L’histoire que vivait Lynn avec Mikaël était exceptionnelle. Elle ne parvenait pas à la décrire par des mots précis tant celle-ci lui coupait littéralement le souffle. La semaine de mise à pied qu’elle avait vécue avec le beau suédois avait été un délice de tous les instants. Son nouveau départ, en revanche, n’avait été qu’une torture supplémentaire. Surtout qu’elle ne pouvait même pas lui dire qu’elle était à New York et devait rester sur ce même sol lors de celle-ci… afin de surveiller un dangereux criminel. Cette fois-ci, la mission dura pratiquement trois semaines, et c’est un nouveau surprise qu’elle lui offrit, alors qu’elle était saine et sauve. Enfin, pas tout à fait. La pauvre espionne souffrait d’affreuses nausées depuis quelques jours, nausées qui avaient été très pénibles durant la fin de son assignement. Lynn s’était bien gardée d’en fait état à Mikaël, manifestement bien trop heureux de la voir lui revenir en un seul morceau, sans aucune blessure cette fois. La pâleur de ses traits avait dû être mise sur le compte de la fatigue par le journaliste, tant et si bien qu’ils passèrent une soirée absolument divine. Mais au beau milieu de la nuit, alors que le suédois dormait du sommeil du juste à ses côtés, Lynn se releva pour « envahir » la salle de bain. Mission ? Test de grossesse. L’idée avait germé dans son esprit et elle avait fini par céder à la panique en se rendant à la pharmacie la plus proche juste avant de se rendre à l’appartement de Mikaël. Sauf qu’elle espérait fortement que le résultat ne reviendrait pas positif, pas maintenant, pas comme ça… et pas alors que ses prochaines missions promettaient d’être plus dures, dangereuses et exténuantes que jamais. « Bordel de merde… » C’est un charmant petit plus rose qui apparut dans la fenêtre prévue du test, manquant de pousser Lynn à lâcher l’objet d’apparence si insignifiante. Autant dire que son cœur manqua plusieurs battements et qu’elle fut soudainement prise d’une nausée qui lui dura de très, très longues minutes. C’était le beau milieu de la nuit, et pourtant, l’envie de se recoucher sagement n’était plus là. Lynn sortit donc à pas de loup, griffonna un mot à l’attention de Mikaël pour lui dire qu’elle était sortie quelques instants et qu’elle promettait de revenir vite, avant de prendre les clefs de sa moto et d’aller prendre l’air. Sauf qu’une fois dehors, slalomant à toute vitesse entre les voitures, la jolie brunette était incapable de réfléchir avec discernement. Pas avec le coup de massue qu’elle venait de se prendre en pleine poire…

C’est finalement une heure plus tard qu’elle revint à l’appartement de Mikaël, espérant qu’il n’aurait pas été réveillé par son départ… avant de se heurter à une sorte de lumière calfeutrée qu’elle ne vit qu’une fois la porte ouverte. « Oh, je suis vraiment désolée… je t’ai réveillé ? Je n’arrivais pas à dormir, alors j’ai pris l’air, c’est souvent ce que je fais quand je suis insomniaque. Tu viens te recoucher avec moi ? » Sauf qu’au moment où elle alluma une vraie lumière afin de mieux discerner son visage, ce fut comme un nouveau coup de massue : le suédois avait son test à la main, et le visage si sombre qu’elle peinait à le reconnaître. Quelle cruche ! Elle avait laissé le test ET la boîte avec toutes les explications bien en évidence dans la salle de bain tant elle était partie perturbée. Le fait qu’il soit tombé dessus ne soit pas franchement étonnant lorsqu’on y réfléchit bien… « Tu as dégainé avant moi. Je viens juste de l’apprendre et ça m’a disons… foutu les jetons ! Je voulais trouver une bonne façon de te le dire, mais… je suis enceinte. Mikaël, tu veux bien desserrer les dents, tu vas finir par me faire flipper ! »

La nuit avait commencé de façon agréable, Mikaël avait pu se blottir contre la femme qu'il aimait contre tout après ne pas l'avoir vue pendant quelques semaines encore. Il avait profiter de sa présence avec une bonne humeur hors norme, comme à chaque fois qu'il était en sa présence. Mais il fallait bien croire qu'il n'y avait que les débuts de relation qui semblaient aussi parfaits. Cette fois, il allait devoir faire face à une toute autre épreuve : un nouveau genre. Le raffut de Lynn quittant l'appartement en pleine nuit n'avais pas manqué de le réveiller, bien qu'il puisse voir le sommeil profond. Heureusement il avait découvert l'objet dans la salle de bain avec un certain recul de l'homme à moitié endormi, et n'avait pas tout de suite réalisé. Par contre, attendre près d'une heure assis sur la table du salon, l'avait fait réfléchir de façon assidue. Il n'avait même pas allumé la lumière principale, profitant de l'obscurité pour dissimuler ses craintes les plus enfouies.
Le retour de Lynn ne fit rien au fait qu'il était aussi tendu d'un piquet de pâture. Son coeur était serré, et il avait espéré jusqu'à l'affirmation de la brune que ce test n'était pas vrai, que ce n'était qu'une blague de mauvais goût. Que la marque ne soit pas fiable et qu'il y ait une erreur à tel point que Lynn soit partie en pleine nuit pour faire un procès à l'entreprise. Non, rien de tout ça. Seulement des faits réels et des réponses à ses questions qui s'étaient posés devant ses yeux, l'air de rien.
Le silence régnait, son air grave ne partait pas et il ne croisait pas le regard de la jeune femme restant subjugué par ses pieds. Comment cela était il arrivé? Ils s'étaient toujours protégés, et Lynn prenait la pilule. Il n'y avait pas d'explications, seulement des sourcils froncés et son poing fermé près à frapper la table.
Mikaël se contenta de se lever brusquement, s'armant de sa veste accrochée sur le porte manteau. Il l'enfila en un clin d'oeil et disparu par la porte d'entrée sans adresser un regard à la jeune femme qui était restée debout.
Pas un mot, pas une réponse, pas d'explications, pas de discussion.

D’ordinaire, le silence ne dérangeait jamais Lynn. Sauf que là, il s’agissait d’une véritable torture et elle était à deux doigts de péter une durite, sûrement poussée par ses hormones crevant désormais le plafond. Mais lorsqu’elle croisa le regard de Mikaël, ce fut comme un véritable coup de poignard en plein cœur. Elle resta interdite en le voyant se lever et quitter l’appartement, comme s’il s’agissait d’une réaction somme toute normale. Son propre palpitant battait si vite qu’elle semblait prête à perdre pied, elle qui ne perdait jamais ses nerfs et avait un tel contrôle de son existence… mais cela n’allait pas finir ainsi. Depuis quand laissa-t-elle une situation lui échapper à ce point ? Elle sortit donc en trombes à son tour, clef de moto en main, son sac en bandoulière toujours contre son épaule. Mikaël avait pris l’ascenseur, elle se mit donc à courir dans les escaliers, manquant à plusieurs reprises de s’étaler à même le sol dans l’empressement étant le sien, mais elle voulait arriver au rez-de-chaussée avant lui. Et par on ne sait quel miracle, elle y parvint. Une chance, le gardien avait fini sa ronde et il n’y avait donc par âme qui vive dans le hall à peine éclairé de l’immeuble. Mais la luminosité présente suffisait à éclairer les traits en colère de Lynn, tandis que ses poings serrés tremblaient. « Alors c’est tout ? Je t’annonce un boulet de canon pareil et tu te barres sans un mot, en me regardant à peine ?! » Lynn lui barra le passage, évidemment, en exerçant une faible pression contre son torse. Il n’était pas question qu’il parte avant de l’avoir écoutée jusqu’au bout, et elle était prête à le contraindre s’il la poussait à bout. Il ne fallait pas oublier qui était agent de terrain des deux… Lynn n’avait cure des battements anarchiques de son pauvre cœur malmené, ou même de ses yeux laissant perler quelques larmes qu’elle refusait de voir couler dans un moment pareil. Il fallait qu’elle soit forte, juste pour cinq minutes encore.

« Tu comptes te barrer et me laisser affronter ça toute seule ? Ça ne t’est pas venu à l’esprit que ça pouvait me pétrifier sur place ?! Non bien sûr, c’est plus facile de fuir, d’oublier que l’on est concerné et d’aller se terrer dans je ne sais quel trou histoire de faire bien l’autruche jusqu’à ce que ça passe ! Que je sache, tu étais là pour le faire ce gamin, je n’étais pas toute seule !! Après tout, l’immaculée conception, ça n’existe pas ! » Lynn n’avait pas peur de hurler sa rage, quitte à ce que les voisins en profitent, elle n’en n’avait que faire. Elle n’avait plus aucun contrôle sur ses sentiments, tout ce qu’elle voulait, c’est qu’il la regarde, lui dire que tout irait bien, qu’ils allaient affronter ça ensemble. Après tout, il était celui à la vie la plus tranquille, il aurait donc dû être celui capable de la soutenir ! « Mik, regarde-moi ! Si tu as quelque chose à me dire, tu prends ton courage à deux mains et tu me le dis en face !! »

Bien sûr Mikaël savait déjà que la jeune femme lui courrait après. Elle n'était définitivement pas du genre à se taire et à rester dans l'ombre pour régler ses problèmes toute seule. Si il avait une part d'implication dans les faits, pas question de le laisser sur la touche. Et en l’occurrence... C'était plus qu'une simple implication que Mikaël possédait dans cette histoire. Sa réaction n'était pas la bonne, il en avait conscience. S'enfuir engendrerait le pire, mais il n'avait pas d'autres choix sous le choc de cette révélation. Le problème n'était pas juste le fait qu'elle soit enceinte, puisqu'elle pouvait toujours avorter. C'était surtout qu'elle replaçait une question que le suédois avait essayé d'éviter depuis très longtemps : voulait il vraiment des enfants?
« Je sais que tu ne me laisseras pas passer cette porte aussi facilement. Mais tu le devrais, avant que je prenne des mesures plus dramatiques. » C'est vrai que Lynn n'avait jamais vu ce colosse éprit d'une colère sans précédent. Le problème avait ses excès d'émotion négative c'est qu'il ne savait pas comment les contrôler, et en général la seule solution visible pour lui était la violence. Mais la brune n'était pas décidé à lui offrir la place de passer, ce qui n'était pas favorable à une discussion des plus calmes.
« Bordel, Lynn, dégage de mon passage.» Puis qu'elle ne répondait pas le jeune homme fut gagner par l'élan physique, mais restant dans une notion réaliste il se contenta de pousser la jeune femme en dehors de sa vue pour mieux sortir de l'immeuble.

« Laisse moi, laisse moi réfléchir, laisse moi partir. Laisse moi prendre le temps de me demander comment on en est arrivé là. Je ne suis pas prêt pour ça, je ne l'ai jamais été et encore plus que ça je n'ai jamais voulu avoir d'enfant. Ce n'est pas toi ni personne d'autre pourra me faire changer d'avis, c'est comme ça. Que le fait accompli me tombe sous le nez, non, je ne le supporte pas alors laisse moi partir. Tu ne peux pas juste m'obliger à affronter quelque chose qui n'est pas de mon ressort.» Il ne savait même plus ce qu'il disait et perdait le fil de ses phrases au fur et à mesure qu'il en rajoutait. Toujours devant l'entrée de l'immeuble il colla son poing contre le mur de toute ses forces, à tel point que sa main en saignait. « Putain de merde! Putain! Putain! Putain... Mais quel con... Mais quel con!»

Et c'était exactement ce qu'il avait voulu que Lynn ne voit jamais. Elle le trouverait d'autant plus lâche, d'autant moins responsable qu'elle l'avait vu avant. Mais c'était comme ça, son futur n'avait jamais eu d'enfant dedans et il ne pouvait se résigner aux choix qu'il s'était imposé, suivant sa propre éthique. Une femme ne pouvait pas tout changer sous le prétexte de l'amour, c'était impossible.
« Bordel de merde Lynn, tu me gâches la vie! Ça me fait chier, à un point inimaginable. »

Pour la toute première fois de sa vie, l’impétueuse Lynn Maryweather était muette. Incapable d’émettre le moindre son et encore moins de pouvoir décrire la foule de sentiments qui s’emparait peu à peu de son être. La vérité, c’est qu’elle avait effectivement peur. Ce n’était pas tant que Mikaël l’effraie, bien qu’elle se doive d’admettre que cette facette qu’il lui montrait était vraiment entrain de la faire flipper, mais elle craignait de devoir affronter cette situation inattendue toute seule. Lynn savait gérer absolument toutes les merdes possibles et imaginables, mais elle n’avait jamais été entraînée pour celle-ci, surtout pas avec la vie qu’elle menait. Lynn pouvait se prendre une balle qui mettrait un terme définitif à ses jours à tout instant lors d’une mission et ce n’était guère le moment pour mettre au monde un enfant. Cela dit, avant même que de penser à cela, les mots qu’eut Mikaël lui arrachèrent littéralement le cœur. Il était en train de lui faire regretter de s’être livrée à lui, de lui avoir fait confiance, et même, dans une certaine mesure, de s’être attachée à lui bien au-delà des mots. Elle ne put s’empêcher de sursauter lorsqu’il s’explosa la main contre l’un des murs du hall, mais ce ne fut pas ce geste qui fit couler ses larmes. La dernière tirade qu’il eut lui arracha de nombreux sanglots et tout son être se mit à trembler comme une feuille morte. Jamais Lynn ne s’était sentie aussi psychologiquement affaiblie. Mais bientôt, ce fut la rage qui prédomina. Elle n’hésita pas à le saisir par le manteau et à le plaquer avec une extrême violence contre un mur à portée de main pour qu’il la regarde dans les yeux. Lynn leva même la main pour le gifler de toutes ses forces, mais elle s’arrêta à quelques millimètres de sa joue, incapable de le frapper. Elle s’écarta dès lors, la respiration plus qu’haletante, toute incapable qu’elle était de raisonner et encore moins de cesser de pleurnicher comme cette nénette faiblarde qu’elle n’était pourtant pas de nature. « Au moins, les masques tombent. Ça n’aura pas duré avant que tu me balances que je te gâche la vie. Je te félicite, tu vas pouvoir t’adonner à la vie de célibataire sans enfant auquel tu tiens tant ! Je ne te demande rien, rien du tout. Tu m’as ouvert les yeux, peut-être devrais-je t’en remercier… mais là, de suite, ça m’écorcherait la bouche. »

Lynn fut finalement la première à quitter l’immeuble en claquant violemment la porte d’entrée, avant de démarrer sa moto sans même mettre de casque, à très vive allure, à l’image de la rage indicible qu’elle ressentait. En somme, elle avait fait ce qu’elle faisait de mieux d’ordinaire : disparaître. Les jours suivants, il n’y absolument aucune nouvelle d’elle. Il faut dire qu’elle s’était terrée dans un lieu que personne ne connaissait à part elle, afin de pouvoir réfléchir et pleurer toutes les larmes de son corps jusqu’à en être épuisée. Même son père n’avait pas eu vent de la chose, et il ne valait mieux pas. De toute manière, elle avait jeté son téléphone portable aux égouts afin de ne surtout pas être dérangées, par qui que ce soit, même par sa mère. De toute évidence, elle n’était pas en état de mener à bien une mission, pas dans l’état actuel des choses. Elle ne sortit de sa petite tanière qu’au bout de cinq bons jours, afin de faire un repas digne de ce nom tant son estomac gargouillait. Elle s’était à peine nourrie pendant cet état de léthargie, et se sentait ramollie de toutes parts. C’est comme si son cœur ne cessait de saigner. Elle s’était donc rendue au premier Starbucks Coffee se trouvant à proximité de là où elle s’était enfermée dans sa petite bulle, et commanda une montagne bien méritée de pancakes, bien que celle-ci ne fasse que lui rappeler l’instant délicieux qu’elle avait vécu avec Mikaël. Sauf que cette fois, c’était l’impassibilité qui prônait : hors de question de verser la moindre larme supplémentaire. A la place, elle s’empiffra à une vitesse incroyable, tandis que plus loin, la fine équipe du New Yorker s’était pointée pour leur habituel café du matin. Mikaël en tête de l’expédition, bien sûr…

5 jours. 5 longues journées. C'était le temps qu'il avait fallut à Mikaël pour daigner retourner au travail. Celui-ci était resté cloîtré chez lui sans donner de nouvelles à quiconque. Il avait passé cind jours à penser, à écrire, à regarder des films et s'empiffrer de mauvaises choses. Pas une seule excursion au club de boxe, et le bureau avait été prévenu d'une certaine maladie. Finalement il avait décidé de ne pas se laisser abattre et de retourner à la deuxième chose qu'il aimait après Lynn : son travail. Bien sûr il n'avait annoncé à personne son histoire et n'aurait plus l'occasion de le faire puisqu'elle avait été des plus clair en y mettant à terme. Mais elle n'avait pas su à quel point ces cinq journées avaient étés de la torture concentrée pour Mikaël. Il avait mijoté et revu chaque scène de leur dispute, s'était dénigré jusqu'à en verser quelques larmes. Les ruptures n'étaient pas ce qu'il savait surmonter, encore moins quand il laissait derrière lui une femme portant son enfant. "Son" enfant, ce pronom lui avait fait réfléchir. Il n'y avait pas de marche arrière possible, et dans son ventre grandissait sa progéniture, un petit bout de vie qu'il avait procrée et qu'il ne verrait sûrement jamais. Lynn était injoignable, et ce n'était pas faute d'avoir essayé l'appeler plusieurs fois. Lui laissant des messages résumant de longs monologues essayant de s'excuser, essayant de donner des explications à son ancien comportement. Néanmoins le suédois comprenait le pourquoi du comment il en était arrivé là, et tout ce qu'il pouvait faire été de blâmer sa personne encore et encore.
Le plus ironique dans le fait que c'était son premier jour de sortie était sûrement le fait que le premier bâtiment où il rentra avec ses collègues de travail fut aussi le premier bâtiment où il trouva Mlle Lynn Maryweather. Toujours à l'endroit où il fallait, toujours au bon moment. Son coeur fit un bond dans sa poitrine et il frissonna. Il y avait il un moyen qu'il puisse encore lui parler? S'était elle calmée depuis leur intermède d'il y cinq jours? Pas question de ne rester dans le doute, en s'excusant auprès de ses compagnons il marcha doucement vers la brune mangeant.

« Lynn. »
C'était le seul mot qui sortit de sa bouche pour l'instant. Dur de recommencer une conversation après les évènements passés. Dur de trouver les mots pour exprimer à quel point il était désolé. Il le savait, et elle devait le savoir aussi : quand il était en colère, ses paroles dépassaient sa pensées sans réfléchir aux conséquences. Et cela était bien un problème pour lui. Il soupira en s'essuyant le front et les yeux.
« Accepteras-tu me parler? Juste deux minutes. Accorde moi deux petites minutes de ton temps précieux que je puisse te dire quelques mots. »
Mikaël ne demanderait pas plus, il savait que si elle refuserait ce serait un non catégorique qu'il n'oserait même pas discuter. Alors il restait debout, attendant sa réponse. Si seulement la brune savait à quel point il avait souffert ces derniers jours, pas de la même souffrance qu'il avait lorsqu'elle partait en mission, puisqu'il savait qu'elle reviendrait. Cette fois ci il s'était sentit misérable, pitoyable, pathétique. Au moins aussi horrible que Lynn avait pu le penser.

Lynn mangeait comme si elle n’avait pas ingurgité la moindre nourriture décente depuis des semaines. C’était à la fois un délice et une torture de tous les instants, car elle n’avait pas plus de solution que la veille ou l’avant-veille vis-à-vis de cette nouvelle semblable à un coup de canon. La brunette était à court d’argument pour se rassurer, et le pire, c’est qu’elle ne savait même pas à qui en parler. Ce secret était un véritable poison à la longue, la rongeant petit à petit jusqu’à l’affaiblir complètement. Lynn était d’ailleurs affreusement pâle, tellement que le responsable du Starbucks lui avait offert une seconde assiette de pancakes sans même qu’elle ne l’ait commandée… elle devait vraiment faire peur à voir. Mais ce n’était pas le plus extraordinaire, puisque bientôt, son prénom fut prononcé d’une voix qu’elle n’espérait plus entendre après leur altercation particulièrement violente, qu’elle n’avait eu de cesse de passer et repasser dans le fond de sa mémoire chaotique et amère. Si elle n’en laissait pas transparaître la moindre émotion, son cœur s’était mis à vibrer en le voyant, visiblement guère plus vaillant qu’elle ne l’était de son côté. Lynn eut aussitôt peur qu’il ne la gratifie à nouveau de paroles insupportables, mais quelque part, elle avait envie de tenter le coup. Sans mettre de côté sa propre rage froide qui lui donnait littéralement des envies de meurtre, la brunette poussa du pied la chaise en face d’elle avant de lui faire signe de s’asseoir. Elle eut vraiment un mal fou à desserrer les dents tant elle avait envie de l’étrangler sur place, au moins autant qu’elle avait envie de lui sauter au cou pour profiter à nouveau d’une étreinte rassurante, celle qui pour qui elle aurait été capable de tuer père et mère en cet instant abominable. « Si tu n’as pas peur de ce que je suis capable de te répondre, tu peux t’asseoir. » Lynn n’était pas une trouillarde, elle affrontait chaque situation telle la tête brûlée qu’elle était. Quitte à le regretter ensuite… elle ne pourrait pas le savoir tant qu’elle n’avait pas tenté cette folie.

« Mais je te préviens : si c’est pour me faire l’honneur de toutes les horreurs que tu m’as balancée dans la face la dernière fois, tu peux tourner les talons et me faire le plaisir d’aller te terrer le plus loin possible de moi. Car si tu as l’audace de recommencer à me dézinguer comme tu l’as fait, je te jure que je ne donne pas cher de ta peau une fois que je serais passée dessus. Tu sais que je tiens toujours mes promesses… et là, tout de suite, je ne suis pas certaine de me contrôler. » Mais s’il voulait juste s’expliquer, alors qu’il le fasse et qu’ils en finissent. Lynn n’était pas en état pour s’y opposer, malheureusement, et malgré ses menaces, elle aurait été bien à mal de porter le moindre coup, si insignifiant soit-il. L’extrême pâleur de ses traits le laissait hélas clairement entendre… mais elle poursuivit de manger ce carburant qui lui manquait et qui était vital pour elle comme pour le bébé. « Si c’est pour me demander si j’ai avorté, désolée de te décevoir, mais la réponse est non » conclut-elle d’une voix glaciale.

Il y avait un soulagement sans précédent qu'elle accepte de s'entretenir avec lui. Une partie du poids qui le détruisait depuis quelque jour devait d'être retiré, et il se sentait de façon bénéfique. Il prit place, sans une once d'irrespect ou d'un sourire en coin dont il avait l'habitude. Il n'allait pas jouer, pas cette fois ci. La partie était finie, le but de cette discussion pourrait terminé si un autre round est possible.
« Je suis con. » Mikaël inspira se fourrant la tête dans les mains, puis resta accoudé à la table. « Non sérieusement, je suis con genre atteint d'une maladie. La connerie ça me connait, tellement que je la prône sans arrêt. Et en plus de ça elle me donne des remords, c'est vraiment une saloperie. Mais je dois assumer le fait qu'elle est en moi, et donc, je suis le plus con des cons. » Faire des excuses n'était pas sa spécialité, surtout quand elles se devaient d'être au delà de la perfection. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeil au ventre de la brune, s'assurant de voir si il avait grossi, si il prenait une forme particulière. Mais à cette époque de la gestation, rien n'était encore visible.
« Tu pourras me décocher une balle dans la cervelle dès que j'aurais fini de dire ce que j'ai à te dire, et rien avoir avec mes propos de la dernière fois. » Il ne rigolait pas vraiment, on aurait même pu croire qu'il était sérieux, mais connaissant Mikaël il y avait toujours une part de bêtise, de connerie, comme il le disait si bien.

« Je vais essayer de faire bref, je m'excuse, je te prie de m'excuser, excuse-moi, enfin, je pourrais te le dire dans toutes les langues possibles ça ne serait jamais assez pour te dire à quel point je m'en veux. Deuxièmement, je viens de passé les plus horribles journées de toute ma vie, crois moi ou non, bien que tu t'en n'ai que faire. J'ai essayé de te joindre comme un harceleur, j'ai compris que tu avais bloqué mon numéro, je le conçois. » Ses collègues qui avaient fini de commander lui firent signe qu'ils allaient s'installer plus loin, mais Mikaël n'était pas encore prêt de les rejoindre. Pas quand il avait des affaires à régler avec Lynn, pas question d'interrompre.
« Je te prie de me croire Lynn, je ne suis rien... Je ne suis rien sans toi. C'est très dur de dire ça pour moi, et si on en reste là on en restera là. Mais je veux ce gosse, je le veux parce que c'est le nôtre. Je le veux parce qu'il portera un nom que l'on aura choisi ensemble, je le veux parce qu'il aura ton sang, tes yeux ou même ton sourire. Je le veux parce qu'il sera une partie de toi que je ne pourrais jamais perdre. Alors s'il te plait, autorise moi à devenir le père de cet enfant. »

« J’ai jeté mon portable dans un égout » crut-elle bon de préciser alors qu’il débitait un monologue qui, mine de rien, la touchait de plein fouet. Les traits de Lynn étaient toujours empreint de cette sorte d’impassibilité incroyable, mais de ses yeux se mit à déborder une eau qu’elle ne voulut même pas retenir. Les mots de Mikaël trouvaient écho dans son esprit ainsi que dans son âme, comme si elle avait souhaité les entendre plus qu’elle n’avait jamais souhaité rester en vie lors d’une mission. Elle tâchait de regarder ailleurs, d’éviter surtout tout contact visuel avec le suédois, mais la chose était loin d’être aisée. Ses hormones avaient fait d’elle quelqu’un de beaucoup plus fragile, de plus facilement atteint, tant et si bien qu’elle maudissait cette vérité de toutes ses forces. Une partie d’elle voulait croire à toutes ces belles paroles, mais une autre restait en retrait, méfiante, incapable de ne pas se souvenir de chaque horreur prononcée cinq jours plus tôt. Mikaël l’avait réduite à néant en quelques minutes… et si aujourd’hui il la touchait d’une bien autre manière, difficile d’oublier d’un claquement de doigt ce qui l’avait poussée à se cloîtrer dans un silence et une noirceur sans précédents. « Et au nom du ciel comment je fais pour savoir que tu ne vas pas soigneusement prendre tes clics et tes clacs à la première occasion, hein ? Je ne t’apprends rien : même moi j’étais pétrifiée la fois dernière. Tu m’as réduite au silence alors que j’ai vu sur le terrain des horreurs dont tu n’as pas conscience, pas même dans tes pires cauchemars !! Tu m’as laminée alors que tout ce que j’attendais, oui tout ce que j’ai eu l’audace d’attendre c’était simplement que l’on cherche une solution ensemble, qu’on en discute… que tu me prennes la main en me disant que tout irait bien, que l’on allait s’en sortir. Mais même ça, il faut croire que je n’y aurais pas eu droit. » Lynn passa nerveusement une main contre son visage si pâle et posa sa fourchette de l’autre, l’appétit soudain coupé. Il fallait dire que ses émotions étaient un véritable champ de bataille depuis quelques temps…

« Tu ne voulais pas d’enfant et maintenant tu en veux ? Tu veux que je croie quelle version ! C’est juste… » Lynn peina à déglutir avant de reprendre soudainement contenance et d’effacer toute trace de larme sur son beau visage : on vint lui déposer à ses pieds un sac de voyage, tout frais empaqueté, sans que la personne ne lui accorde un regard. Pas trop tôt ! Lynn allait enfin pouvoir mettre toute cette affaire de côté pour quelques temps et se remettre du plomb dans la cervelle. Il lui restait vingt minutes sur son timing parfait, vingt minutes pour accorder ou pas du crédit à tout ce que venait de lui dire Mikaël… et ce bien que la tentation soit admirablement grande, elle ne pouvait hélas pas mettre sa vie d’espionne entre parenthèses indéfiniment. « J’ai refusé de l’abandonner et je le refuserai bec et ongle même si je dois en baver pour ça. Tu sais pourquoi ? Parce qu’il est une part de toi. Je crois que c’est la meilleure chose que j’ai jamais faite dans toute mon existence chaotique, et la nouvelle m’a tellement bouleversée… au début, j’ai espéré que ce soit une erreur, je ne voulais pas t’infliger ça alors que l’on s’apprivoisait tout juste ! Mais l’espace de cinq minutes, j’ai été comblée comme jamais je ne l’avais été auparavant. Je ne vois pas pourquoi je devrais en avoir honte… et même si tu m’as dit que je te gâchais la vie, je me suis accrochée pour la suite. Tu m’as dit un jour que ton ancien amour t’avait abandonné et que cela t’avait brisé… mais à la première occasion, c’est exactement ce que tu as fais avec moi. » Lynn triturait la bandoulière du sac que l’on venait juste de lui déposer, calmant peu à peu les battements effrénés de son cœur et parvenant enfin à ravaler ses larmes. « Qu’est-ce que je suis censée croire ? Tu as vingt minutes pour me répondre et puis je devrais partir. »

Lynn jouait déjà avec les émotions du garçon. Bien qu'il ai été en tort il n'appréciait pas le fait qu'elle ne prenne pas au sérieux la plus belle déclaration qu'il n'avait jamais fait. Et en plus de ça madame devait partir dans vingt minutes, et où? Avec le bébé dans son petit ventre? Pas question qu'elle prenne de risque, et pas question que Mikaël le cautionne. Mais il savait que si il voulait se voir accorder le pardon de sa dulcinée il devrait dès lors se plier en quatre et exécuter ses moindres désirs et même ordres!
« Je pensais que j'avais tout dit avec mon précédent monologue mais apparemment, non... » Il se gratta le cou du bout de l'index comme il avait l'habitude de le faire, en tant que tic nerveux. « J'espère que tu sais que je n'aurais pas eu l'audace de te venir te voir si je n'avais pas eu les idées au clair, et que je n'étais pas sûr de moi et de mes opinions face à ... la procréation. Maintenant tu es au courant que c'est ce que je veux, c'est ce que je désire le plus avec toi. »
Le jeune homme contemplait le sac qui avait été donné à la brune, il le regardait, perplexe. Ne sachant pas où elle s'apprêtait à aller, ne sachant pas ce qu'elle ferait et ne sachant pas où leur relation serait resté. Elle venait de toucher un point sensible en discutant de sa réaction vis-à-vis d'Erika. Non il ne pouvait pas avoir fait la même chose, non il ne pouvait pas avoir pensé une seule seconde la même façon qu'elle l'avait fait quand elle l'avait quitté. Seul, pour quelqu'un d'autre. Il avait juste eu besoin d'un temps de réflexion : « J'ai eu besoin d'un temps de réflexion Lynn. Avec ce test de grossesse tu as chamboulé toute mon idéologie que je me faisais de la vie. Tu as chamboulé ma vision du monde et de mon avenir, je ne mettais jamais vu avec un enfant dans les bras auparavant, il faut que tu le comprennes. Mais, il faut aussi que tu comprennes que maintenant la donne a changée. Parce qu'il n'y a bien que les cons qui ne changent pas d'avis. » Il souria : « Donc je ne suis peut-être pas si con que ça. »

Il ne restait plus beaucoup de temps avant qu'elle prenne ses affaires et quitte l'établissement, ce qui laisserait sans doute Mikaël penaud, sur sa chaise, se remettant une fois de plus en question si les réponses apportées n'étaient pas assez bonnes pour la jeune femme. Il ne pouvait pas être plus sincère, il ne pouvait pas montrer plus profonde facette de lui que celle-ci. Lynn avait changé sa vision du monde, c'était ainsi qu'il fallait le voir. Comme quoi, par amour, l'homme peut-être capable de tout.
« Je ne sais pas où tu vas, et j'aimerais que tu me le dises. Pendant combien de temps? Qu'est ce que tu vas faire? S'il te plait fait attention à toi, et à ce que tu as dans le ventre. Quoi qu'il arrive...» Le suédois aurait aimé la prendre dans ses bras, l'embrasser sur le front et la rassurer sur tout ce qui pourrait venir, comme il aurait du le faire 5 jours plus tôt. Mieux vaut tard que jamais, non?

Lynn eut besoin de fermer les yeux à plusieurs reprises pour calmer ses nausées actuelles d’une part, mais également en vue de s’imprégner de chaque mot dicté par Mikaël. Sans doute était-ce stupide de sa part de douter, mais elle avait quelques circonstances atténuantes… après tout ce qu’ils s’étaient joyeusement envoyé dans la poire cinq jours plus tôt, il était extrêmement difficile pour elle de ne plus être en colère, de faire complète table rase du passé pour mieux repartir sur le bon pied. Cela étant, chaque mot trouvait de plus en plus écho dans son esprit, comme si elle l’entendait mieux qu’elle ne l’avait jamais entendu. Il lui fallait, à son tour, un peu de temps pour accuser le coup et accepter tout ce qu’elle était en train de comprendre. « Il faut aussi que tu comprennes toi, de ton côté, que personne ne m’a jamais mis dans une telle rogne, non vraiment jamais. Mais tu es vraiment sérieux ? » Lynn avait une folle envie d’y croire, de se raccrocher enfin à quelque chose de positif en ces cinq jours d’enfer. Du moins le souhaitait-elle avant qu’il ne lui pose évidemment des questions sur sa mission en devenir, questions tout à fait légitimes bien sûr mais auxquelles elle n’avait pas de complètes réponses. « Je pars en Syrie mais je ne peux pas te dire où exactement ni ce que je vais y faire… je le voudrais, crois-moi, mais il n’est pas question une seconde que tu sois capable de prendre un avion pour venir me rejoindre. C’est trop dangereux. » Les rôles étaient inversés… Lynn était la protectrice, et Mikaël le protégé. Mais comme toujours, si d’aventure cela dérapait, la brunette saurait forcément gérer ; le journaliste n’avait pas eu le même entraînement et ne jouissait pas d’une expérience extraordinaire sur le terrain. Il n’y eut hélas guère de nouvelle discussion possible car la montre de la jolie canadienne se mit à sonner, indiquant comme le glas d’une fatalité dont elle serait somme toute bien passée. Il ne l’avait pas prise dans ses bras, ne l’avait pas rassurée de cette façon mais ses mots l’avaient atteinte… et si elle fut la première à se lever, cela ne l’empêcha pas de serrer la tête de Mikaël contre elle quelques secondes, afin qu’il soit cette fois absolument seul à l’entendre. « Écoute-bien ce que je vais dire car je ne serais sûrement jamais capable de le redire… je t’aime. »

Lynn allait faire attention, c’était une promesse qu’elle lui fit en embrassant doucement son front avant de prendre son sac en main et de disparaître dans un souffle, sans possibilité pour le jeune homme de la suivre ou de s’opposer à la chose. Mais peut-être aurait-il dû insister. La mission fut un succès certes, mais la brunette n’avait jamais été confrontée à des horreurs pareilles. Le retour aux USA fut particulièrement rude et si elle n’avait aucune blessure d’aucune sorte, son épuisement physique se lisait très aisément sur son visage pâle. Sauf qu’il lui restait une dernière mission dont il fallait qu’elle s’occupe, et celle-ci portait le nom de Mikaël. Ce pauvre journaliste s’était laissé manifestement séduire par une invitation intéressante à une soirée de gala, sans se douter une seconde que ladite soirée serait un repère des mafieux les plus véreux que la terre ait portée. Autant dire que cette fois, Lynn ne prit même pas le temps de mettre une tenue plus seyante que celle qu’elle portait, moulante et noire, laissant clairement entendre les nouvelles rondeurs étant les siennes et, il fallait le dire, lui donnant un charme tout à fait particulier. Elle prit une porte de service, demeurant cachée un long moment avant d’avoir l’opportunité de saisir le suédois par le bras pour l’emmener dans un coin désert. « Je peux savoir ce que tu fous ?! T’es malade ou quoi !! Tu ne t’es pas rendu compte que l’assistance est constituée uniquement de mafieux ? Je ne te savais pas suicidaire, depuis quand tu veux à tout prix te prendre une balle en pleine tête ?! » Certes, la transition était rude, surtout après un mois et demi d’absence. Mais Lynn avait pris une grande décision, décision dont elle comptait lui faire part un peu plus tard… en attendant, il fallait le sortir de là. Il ne fallait pas croire, une large émotion était très largement visible dans ses yeux. Elle venait de ressentir une peur panique de le perdre.

Mikaël s'était accroché au quelques mot que Lynn lui avait laissé : "Je t'aime"... Il remémorait sans cesse leur interface dans sa tête, attendant de la voir. Comme d'habitude il ne savait pas comment il la retrouverait, mais il avait la certitude qu'elle saurait venir jusqu'à lui. Il se contenta donc de vivre sa vie comme bon lui semblait, travaillant dur pour oublier le reste, et essayant de se faire un nom. C'était ce pourquoi il avait accepté une invitation à une soirée gala, une soirée qui n'avait pas d'intérêt particulier pour le garçon mais qui pourrait passer le temps une fois de plus. Smoking noir et cheveux brossé à gogo, pas de barbe ni de poil qui dépasse. C'est seulement en passant chercher un verre de champagne qu'il fut intercepté par une voix qu'il fut des plus heureux d'entendre.
« Wow wow wow ! » Fit le suédois en levant les bras comme une personne attaquée. Il ne savait pas vraiment comment réagir, il avait des doutes sur la venue de la brune : pour lui ou pour ces mafieux dont elle parle? Depuis cette rencontre au Starbucks qu'est ce qui avait évolué? Mikaël jeta un coup d'oeil à son ventre, à ses hanches, qui avaient manifestement prit un peu d'ampleur. C'était très joli, tout homme normalement constitué ce serait jeté sur la jeune femme dans le but de la manger. Surtout Mike.
« Excuse moi de noyer mon manque de toi dans les galas et le champagne! J'attendais simplement ton retour, et non, je n'ai pas l'oeil pour deviner qui est ou n'est pas un mafieux invétéré. » Après tout elle lui avait déjà bien assez répété que la personne connaissant le terrain était elle, qu'il n'était pas entraîné pour ça et donc bien évidemment qu'il ne pouvait pas non plus analyser son entourage.

« Je pense que ce n'est pas le moment pour parler? Parce que personnellement je peux discuter dans toutes les circonstances, et j'aimerais bien le faire maintenant, maintenant avant que tu te jettes au milieu de tout ces gens et que tu débites un kalachnikov de ta robe. »
C'était le véritable Mikaël, pas celui qui essayait de s'excuser, il estimait qu'il avait le droit à un mini départ à zéro. Il était juste lui, en parlant de façon sarcastique toujours une idée derrière la tête. Et il le redevenait parce qu'elle était de retour, et qu'elle lui avait une fois de plus affreusement manquée.
« Fais ce que tu as à faire, mais dors chez moi ce soir. »

A vrai dire, elle n’était pas responsable du réseau mafieux en représentation ici, au beau milieu de grandes figures du tout New York. Lynn venait tout juste de revenir de l’aéroport, ayant voyagé dans un avion privé, avant d’être alertée de cette petite sauterie. Son cœur avait fait un bond vertigineux dans sa poitrine quand elle avait vu la photo satellite de l’entrée des invités et qu’elle avait reconnu Mikaël, magnifique dans ce smoking le mettant parfaitement en valeur. Il n’avait fallut plus de dix minutes à Lynn pour arriver jusqu’ici et s’occuper de récupérer le jeune homme avant qu’il ne risque le pire… telle était sa plus grande crainte : que son boulot à elle ne parvienne un jour à avoir raison de celui qui constituait la plus belle partie d’elle. « T’es vraiment givré dans le genre, tu le sais ça ? » se permit-elle de dire en toute mauvaise foi, avant d’éclater de rire pour relâcher toute la pression qui l’avait empoisonnée durant tout le trajet entre l’aéroport et la soirée. Et voilà qu’en plus, il soupçonnait le fait qu’elle ait une fin de mission à exécuter ici ! « Manqué ! Je ne suis pas ici pour dégommer tout ce qui bouge, pas aujourd’hui. J’ai eu ma dose, comme qui dirait. Normalement, je ne suis pas en charge de ce groupe de mafieux, c’est un partenaire qui est chargé de surveiller… mais comme je suis assez bonne analyste, il m’a demandé de vérifier si se trouvait un mafieux en particulier, et quand je t’ai reconnu, je ne te raconte pas la décharge électrique. Tu es ici pour quoi au juste ? Pour le boulot ou juste pour noyer ton chagrin dans l’alcool ?! » Lynn espérait tout simplement qu’il n’avait pas plongé dans un quelconque cauchemar du genre, sinon, elle allait s’en vouloir pour un temps considérable. Cela dit, son inquiétude avait surpassé de très loin tout ce qu’elle avait pu ressentir jusqu’à lors, tant et si bien qu’elle se permit quelques secondes d’apaisement en s’adossant contre un mur, tandis qu’elle calmait délicatement sa respiration. « Je n’aime pas les Kalachnikov, c’est trop grossier… je préfère les AK-47, nettement plus classe. » Nouveau rire. Lynn n’avait plus sourit depuis un lustre, selon elle.

Pour l’instant, la brunette restait à distance, une distance de sécurité au cas où il lui faudrait intervenir pour les sortir de la merde. Mais ce n’était pas l’envie qui lui manquait de se blottir dans ses bras puissants, envie qui avait brûlé sa peau durant toute cette absence insupportable. De toute évidence, elle avait morflé pendant sa dernière mission, tant et si bien qu’elle allait certainement mettre du temps à s’en remettre : être enceinte l’avait grandement affaiblie d’un point de vue physique. « Pendant que je me calme après avoir manqué de devenir cinglée en te sachant ici, si tu veux parler, je t’écoute. Mais je ne viendrais pas chez toi ce soir, n’y compte pas… » Le sérieux de Lynn fut bientôt tranché par un délicat sourire qui voulait tout dire : elle n’était pas sérieuse trente secondes. « C’est toi qui va venir chez moi. »

Mikaël restait sur ses gardes, tournant sa tête aux cheveux laqués et brossés de façon furtive. Il n'avait pas eu une seule seconde l'intuition d'être en danger en venant ici, et commençait à se dire que Lynn devenait tout ce qu'il pouvait appeler d'un ange gardien. Mais pas question pour elle de ce mettre en danger, il ne le supporterait pas. L'enjeu était de taille, en plus de perdre son amour il pourrait perdre une autre partie de lui qui grandissait sagement dans le ventre de la brune.
« Si tu veux me faire plaisir lors de mon prochain anniversaire, sache que j'adorerais un AK-47 justement, ou le dernier Call of Duty, au choix. » Peut être ne l'avait elle pas vue, mais il avait un console bien rangée sous sa télé, et dans une boite juste à côté s'entassait des dizaines de pochettes de jeux vidéos : un homme, un vrai vous-dirai-je.
« Mais en attendant, ne veux-tu pas déguerpir d'ici par la porte de derrière? Je n'ai pas envie de prendre le risque de passer une mauvaise soirée alors que ta présence ici m'enchante plus que tout, bébé.» Mikaël ne s'était pas vraiment noyé dans l'alcool durant son absence, il avait surtout prit encore un peu de temps pour réfléchir à sa condition et son avenir. Il voulait garder tout ce qu'il y avait en rapport entre lui et cette femme, quoi qu'il arrive, coûte que coûte. Le gala n'était sûrement pas la bonne manière de ne rien risquer.
« Je suis ici pour le boulot, j'ai une nouvelle boss qui clame les bienfaits des soirées mondaines. Ah oui, parce que après ta jolie petite mission ou tu t'es amusée à jouer ma rédactrice en chef tu as laissé un beau bazar. L'autre gigolo a démissionné et les chasseurs de tête ont passés plusieurs mois à trouver quelqu'un d'autre. Du coup j'aurais l'honneur de te présenter : Rosa Cirley, businesswoman, gérant d'entreprise et soi-disant mécène du journalisme. » Il tendit l'index vers une femme dans la puissance de l'âge, des cheveux blonds fatigués et une robe couvrant ses formes bien conservées. Mikaël ne l'a portait pas dans son coeur mais il n'avait rien contre elle non plus, c'était une femme comme une autre qui devait se débrouiller pour effectuer son travail de la meilleure façon. Comme tout le monde au bureau. Et personne ne pouvait nier le fait qu'elle était douée pour cela, et que son job était taillé pour elle.
« J'aimerais franchement faire les présentations plus tard, là, tout de suite, j'attends que tu me présentes le petit chez toi que tu t'es trouvé et qu'on en profite tout les deux... Deux et demi!» Mikaël jeta un petit coup d'oeil sur le ventre de Lynn, expliquant sa dernière phrase.

A la simple idée que Mikaël puisse avoir UNE patronne fit voir rouge à Lynn. Elle la fusilla volontiers du regard avant d’esquisser un rire nerveux, pas peu fière que celle-ci soit au beau milieu d’un océan de mafieux, tiens. Elle n’allait pas la plaindre, tout de même ! « Merci de m’avoir donné son nom, comme ça s’il me vient une pulsion destructrice, je saurais vers qui la diriger… » Le sourire narquois de la brunette ne laissait strictement rien augurer de bon pour la suite, mais cela ne sembla pas l’empêcher de faire signe au beau suédois afin qu’il ne la suive sans un mot. Le tout était de quitter cet effroyable endroit dans la discrétion la plus totale, car Lynn ne serait pas couverte en cas de pépin : ce n’était pas son affaire et elle n’avait aucunement à se rendre sur les lieux. « Je note pour Call of Duty… si tu penses que je n’avais pas remarqué ton petit secret, tu te plantes : ce n’est pas parce que je ne dis rien que je n’observe pas tout ce qui te concerne, mon ange ! » Léger clin d’œil alors qu’ils atteignaient non sans mal la porte de derrière, malheureusement gardée par une espèce de montagne faisant au moins quatre têtes de plus que la jolie espionne. Cela ne l’empêcha pas de parvenir à l’assommer avec un brio presque effrayant, un coup fort bien porté à la nuque. Elle l’étala à même le sol, prenant garde à shooter la caméra présente, sans avoir montré une seule fois son visage. Et ce n’est qu’ensuite qu’elle fit monter Mikaël à l’intérieur d’un 4x4 Chevrolet qu’elle se devrait de ramener aux hangars de la CIA une fois le prochain jour levé. Mais pour l’instant, elle avait démarré sans encombre, et s’était engouffré dans la prochaine avenue, bondée à cette heure, bien qu’illuminée. Lynn avait beau checker les rétroviseurs, pas âme qui vive ne les suivaient, c’était une chance. « Et sinon, à part le fait que tu aies une nouvelle boss dont j’aimerais beaucoup jeter le corps en multiples sacs pour qu’on ne la retrouve plus jamais tant elle est insupportablement magnifique, tu as dis que tu voulais parler… il n’y avait que de ça que tu voulais parler ?! » Lynn en serait horrifiée si tel était le cas. Mais hélas, cela allait devenir le cadet de ses soucis.

Pendant de longues minutes, la brunette gesticulait légèrement, fronçant les sourcils et crispant ses mains sur le volant tandis que sa respiration s’accélérait progressivement. Une douleur insupportable était en train de lui scier littéralement le ventre, tant et si bien qu’elle freina brutalement avant de redémarrer, non sans se faire incendier par les klaxons des autres conducteurs. « Pardon, petite crispation passagère » s’excusa-t-elle sans forcément mettre énormément de conviction dans la chose. Finalement, elle dû prendre la première sortie pour s’arrêter définitivement sur le bas côté et ôter aussitôt sa ceinture de sécurité. « Ça va pas… non ça va pas du tout… » Lynn déglutissait avec difficulté, comme soudainement consciente que sa dernière mission avait été une erreur monumentale, tout comme sa manœuvre contre le gardien il n’y avait pas dix minutes. Trop d’efforts n’étaient pas bons, surtout dans son état. Voilà pourquoi elle lâcha un cri de douleur, incapable de le retenir. « Tu peux conduire ?! C’est vraiment trop atroce là… AAAAH ! » Un mot : hôpital.

Le sourire de Mikaël disparu bien vite. Oui il avait été très enthousiaste à l'idée de partir en chevrolet conduit par sa propre James Bond girl, habillée dans une robe des plus sexy. L'image lui avait sacrément plu et sa petite jalousie passagère et maladive le rendait encore plus amoureux. Il avait même rigolé suite à la remarque des morceaux et des sacs : quelle nana cette Lynn. Mais la donne avait vite changée, il avait comprit que quelque chose n'allait vraiment pas bien et quand elle se mit à gémir atrocement de douleur le garçon paniqua. Pas question de flancher dans ce genre de moment!
« Bordel de merde! Lynn, regarde moi, regarde moi chérie! Ça va aller, ok? Je t'emmène à l’hôpital tout de suite, ne te fais pas de soucis et prend moi la main! » Les légendaires injures du stress suédois reprenait leur place. L'homme prit comme il l'avait dit la main de compagne et la fit glisser le plus délicatement possible sur la place du passager, pas question de la laisser au volant. Il sortit ensuite de la voiture pour prendre place devant les pédales et démarra en trombes.
« Le périphérique roule bien, on y sera bientôt, tiens le coup, respire! » Son pied ne lâchait pas l'accélérateur et le garçon doublait chaque voiture en travers de la route en tournant le volant comme un conducteur né. Il faisait néanmoins attention à ne pas heurter Lynn encore plus, la jeune femme souffrait dans le coin droit de la voiture et chacun de ses cris de douleur donnait la chair de poule au garçon. Tout aurait été simple normalement, comme ça ne l'était jamais avec cette femme Mikaël entendit un coup de feu transpercé l'air. Un regard paniqué dans le rétroviseur pour se rendre compte qu'une voiture des plus noire les suivait, un homme la tête dehors armé qu'une quelconque arme meurtrière.

Mikaël avait envie de mettre la voiture dans le fossé, incapable de pouvoir faire face à cette situation. Ce n'était pas lui l'agent, c'était Lynn, la femme indisposée dont il devait s'occuper. Trois vies étaient entre ses mains, et pas les vies de simples inconnus. Les vies des êtres les plus chers aux yeux du jeune homme. Jamais il n'avait eu si grande responsabilité. Jamais il n'avait encouru de tels risques. « Lynn, je veux que tu fermes les yeux, que tu continues de respirer. Je t'assure qu'on y sera bientôt, mais pour des raisons de... Survie, je dois te lâcher la main. Courage petit coeur.» Ses deux énormes poignes s'emparèrent du volant et d'un coup des plus sec il le braqua à droite, prenant la sortie annoncée à 100m : il fallait avoir des réflexes sur-humains pour réussir à le suivre après ce virage improvisé. Contente de ne plus voir la voiture dans le rétro il ne lâcha pas prise de l'accélérateur pour autant, et comprit enfin le genre d'adrénaline que Lynn bouffait à longueur de journée.

Pour le coup, alors que Lynn aurait facilement pu tirer sur les phares de la voiture les suivant histoire de déclencher les airbags afin de les débarrasser définitivement de ces parasites, elle était bien incapable ne serait-ce que d’empoigner son arme de service. Elle peinait déjà à garder les yeux ouverts, alors se concentrer pour viser et tirer, autant lui demander la lune. A un moment donné, elle n’entendait plus que des bruits lointains, qu’elle ne distinguait plus avec exactitude, l’esprit embrumé par la douleur et la fatigue physique qu’elle ne ressentait que depuis trop longtemps. Finalement, elle avait très bien déteint sur Mikaël, puisqu’il était parvenu à les sortir de là ET à la conduire à l’hôpital en un temps record. Autant dire qu’il était plus que temps qu’elle ne soit prise en charge : un peu de sang s’écoulait de ses jambes, et sa robe largement fendue le laissait clairement voir. Lynn avait perdu connaissance dans l’aventure, elle qui était pourtant une dure à cuire d’ordinaire, ce n’était plus vraiment l’espionne qui s’exprimait à ce moment précis, mais plutôt la femme devenue soudainement plus fragile, à son plus grand désespoir. Le médecin qui la prit en charge aux urgences demanda à Mikaël d’attendre dans la salle prévue à cet effet, le laissant dans le noir pendant pas moins de deux bonnes heures. Cela avait dû un véritable supplice pour lui, à n’en point douter, mais cela n’avait pas été une partie de plaisir pour la brunette non plus. Dans la chambre où elle avait été conduite après soins, elle se réveillait peu à peu, sentant son corps aussi lourd qu’une pierre, peu rassurée par le fait de se réveiller dans une chambre d’hôpital aussi aseptisée que de l’eau de javel. Une soudaine panique la prit vis-à-vis du bébé, avant qu’elle ne soit en mesure de voir le monitoring fœtal. Par chance, son cœur battait à vive allure… une angoisse de moins.

Pendant ce temps, le médecin avait fini par se rendre auprès du suédois, l’air impassible et froid, comme à son habitude, sans pour autant lui ramener de mauvaises nouvelles. « N’ayez crainte, votre femme et le bébé vont bien. Ca n’est pas passé loin, mais nous lui avons évité la fausse couche et toute complication liée à l’hémorragie. Je ne vous cache cependant pas que le fœtus n’est pas extrêmement bien accroché, et que votre femme aurait dû se reposer dès le début de sa grossesse. Nous avons évité le pire aujourd’hui, mais je lui préconise un repos complet. Pas de contrariété, aucun stress, et il faudra que vous y veilliez. Sinon, fort heureusement, c’est un fort gaillard en devenir que vous avez. » Il hocha la tête à l’attention de Mikaël avant de lui indiquer le numéro de chambre, tandis que Lynn l’attendait, incapable de s’asseoir sur son lit tant cet épisode lui avait foutu un coup. Tout ce qu’elle voulait savoir, c’était le verdict du médecin, puisqu’on ne lui avait rien dit. « Tu as l’air fatigué my love… mauvaises nouvelles ? » se risqua-t-elle à demander tout en lui tendant une main, l’autre soigneusement placée contre son ventre très légèrement arrondi. Après tout, le suédois avait une information que Lynn n’avait même pas en sa possession : le sexe du petit bout ! Ce n’était qu’une indication, mais si un médecin se risquait à dire cela, alors il pouvait être pris au sérieux.

Pas de repos avec Lynn, et ça il en avait prit conscience une fois de plus en vivant cette soirée mouvementée. Les nouvelles du médecin étaient positives, bien qu'il les ai annoncées tel un discours mortuaire, Mikaël ne voyait qu'une lueur d'espoir dans ses paroles. Voir sa dulcinée dans un état aussi pitoyable fut inhabituel, elle qui avait toujours la pêche et qui aurait été capable de motiver le suédois même dans les moments les plus sombres. Les rôles étaient inversés, et le jeune homme avait une place très importante. Pas question de lâcher prise, maintenant il devrait être le parrain complet de ce processus pendant six mois. Il attrapa la main de Lynn en prenant place au bord du lit.
« Tu vas avoir le droit à six mois de repos complet. Compte sur moi pour t'interdire de faire quoi que ce soit de dangereux, d'ailleurs, j'aimerais que tu donnes une déposition pour ton travail dès que possible. Je vais veiller sur ton bien-être et faire en sorte que rien ne vienne te contrarier. Fini ton rôle d'agent, tu vas devenir maman, pas question de prendre de risques inutiles. Pour toi, comme pour le bébé. »
Il ne lui disait pas tout aussi clairement que le médecin, évitant les détails d'état de la grossesse. La seule chose dont il fallait s'assurer était qu'elle ne bouge pas. Peut-être qu'il allait être dur pour la jeune femme de passer six mois blafards, mais il en était ainsi, et Mikaël serait des plus stricts à ce sujet.
« Chérie, on est pas passé loin de toute perdre, tu comprends? Que tu sois contre des vacances improvisées d'accord, mais les indications du docteur sont écrit noir sur blanc.»
Le suédois ne supporterait plus jamais de voir la femme qu'il aime dans un état aussi déplorable. La seule fois où elle aurait à se trouver sur un lit d'hôpital sera lors de la naissance du bébé, pas avant, ni après.

Il se déplaça sur le siège de la chambre, évitant de pouvoir faire mal à la brune allongée. Son air était des plus sérieux, il avait été rare de pouvoir le voir d'une telle humeur.
« Lynn, compte sur moi pour rester à tes côtés. Je surveillerais tes arrières comme je l'ai fait dans la voiture. Tu sais que j'accepte les conditions pour pouvoir être avec toi, jusqu'au bout. N'en doute plus jamais, hein?
Je serais le meilleur père qui puisse exister sur cette planète. Je te le promet.» Mais où était donc passé les propos sarcastique du jeune homme? Il avait laissé place à un tout autre personnage. Et ses promesses n'étaient jamais en l'air, d'ailleurs il n'en faisait vraiment pas souvent. S'il jurait d'être avec elle pour tout et contre tout, alors ce serait le cas. Lynn n'avait pas à en douter une seule seconde. Après tout, l'amour est la plus grande des forces de cet univers.

Très étrangement, l’annonce du repos complet préconisé par le médecin ne semblait pas attrister Lynn et lui arracha plutôt un sourire attendri. Le fait est qu’elle avait eu la peur de sa vie, bien que les souvenirs soient en train de s’emmêler dans sa mémoire chaotique. Elle ne put donc s’empêcher de serrer fortement la main de Mikaël, tandis qu’il lui faisait les plus belles promesses qu’il lui ait été donné d’entendre. Si seulement le temps avait pu se suspendre et leur laisser savourer cet instant éternellement, Lynn aurait signé tout de suite le contrat. « Te voilà devenu le héros du jour ! » plaisanta-t-elle avant de caresser la joue du suédois, ne pouvant que se douter de la crainte indicible ayant dû lui scier littéralement les entrailles. La brunette avait peine à se souvenir de ce qu’il lui avait dit exactement à ce moment là, mais elle était intimement persuadée qu’il avait géré comme un chef… sans avoir le moindre besoin de brandir armes et tout le tintouin habituel s’y rattachant. « A vrai dire… je n’étais pas la seule surprise que je ramenais avec moi ce soir. Malgré l’embrouille plutôt titanesque que ç’a engendré avec ma mère, j’ai déjà donné ma démission à la CIA. Je me suis rendue compte sur le terrain que je ne pouvais plus faire ce que je faisais si bien avant. Je connais mes limites… et plus que tout, je ne suis plus toute seule dans l’équation. Si avant j’étais capable de sauter du haut d’un train, de tuer quelqu’un de sang froid et de me battre quitte à en passer des mois à l’hôpital, je ne peux plus prétendre à ce genre de choses désormais. » Quelque chose lui disait que le journaliste allait accueillir cette nouvelle avec la plus grande des joies, lui qui se languissait toujours de ses retours, avec la crainte toujours présente que l’on puisse un jour l’appeler pour lui dire qu’elle ne rentrerait plus… désormais, ils allaient former une véritable famille, une famille qu’ils avaient choisie, et bien que leurs débuts aient été un peu chaotiques, Lynn était la première à vouloir faire des efforts. « Par contre… tu me connais, je ne suis pas du genre à rester sagement allongée toute la journée sans rien faire, c’est juste inenvisageable. Mais je peux te proposer un compromis : mon père a besoin d’un analyste. D’accord, je vais passer de la CIA à la NSA, mais ça implique un boulot de bureau uniquement. Si tu es capable de supporter le fait d’être avec une hackeuse… parce que je n’ai foutrement aucune idée de ce que c’est qu’un travail honnête, je dois dire. » Et à vingt-huit ans, Lynn voulait pouvoir bosser jusqu’à ce que sa grossesse l’en empêche définitivement. Derrière un bureau, elle ne risquait rien, surtout que son père serait le premier à la surprotéger.

La brunette n’hésita pas à exercer une légère pression contre la nuque de Mikaël afin de se délecter de ses lèvres, chose qu’elle n’avait plus faite depuis un lustre et qui lui manquait diablement. C’était une véritable torture rien que d’imaginer le fait de ne pas avoir pu l’embrasser depuis si longtemps. « J’ai confiance en toi. Tu te souviens de ce que je t’ai dis en partant ? Accroche-toi à ça. Ça résume très bien tout ce que je ressens pour toi, et ce que notre future famille représente pour moi. Cela dit… dis-moi la vérité : quand tu dis qu’on a faillit tout perdre, tu veux dire que j’ai faillis faire une fausse couche ? Ils ne m’ont absolument rien dit. Comme si je n’étais pas concernée, ça me rend folle ! » Mikaël allait devoir faire avec une toute nouvelle chose chez Lynn : les sautes d’humeur. Celles-ci seraient bonnes comme mauvaises, du reste, et ne manquait pas de pimenter leur quotidien. « La seule chose dont je me souviens c’est de cette affreuse femme. Je sens que je vais te rendre très souvent visite sous le fallacieux prétexte de t’apporter de quoi manger, tiens ! »

Le moment était parfait. Aussi parfait que lorsqu'ils s'étaient voués l'un à l'autre dans cette chambre d'hôtel. Les lèvres de Lynn lui avait manquée plus que tout, il se délectait de ce premier baiser marquant une nouvelle ère. Il n'était pas seulement deux, déjà bientôt trois. Un nouveau tournant dans sa vie qu'il ne pourrait jamais oublié. A croire que c'était seulement à ses vingt-huit qu'il atteignait la majorité.
« Je ne demandais que ça. Si tu as confiance en moi alors je pourrais déjà mourir en paix.» Il souriait légèrement et se rendit compte que sa phrase n'était pas des plus réconfortantes.
« Enfin non, oublie ce que je viens te dire, retiens en seulement le meilleur. Je vais devoir faire des efforts pour améliorer mon tact légendaire. » Les souvenirs qu'ils tenaient de cette soirée étaient positifs. Oubliant cet incident malheureux mais d'un côté le remerciant : grâce à ça il s'était rendu compte à quel point il désirait cette famille. A quel point il désirait cette femme et le reste de sa vie à ses côtés. Comme quoi le mal oeuvre pour le bien.
« Et je confirme, tu as faillit atteindre le stade de la fausse couche. Je ne préfère même pas y penser, ça n'est pas arrivé, pas la peine de s'embrumer l'esprit avec des pensées sombres. Pour ce qui est de ton travail tu sais que je me fiche bien de ton post, tant que tu ne risques rien à laisser tes mains traîner sur un clavier. Sans vraiment savoir pour quoi j'ai plus de confiance en ton père qu'en ta mère. Je ne les connais pas je sais, mais tu seras entre de bonnes mains si c'est entre les siennes. »
Mis à part toutes ces bonnes nouvelles, Lynn marqua un point que le suédois avait totalement oublié: sa nouvelle patronne. Il n'y attachait aucune importance à vrai dire, il devait la voir pour des réunions collectives durant la semaine et si elle avait un reproche à lui faire ou une recommandation il ne serait pas étonnant qu'elle passe la porte de son bureau quelques minutes. En somme, rien de très inquiétant, du moins pas assez pour qu'elle en soit jalouse. Mais d'un côté il pourrait en profiter pour présenter sa compagne à ses collègues, étant resté sacré comme le célibataire invétéré de la compagnie.

« D'ailleurs, en parlant de ma chef de bureau, tu pourrais passer oui. Ça me permettrait de te montrer à tout le monde, qu'ils soient tous jaloux de voir que je suis accompagné de la plus belle femme de ce monde! Mah!» C'est vrai qu'il en mettrait plein les yeux avec une telle amoureuse, Lynn était de loin la plus belle personne avec qui Mikaël avait eu lieu d'être. Mais ses présentations devaient aller plus loin. Quant était il de ses parents? Il leur donnait un coup de fil une ou deux fois tout les mois, rien de très palpitant ni prenant. Mais annoncer la venue d'un enfant était primordial, et annoncer par ailleurs son amour nouveau.
« Et dès que l'on sera rentrés à la maison j'irais passer un coup de fil important. Je te garde une petite surprise mon coeur. Puis demain j'ai prévu d'aller faire quelques courses, comme acheter un livre des prénoms, par exemple. » Quel excitation pour ce militant de l'écriture ! Il allait pouvoir s'adonner au choix du nom de progéniture, quelque chose qui le motivait décidément.

« Donc ça veut dire que tu sais que c’est un garçon, hum ? Un mini toi ! » Voilà bien la seule information que Lynn avait pu arracher à l’infirmière s’étant occupée d’elle. La brunette imaginait sans peine Mikaël en train de farfouiller dans les rayons d’une librairie à la recherche DU bouquin de prénoms qui le satisferait. Et pire, elle l’imaginait tout à fait s’user les yeux sans discontinuer avant de lui proposer une liste longue comme le bras… Lynn savait déjà qu’elle aurait beaucoup de mal à choisir, et pourtant, elle n’était pas de la race des plus indécis. « Une surprise ? J’en brûle d’impatience… cela me permettra accessoirement de mettre mon père au courant pour ma grossesse, vu que je n’ai pas encore eu le temps de le voir plus de cinq minutes. Attends-toi à un interrogatoire en bonne et due forme quand il le saura. Cela dit… si tu m’exhibes d’abord fièrement à ton boulot, je suis preneuse. » Malicieusement, Lynn esquissa un léger clin d’œil avant de déposer un baiser aussi frêle qu’une brise contre ses lèvres. Elle l’incita ensuite à s’allonger à son côté, refusant de le voir quitter cette maudite chambre ne serait-ce qu’une minute. La jolie brune avait besoin de sentir son étreinte la serrer sans discontinuer, de se délecter de sa chaleur comme de sa présence tandis qu’elle prenait conscience que ça y est, ils n’avaient plus aucune raison de se séparer désormais. C’est sûrement la raison pour laquelle Lynn ne s’endormit sans aucune peine, laissant sa fatigue avoir raison de son envie de garder les yeux ouverts. Ce fut sans doute la plus longue nuit qu’elle ait fait dans son existence toute entière, puisqu’elle n’ouvrit les yeux qu’à midi, découvrant avec horreur que Mikaël était déjà parti. Mais il avait heureusement laissé un mot à son attention : les médecins allaient la laisser sortir sous peu suite à cette nuit sans encombre en observation, par conséquent, Lynn n’avait plus qu’à se préparer et attendre sagement que le beau suédois ne vienne la chercher. Étrange pour elle de se sentir presque dépendante de quelqu’un…

A la vitesse de l’éclair, Lynn eut le temps de se doucher, de s’habiller et même de se maquiller… elle avait toujours une petite trousse « d’urgence » dans son sac en bandoulière, qu’elle ne quittait jamais. Aussi, en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, elle signa son autorisation de sortie et partit s’asseoir dans le hall de l’hôpital, attendant patiemment que Mikaël ne l’honore de sa présence. A vrai dire, comme elle n’avait toujours pas de nouveau portable, Lynn n’avait aucune idée de l’heure exacte à laquelle il viendrait… et quelque chose lui disait que s’il était allé au bureau, sa nouvelle patronne devait certainement avoir trouvé mille raisons pour le retenir. Autrement dit, elle était en train de se faire de méchants films lorsqu’elle le vit enfin apparaître. Aussitôt, elle le gratifia d’un sourire sincère, dont lui seul pouvait profiter en dehors de son père… « Une chose à savoir sur moi : je déteste les surprises, ça me fait cogiter… tu étais passé où j’ai cru que tu m’avais oubliée ! »

Il n'était pas partit quelques heures qu'il fut déjà accueilli comme s'il s'était écoulé une éternité. En fait Mikaël s'était simplement changé après s'être lavé, et avait profiter de son temps libre pour faire quelques courses. Il avait même prit sa journée de travail, laissant un message sur la boite vocale de sa patronne, se fichant bien de sa réponse éventuelle. Tel un petit mari amoureux il venait chercher son amoureuse, après une visite médicale. L'idée de cette vie de couple le faisait sourire.
« Pas de stress ma gazelle, pas bon pour le bébé! » Il se contenta de lui prendre la main pour la diriger vers la voiture. Comme un père il la fixait jusqu'à ce qu'elle attache sa ceinture de sécurité et démarra prudemment.
« Je suis allée faire quelques courses et au passage j'ai pris un petit quelque chose pour toi. » De sa main droite il farfouilla un sac à l'arrière de la voiture et en sortit une petite boite qu'il donna tout de suite à la jeune femme. Ce n'était pas cadeau des plus romantiques, il avait seulement investi en achetant un nouveau portable. Ce qui serait quand même plus pratique.
« Pas la peine de me demander, oui il fait appareil photo, oui il peut appeler et envoyer des messages. Tout ce dont tu as besoin, ni plus ni moins. » Mikaël n'avait pas acheté un model basique et avait tapé dans un nouveau model dernier cri, que l'acheteur lui avait conseillé en lui forçant légèrement, oui juste légèrement la main.

C'est seulement en prenant l'ascenseur que le suédois décida d'embrasser langoureusement sa belle brune. Ça faisait bien longtemps qu'il ne l'avait pas fait de cette façon, à tel point que même la porte ouverte il resta dans la cage afin de ne pas lâcher ses lèvres. Il ne la lâcha pas alors qu'il essayait tant bien que mal de mettre les clés dans la serrure en gardant sa bouche sur la sienne, et jeta avec désinvolture les paquets de ses courses par terre pour l'allonger sur le canapé.
« Voilà qui est fait, prend le comme un cadeau de bienvenue. » Bien content d'être rentré chez lui, accompagné de Lynn, il se hâta d'aller se munir de son téléphone fixe.
« Laisse moi passer un coup de fil, un seul pendant que tu t'installes. » Le coup de fil en question était destiné à ses parents, comme il l'avait pensé plus tôt il était temps de s’exécuter.
« Maman, c'est Mikaël... Haha, oui je sais, je sais, je vais bien et toi? Et papa? Quoi de beau? » C'est ainsi que le jeune homme commença une conversation qui avait sûrement le chic de s'éterniser. Mais il coupa les paroles inutiles pour en venir aux faits : « Oui, donc, en parlant de tout ça. Je t'appelait pour te dire que j'ai trouvé quelqu'un... Oui, oui, tu me connais, elle est super... Je dirais même qu'elle atteint un seuil de perfection! Mais ce n'est pas le plus important... Je vais avoir un fils. » La voix de sa mère s'entendait à travers le combiné comme si elle hurlait de joie.

« Tu es parfait, tu le sais ça ? » Lynn triturait son nouveau portable avec une joie presque enfantine, non sans jeter de petites œillades entendues à Mikaël. « Avoue que tu ne peux pas t’empêcher plus longtemps de m’envoyer des textos disons… osés ! » La brunette fut plongée dans une hilarité qu’elle ne pouvait contrôler, à l’image de ses hormones en folie, se laissant pour une fois guider sans même émettre la moindre résistance. Cela dit, alors qu’il venait juste de l’allonger tendrement sur le canapé, Lynn se retrouva bientôt esseulée : le beau suédois passa un coup de fil, et pendant ce temps, la jolie canadienne n’hésita pas à se rendre dans la chambre pour y déposer ses quelques petites affaires, y compris son précieux sac en bandoulière ainsi que son portable tout neuf, qui lui arracha un sourire attendri. Ah, elle s’était ramollie l’implacable Lynn ! Mais c’était un sentiment divin… du moins fut-elle bercée par celui-ci jusqu’à ce qu’un cri strident ne parvienne à ses oreilles et ne l’informe sur le coup de fil effectif qu’était en train de passer Mikaël. Il appelait ses parents ! La jeune femme bondit hors de la chambre histoire de lui prendre le téléphone des mains trente secondes, cachant le micro avec sa main histoire de ne surtout pas être entendue par belle-maman… sinon ça n’allait pas, mais alors pas le faire du tout ! « Tu trouves pas qu’il aurait fallut une transition genre… une rencontre avant de leur annoncer un truc pareil ?! » Non pas qu’elle soit vexée, bien sûr, mais elle avait une peur panique de la fameuse rencontre. Cela lui rappelait de très, très mauvais souvenirs. Après tout, son dernier amour s’était fait descendre sous ses yeux d’adolescente de dix-sept ans seulement par le père de celui-ci, elle avait donc quelques circonstances atténuantes. « Ils risquent de me prendre pour une… pour une… prostituée !! » Après tout, ils n’étaient pas ensemble depuis un lustre, s’apprivoisaient encore, et si Lynn était la première à être comblée de la naissance future de leur fils, ses montées d’hormones étaient redoutables. Elle refusait donc de lâcher le téléphone, mettant de côté les « allo, allo » intempestifs de belle-maman, laissant ses nerfs s’exprimer.

« Ils ne sont pas croyants au moins ? Non parce que sinon, ça va être pire que tout, t’imagines, une nénette pas mariée enceinte, c’est la fin de tout !! » Lynn finit cependant par se dominer, tout en sachant que son propre père allait recevoir une décharge électrique en apprenant la nouvelle. « Je vais annoncer la chose en direct live à mon père… parce qu’il risque de me le sortir, cet argument. » Et, docilement, elle finit par lui tendre le téléphone, soudainement consciente de la petite scène qu’elle venait de faire, sans raison apparente…

Mikaël rigola ouvertement à la petite scène de Lynn. C'est qu'elle était mignonne quand elle paniquait pour rien sous le coup des hormones. Il reprit le combiné : « Non c'est rien maman, simplement madame Lynn qui n'appréciait pas que j'annonce tout ça au téléphone. » Il ne s'arrêtait pas de sourire et avait l'air rieur. Décidément, il fallait vraiment qu'elle voit ses parents. Plus ouvert qu'eux, pas possible. Il n'avait jamais enseigné la religion au jeune homme, il n'avait jamais été réticent à toute sorte de découverte dans le monde, non vraiment, être gêné par la nouvelle serait bien la dernière réaction de sa mère. Mère qui avait fait un discours à son fils, lors de son anniversaire de sa seizième année, lui disant qu'il pouvait être homosexuel. Mère qui avait fait le même discours lui assurant de le sortir de la merde si il tombait un jour dans la cocaïne. Qui plus est annoncer une rencontre serait plus compliqué que de se faire présenter au père de Lynn, ses parents étaient tout de même en Europe. Un voyage s'organisait, et à l'avance.
« Pas de soucis, je te rappelle bientôt, oui, d'accord, bisous maman. » Mais c'était à chaque coup de fil comme celui-ci si qu'il re-découvrait l'amour infini qu'il avait pour sa figure maternelle. Elle avait été une inspiration pour lui, et leur rapport avait toujours été assez doux.
« Ma chère maman t'embrasse Lynn, et a vraiment envie de faire ta connaissance. Je t'assure, c'est la femme la plus ouverte que tu puisses connaître sur cette planète. Pas ouverte dans ce sens là... Enfin...»

Il se frappa le front pour avoir pensé à des allusions pareilles tout seul alors que la jeune femme n'avait rien dit. Décidément, l'esprit déplacé était aussi de famille apparemment. « D'ailleurs pour ce qui est des textos coquins, on pourrait revoir tout ça vu que je vais devoir officialiser ma relation avec ma main droite. » Il embrassa la jeune femme en souriant. « Parce que tout de même, six mois d'abstinence, ce n'est pas rien. Comment va-t-on y remédier? » Mikaël en faisant un faux problème, puisqu'au fond il n'y en avait que faire. Amoureux il se nourrissait d'eau fraîche et de calin, rien de plus. Mais son esprit pervertit ne le quitterait pas de si tôt.

A la décharge de cette brave Lynn, la mère de Mikaël était l’exact opposé de la sienne. Marjorie était aussi sentimentale qu’un bout de bois et aussi douce que du papier de verre. Ah, elle était la fierté de la nation, du haut de son grade de général… mais n’avait jamais su combler son mari, qu’elle avait lâchement abandonné en Birmanie sans chercher à le secourir, du reste. Il ne fallait guère s’étonner de la raison pour laquelle mère et fille ne s’entendaient guère. Jusqu’ici, Lynn l’avait respectée en tant que patronne, se gardant bien d’émettre un mot plus haut que l’autre, mais désormais, elle n’avait plus aucun compte à lui rendre. Cela lui avait valut la pire joute verbale de sa vie, mais cela en valait la peine désormais… « Tu oublies une chose, mon ange : ma mère est un robot ! Elle n’a jamais été câline, ne le sera jamais et je prie pour qu’elle n’apprenne jamais qu’elle sera bientôt grand-mère. Sinon, on n’a pas fini de l’avoir sur le poil, tu peux me faire confiance ! » Lynn n’avait aucun scrupule à laisser sa génitrice bien détestée en dehors de cette histoire, ne la concernant en aucune manière selon son propre point de vue. Marjorie Maryweather devait rester en dehors de cela, c’était une question de vie ou de mort… ou bien elle serait capable du pire, et surtout de harceler Mikaël jusqu’à ce qu’il ne craque. « Mon père va jouer au patriarche protecteur, ça c’est une certitude, j’espère juste qu’il va m’éviter le couplet du mariage, que j’entends depuis que j’ai quinze ans. Sinon je vais péter un câble. Mais au fait… on pourrait rendre visite à tes parents suis-je conne ! Facile d’emprunter un jet et de s’improviser un petit voyage quand tu veux. Disons qu’il vaut mieux le fait avant que je ressemble à une baleine échouée, parce que je n’aurais pas la possibilité de prendre l’avion à ce moment là ! » Quelque part, elle avait follement envie de connaître cette mère étant à l’origine de quelqu’un d’aussi formidable que le beau suédois. Il allait sans dire qu’elle allait dépoussiérer son suédois comme jamais, bien qu’elle ait l’occasion de le parler régulièrement avec le jeune homme…

Lynn manqua de s’étrangler avec sa salive : il venait de toucher un point sensible, tant et si bien qu’elle ne put retenir une large expression horrifiée. « Comment ça six mois d’abstinence ?! » Il avait vu jouer ça où ! Surtout que la menacer d’une nouvelle relation avec sa main droite était cruel et la piquait aussitôt au vif. Ne jamais oublier une chose : Lynn est une femme imprévisible et incontrôlable. Il ne fut donc guère étonnant qu’elle ne le pousse délicatement contre le premier fauteuil venu, non sans picorer des baisers à la volée afin de lui embrumer l’esprit. Elle se plaça à cheval sur lui avant d’intensifier ses baisers progressivement, histoire de créer chez lui la même frustration qu’il avait fait naître chez elle, en l’espace de quelques mots. Finalement, ce n’est qu’après avoir dévié vers son oreille et la lui avoir mordillé qu’elle lui murmura, sensuellement : « Je n’aime pas le mot abstinence, et si tu me défies encore, je peux t’assurer que tu me demanderas grâce. Ta main droite ne sait pas aussi bien y faire que moi… Surtout que les hormones émoustillent aussi beaucoup, en plus de créer des crises de panique ! » Et il en avait déjà eu un très large aperçu. Néanmoins, étant donné qu’elle était vexée, Lynn se contenta de se relever, se dandinant pour bien lui prouver qu’il n’avait absolument pas gagné cette manche : non mais !