu’il n’en avait pas fini avec elle. « Comme si j’avais été prêt pour ça moi… Si je l’ai fait, c’est parce que c’était AUSSI mon fils, et que je ne souhaitai que des inconnus s’en occupent. Tu sais quoi ? S’il n’est pas heureux, ça sera uniquement à cause de ton absence… J’ai fait en sorte qu’il ne manque de rien d’autre, mais la balle est dans ton camp, je ne peux rien faire de plus ! ». Un soupire lui échappa tandis qu’elle pinçait l’arête de son nez, les paupières closes pour continuer sur la même voie, pour ne pas s’emporter alors qu’elle savait pertinemment que ça n’allait rien apporter de bon pour l’avoir déjà expérimenté lorsqu’ils étaient plus jeunes.

Loan se redressa silencieusement et quitta son fauteuil pour se détourner un peu plus de Caleb et alla s’adosser au mur le plus près, croisant ses bras contre sa poitrine et posant ses yeux sur lui. « Tu crois sincèrement que j’ai pas envie de le voir grandir et que j’en ai jamais eu envie ? Tu l’as dit toi-même, c’est mon fils mais … ça serait comme faire face à ce que je t’ai fait tous les jours et j’ai bien assez de culpabilité comme ça sans avoir besoin de la mettre inconsciemment sur ses épaules. Ça me bouffe depuis trois ans comme ce que j’ai pu te faire ou ce que je n’ai pas pu te dire et … ». La philippine s’arrêta pour mordre sa lèvre. Et quoi ? Elle n’en avait pas envie ? C’était complètement faux. Combien de fois s’était-elle imaginée en train de serrer Nolan contre elle et de le couvrir de baisers ? Mais à chaque fois elle se rappelait la raison de sa naissance et elle avait peur de le faire souffrir malgré elle et aux yeux de Loan c’était hors de question. « Même si j’acceptais d’être là pour lui je pars à la moitié de ce mois-ci avec mon unité … tu tiens vraiment à ce qu’il s’attache à moi alors que je risque de ne pas rentrer ? ». Loan passa une dans ses cheveux, soupira et retourna en direction de l’endroit où Caleb était assis osant prendre place à côté de lui sans pour autant être capable d’arrêter de pincer nerveusement ses lèvres. « Ne crois pas que je l’ai abandonné avec plaisir, c’était le choix le plus difficile que j’ai eu à faire. Je t’avais menti et toute la famille m’a tourné le dos dès ce moment, ce que j’ai amplement mérité, je n’étais pas capable d’assumer Nolan … ». La jeune femme baissa les yeux. C’était bien la première fois qu’elle osait dire à voix haute qu’elle s’était sentie incapable d’assumer son fils en plus du fait d’avoir voulu immédiatement l’éloigner d’elle pour qu’il ait une chance d’avoir mieux qu’elle comme mère.

Dès qu’il eut finit son long monologue, Loan se leva pour aller s’adosser au mur. En croisant son regard l’espace d’un instant, une vague de regrets le submergea mais comme à son habitude, il n’en montra rien. S’il craquait maintenant, il ne faisait aucun doute qu’il faille ensuite tout reprendre à zéro. Alors il se contenta de baisser les yeux, et d’attendre en silence que la jeune femme dise quelque chose. Caleb voyait bien qu’elle était en train de le regarder, mais il préféra se refuser à croiser une nouvelle fois son regard. Il avait dit ce qu’il avait à dire, autant la laisser se débrouiller toute seule à présent. Cependant, au moment où elle daigna reprendre la parole, un élément attira l’attention du jeune militaire. Directement, elle avait remis sur le tapis le fait qu’elle l’ait trahi, et cette simple évocation lui fit lever les yeux au ciel. Alors voilà, elle trouvait encore un moyen de s’esquiver, en rappelant à Caleb à quel point elle l’avait déçu et blessé. Immédiatement, le jeune homme se figea en arborant un regard noir. Comment osait-elle essayer de s’en sortir comme ça ? « Arrête… » lacha-t-il froidement. « Tu te moquais de moi depuis le début Loan, tu ne m’as jamais aimé, mais je ne suis pas venu pour reparler de ça, ok ? Tout ce qui compte pour moi aujourd’hui, c’est Nolan. » Il marqua une pause en déglutissant presque douloureusement, puis ajouta comme pour lui certifier qu’il avait tiré un véritable trait sur leur histoire : « Rien d’autre. » La réalité était toute autre, mais ça, Caleb se gardait bien de le dire. Pendant ces trois ans passés loin d’elle, et malgré ses efforts et toute la rancœur qui l’envahissait, il n’était jamais parvenu à oublier Loan. Elle avait été tellement importante pour lui, il l’avait tant aimée qu’il lui était tout bonnement impossible d’effacer leur histoire d’un coup d’éponge. Souvent, elle avait fait partie de ses rêves… Et dans chacun d’eux, Caleb finissait par découvrir que Loan ne s’était finalement pas servi de lui. Mais au réveil, en se retrouvant seul pour s’occuper de son fils, la réalité lui revenait en pleine figure, plutôt violemment.

Même si j’acceptais d’être là pour lui je pars à la moitié de ce mois-ci avec mon unité … tu tiens vraiment à ce qu’il s’attache à moi alors que je risque de ne pas rentrer ? Caleb sortit brusquement de ses pensées, et cette fois il ne put s’empêcher de braquer son regard sur elle. « Quoi ?! Tu… tu vas où ? » s’enquit-il avec la plus grande inquiétude non-dissimulée. « Et… dis pas ça. » se sentit-il obligé d’ajouter, même si elle savait très bien que lui aussi connaissait tous les risques de ce métier, et pour cause. Son annonce avait été un peu brutale, et Caleb avait bien du ma à réaliser tout ce que cela impliquait. Comme si le sort se mêlait de ce qui ne le regardait pas, il allait une fois de plus lui enlever Loan ? Alors qu’il était venu s’installer à New-York spécialement pour elle ? Caleb aurait aimé lui dire de refuser, mais en étant militaire lui-même, il savait pertinemment que c’était peine perdue. Mais alors qu’il ne l’écoutait plus que d’une oreille, Loan vint s’asseoir à côté de lui. Il en fut d’ailleurs surpris, et contraint à la regarder dans les yeux puisqu’elle était désormais si près. « Loan… dans tous les cas tu ne serais pas seule ! J’ai pas l’intention de me débarrasser de lui tu sais ! Alors je me disais que… tu pourrais au moins essayer… Quelque part, tu dois bien en avoir envie, non ? »

Cette situation elle ne l’aimait pas du tout au point d’avoir la sensation de devoir à nouveau faire face à ce moment où son père lui avait lancé au visage qu’en ce qui le concernait Loan n’était plus sa fille. C’était d’ailleurs toujours le cas, la jeune femme ne servant à Richard que pour ce qui était de montrer que ses enfants réussissaient bien dans leur vie et dans leur carrière, autrement elle n’avait pas plus d’importance que ça. La philippine eut même envie de laisser Caleb seul dans le salon et d’aller s’enfermer dans sa chambre comme si ce geste immature allait le faire fuir et lui permettre d’éviter cette discussion. Toutefois, elle savait que tôt ou tard elle allait y avoir le droit et si ce n’était pas Caleb il y avait fort à parier que sa sœur allait également en remettre un couche et Loan n’en avait que très peu envie. « Arrête… ». Le ton froid qu’employa le jeune homme à son adresse la força à serrer les dents. Ça aussi lui donnait l’impression d’être retournée trois ans en arrière, lorsque Caleb avait découvert la vérité et avait coupé court à cette seule relation que la jeune femme avait eue de sérieuse malgré le mensonge sur lequel elle reposait.

« Tu te moquais de moi depuis le début Loan, tu ne m’as jamais aimé, mais je ne suis pas venu pour reparler de ça, ok ? Tout ce qui compte pour moi aujourd’hui, c’est Nolan. Rien d’autre. ». Elle aurait pu répliquer qu’il faisait fausse route et qu’elle avait été véritablement sincère lorsqu’elle avait été avec lui – du moins au bout d’un certain temps – mais elle préféra rester silencieuse puisqu’elle savait que de toute de manière, en plus de ne rien vouloir entendre, il n’allait pas la croire alors autant ne pas gaspiller sa salive. « Quoi ?! Tu… tu vas où ? ». Même si cette inquiétude soudaine la troubla, Loan n’en laissa rien voir et continua simplement de le regarder. Que ça soit bref ou non, il s’était inquiété pour elle et bien qu’elle restait totalement neutre pour tenter de garder le contrôle de ses émotions la philippine ne parvenait déjà plus à ôter ceci de son esprit, touchée par le fait que malgré ce qu’elle avait pu faire elle continuait d’avoir un tant soit peu d’importance pour lui. « Et… dis pas ça. ». Cette fois la jeune femme ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel en soupirant. Elle avait le droit de dire ce qu’elle pensait et ce qu’elle considérait comme étant la vérité puisqu’après tout beaucoup de soldats étaient déjà tombés dans ce conflit qui durait depuis onze ans. « Pardonne-moi de ne dire que la vérité. On fait le même métier tous les deux alors ose me dire que la plupart d’entre nous n’ont pas cette peur d’y rester à chaque fois qu’ils apprennent qu’ils partent en Afghanistan ! ». Voilà qu’elle s’était légèrement emportée.

Loan ferma les yeux en soupirant puis mordilla sa lèvre inférieure pour finalement poser à nouveau les yeux sur Caleb bien qu’elle refusait de s’excuser. « Loan… dans tous les cas tu ne serais pas seule ! J’ai pas l’intention de me débarrasser de lui tu sais ! Alors je me disais que… tu pourrais au moins essayer… Quelque part, tu dois bien en avoir envie, non ? ». Son regard toujours accroché à celui du jeune homme, elle mordit d’autant plus sa lèvre et fut même étonnée de ne pas entailler cette dernière tant elle pouvait forcer. Son silence dura quelques secondes de plus pendant lesquels elle fixa Caleb plus longtemps qu’elle ne l’avait jamais fait depuis qu’il était arrivé à New York. « Oui … depuis que je l’ai mis au monde à vrai dire. ». Loan baissa enfin les yeux et les posa sur ses mains. Elle venait de l’avouer dans un souffle et de le dire à voix haute devant Caleb pour la toute première fois alors que jusque-là elle lui avait certifié ne pas vouloir être mêlée à la vie de son … leur fils. « Mais tu pourrais trouver tellement mieux comme mère pour lui que moi. ». Doucement, elle releva les yeux vers le jeune homme et hésita quelques instants avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres. « Pourquoi tu ne l’as pas fait ? », demanda-t-elle d’une petite voix regrettant presque de lui demander la raison pour laquelle il n’avait pas déjà une autre femme dans sa vie et dans celle de Nolan qui aurait probablement été capable de remplir bien mieux le rôle de mère qu’elle.

Quoi qu’en dise Caleb, le fait de remettre sur le tapis le manque de sentiment de Lian à son égard était une sorte de test, un moyen de se confirmer qu’elle n’avait jamais rien ressenti pour lui. Et le résultat lui apporta tout ce qu’il avait attendu. Loan ne prit même pas la peine de lui répondre… En même temps, il ne s’attendait pas à autre chose, et se trouva même bien stupide d’avoir pu penser le contraire ne serait-ce que l’espace d’un instant. Mais très vite, l’annonce de la mission à laquelle devait participer la jeune femme effaça toute autre information de l’esprit de Caleb. Même s’il aurait voulu se l’interdire, et enfouir se sentiment au plus profond de lui pour qu’elle n’en devine rien, le jeune militaire ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter. Concrètement, il n’avait plus grand-chose à voir avec Loan et leur seul lien résidait désormais en leur fils Nolan. Mais un passé comme celui qu’ils avaient ensemble ne pouvait pas s’oublier aussi facilement… Pardonne-moi de ne dire que la vérité. On fait le même métier tous les deux alors ose me dire que la plupart d’entre nous n’ont pas cette peur d’y rester à chaque fois qu’ils apprennent qu’ils partent en Afghanistan ! A peine le dernier mot fut-il prononcé que Caleb ferma douloureusement les yeux. L’Afghanistan était probablement une des pires destinations vers laquelle on pouvait l’envoyer, et son départ était prévu quelques semaines plus tard. Quelques petites semaines qui pouvaient potentiellement être les seules durant lesquelles Nolan connaîtrait sa mère. Mais le jeune homme se refusait à penser au pire. Il secoua d’ailleurs vigoureusement la tête, et releva ses yeux vers Loan. Il était encore un peu abasourdi, mais ne devait pas perdre la face devant elle. « Ca va aller… ça va aller. » répéta-t-il d’une voix faible, finalement plus pour lui que pour elle. En tant que militaire, il ne pouvait décemment pas lui demander de refuser à cette mission, mais l’envie lui en brûlait pourtant les lèvres. Il décida néanmoins de se faire violence, et enchaina dans un premier temps sur un autre sujet.

Elle avait envie d’essayer, et ce depuis la naissance de leur fils. Et en entendant cela, Caleb afficha un léger sourire qui traduisait autant sa satisfaction que sa tristesse. Elle en avait envie mais ne l’avait pourtant jamais fait, parce que jusqu’à maintenant, elle se le refusait. Mais tu pourrais trouver tellement mieux comme mère pour lui que moi. Caleb se tourna vers elle et ouvrit la bouche pour protester, mais il n’en eut pas le temps et déjà une question plus qu’inattendue se profila : Pourquoi tu ne l’as pas fait ? Aussitôt, le jeune homme referma la bouche, restant interdit pendant quelques instants, le regard figé dans celui de Loan qui se trouvait tout près de lui. Mais il finit par détourner la tête en soupirant, et en reprenant un air plus sévère. « Loan… sa mère, c’est toi. Personne d’autre. Et pour le reste… c’est pas la question. » Se refusant à lui en dire plus, sous peine de lui laisser comprendre à quel point elle était importante pour lui, même aujourd’hui, et même après ce qu’elle lui avait fait, Caleb finit tout de même par craquer. C’est en prenant grand soin de ne pas la regarder qu’il déblatéra rapidement : « Tu sais bien, tu te souviens comment j’étais avant… Tu sais que t’as été ma seule véritable… enfin, tu vois. Bah voilà… j’suis toujours pareil. « Sous-entendu : je suis toujours le tombeur que tu as connu avant de te servir de moi comme d’un vulgaire pantin. Ne sachant pas quoi ajouter pour ne pas complètement se trahir, Caleb haussa les épaules et se tut, attendant qu’elle réagisse. Eventuellement…

Elle avait peur … difficile de ne pas le lire dans son regard malgré les efforts qu’elle pouvait faire pour le cacher. C’était bien la première fois qu’un déploiement lui faisait cet effet-là. Loan avait été incapable de se concentrer de toute sa matinée et elle avait même été à deux doigts de faire une véritable catastrophe. Elle qui pourtant attendait ça avec une certaine impatience, voilà qu’elle aurait préféré ne jamais recevoir de lettre. Peut-être que si elle avait eu plus de temps pour s’y faire son angoisse se serait dissipée ? Malheureusement, la philippine ne pouvait pas le savoir puisque c’était dans les jours à venir qu’elle allait devoir prendre un vol direct pour l’Afghanistan et y rester pour un laps de temps inconnu. « Ça va aller… ça va aller. ». Comment parvenait-il encore à lui affirmer ce que tous les deux savaient comme étant faux ? Rien n’allait et ça serait encore moins le cas une fois là-bas alors que rien ne pouvait lui garantir qu’elle reviendrait et que si c’était le cas ce serait en un seul morceau, physiquement comme psychologiquement d’ailleurs.

Beaucoup de soldats tombaient depuis onze ans dans ce pays, Loan n’était pas à l’abri de faire partie de ces personnes, aucun militaire envoyé là-bas ne l’était d’ailleurs. La jeune femme en vint même à regretter que la décision du Président actuel ne soit pas déjà mis en application ce qui lui aurait au moins éviter d’aller là-bas et lui aurait donc laissé un peu plus de temps. Une fois de plus, elle dû se rendre à l’évidence qu’elle faisait tout – même dans sa tête – pour éviter le sujet que Caleb avait lancé. Parler de Nolan était difficile, bien trop difficile pour qu’elle accepte de se focaliser uniquement sur ce petit garçon, mais elle n’avait pas le choix et elle connaissait le jeune homme par cœur au point de savoir qu’il ne la laisserait pas tranquille sans une réponse convenable. Lui avouer le fait qu’elle avait toujours désiré garder son garçon avec elle lui sembla être un premier pas. Loan devait cesser de se cacher et de mentir, elle l’avait déjà trop fait par le passé et il était sans doute temps pour elle de grandir un peu plus. Néanmoins, elle dévia une nouvelle fois la conversation parce que c’était tout bonnement impossible pour elle de rester plus longtemps sur la même et celle qu’elle venait d’engager n’était pas bien mieux, mais les mots lui avaient échappés, poussée par ce besoin de savoir.

Malgré la difficulté qu’elle éprouvait de le regarder dans les yeux, Loan ne dévia pas son regard, ce fut Caleb qui le fit, mais la jeune femme ne baissa pas les yeux, elle savait que cette question devait être bien gênante pour lui. « Loan… sa mère, c’est toi. Personne d’autre. Et pour le reste… c’est pas la question. ». Face à la sévérité de son regard, elle préféra ne rien dire, ne rient tenter pour éviter tout risque de l’énerver. Pour l’instant la situation était assez calme et n’ayant pas la moindre envie d’hausser le ton – même si elle l’avait légèrement fait en parlant de son départ – elle préférait éviter toute dispute et resta silencieuse tandis qu’il s’appliquait à ne pas la regarder. « Tu sais bien, tu te souviens comment j’étais avant… Tu sais que t’as été ma seule véritable… enfin, tu vois. Bah voilà… j’suis toujours pareil. ». Sa mâchoire se crispa. Oui, elle s’en souvenait parfaitement, surtout de cette sensation de jalousie à chaque fois qu’elle l’avait vu avec une autre et étrangement le fait d’y repenser réveillait cette émotion qu’elle pensait disparue depuis longtemps.

Le visage plus dur qu’auparavant, Loan lâcha un soupire d’agacement. « Ça aurait pu me suffire si tu avais eu le cran de me regarder en le disant. Je te rappelle qu’on a vécu sous le même toit et que je sais toujours lorsque tu n’es pas totalement franc Caleb et là … c’est le cas. ». Changer de sujet aurait été une excellente idée, mais Loan ne voulait pas, parce qu’elle était têtue et trop curieuse pour ça et ce malgré ce qu’elle pouvait risquer à insister. « Tu ne veux pas me croire lorsque je te dis que je t’aimais, ne t’attends pas à ce que moi je te crois quand tu dis être toujours le même avec les femmes. ». Alors que les mots venaient de franchir ses lèvres, Loan prit conscience un peu trop tard du fait qu’en réalité elle ne le lui avait jamais dit, juste sous-entendu. Ces mots elle avait été incapable de les prononcer à temps par crainte qu’il pense qu’elle ne les avait utilisés que pour jouer au mieux son rôle alors qu’elle aurait été sincère. Elle tenta de rester neutre même si elle se serait bien insultée pour une boulette pareille.

Caleb sentait bien que peu à peu la conversation déviait, et que c’est précisément ce qu’elle recherchait. Mais sans trop comprendre pourquoi il le faisait, il allait bêtement dans son sens, répondant même à cette question qui le dérangeait et qu’il redoutait plus que tout. Où voulait-elle en venir exactement ? Etait-ce un jeu ? Une façon de savoir s’il était toujours au fond du gouffre ou si au contraire il avait facilement pu refaire sa vie ? En le trahissant comme elle l’avait fait, Loan ne s’était pas tant inquiété de ce qu’il pouvait bien ressentir ! Mais comme s’il avait été spectateur de la scène, Caleb se vit répondre à la jeune femme sans ciller. Il se vit lui avouer qu’elle avait été sa seule véritable histoire d’amour, et que depuis son départ il était redevenu ce garçon un peu coureur de jupon, pour qui aucune fille ne comptait vraiment. Comme lorsqu’il était adolescent, il lui laissait croire qu’il enchainait les conquêtes sans jamais s’attacher. Et c’était vrai. Depuis Loan, il n’avait jamais vécu d’autre relation aussi longue, ni même aussi intense. En fait, il n’avait jamais été amoureux d’une autre qu’elle et n’avait pas spécialement cherché à l’être. Les filles qu’il fréquentait quand il en avait encore le temps et que Nolan n’était pas avec lui, lui servaient plus à passer le temps qu’à véritablement se poser. Car à chaque fois, quoi qu’il fasse et quoi qu’il en dise, le visage de Loan revenait le hanter.

Lorsqu’elle lâcha un soupir agacé, Caleb releva les yeux vers elle avec incompréhension. Qu’avait-il dit qui puisse provoquer une telle réaction ? Certes, il avait un peu arrangé la vérité à sa façon, omettant consciencieusement de lui dire qu’il n’avait jamais pu l’oublier, mais de quoi l’accusait-elle exactement ? Et comme si elle s’était douté de ce qu’il cherchait à lui cacher, Loan décida de renchérir en lui affirmant qu’elle voyait clair dans son jeu : pour elle, il était en train de mentir. Complètement abasourdi, Caleb arqua un sourcil. Comment pouvait-elle être mauvaise au point de remuer le couteau dans la plaie comme elle le faisait ?! C’était tout bonnement incroyable, et le militaire avait l’impression de passer un véritable interrogatoire à l’issue duquel elle allait l’obliger à avouer qu’il tenait toujours autant à elle. Mais sans prévenir, un élément nouveau vint l’assommer et ainsi lui apporter le coup de grâce. Tu ne veux pas me croire lorsque je te dis que je t’aimais, ne t’attends pas à ce que moi je te crois quand tu dis être toujours le même avec les femmes.

Comme si quelqu’un avait actionné le bouton « pause » d’un télécommande invisible, Caleb resta figé pendant un long moment, ne pouvant se résoudre à croire ce qu’il venait d’entendre. Mais alors qu’elle fuyait son regard, le jeune homme ne put rester silencieux plus longtemps. « Hein ? » balbutia-t-il avec plus ou moins d’assurance. « Loan… à quoi tu joues là ? Pourquoi tu me fais ça ?! T’as pas le droit ! T’as pas le droit de me faire croire ça alors que c’est complètement faux ! » continua-t-il avec beaucoup plus de hargne. Puis, comme si elle pouvait représenter un quelconque danger pour lui, il se décala et s’éloigna d’elle en gardant néanmoins un regard des plus sévères braqué sur elle.

Si jamais les awards existaient pour les boulettes de ce monde, elle pouvait être certaine d’en rafler un bon paquet avec toutes les erreurs qu’elle accumulait depuis son adolescence. Celle-ci devait être la pire, bien que non comparable avec le fait d’avoir abandonné Nolan à sa naissance ou tout simplement d’avoir menti à Caleb durant toute leur relation. Pourquoi n’avait-elle pas réfléchi avant de parler ? Peut-être parce que ce n’était pas vraiment dans sa nature, parce qu’elle était bien trop impulsive pour penser à mesurer l’impact que ses paroles pourraient avoir sur une autre personne. Toutefois, elle avait réfléchi plusieurs années auparavant. Elle avait réfléchi lorsqu’elle s’était interdit de lui avouer par crainte de ne pas être prise au sérieux, ce qui aurait probablement été le cas d’ailleurs. Elle avait parfois réfléchi, mais trop peu souvent, comme aujourd’hui. Loan venait de lui annoncer un fait qu’elle n’avait pas osé avouer auparavant alors que ça l’avait démangé plus d’une fois. Oh oui ! La philippine l’avait aimé et de façon sincère au point de ne plus savoir quoi faire ni comment réagir. Elle avait été trop loin dans sa vengeance pour faire demi-tour et pour se risquer de le dire, alors elle était restée silencieuse, mais la jeune femme l’avait aimé et il était probable que malgré sa vie actuelle se soit toujours le cas.

Elle ne se ressentait pas uniquement des difficultés à le regarder dans les yeux à cause de ce qu’elle avait pu lui faire, mais aussi parce qu’elle ressentait toujours ce petit quelque chose au fond d’elle lorsque ses yeux se posaient sur Caleb. C’était frustrant, mais agréable aussi bien que la jeune femme préférait se focaliser sur autre chose que sur ce que le militaire pouvait ou non encore éveiller chez elle. Loan repensa immédiatement à ce qu’elle venait de lui dire, s’insulter mentalement de tous les noms lui semblait être une bien meilleure idée, pourtant elle ne retira pas ses mots et elle ne chercha pas à se rattraper, de toute manière il fallait bien qu’elle lui dise tôt ou tard. La réaction de Caleb fut sans appel. La philippine le connaissait si bien qu’elle ne fut même pas surprise lorsqu’il resta figé devant elle sans être capable d’émettre le moindre son pendant quelques secondes. « Loan… à quoi tu joues là ? Pourquoi tu me fais ça ?! T’as pas le droit ! T’as pas le droit de me faire croire ça alors que c’est complètement faux ! ». Cette réaction-là aussi, Loan l’attendait tout simplement parce que personne ne la prenait jamais au sérieux lorsqu’enfin elle disait la vérité, c’était le problème d’avoir menti sur quelque chose d’aussi gros et d’avoir trahi la confiance de sa famille.

Si elle avait pu rester calme, elle l’aurait probablement fait, mais elle perdait le contrôle et ne supportait pas le regard sévère qu’il lui lançait, un regard qui était loin de lui avoir manqué. A son tour la jeune femme se leva, mais elle resta au niveau du canapé et porta une de ses mains à son front. « Mais qu’est-ce que vous avez tous dans cette famille ? ». Loan laissa retomber son bras le long de son corps pour finalement croiser les deux contre sa poitrine en posant les yeux sur Caleb. « Tu me rapproches d’avoir menti et quand je dis la vérité c’est pareille, faut savoir ce que tu veux ! ». Elle soupira en levant les yeux au ciel et lui tourna le dos quelques instants et prit place sur l’accoudoir du canapé, la tête levée de sorte à pouvoir le regarder de nouveau. « Pourquoi est-ce que tu crois que je n’ai jamais prononcé ces mots ? Ce n’est pas parce que je les pensais pas … Caleb je t’aimais – et c’est probablement toujours le cas d’ailleurs – et j’étais en train de me servir de toi par vengeance ! Tu crois vraiment que j’aurais été capable de te dire que je t’aimais en sachant ça ? ». Loan baissa la tête et pinça l’arête de son nez en soupirant. Bizarrement elle ne se sentait pas bien mieux de l’avouer, c’était encore pire de prendre conscience de tout ça.

Caleb ne pouvait pas croire ce qu’elle était en train d’essayer de lui faire avaler. Après tout ce qu’elle lui avait fait et tout ce qu’elle avait gâché pour eux, elle osait venir lui dire qu’elle l’avait aimé. Et pour le militaire, c’était tout bonnement inconcevable. Si elle l’avait véritablement aimé à un moment ou à un autre, elle aurait certainement prit soin de le mettre au courant, de lui avouer tout son petit manège bien avant au lieu de chercher à lui cacher. L’amour, ça passait aussi par la sincérité, l’honnêteté, et Loan n’avait clairement pas su en faire preuve. Cependant, la jeune femme ne sembla pas tellement surprise par la réaction de Caleb, et il dut s’avouer déstabilisé l’espace d’un instant. Elle se leva brusquement, et porta une de ses mains jusqu’à son front… pour se plaindre, une nouvelle fois. A l’entendre, toute la famille était contre elle et dans un sens, ce n’était pas faux. Mais elle devait bien prendre conscience qu’elle l’avait cherché. Si elle avait été honnête avec tout le monde, si elle avait su faire face à ses responsabilités au lieu de les fuir, elle n’en aurait certainement pas été là. Mais Caleb était conscient que tout ce qu’il pensait était bien trop dur pour lui envoyer en pleine figure, alors il se contenta de rester silencieux sans pour autant atténuer son regard noir braqué dans la direction de Loan.

« Tu me rapproches d’avoir menti et quand je dis la vérité c’est pareil, faut savoir ce que tu veux ! » Caleb s’apprêta à protester, à se défendre. Il savait très bien ce qu’il voulait, mais ne s’attendait simplement pas à ce que la vérité soit celle que Loan lui contait. Mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, la jeune femme reprenait déjà la parole. Et autant dire que Calb n’était pas encore au bout de ses surprises… « Pourquoi est-ce que tu crois que je n’ai jamais prononcé ces mots ? Ce n’est pas parce que je les pensais pas … Caleb je t’aimais – et c’est probablement toujours le cas d’ailleurs – et j’étais en train de me servir de toi par vengeance ! Tu crois vraiment que j’aurais été capable de te dire que je t’aimais en sachant ça ? » Caleb resta un fois de plus bouche bée, comme impuissant et incapable d’articuler le moindre mot. A vrai dire, il n’avait retenu qu’une seule et unique partie du discours de Loan, et c’était évidement celle qui spécifiait qu’elle l’aimait probablement encore. Son cœur sembla manquer un battement, et le jeune homme dut fermer les paupières quelques instants histoire de se canaliser. Tout était en train de s’embrouiller dans son esprit, si bien qu’il ne savait absolument pas quoi dire. Devait-il s’en aller ? Lui dire que lui aussi était toujours très attaché à elle ? L’envoyer balader en prétextant qu’elle n’avait pas le droit de lui faire ça ? En vérité, aucune solution ne lui paraissait viable. Mais il décida finalement de remettre ses doutes sur la table, quitte à envenimer un peu plus la situation. « Si tu m’avais vraiment aimé, tu m’en aurais parlé avant. Et quand je suis venu te voir à la maternité… tu… tu n’aurais pas pu abandonner notre fils. Je ne sais pas ce que tu cherches à faire là mais… ça sert à rien d’essayer de me faire croire ça après coup. C’est trop tard. Je suis revenu uniquement pour Nolan. Si tu veux enfin t’en occuper, c’est tout ce qui compte pour moi. Pour le reste, oublie tout. » C’était faux, totalement faux. Lui-même n’était pas capable de l’oublier, et il ne savait même pas pourquoi il lui avait dit ça. C’était comme si ses lèvres avaient parlé seules, sans attendre l’avis de sa tête. Quoi qu’il en dise, Caleb était aussi revenu pour elle… Mais paradoxalement, le fait qu’elle puisse encore l’aimer lui faisait peur. Alors, pour se protéger, il avait préféré nier quitte à être dur avec Loan. Mais au moins, il espérait couper court à cette conversation un peu trop glissante à son goût.

Elle n'avait jamais été douée pour se justifier et encore moins pour demander pardon. Ce qu'elle savait faire le mieux s'était s'enfoncée et empirer sa situation et il était horrible d'en avoir conscience sans pour autant parvenir à s'améliorer. Loan n'était pas idiote, certes elle n'était pas aussi intelligente que sa jumelle, mais elle s'était toujours parfaitement débrouillée et savait faire preuve de logique lorsqu'elle le voulait bien. Toutefois, lorsque les choses la touchaient de très près c'était comme si elle perdait tous ses moyens et elle n'était plus qu'un pantin ayant été abandonné par son marionnettiste. Face à Caleb la philippine ne savait jamais comment agir. Elle ignorait ce qu'elle devait dire ou ne pas dire afin de ne pas empirer sa situation et autant dire que pour l'instant la jeune femme ne s'aidait pas et ne faisait qu'envenimer la situation avec le père de son fils. Pour une fois, elle désirait être sincère et ne pas lui mentir comme elle avait si bien su le faire par le passé. Loan s'en était voulu et elle continuait de s'en vouloir. Jamais elle n'aurait dû l'utiliser, mais elle était bien trop plongée dans son désir de vengeance pour voir les choses comme elle les voyait à présent et elle le regrettait sincèrement. Néanmoins, elle était également agacée par le côté borné de Caleb et le fait qu'il refusait de la croire lorsqu'enfin elle lui disait la vérité. N'était-ce pas ce que son entourage voulait ? Ce que sa famille souhaitait ?

Elle avait menti et à présent pour récupérer leur confiance elle devait se racheter et la sincérité tenait une place importante dans le processus, même si Loan doutait de vouloir se faire pardonner de tout le monde. La jeune femme sentait l'agacement monter en elle petit à petit et elle se connaissait assez bien pour savoir qu'elle n'allait pas tarder à exploser comme elle savait si bien le faire. Loan luttait, à l'extérieur ça ne se voyait peut-être pas mais à l'intérieur elle s'efforçait de se retenir, de rester calme seulement ce n'était pas dans son caractère et c'était bien plus difficile que ce qu'elle avait pu imaginer jusqu'alors. « Si tu m’avais vraiment aimé, tu m’en aurais parlé avant. Et quand je suis venu te voir à la maternité… tu… tu n’aurais pas pu abandonner notre fils. Je ne sais pas ce que tu cherches à faire là mais… ça sert à rien d’essayer de me faire croire ça après coup. C’est trop tard. Je suis revenu uniquement pour Nolan. Si tu veux enfin t’en occuper, c’est tout ce qui compte pour moi. Pour le reste, oublie tout. ». Sa mâchoire se crispa à nouveau, une nouvelle tentative pour contenir sa frustration. Loan se rappela de ce jour où il était venu la voir à la maternité et où il lui avait demandé si elle était certaine de ne pas vouloir garder Nolan. Elle se souvenait de sa réponse négative, d'avoir tout fait dans ses gestes pour laisser comprendre qu'elle était sincère, mais c'était faux, totalement faux et le simple fait d'être allée voir le bébé qu'il était avait été une preuve de son mensonge.

Loan passa sa main sur son visage et soupira comme pour dissiper sa colère. Son regard se posa partout sauf sur Caleb, elle sentait que si jamais elle croisait à nouveau son regard noir elle allait totalement perdre son calme. « C'est si simple de tirer des conclusions ... mais crois ce que tu veux, de toute manière je ne peux rien dire ou faire qui te fera changer d'avis et je n’ai pas envie de perdre mon temps. ». Son calme se dissipait rapidement et le ton froid dans sa voix l'avait même surprise. Elle avait beau tout faire pour se contrôler, Loan en était véritablement incapable. La jeune femme leva finalement les yeux vers Caleb, le regard tout aussi froid que lui et sa mâchoire se crispant de nouveau. « Et tu as raison, il n'y a que Nolan qui compte à présent, j'ai fait assez d'erreurs comme ça et c'est bien le seul auprès de qui je vais pouvoir me rattraper. ». Et la philippine le voulait vraiment, pas parce qu'elle craignait qu'il finisse par avoir une mauvaise image de sa mère, mais parce que c'était son petit garçon et que pour une fois elle allait suivre son cœur plutôt que sa tête et faire ce qu'elle désirait véritablement. « Et rassure-toi, je ne dévierais plus jamais sur ce sujet puisque de toute manière je fais face à un mur. ». Sur ces mots, Loan se laissa retomber sur le canapé. Elle regarda le militaire encore un petit moment et son regard dévia en direction de la table basse, une veine tentative pour trouver de quoi canaliser sa colère.

Au fond, Caleb savait bien qu’il y était allé un peu fort, qu’il avait été bien trop catégorique et que son discours ne reflétait pas du tout ce qu’il ressentait. Mais comment pouvait-il avouer avoir encore des sentiments pour Loan près tout ce qu’elle lui avait fait ? Même lui n’en était pas certain, et jusqu’à maintenant il avait toujours préféré se concentrer sur le bien-être de Nolan, oubliant complètement le sien et tout ce qu’il pouvait bien ressentir ou non pour quiconque. Désormais, la vie de son fils passait avant la sienne, et il trouvait ça normal. Pour que le petit garçon ne souffre pas trop de l’absence de sa mère, Caleb s’était fixé pour objectif d’être deux fois plus présent, deux fois plus attentionné, quitte à mettre sa propre existence entre parenthèses. Et le fait que Loan n’ait pas voulu s’embêter avec ça, et n’ait même pas ne serait-ce qu’essayé de se glisser dans son rôle de maman l’exaspérait d’autant plus. Mais ce que la jeune femme venait de lui « avouer », insistant même sur le fait qu’elle était probablement toujours amoureuse de lui, avait considérablement déstabilisé Caleb. Du temps où ils étaient encore ensemble, il avait souvent rêvé d’entendre Loan prononcer ses mots… et elle ne l’avait jamais fait. Et aujourd’hui, sans prévenir et comme si elle voulait juste tout compliquer, elle daignait enfin lui dire tout ce qu’il avait toujours voulu entendre. Mais ce n’était vraiment pas le moment, et ça remettait tout en question… Alors, et même si ça ne lui arrivait pas souvent, Caleb avait préféré fuir devant cette conversation et se renfermer en ne laissant aucun espoir à Loan.

« Et tu as raison, il n'y a que Nolan qui compte à présent, j'ai fait assez d'erreurs comme ça et c'est bien le seul auprès de qui je vais pouvoir me rattraper. » Cette réponse eut un peu un double effet sur Caleb. Dans un sens, elle le blessait, et il se maudissait intérieurement d’avoir ainsi éloigné Loan de lui alors qu’elle venait de lui avouer tout ce qu’il attendait. Mais dans le même temps, le fait qu’elle se préoccupe autant de Nolan le rassurait, et il considérait désormais avoir la réponse qu’il était venu chercher. Elle allait se rattraper, et après trois ans d’absence, leur fils allait enfin pouvoir faire connaissance avec sa mère. Et rassure-toi, je ne dévierais plus jamais sur ce sujet puisque de toute manière je fais face à un mur. cracha-t-elle avant de se laisser tomber sur le canapé. Caleb ferma douloureusement les yeux pendant quelques instants, avant de laisser échapper un long soupir. « Loan, c’est pas ça… Je… désolé. » balbutia-t-il en retournant la tête vers elle. « Avoue que c’est quand même un peu… bizarre ! J’ai toujours voulu t’entendre me dire ça, et tu le dis maintenant qu’il est trop tard… » Son regard était rempli de regrets et de déception, et il préféra le détourner une nouvelle fois pour ne pas trop montrer ce désespoir à Loan. « Mais… merci. Pour Nolan, il le mérite et… et toi aussi. Tu verras, t’as pas à t’inquiéter pour quoi que ce soit, tout se passera très bien. »

La fatigue et l’agacement revenaient s’emparer d’elle. C’était trop d’émotions pour une seule journée, trop à encaisser pour qu’elle soit capable de tenir le coup. Elle devait encore se faire à l’idée de partir dans les prochains jours et le fait que Caleb revienne à la charge concernant Nolan ne l’aidait pas le moins du monde. La jeune femme avait envie de fuir loin de tout ça, loin de cette vie pour oublier tout le reste et tenter de se ressourcer. La philippine voulait être plus forte que ce qu’elle pouvait être en réalité. Elle était douée pour montrer que ce qu’elle souhaitait que les autres voient. Elle avait toujours su faire croire qu’elle était forte grâce à son impulsivité, mais ce n’était jamais qu’un masque et en-dessous de ce dernier Loan n’était qu’une jeune femme fragile et incapable de faire les choses correctement. Tout ce qu’elle entreprenait se révélait être une erreur et elle ne pouvait pas considérer l’armée comme étant enfin l’une de ses réussites puisque c’était son père qui l’y avait envoyé, pour le reste elle s’était contentée de suivre. Se rapprocher de Caleb avait été une erreur. Tenter de se venger de sa belle-mère en avait été une. Ne pas être sincère avec le militaire avait été sa plus grosse erreur et ne pas garder Nolan était dans la continuité. Elle-même se haïssait pour ses choix, mais puisque se tromper sans cesse était ce qu’elle savait mieux faire, Loan ne parvenait pas à faire autrement, pas même aujourd’hui et pourtant accepter de voir Nolan plus souvent lui semblait être enfin un choix judicieux.

Toutefois, il avait fallu qu’elle se lance sur le seul sujet à éviter et qu’elle envenime à nouveau les choses. La philippine ne pensait pas à mal, elle désirait être sincère pour une fois, voilà tout. Elle voulait qu’il sache la vérité même si c’était trop tard et elle n’avait pas pensé une seule minute au fait qu’il pouvait avoir du mal à la croire surtout après ce qu’elle lui avait fait. « Loan, c’est pas ça… Je… désolé. ». Cette fois, elle ne prit pas le risque de lever la tête vers lui. Son regard resta posé au même endroit et la jeune femme serra les dents pour se contenir un peu plus longtemps. Elle avait beau être en colère ce n’était pas pour autant qu’elle supportait l’idée de le mettre dans une telle situation. Elle avait beau dire, mais elle tenait toujours à lui … lui qui avait fini par la soutenir face à sa propre mère et lui qu’elle avait aimé sans être capable de le lui avouer. « Avoue que c’est quand même un peu… bizarre ! J’ai toujours voulu t’entendre me dire ça, et tu le dis maintenant qu’il est trop tard… ». Si Loan trouvait la personne qui avait inventé le dicton « mieux vaut tard que jamais », elle se jurait de lui en coller une à cet idiot. La jeune femme humecta ses lèvres et soupira sans pour autant lever les yeux vers Caleb. « Mais… merci. Pour Nolan, il le mérite et… et toi aussi. Tu verras, t’as pas à t’inquiéter pour quoi que ce soit, tout se passera très bien. ». Ça … c’était plus facile à dire qu’à faire.

Comment pouvait-elle ne pas s’inquiéter alors qu’elle n’avait pas la moindre idée de la façon dont elle allait devoir agir avec son propre fils ? Ce n’était pas le premier enfant dont elle s’occupait puisqu’elle avait sa filleule auprès de qui elle avait eu le temps de s’entraîner, mais Nolan … il s’agissait de son fils, de son propre enfant et Loan ne pouvait pas s’empêcher de craindre de faire une erreur avec son petit garçon. Finalement, après plusieurs minutes sans le regarder, la philippine leva les yeux vers Caleb tout en laissant quelques secondes de plus s’écouler avant de reprendre la parole. « Je n’ai jamais été douée pour ça. Je … je sais pas, j’ai juste pensé que tu devais savoir que même si j’ai été incapable de le dire avant je l’ai quand même pensé … plus d’une fois. ». Loan haussa les épaules et soupira. Même encore aujourd’hui elle n’était pas douée avec ses sentiments et elle agissait toujours sur un coup de tête. « Et pour Nolan … comment tu peux en être si sûr ? Rien ne garantit qu’il m’acceptera. Si ça se trouve inconsciemment il sait que je l’ai abandonné et ça ne collera pas entre nous deux, il doit probablement me détester sans même en avoir conscience. ». En tout cas, elle se détestait pour ça. Cette fois c’était véritablement de la crainte qui prit place dans son regard. La philippine avait peur d’un énième rejet elle qui avait pratiquement connu que ça avec son père. Elle désirait voir Nolan, mieux le connaitre et rattraper son erreur, mais rien ne pouvait lui assurer que le petit garçon avait cette même envie de connaitre cette mère qui l’avait abandonné. Laissant échapper un soupire, Loan baissa à nouveau la tête pour fixer ses mains qui avaient un intérêt tout particulier d’un coup.

voilà maintenant je bave devant mon profil XD

Caleb se sentait mal, vraiment mal. Il était tiraillé entre la douleur que lui procurait les souvenirs qu’il avait de son histoire avec Loan, et la sincérité qui transparaissait dans son regard au moment où elle lui avait avoué qu’elle l’aimait. Ce simple aveu, aussi tardif soit-il l’avait véritablement bouleversé et il ne savait plus comment s’y prendre en face de la jeune femme. Lui qui était arrivé si sûr de lui, si déterminé à lui faire entendre raison et à lui faire accepter son rôle de mère auprès de Nolan… Il n’avait suffit que de quelques mots de la part de Loan pour qu’il se retrouve complètement abattu et dépité. Caleb ne savait clairement plus quoi faire et d’ailleurs, il ne savait même pas s’il devait croire ce que son ex-petite amie lui disait. Tout, dans ses yeux et son comportement lui prouvaient pourtant qu’elle était sincère. Mais après ce qu’elle lui avait fait subir, et l’énorme trahison qu’elle lui avait infligé il ne savait plus quoi penser. Et quand bien même elle avouerait la vérité, il était bien trop tard pour cela. Même s’il n’avait pas refait sa vie, même s’il n’avait pas eu d’autre histoire sérieuse depuis la leur et qu’il avait été incapable de l’oublier, le militaire ne se sentait pas prêt à remettre en causse leur rupture. Ce qu’elle lui avait fait était beaucoup trop grave à ses yeux, et il préféra couper court à la conservation.

Mais comme il n’était pas tout à fait sans cœur, le jeune homme se sentit tout de même obligé de s’excuser, et surtout de rassurer Loan en ce qui concernait Nolan. "Et pour Nolan … comment tu peux en être si sûr ? Rien ne garantit qu’il m’acceptera. Si ça se trouve inconsciemment il sait que je l’ai abandonné et ça ne collera pas entre nous deux, il doit probablement me détester sans même en avoir conscience." Même s’il savait que tout était de la faute de Loan, Caleb ne pouvait pas s’empêcher d’avoir mal pour elle. C’est d’ailleurs avec une certaine compassion qu’il releva les yeux vers elle et soupira. « Dis pas ça… c’est pas vrai. Je dis pas que ça ne sera pas dur au début, tout simplement parce qu’il ne te connait pas mais… tu verras, il va t’adorer. Fais en sorte que ce ne soit pas l’abandon qui compte le plus, c’est tout… Et pour ça, il te suffit d’être là, près de lui. » Aux yeux de Caleb, la recette n’était effectivement pas plus compliquée que ça. Indiscutablement, Nolan garderait le souvenir des bons moments passés avec sa mère, et pas du fait qu’elle l’ait abandonné à sa naissance. Il était encore temps pour Loan de se rattraper, et voir qu’elle était prête à le faire pour son propre fils réchauffait le cœur du jeune militaire. « Et puis, tu ne seras pas seule ! Je serai là aussi. Je te promet que tout se passera bien » finit-il par déclarer presque solennellement. « Passe à l’appartement dès que tu te sens prête, d’accord ? Je… je voudrai que tu le vois avant de partir, c’est mieux. »

Loan ne croyait pas en elle, c’était aussi simple que ça. Elle n’avait jamais cru en elle de toute façon et ce n’était pas en ce jour que ça allait changer. Elle avait une bien piètre opinion d’elle-même et c’était sans doute ce qui la poussait à ne jamais faire les choses correctement, ça et son impulsivité bien sûr. Elle avait abandonné Nolan et avait refusé de le voir comme tel alors que c’était bien le cas. Elle avait repoussé son propre fils de peur de ne pas être à la hauteur, de peur qu’il souffre avec une mère comme elle, mais aussi parce que voir Nolan grandir lui rappellerait que trop sa relation passée avec Caleb et qu’égoïste comme elle pouvait l’être parfois, la philippine avait refusé de s’y risquer. Pourtant, il s’agissait tout de même de son petit garçon et il ne s’était pas passé un jour sans qu’elle n’en vienne à regretter son choix. Chaque jour arrivait un moment où Loan se laissait partir dans ses pensées et se demandait ce que son petit garçon devenait, s’il était heureux là où il était et si les parents qui l’avaient adopté – parce qu’elle n’en avait pas eu le moindre doute – lui donnaient assez d’amour. Jamais elle n’aurait imaginé que Caleb décide de le garder alors qu’en ce petit bout d’homme il devait exister des similitudes avec sa mère, ce que Loan avait pu elle-même remarquer lorsqu’elle avait posé les yeux sur lui quelques mois plus tôt.

Tout ça, elle ne l’avait découvert que lorsque le militaire était venu la voir et que la philippine avait eu la sensation que son monde allait s’effondrer à nouveau. C’était douloureux, bien trop douloureux de faire face à ce qu’elle avait pu lui faire, à cette culpabilité qui la rongeait tandis qu’elle ne pouvait rien faire pour changer le passé même si elle le désirait. Alors non, elle ne croyait pas en elle et elle ne cessait de se torturer avec l’idée que son fils devait probablement déjà la détester pour ce qu’elle avait fait même s’il était trop petit pour véritablement comprendre que sa mère l’avait abandonné à la naissance parce qu’elle n’était pas capable d’assumer, un fait qu’elle reconnaissait qu’aujourd’hui. « Dis pas ça… c’est pas vrai. Je dis pas que ça ne sera pas dur au début, tout simplement parce qu’il ne te connait pas mais… tu verras, il va t’adorer. Fais en sorte que ce ne soit pas l’abandon qui compte le plus, c’est tout… Et pour ça, il te suffit d’être là, près de lui. ». Loan leva les yeux vers Caleb et humecta ses lèvres sans dire quoi que ce soit. Par moment elle n’arrivait pas à le comprendre, elle ne méritait pas ce qu’il faisait, elle ne méritait pas qu’il tente de la rassurer avec ce qu’elle avait pu lui faire. Toutefois, dès lors qu’ils s’étaient rapprochés plus jeunes, Caleb avait toujours vu le meilleur en elle, un côté bien sombre aux yeux de la jeune femme qui ne parvenait toujours pas à le voir elle-même.

« Et puis, tu ne seras pas seule ! Je serai là aussi. Je te promet que tout se passera bien. Passe à l’appartement dès que tu te sens prête, d’accord ? Je… je voudrai que tu le vois avant de partir, c’est mieux. ». La philippine serra les dents en se rappelant une nouvelle fois que dans les jours prochains elle ne serait plus sur le sol américain, mais bien à des kilomètres de celui-là. Opinant du chef, Loan lui adressa un sourire timide et se releva. Il fallait qu’il parte afin qu’ils évitent de se laisser glisser une nouvelle fois sur ce sujet si douloureux pour l’un comme pour l’autre. Il fallait que Caleb reparte et qu’ils soient un tant soit peu en bon terme, Loan en ayant besoin avant de le revoir mais aussi avant de partir. Silencieuse, mais toujours angoissée à l’idée de passer du temps avec Nolan, elle le raccompagna à la porte incapable de prononcer le moindre mot, se contentant d’un bref nouveau sourire en guise d’au revoir avant de refermer la porte contre laquelle elle posa son front. Les paupières closes, le souffle court, Loan inspira lentement et tenta de se calmer même si elle n’avait qu’une envie qui était de pleurer, mais elle se devait d’être forte qu’elle soit seule ou non. La philippine devait s’exercer pour retrouver son don pour être stoïque en toute situation, don qui allait lui être particulièrement utile dans les jours à venir.