« Elle m'a quitté la salope ... » Je suis resté stoïque, préférant le laisser continuer dans son délire, enfin se défouler plutôt. « Tu te rends compte ? Me quitter moi ? » poursuit-il en levant les bras au ciel. Malgré tous les cours de bonnes manières que je peux avoir suivi pendant tout ce temps, je n'ai pas pu m'empêcher de lever les yeux au ciel. Mike est un mec cool. On se connaît depuis un peu plus d'un an maintenant, vu qu'il est étudiant en droit comme moi. J'aime traîner avec lui, Irina et les autres lors de nos temps libres. Mais Mike, quand il boit trop, il devient le pire des connards. En plus de se souler lui, il soule tout le monde. Le pire c'est qu'il le sait très bien donc il fait gaffe, surtout à cause d'Irina en fait et pour pas se mettre tout le monde à dos. Sauf que là, gros problème : Irina vient de le larguer et bien sûr, avec la chance que j'aie, c'est chez moi qu'il vient déverser sa colère. Bien sûr. Enfin j'imagine que les réserves d'alcool qu'il y a la maison n'y sont pas pour rien non plus. Et puis je dois avouer que je ne suis pas vraiment d'humeur ce soir à supporter ces états d'âme, surtout quand il commence à être bourré parce qu'il commence sérieusement, à devenir insupportable. « Mike arrête de boire putain. C'est ton quatrième verre de tequila si on oublie les trois de vodka. » ai-je fait blasé. Sérieux, le mec qui se pointe chez moi à vingt-trois heures déjà entamé pour se plaindre parce que sa copine l'a lâché tout ça parce que mÔsieur a eu la bonne idée de la tromper ... Mmmm non c'est pas ce que je préfère, même si le mec en question est un ami. Finalement, je regrette de ne pas avoir été en soirée, ça aurait pu m'éviter cette scène. « T'es chiant Ben ... Tu vois pas que j'ai besoin de boire pour oublier ? » a-t-il fait en attaquant directement à la bouteille. J'ai même pas bu un verre tellement Mike m'en a coupé l'envie. Du coup je me retrouve comme un con en train de l'écouter déblatérer sur le fait que sa vie est misérable. Mike est un enfer à lui tout seul quand il boit. J'aimerais bien le foutre dehors mais j'ai trop peur qu'il se fasse renverser par une voiture vu son état. J'ai pas envie d'avoir sa mort sur la conscience. « Boire la fera pas revenir. » ai-je répondu d'un ton cinglant. Y a eu un silence où Mike m'a regardé bizarrement et j'ai fini par comprendre pourquoi. Je suis peut-être pas le mieux pour dire un truc pareil quand j'y pense. Mais voyant la tête qu'il fait, j'ai préféré le devancer. « La ferme Mike. »

Bref. Au final, en bon ami que je suis, je l'ai laissé boire comme un trou. Tant mieux si ça le soulage. Et puis après tout, le soir du dix-sept j'étais pas vraiment mieux que lui ... enfin moi au moins j'ai pas trompé ma copine et je suis pas venu me plaindre ensuite. Je ne l'ai pas interrompu, c'est triste à dire quand on sait que c'est un ami mais j'en avais rien à faire. J'ai pensé à Kat. J'arrive pas à croire que ça fait autant de temps qu'elle est partie déjà. Heureusement, il y avait ses lettres. Le dix-sept a sûrement été le jour où son absence a été la plus ... difficile. Forcément. D'où l'alcool. Et Chandler qui est venue pour me sauver et ... bon après ça se complique. Enfin bon, peu importe. Là tout de suite, je veux juste que Mike se la ferme et aller me coucher. Ca fait trois nuits que je dors pas. Je pense à Chandler, à quel point je fais n'importe quoi avec elle. Je pense à Kat évidemment, mais ça, ça me semble évident. Vous avez compris le truc quoi. Minuit et demi. Mike a fini sa bouteille et je suis descendu lui en chercher une autre. Oui parce que ce con quand j'avais le dos tourné c'est installé dans ma chambre. De toute façon maintenant il va plus en bouger vu que j'ai pas envie de le porter jusqu'au canapé d'en bas. « Allez putain Ben ! Me laisse pas tout seul avec cette bouteille ! » fait-il quand il me voit revenir avec une bouteille de vodka. Et là je sais pas pourquoi mais j'ai fini par le faire. Boire je veux dire. J'en ai eu marre de l'entendre parler d'Irina et du fait qu'elle aurait pas dû le quitter alors que si en fait, et depuis longtemps. J'ai commencé à boire directement à la bouteille avant de la lui passer ... Mais je voulais faire gaffe, vraiment.

« BEN ? » Cette voix. Je mets un certain temps à commencer à bouger. Peu à peu j'ouvre les yeux. C'est moi où c'était la voix de Kat ça ? Encore endormi, j'ai du mal à tout reconnecter. Mais la première chose que je comprends en ouvrant les yeux c'est que je suis allongé par terre, sur la moquette de ma chambre. Qu'est-ce que je fous sur la moquette de ma chambre ? Pourquoi j'ai dormi là ? Y a des pas dans les escaliers. Toujours endormir, j'entends la porte s'ouvrir. « Ben ? » a soudain fait la voix. Un instant, je me dis que je suis en train de rêver, c'est pas possible et la seconde d'après ... Mon coeur bondit quand je me rends compte que c'est la réalité. « Kat ! » ai-je fait en me redressant brusquement, un immense sourire aux lèvres. Elle est revenue putain ! Enfin ! Ne réalisant pas du tout que me voir sortir de nulle part - ou autrement dit de voir que j'ai dormi par terre- peut être perturbant, je me relève tant bien que mal, les membres tout enquilosés à cause du manque de confort de la moquette. Elle est bien là, devant la porte d'entrée et ... c'est là que je réalise que Mike est dans mon lit, la tête enfouie dans les draps. Oooh merde ! J'avais oublié qu'il était toujours là lui. Je suis torse-nu en plus ... elle va pas me louper. Un sourire est apparu sur mes lèvres devant la situation. « Ne dis rien je t'en supplie ... Ou laisse-moi juste le temps de me réveiller pour me réhabituer au truc du gay refoulé. » ai-je fait en plaisantant. Normalement, le truc du gay refoulé qu'elle balance à mes conquêtes, ça me fait toujours un peu chier mais là ... vu qu'elle est de retour ... Enfin bon, c'est vrai que j'aurais pas été contre le fait qu'elle vienne à un autre moment que quand Mike dort mon lit mais tant pis. Elle ne va vraiment pas me louper. Finalement, heureusement que j'ai dormi par terre. Même si j'ai bu hier soir, c'est toujours moins que lui, il est tombé comme une masse. Peu importe, rien à foutre de Mike maintenant. Du coup, j'ai pris un t-shirt, l'ai enfilé très rapidement avant d'avancer vers ma soeur et l'inviter à sortir de ma chambre. Que Mike se réveille maintenant me ferait bien chier. Une fois sorti de ma chambre et après que j'aie refermé la porte, j'ai serré Kat dans mes bras. « T'imagines pas à quel point tu m'as manqué ... » ai-je le plus sincèrement du monde. La sentir près de moi, sentir sa présence, c'est tout ce que je demandais. C'est ce qui m'a manqué pendant ces longues semaines, c'est ce à quoi je n'ai jamais été habitué. Je nous ai revus, le mois dernier, assis dans les transats. Elle en train de m'annoncer qu'elle allait partir. Ca me fait bizarre d'y repenser maintenant qu'elle est revenue. Et toutes ces journées aussi me sont revenues en mémoire. Le silence de la maison surtout. Maintenant elle est revenue. Je me sens mieux, je suis soulagé qu'elle soit de retour, tellement soulagé ... C'est comme si, durant toutes ces journées, y avait eu quelque chose qui n'allait pas. Je me calme un peu, me détache d'elle mais mon sourire ne disparaît pas. « T'as mangé ? Tu veux que je te prépare un petit-déj' ? J'ai fait les courses hier. » ai-je demandé doucement en essayant de pas trop la bombarder de question.

Les délires de Mike me passent par-dessus la jambe. Je sais, je suis un très mauvais ami, j’ai même pensé à culpabiliser quelques secondes avant de me dire que finalement, non. Ce n’est définitivement pas le bon soir pour venir chialer et gueuler chez moi. Je veux bien être une oreille attentive mais il faut quand même pas déconner. Surtout quand le mec a trompé sa copine et qu’il est pas capable d’assumer. Pendant qu’on buvait tous les deux, je me suis dit que comme d’habitude, je ne vais pas lui en tenir rigueur. Mike est comme ça, surtout quand il boit. Il est désespérant, chiant, macho … Hum. Bon après, comme on dit, c’est mal de juger les autres, surtout quand on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait hein. Mais on a tous un comportement plus ou moins différent quand on est torchés, et je peux vous garantir que Mike a un très bon niveau. Dire qu’il a l’alcool mauvais est un euphémisme. Donc pour faire mieux passer tout ça et ne pas passer une encore plus mauvaise soirée que prévue, j’ai préféré l’accompagner, tout en restant raisonnable. Au début, je me suis demandé pourquoi je l’ai pas foutu dehors et après mon deuxième verre, je me suis dit que j’étais vraiment un ami trop bon en fait. J’ai bu en le surveillant du coin de l’œil. Honnêtement même si j’ai espéré que ça me fasse du bien, je n’avais pas vraiment le cœur à picoler comme un trou.

Ensuite, je dois avouer que la suite des évènements est un peu floue quand j’ouvre les yeux le lendemain matin. Cette voix que j’entends me perturbe et quand je me redresse brusquement, voir Kat me fait oublier ma soirée de la veille et mes mauvaises pensées. C’est comme si … mon cœur avait recommencé à battre en la voyant sur le seuil de la porte de ma chambre. Dit comme ça, ça fait peut-être con mais j’en ai rien à foutre. Toutes ces semaines, toutes ces longues journées sans elle, à se demander comment elle va … Parce que bien sûr, je me suis inquiété, à chaque secondes. Ce n’est pas comme si ma sœur était partie chez nous, en Egypte, prendre du bon temps pour revenir en pleine forme après ce qu’il s’est passé. Non. Je ne m’y connais pas trop, je dois l’avouer mais je sais bien que MSF, c’est du sérieux et qu’il peut se passer un tas de choses. Il y a eu des moments où j’ai psychoté grave mais les quelques lettres que j’ai reçu d’elle m’ont rassuré. Peu importe. Me foutant de Mike, je me suis précipité vers elle comme si … comme si je l’avais pas vu depuis des siècles. Ce qui est vrai, dans un sens. Maintenant qu’elle est revenue, on va pouvoir rattraper tout ce temps qu’on a perdu entre Chris et MSF. Bien sûr, j’ai préféré la devancer avant qu’elle ne sorte la remarque sur Mike en train de dormir dans mon lit. J’avoue que si la situation était inversée, je me serais posé des questions. Et puis je ne l’aurais pas loupé si la situation était inversée, seulement, elle l’est rarement … Peu importe. Nous sommes donc sortis de ma chambre pour ne pas avoir Mike sur le dos. C’est notre moment à nous, nos retrouvailles. « J'en ai une petite idée... Tu m'as manqué aussi. » me répond-t-elle quand je la serre dans mes bras. Un sourire se dessine sur mes lèvres. Bien sûr qu’elle sait. On est jumeaux après tout. C’est la réponse que j’ai attendu. Toute cette période a vraiment été compliquée et tandis que je la serre dans mes bras, j’essaie de repousser tous les mauvais souvenirs au loin en me disant que maintenant, c’est bon, c’est terminé. J’essaie de me souvenir aussi si elle m’a prévenu de la date de son retour. Je me serais comme souvenu si elle me l’avait dit. Mais tout ce qui compte, c’est qu’elle soit revenue. Forcément, les questions commencent à affluer dans mon esprit, mais je les retiens au possible. Pour l’instant, je veux juste profiter de l’avoir dans mes bras après avoir été séparé d’elle tout ce temps. Quand je lui demande si elle veut un petit-déjeuner digne de ce nom, elle semble surprise quelques instants. « J'ai grignoté quelque chose dans l'avion, mais je suis pas contre un vrai petit-déjeuner. » Okay, on pourrait croire que je me suis légèrement emballé mais … ouais en fait c’est le cas. Je suis encore sous l’effet de la surprise de l’avoir là, juste en face de moi dans notre maison de Staten Island. Je ne suis pas un pro’ niveau cuisine mais on va dire que pour un bon petit-déj’, je me débrouille.

Nous sommes donc redescendus en bas pour aller vers la cuisine. Bizarrement, tout m’a paru mieux dans la maison alors que Kat me suit. Un vague sourire ne se détache pas de mes lèvres. Tandis que je commence à sortir la nourriture, je me rappelle la façon dont j’ai passé mon 17 aout. C’est sans aucun doute cette journée qui a été la pire de toutes. Mon premier anniversaire sans ma jumelle … J’imagine qu’il ne faut pas trop en demander. Soudain, en l’observant du coin de l’œil, je sens la question arriver à des kilomètres. « Qu'est-ce qu'il s'est passé au juste, cette nuit, pour que Mike finisse dans ton lit ? » demande-t-elle en essayant –ou pas- de cacher son amusement. J’ai levé les yeux au ciel en entendant la tournure de sa question. Dit comme ça, c’est sûr que j’ai peu de chance de m’en sortir, parce que je sais pertinemment ce qu’elle veut dire par « dans ton lit ». Le retour de Rory implique aussi ce genre de moment. J’imagine que du coup, je ne peux rien dire, vu que ça me fait trop plaisir qu’elle soit de retour. Normalement je râle un peu en fait. Surtout que là, elle va en profiter un max, bientôt toute la population féminine de New-York dans la vingtaine sera au courant. Pauvre de moi. « J’aime pas les sous-entendus de ta question, fais gaffe je peux encore retirer ma proposition du petit déjeuner. » ai-je fait pour plaisanter, sachant très bien que je ne vais pas le faire, avant de reprendre. « Mais pour ta gouverne, sa copine l’a plaqué, du coup monsieur s’est mis à boire et devine chez qui il est venu se défouler … » ai-je fait un peu ironique, ne laissant aucun doute sur la réponse. Je préfère me garder de dire qu’il a trompé Irina pour le moment, c’est qu’un détail qui n’a pas vraiment d’utilité. J’ai marqué une pause en finissant de tout sortir. Vraiment tout. Ça m’a rappelé les brunch qu’on faisant quand on était petits. J’ai enchaîné, en faisant mine d’être concentré dans ma tâche. « Ce type a vraiment l’alcool mauvais … même lui le sait. » ai-je fait en haussant les épaules. C’est Mike, c’est tout. Un mec sympa mais sur ce coup-là, je pense qu’Irina a bien fait … Enfin peu importe, mieux vaut les laisser régler ça tous les deux. Mais pour ça, faut que Mike se réveille, décuve et bouge ses fesses de la maison. J’ai regardé l’ensemble de la nourriture que j’avais sorti en me rendant compte dans quoi je me suis embarqué. « Tu veux quoi ? Y a du bacon, des oeufs, de la marmelade, des pancakes, du lait au chocolat, des corn-flakes … » ai-je demandé en agitant légèrement la main comme pour dire « etc ». En attendant qu’elle décide, je suis allé me préparer un cappucino vanille, histoire de bien me réveiller et de m’assurer que Kat est bien là. Puis, je me suis appuyé, paumes contre le plan de travail et l’ai regardé, tout de même impatient qu’elle me raconte son voyage. « Alors, MSF, comment ça s’est passé ? T’as trouvé ce que tu cherchais en t’engageant ? » ai-je fait curieux.

Trop heureux qu'elle soit rentrée, je me sens portée par une légère euphorie qui me fait oublier la soirée de la veille et le fait que j'ai un peu trop bu. Ça me fait bizarre de me rappeler ce que ç'a été ces longues semaines sans elle, comme si cette période était parfois nappée d'un épais brouillard. Parce que maintenant, nous voilà tous les deux en train d'aller prendre un petit déjeuner en bas, comme si de rien était, comme si elle n'était jamais partie tout là-bas en Namibie. Quand elle m'a annoncé qu'elle allait partir, je n'ai pas été vraiment ravi. J'ai même été assez en colère, même si j'ai fait au mieux pour le cacher. Après notre Guerre Froide, tout ce que j'ai espéré c'est qu'on rattrape le temps perdu. Du coup quand elle m'a annoncé pour MSF, j'ai cru ... Enfin c'était juste pas possible quoi. Et maintenant ... j'ai du mal à croire que ça soit passé, comme ça, par un beau matin à la fin du mois d'août. Elle est revenue ... et me voilà en train de devoir justifier pourquoi Mike a dormi dans mon lit cette nuit. Parce que forcément, ça devait arriver ce matin là, précisément. Mais je sais que si je ne le fais pas, toutes filles de New-York vont bientôt croire qu'elles ont trop de poitrine et pas assez de poils pour moi. C'est un jeu entre Rory et moi mais quand même, faut arrêter de déconner cinq minutes. Du coup je me retrouve en train de lui expliquer pour Mike, en omettant bien sûr certains détails qui ne sont de toute façon pas très intéressants. « Oh... » fait-elle tout de même tandis que je sors tout ce qui faut pour notre petit-déjeuner. Oui ça peut surprendre je dois avouer, mais quand on y pense, pas tant que ça vu que Mike ... c'est Mike. Enfin je suis sur que Kat imaginait autre chose comme explication. Dire qu'il est là-haut. L'idée de le virer de chez nous pour être tranquilles me traverse l'esprit mais je ne veux pas prendre le risque de couper nos retrouvailles à ma soeur et moi.

Je m'improvise donc en chef cuistot ou plutôt en mère poule en fait, ce qui est assez étonnant quand on y pense mais pas tellement. L'avoir ici, près de moi est un véritable soulagement et je me doute bien que là-bas, quand on travaille pour MSF en Afrique, niveau nourriture ça n'a pas dû être facile. « Hm... Je vais prendre les oeufs, la marmelade, les pancakes, le chocolat au lait... et ce sera tout ! » répond-elle quand je lui demande ce qu'elle veut. L'envie dans son regard me fait sourire encore un peu plus, confirmant mon idée qu'elle n'a peut-être pas eu un vrai petit déjeuner depuis un certain temps. « A vos ordres chef ! » ai-je fait. Je m'emballe vraiment trop là, mais je n'y fais pas attention. En attendant, j'essaie de tout préparer au mieux en essayant d'oublier certaines pensées qui arrivent petit à petit dans mon esprit. Rory a dû voir des choses ... Inimaginables. Pendant que je prépare les pancakes, je la regarde quelques instants. On s'est toujours tout dits et on a toujours partagé beaucoup de choses. L'histoire avec Chris a bouleversé notre équilibre, mais maintenant ... Elle vient de vivre quelque chose d'unique et sûrement de bouleversant. Si ça se trouve, ça risque de nous éloigner encre un peu plus parce ... je ne pourrai jamais réellement comprendre ce qu'elle a vécu là-bas. Ne souhaitant pas gâcher mon bonheur de la revoir, je me fous mentalement une gifle pour arrêter de penser à ça. « Profites-en, c'est mon jour de bonté, ça sera pas tout le temps comme ça. » ai-je fait une fois de plus pour plaisanter et pour perdurer l'ambiance légère qui s'est installée. Juste des sourires, on en a besoin après tout ce temps. Même si c'est vrai que ce n'est pas dans mes habitudes de lui préparer son petit déjeuner et que c'est aussi le cas dans des situations inverses. Ça n'arrive que lors des matins spéciaux et celui-ci, en fait définitivement parti. En attendant que les pancakes soient près, je sors la marmelade, le chocolat au lait puis, prends une poêle pour y préparer les oeufs. Moi, je crois que je vais me contenter du cappuccino vanille parce que quand même, les quantités d'alcool que j'ai ingurgité hier ont laissé des traces. Du coup j'ai fait une pause histoire de commencer à écouter son récit sur son voyage. « Je suis contente d'être rentrée... » Je hoche la tête en gardant toujours ce même léger sourire au coin des lèvres. Même si ça peut paraître con, je suis contente qu'elle dise ça. J'ai failli lui dire que c'est pareil de mon côté, que le fait qu'elle soit de retour est plus qu'une bonne chose mais ... elle le sait. Le truc du petit-déjeuner et tout ... Je l'ai pas dit parce qu'en fait, ça me paraît évident. Je compte limite les jours depuis qu'elle est partie. N'empêche, depuis tout à l'heure, la maison me paraît vraiment différente, comme si elle s'était mise à revivre après tous ces moments de silence total quand j'y étais tout seul. Quand on est pas habitué ... « Désolée, je suis épuisée, j'ai vraiment pas la force de tout te raconter maintenant... » J'ai hoché la tête en allant surveiller les oeufs et les pancakes. En effet, elle semble un peu étrange mais j'ai mis directement ça sur le compte de la fatigue. Disons que dans mon état actuel, je suis trop heureux pour chercher un quelconque problème. « T'inquiètes, j'imagine que oui, ç'a a pas dû être de tout repos. » ai-je facilement concédé. J'ai posé ma tasse sur le plan de travail pour ensuite aller sortir des assiettes pour y déposer les pancakes dans la première et les oeufs sur le plat dans l'autre. Malgré ce que je pensais au départ, j'ai hâte de savoir comment tout ça s'est déroulé, ce qu'elle a fait, ce qu'elle a vu et les gens sûrement intéressants qu'elle a connu. Mais comme je veux bien croire qu'elle est crevée, je préfère la laisser respirer parce que sinon, si ça se trouve elle va vouloir repartir. « Toi, raconte-moi ton été ! » lance-t-elle. Oh ... la question à 100 dollars. J'ai eu un léger rire qu'on pourrait qualifier de gêner. Comment dire ... Je ne réponds pas tout de suite, continuant à préparer la commande de Rory pour son petit-déjeuner. Au bout de quelques secondes, je place l'assiette où se trouve les oeufs et celle de pancakes en plus du bol de chocolat au lait et de la marmelade juste devant elle. « Voilà. » ai-je fait avant de reprendre ma tasse et de répondre à sa question ... tout en ne sachant pas très bien quoi dire réellement. Je me suis gratté l'arrière de la tête quelques secondes, comme si ça pouvait m'aider à réfléchir. « Mon été ... bah pas grand chose à signaler. Sûrement moins passionnant que le tien. J'ai été voir des potes, quelques fêtes, bronzette sur la terrasse ... bref, rien de nouveau. » Bien sûr, je ne compte pas vraiment lui parler de la soirée du 17 et des autres soirées -ou même moment- de la journée où j'ai eu des coups de cafard et où j'ai un peu trop abusé de la boisson. Chandler s'en souvient, contrairement à moi. J'ai été mal à certains moments, même si ç'a été quand même mieux à la fin. Donc voilà mon été oui. Avant que je n'ai pu dire quoi que ce soit, un bruit sourd s'est fait entendre de l'étage. J'ai haussé les épaules, blasé mais avec un sourire quand même. « C'est rien, Mike tombera pas plus bas. Je savais que j'aurais dû le faire dormir par terre. » Ouais, j'ai un trop bon coeur pour l'avoir laisser dormir dans mon pieu.

Je lui tends son assiette après avoir joué les chefs cuistots durant quelques minutes. Désireux de savoir ce qu'elle a vécu pendant tout ce temps, je ne veux néanmoins pas insister ou la forcer à tout me raconter. Enfin pour l'instant. Rory et moi on se raconte tout depuis toujours donc j'imagine qu'elle va me parler de tout ça très bientôt, parce que c'est dans la suite logique des choses. Normalement. Parce que les choses ont tellement changé durant ces derniers mois que ... non, je refuse d'y penser ou d'y croire. Elle sait très bien que je serai toujours là pour elle et que mon oreille sera toujours là quand elle aura besoin de parler. Sauf en ce qui concerne Chris bien sûr, ça doit être le seul sujet qui me rebute, à part quand elle le dénigre bien évidemment. « Merci ! » a-t-elle lancé avec un enthousiaste visible en prenant ce que je lui tends et en se préparant à commencer. J'hésite à lui demander si c'est son vrai premier petit-déjeuner depuis qu'elle est partie mais je me retiens. Depuis quand je me retiens de lui dire des choses déjà ? Continue à boire ton cappuccino Ben, c'est mieux. Je la regarde manger comme une affamée avec un sourire aux lèvres. L'euphorie des retrouvailles n'a pas complètement encore disparu. La vie à la maison reprend tout son sens depuis que j'ai entendu la voix de ma soeur m'appeler il y a quelques minutes. La première fois qu'on a été séparés ... et vu les circonstances, le moment n'était pas l'idéal. C'est sûr, ç'a été un choc, comme une cassure mais j'espère que les autres ont tort quand ils disent que ça va nous apprendre un peu à vivre l'un sans l'autre, que le changement, c'est bien. Je suis pas contre le changement normalement, mais que tout ce qui est arrivé change les choses entre Kat et moi ... non, je suis pas un grand fan de l'idée.

Du coup je lui ai raconté mon été très vaguement et puis de toute façon, il n'y a pas grand chose à dire à ce niveau, en tout cas, rien de comparable à ce qu'a dû être son été à elle. Franchement ça fait pas le poids. Malgré ma bonne volonté, je commence à être intrigué par le fait qu'elle ne me parle pas de MSF et de la Namibie. Elle est fatiguée, c'est ce que je me dis aussi mais quand même ... Ce voyage lui tenait à coeur et je m'étonne soudainement qu'elle ne fasse pas preuve de plus d'enthousiasme à l'idée de tout me raconte. Elle aime aider les autres. Mais préférant rester dans l'euphorie de ce retour qui me fait me sentir léger depuis quelques minutes, je repousse cette théorie. Kat a sûrement vécu et vu des choses qui ne sont pas faciles qu'elle a peut-être du mal à aborder. Mais c'est moi ... Peu importe. Pas question de provoquer de nouveaux conflits, pas maintenant. Soudain, pendant qu'elle mange, un bruit sourd provenant de l'étage se fait entendre, ne laissant aucun doute sur la provenance de sa source. On a souri tous les deux. « Oui, mais c'est ton jour de bonté… Il aura pas le temps de s'habituer à ce magnifique traitement que tu lui as offert. » a-t-elle lancé innocemment. Mes yeux ont roulé dans leur orbite, ne comprenant que trop bien ce qu'elle a voulu dire. Mais amusé, de retrouver ce genre de moment où on passe notre temps à se taquiner, je me prête au jeu. « Je parie que tu regrettes de pas être rentrée plus tôt d'ailleurs ... » ai-je fait en jouant sur le double sens de sa phrase. Genre hier soir pour nous surprendre en train de faire je-sais-pas-quoi et ainsi démolir ma réputation auprès de toutes les femmes de New-York ? Oui mais non. Et puis elle le sait très bien de toute façon, c'est un simple jeu entre nous. J'ignore à quand remonte le truc du gay refoulé, je m'en souviens plus très bien. « Hmm, ch'est 'raiment bon ! » fait Rory en affirmant énergie et en continuant de manger. Son enthousiasme me fait sourire un peu plus, tout comme le fait qu'elle semble tout dévorer, comme si elle n'avait pas manger depuis trois siècles. « Fais gaffe, à ce rythme tu vas ressembler à à Shrek, enfin à Fiona. » A mon tour de la taquiner. Ma tasse terminée, je file la rincer un coup avant de la mettre dans le lave-vaisselle. Ce moment, je l'ai attendu depuis son départ. Nos retrouvailles à la maison, tranquillement, en train de plaisanter, de rattraper le temps perdu ... Bon, y a Mike en haut mais tant qu'il y reste, tout va bien. Oui on va dire que j'ai décidé d'être optimiste ce matin. « J'ai loupé beaucoup de soirées mémorables ? » a-t-elle fini par demander en continuant de manger malgré tout. J'ai réfléchi quelques secondes avant de hausser les épaules. Faire le tri entre les quelques soirées que j'ai passé tout seul à boire un peu trop et les soirées dont elle parle véritablement, les fêtes. Sauf que bien évidemment, je ne préfèrerai pas parler des premières soirées. J'ai passé tout l'été en revue. « Quelques unes oui ... dont certaines ont viré en bordel total, mais c'était plutôt marrant. » ai-je répondu. Il y en a eu des biens et des moins biens et quand j'y repense, le nombre de soirées où j'ai pu aller à sérieusement diminuer par rapport aux vacances précédentes. Les faire toutes sans Rory avait quelque chose d'étrange. Bref, comme soirée, il manquait la notre évidemment mais on va pas revenir là-dessus. « Et toi ... t'as fait quoi le 17 ? » ai-je demandé sans vraiment réfléchir, simplement curieux de savoir à quoi elle a occupé notre soirée d'anniversaire. Et sans réfléchir au fait qu'elle risque de me retourner ma question.

La revoir, manger en face de moi comme si c'était un matin comme les autres et qu'elle n'était jamais partie me fait bizarre mais je sais que je vais rapidement m'y habituer à nouveau et sans difficultés. J'ai envie qu'elle me raconte, mais d'un autre côté non. En fait, je sais d'avance que ça va me paraître vraiment très étrange qu'elle me raconte tout ce qu'elle a vécu en sachant que ... bah que j'étais pas là. C'est con à dire mais c'est la vérité. Tous les moments importants dans nos vies, on les a passés tous les deux et là ... ce voyage pour MSF a été très important pour elle, et moi, j'ai été condamné à rester derrière. Pour la première fois. Manque d'habitude. J'imagine que les gens ont raison de toute façon, en quelque sorte, c'est le début de la fin. « Je suis pas sûre de vouloir en voir plus que ça... » a-t-elle fait en grimaçant quand j'évoque le fait qu'elle aurait peut-être voulu arriver plus tôt pour interrompre réellement quelque chose. Tu parles. Jamais de la vie, je maintiens, signe et persiste. Surtout pas avec Mike en plus. Avec aucun mec mais surtout pas avec Mike. En y pensant, j'ai fini par grimacer aussi. « Je te comprends. Sage décision. » ai-je lancé les bras croisés. Non franchement, on est d'accord à ce niveau. Même elle je sais qu'elle sait que tout ça n'a rien de sérieux, que c'est un jeu et qu'elle va pouvoir encore attendre longtemps avant que je sorte du placard. Même si je n'ai rien contre ceux qui le font. Bref, allez expliquer tout ça aux filles que Rory a fait fuir avec la fameuse excuse. Pas la moindre chance, dommage.

Kat a continué de manger comme jamais, enfin du moins, c'est l'impression qu'elle me donne parce qu'après tout, je n'y ai jamais vraiment fait attention avant. A croire que même les gens d'MSF ne sont pas nourris là-bas. Mon Dieu, qu'ont-il fait à ma soeur pour qu'elle commence à se changer en Fiona. Mais ma remarque ne la fait pas arrêter, au contraire, elle hoche la tête et se remet de plus belle à tout avaler. Un sourire amusé pousse sur mes lèvres. A chaque bouchée, je surveille qu'elle ne s'étouffe pas. Autant dire que je suis impressionné, normalement c'est moi qui mange de cette façon quand j'ai trop faim. Bon, je m'inquiète pas vraiment pour la ligne de ma soeur de toute façon. Je sais qu'elle aura beau s'empiffrer, il va falloir un certain temps, voir l'éternité, pour qu'elle commence à ressembler à Fiona ou au Bibendum. Mais faut juste pas qu'elle s'étouffe, ça serait bien. Notre sujet de conversation a malheureusement, rapidement dérivé sur les soirées qu'elle a pu louper durant son absence. Je réussis à rester détendu malgré tout, comme si en effet, je n'ai fait qu'écumer les fêtes pendant des semaines avec l'envie d'en profiter au maximum. Alors qu'en fait, pas du tout. J'ai passé mes vacances à jouer les montagnes russes niveau humeur, à ruminer et à essayer de passer le temps. Programme réjouissant. Voilà pourquoi elle ne doit pas le découvrir. Sauf que, par pure curiosité parce que je meurs d'envie de le savoir, je lui demande ce qu'elle a fait le 17 août, jour de notre anniversaire où la fête du siècle devait avoir lieu. M'attendant à une réponse toute simple, je fronce les sourcils quand le regard de Rory commence à se perdre. C'est le silence qui me répond dans un premier temps. La scène dure quelques secondes et je laisse faire, intrigué. Puis elle semble soudain se rappeler de ma question. Elle a arrêté de manger et se met à jouer avec son pancake du bout de sa fourchette. Okay ... « De la randonnée... Et toi ? » répond elle rapidement. Le moment de blanc n'a duré qu'un instant, je peux presque imaginer avoir rêvé. Presque. Le truc c'est que je la connais trop et l'impression qu'il y a un problème n'arrive pas à quitter mon esprit. Seulement, là encore, on vient de se retrouver donc je n'ai pas envie de commencer avec les problèmes. Et puis je suis mal placé pour lui faire des reproches. « Randonnée ? Follement excitant dis donc ... » ai-je fait un peu moqueur, pour la taquiner, avant de lui raconter ce à quoi mon 17 aurait dû ressembler. « Fiesta pour moi. Les gars ont bien réussi leur coup ... » ai-je fait en y croyant moi-même. Sur le coup, j'ai imagine ce qu'aurait été ma soirée d'anniversaire si elle s'était vraiment passée comme ça. Si je n'avais pas dit aux mecs avec un large sourire que j'avais autre chose de prévu à l'extérieur de la ville pour mon anniversaire. Alors qu'en fait, je suis resté tout seul avec une bouteille d'alcool et en multipliant les conneries avec Chandler qui était juste venue me voir. Conneries dont je me souviens pas. Bref, à y réfléchir, ça doit être une des premières fois que Rory et moi nous mentons face à face, presque sans hésiter. Parce que si je la connais aussi bien, elle me connaît tout autant.

Heureusement pur moi, des bruits de pas dans les escaliers se sont faits entendre. La silhouette de Mike est apparue dans le salon. Autant dire que sa tête me fait de la peine, malgré tout ce que je peux lui reprocher. Il s'arrête quelques secondes, surpris de voir Kat. « Oh, salut ... » a-t-il fait en nous voyant. Je lui fais un signe de la tête. Mike se masse l'épaule. Sans doute sa chute inopinée du lit, sûrement ce qui l'a réveillé. Il semble confus. « Désolé pour hier, Ben. » Le fait que ma soeur soit là ne l'aide pas à se sentir très à l'aise mais je ne bouge pas, je ne vais pas le voir et reste adossé au plan de travail. « T'inquiètes. » ai-je dit tout de même avec un sourire pour confirmer qu'il n'y a pas de problèmes. Enfin pas vraiment, à part ce qu'il y a habituellement quand il boit, ou le fait qu'il ait venue pleurer parce que sa copine l'a largué après avoir appris qu'il a couché avec une autre. Il a hoché la tête avant d'aller récupérer sa veste sur le canapé. « Bon bah je vais vous laisser hein, j'imagine que vous avez plein de trucs à vous dire depuis le temps. A plus mec, salut Kat. » Sur ce, il est parti vers la porte d'entrée et a ouvert la porte. Bien sûr, je me suis senti coupable de ne pas m'être montré plus amical que ça jusque là. Soupir. « Mike ? » ai-je lancé avant qu'il ne franchisse la porte. Au son de ma voix il a fait deux pas en arrière et m'a regardé, curieux. « Si tu l'aimes, arrête de faire le con et va la récupérer, compris ? » Sur le coup, je suis très sérieux et je vois dans ses yeux qu'il a parfaitement compris le message. D'un air grave, il hoche la tête avant de, cette fois, s'en aller définitivement après avoir refermé la porte d'entrée derrière lui. Bien, ça c'est fait. Je me suis tourné vers ma soeur, décidé à passer à autre chose. « Bon, t'as fini de tout dévorer ou tu veux faire des réserves pour l'hiver ? » ai-je demandé toujours avec sourire amusé au coin des lèvres.