Journée marathon. Comme tous les jours. Ammène Baptiste à la garderie. Cours ouvrir la gallerie. Ferme la gallerie pour prendre quelques photos. Commence à développer les photos. Retourne chercher Baptiste à la garderie. Reviens avec lui à gallerie. Réouvre la gallerie. Epuisant. Comme tous les jours. Je suis épuisée ! Mais je ne me plains pas. J'ai tout ce que je désire. Tout ce dont j'ai besoin. Tout ce qu'il me faut. Il y a pas mal de monde en ce moment qui vient à la gallerie. Enfin, depuis le début de la semaine. L'expo de cette semaine est "Glimpse of... the very first day". Les photos exposées représentent le premier jour de la vie. Il y a énormément de photos de la naissance de ma petite soeur Emilie. Beaucoup de photos de la naissance de Baptiste aussi. Prises par Gaël le papa. Photos prises il y a déjà plus de trois ans. Dieu ce que le temps court à une vitesse folle !
20h58. Il y a sept personnes présentes dans la gallerie. Un couple d'une cinquantaine d'années qui regardent les photos. Ils ont l'air d'apprécier mon travail. Une adolescente venue me demander le thème de la prochaine expo. Elle vient toutes les semaines. Elle m'achète souvent des photos. Photos qui d'ailleurs possèdent des droits d'auteur et un copyright. Deux jeunes sont au bar. Ils doivent avoir quinze ou seize ans. Je les vois souvent aussi. Ils aiment bien passer avant de rentrer chez eux. Le Village est un endroit où beaucoup de gens aiment trainer. Même jusqu'à tard dans la nuit. Il y a toujours quelque chose à faire ici. Enfin, les deux personnes restant dans la gallerie sont mon fils et moi. Baptiste dessine tranquillement sur le bureau. Il est calme ce gosse. C'est assez déconcertant d'ailleurs. Un bout de chou adorable. Moi je ne fais rien de particulier. Je range des papiers. Je réfléchis à d'autres sessions photos à faire. Le couple s'en va et me dis qu'il commandera des photos sur le site internet. Je les remercie et leur souhaite une bonne fin de soirée. Susie, l'adolescente s'en va aussi. Je lui fais la bise et lui dis de faire attention à elle. La gallerie semble beaucoup plus vide du coup. Mathéo et Julian sont toujours assis au bar et finissent leur diabolo fraise. Et oui, pas d'alcool avant 21 ans aux Etats-Unis ! Même moi je n'y ai pas droit. J'envoie un SMS à Zacharee. Viens au Glimpse of, je t'attends. Je n'attend pas de réponse et repose mon téléphone sur le bureau. Je dépose un baiser sur la joue de mon fils. Les garçons me souhaitent une bonne soirée et s'en vont. L'endoit devient calme. Très calme. Trop calme à mon goût. En bruit de fond on entend l'album de Damien Rice. Ses musiques calmes et posées collent bien avec les photos de nouveaux-nés. J'éteins la lumière principale de la gallerie. Je m'assieds sur un tabouret du bar et pose ma tête dans mes bras.

- Ca va pas maman ?
- Si si mon coeur, je suis juste fatiguée.
- Ah oui comme d'habitude...

Je relève le visage et lui souris. Sacrè bonhomme ! Je descends du tabouret. Prends Baptiste dans mes bras. Je m'assieds sur la chaise face au bureau. Mon fils sur les genoux. Il met son pouce à la bouche et pose sa tête contre moi. Je regarde avec attention les dessins qu'il a fait. Rien d'exceptionnel pour un petit de cet âge. Un arbre. Une maison. Un bonhomme. Je souris.

- J'ai envoyé un texto à tonton Zac pour qu'il passe nous voir.

Juste sur ces mots, j'entends la porte s'ouvrir. Baptiste relève le visage avant moi. Il se met rapidemment sur ses jambes et court à travers la salle.

- Tontoooooon Zac !

Il se jette dans ses bras. J'esquisse un nouveau sourire et me lève à mon tour. Je m'approche de lui et lui fais la bise. Mon fils toujours dans ses bras.

- Margaux ! Comment tu va ?
- Toujours pareil... Epuisée mais heureuse ! Et toi ? Quoi de neuf ?

Je me dirige vers le bar et l'invite à s'asseoir et à prendre un verre. Baptiste me demande un verre d'eau que je lui sers. Il va se rasseoir au bureau et se remet à dessiner. Deux verres de menthe à la main, je viens m'asseoir sur un autre tabouret à côté de Zacharee.

- Je vais bien, comme d'habitude ! Et puis , rien de très intéressant à par que j'ai faillis me perdre dans les rues du Greenwich ! Et toi ?

Se perdre au Village. Je souris. Ca me parait impossible. Enfin, du moins pour moi. Depuis que je suis ici j'ai exploré toues les rues. Toutes les ruelles. Tous les coins et recoins. Je me souviens, la première fois que j'ai visité le Greenwich Village. C'était il y a huit ans. Avec mes parents et mon frère. Lors de notre premier voyage à New-York. Le 14 Septembre 2001 pour être plus précise. Trois jours auparavan, j'avais vu sous mes yeux ce que des milliards de gens ont vu à la télévision. Les attentats. La chute des World Trade Center. Un traumatisme que je garderai à vie. La première chose que nous avons visité au Village c'estle parc. Le Washington Square. Un très beau parc. Il ne rivalise pas avec Central Park évidemment mais il n'en est pas moins charmant. Puis après, je me souviens. On a visité des dizaines de galleries. L'université de New-York. Les rues colorées. Tout ce qui est typique de ce coin là de New-York. Pour moi, m'installer au Village a été une priorité lorsque je suis arrivée ici. J'ai rapidemment trouvé ce que je voulais. Vivant là bas, c'est facile pour moi de me retrouver dans les rues. Apparemment ce n'est pas le cas de tout le monde. J'imagine bien Zac en train de regarder une carte du Greenwich. Cherchant désespérément ma rue. J'en ris intérieurement.

- Euh... Moi pas grand chose. Akshan a beaucoup de boulot en ce moment à la fac donc je lui ai laissé une semaine de repos. Je suis seule à la Gallerie. Je cours à droite à gauche... 'fin comme d'hab quoi.

Akshan c'est l'étudiant qui m'aide à la Gallerie. Heureusement qu'il est là sinon je craquerais. Cette semaine il a énormément de boulot à la fac donc je lui ai dis de pas venir. Et du coup je m'occupe seule de tout. Aujourd'hui, j'ai réussi à faire une séance photo pour un mariage. A commencer ma session du mois prochain. A aller amener et rechercher mon fils à l'école. A développer des photos. A aller acheter de la déco pour l'expo de la semaine prochaine. A tenir le bar et la gallerie ouverte. A moi seule. Et là je vais rentrer chez moi. Mettre mon fils au lit. Et m'endormir à mon tour jusqueà ce que demain matin la même journée marathon recommence. Je ne m'en plains pas. Absolument pas. C'est juste épuisant. Mais j'aime ce que je fais. Je m'épanouie totalement dans mon job. Et ca c'est l'essentiel non ?

- Écoute Margaux, je voit bien que la fatigue prend le dessus chez toi. Et sa, de plus en plus. Je sais pas, mais prend quelques jours de congés, repose toi. Je te dis sa pour t'aider, c'est juste un conseil, rien de plus. Mais j'aimerais que tu le suive. Je sais que sa fait pas si longtemps que l'on se connait, mais je commence a te connaitre de plus en plus, et je vois que tu n'est pas bien, enfin juste fatiguée. Mais tu vois la fatigue, c'est peut-être pas si grave au début, mais après, sa engendre plusieurs problèmes. Je suis là, tes ami(e)s aussi, alors prend toi en main, sil-te-plait..
- T'en fais pas Zac, c'est rien... C'est juste parce que Akshan n'est pas là cette semaine. J'ai juste besoin de dormir 48h non stop je pense. Donc la semaine prochaine je laisserai Baptiste à Gaël pendant deux ou trois jours et je demanderai à Ak de s'occuper de la gallerie. C'est rien, t'en fais pas pour moi va !

Je repose mes yeux sur mon verre et le bois d'un trait. Ca rafraichit. Ca fait du bien. Je n'aime pas que les autres se préoccupent de moi. Je n'aime pas me plaindre. Je n'aime pas être fatiguée. Ce n'est ni dans ma nature ni dans mon caractère. Et puis, je me connais, je vais vite reprendre le dessus sans problème. Il me suffit juste de faire le vide total pendant quelques jours. Deux jours devraient sufire. Trois amplement. J'observe Baptiste qui continue de dessiner. Un soleil cette fois ci. Je le regarde tendrement. S'il nétait pas là lui, ma vie serait bien différente. Et bien moins intéressante évidemment. Celà va de pair. Je me retourne vers Zacharee.

- Toi par contre, tu m'as l'air en grande forme, j'me trompe ?

- En parler avec mes parents ? T'es folle toi, c'est la dernière chose que je ferais !

Je ne rétorque pas. Il fait comme il veut. Il est assez grand pour prendre ses décisions. Et je sais que je n'arriverai pas à le faire changer d'avis. Je ne connais pas grand chose de sa vie d'avant. Je ne cherche pas à connaitre. Il n'a pas l'air de vouloir en parler. Il ne sait pas grand chose de moi non plus d'ailleurs. Il sait que j'ai un grand frère, une petite soeur, des parents. Que tous les quatre habitent Paris. Et voilà. Je crois que c'est tout. Je ne sais même pas s'il connait mon histoire avec Gaël. Le papa de Baptiste. Et pour tout dire je me fous complètement du fait qu'il connaisse ou non ma vie. Et je me fous de connaitre la sienne aussi. Le passé m'importe peu. Le futur aussi d'ailleurs. Ce qui compte c'est le présent. L'instant même. Là. Tout de suite. C'est tout. Rien d'autre. Je ne fais pas souvent de plans. Je ne regrette pas des choses passées. Je laisse échapper un petit rire en guise de réponse. Pour lui montrer que j'ai compris. Que j'insisterai pas. Qu'il fait ce qu'il veut. Ce n'est pas ma vie. Ca ne me regarde absolument pas.

- Je la trouve vraiment belle, j'aime bien ce thème " le premier jour " , surtout avec le petit Baptiste !

Je relève ma tête de mes bras. Je me tourne vers la gallerie. Moi aussi j'aime ce thème. Je le trouve reposant. Les photos sont simples mais en même temps travaillées. On y voit des pieds. Des mains. Des sourires. Des nombrils. Des bracelets de naissance. Des biberons. Un premier cri. Un premier rot. Un premier baiser. Celà représente beaucoup de choses. L'amour. L'arrivée. Le neuf. La vie. Quelque chose d'exceptionnel. Donner la vie.


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F L A S H - B A C K

Je lui serre la main. Je pleure. Je force un maximum. Souffle haletant. Chaleur à crever. Mal à s'en tordre. Un dernier coup on me dit. Je fais le maximum. Je lâche toute mon énergie dans ces dernières secondes. Un cri s'élève dans la salle. Des pleurs aussi. Je suis à bout de souffle. Je déserre la main de Gaël. Je l'entends couper le cordon. Les cris du bébé se calment. Ma vue se trouble. On me donne un verre d'eau. On me replace l'oreiller pour que je sois mieux callée. Une fille qui doit avoir deux ans de plus que moi me tend un paquet le sourire aux lèvres. Je le lui prends délicatement des bras. Pour la première fois j'admire mon fils. Mon petit garçon. La chair de ma chair. Le fruit de mes entrailles. Ma moitié. Mon bébé. L'être que j'ai élevé et nourri pendant neuf mois. Je pleure en le serrant contre moi. Je regarde Gaël agenouillé près de nous qui pleure aussi. L'instant est magique. Le moment parfait. Le tout premier jour.

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Nostalgique. Pensive. Je regarde Zacharee.

- Merci.

Je le gratifie d'un sourire simple. Franc. Sincère. Naturel. Je me dis souvent que si Baptiste n'étais pas là ma vie serait bien différente.

Le verre se renverse. Je sursaute. Je souris à sa phrase. Je me lève. Je prends une éponge. J'essuie. Je dépose un baiser sur le crâne de mon fils. Je ris à sa phrase. Je lis des excuses dans le regard de Zac. Je lui renvoie un clin d'oeil. Je pars essorer l'éponge. Je ne sais pas ce qui l'a fait sursauter comme ca. Un spasme peut être. J'en ris intérieurement. Je reviens dans la salle. Baptiste dessine toujours à la lumière du bureau. Je regarde au dehors à travers la vitrine. La nuit est tombée. Il n'a pas l'air de pleuvoir. Au contraire. J'ai l'impression qu'il fait lourd. Je déteste ca. Cette espèce de chaleur qui vous rend moite. Beurk ! Je préfère de loin un bon gros orage. Je me rassieds auprès de Zac. Il tient son téléphone à la main. Il fait une tête bizarre. Surpris. stupéfait. Etonné. Sceptique. Pensif. Déconcerté. Je fronce les sourcils.

- Un problème Zac ?

Je ne l'ai jamais vu comme ca. Soucieux. Ca me parait étrange venant de lui. Zac est toujours du genre à rigoler. A sourire. A faire des blagues. A être de bonne humeur. A s'amuser. A être drôle. A faire le pitre. Un grand enfant quoi ! Et là d'un coup il me parait beaucoup plus adulte qu'il ne l'a jamais été. Depuis que j'ai Baptiste, mais surtout depuis que j'habite à NY, j'ai parfois l'impression d'aovoir 10 ans de plus que les gens de mon âge. Je me sens souvent plus mature. Trop mature peut être. Mais je reprends vite le dessus et j'arrive à vivre avec mon temps. Avec mon âge. Malgrè que peu de jeunes filles de dix neuf ans, je pense, ont un garçon de trois ans et une Gallerie au Greenwich Village. Je me reconcentre sur Zacharee qui commence à m'inquièter. Je pose une main sur sa main pour l'encourager à me parler.