Un souffle froid avait fini par s’insinuer dans le lit et pousser la jolie brune à ouvrir les yeux. Lynn se releva brusquement, ne voyant pas Mikaël dans le lit et n’entendant aucun bruit, elle se mit à paniquer. A de très nombreuses reprises, elle l’appela sur son portable, en vain, elle tombait sans arrêt sur la messagerie. Finalement, elle se rallongea, tout en laissant les pires pensées s’emparer de son âme jusqu’à ce qu’un bruit de porte ne se fasse finalement entendre. La jeune femme attendit quelques instants avant de ne pénétrer à son tour dans la salle de bain comme une furie, poussée par l’inquiétude que quelque chose de grave ne lui soit arrivé. Finalement, c’est avec horreur qu’elle constata la situation : Mikaël était blessé pour une raison inconnue, et avant même qu’elle n’ait pu faire un pas vers lui afin de s’assurer qu’il ne l’était pas gravement, il s’était relevé de lui-même, complètement trempé, lui débitant un discours n’ayant strictement aucun sens à ses yeux. La lumière n’apparut que de longues minutes plus tard, alors qu’elle comprenait enfin où il voulait en venir… et elle en fut esbaudie. Pire, sa voix semblait s’être étranglée dans sa gorge, et aucun son ne pouvait en sortir. Lynn ne savait pas si elle était choquée, en colère ou bien complètement perdue. Il s’agissait probablement d’un mélange des trois, mais comme toujours lorsqu’elle était face à une situation inextricable, l’impassibilité des grands jours refit son apparition. Cela ne voulait pas dire qu’elle n’avait pas entendu sa déclaration, bien au contraire, mais il y avait hélas plus urgent pour l’instant. La brunette le serra fortement contre elle, caressant sa nuque, mais son esprit s’était soudainement transformée en un chaos qu’elle n’aurait pu décrire. Personne ne les menaçaient, certes, mais à quel prix ? Mikaël semblait avoir vendu son âme au diable et c’est un homme qu’elle ne reconnaissait pas qui était en face d’elle, qu’elle serrait pourtant dans ses bras et pour qui elle cherchait actuellement une solution. Finalement, elle attrapa une serviette et commença à le déshabiller pour qu’il n’attrape pas la mort en plus de tout le reste. Mais plus que tout, il fallait qu’elle soit en mesure de voir l’étendue de ses blessures. Elle l’allongea donc sur le lit, seulement en caleçon, avant de s’emparer de son téléphone histoire de palier à la première difficulté se heurtant à leur quotidien d’apparence si tranquille… « Jimmy ? J’ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi. Je te donne carte blanche pour joindre la CIA et mettre en avant le fait que tu as réduit à néant la menace Brightson. Tu me couvres l’affaire du mieux que tu peux, fais en sorte que ce soit classé G4. Comme il était recherché par les services ça ne devrait pas te donner trop de fil à retordre… on sait tous les deux que tu feras ça très bien. Carte blanche, don’t forget. »

Lynn avait parlé d’une voix professionnelle, froide, sans aucun sentiment. Elle se surprenait à être encore capable d’être cette femme, celle qui peut tuer un homme de sang froid pour mieux demander nettoyage de la part de son service derrière. A ceci près que ce n’était pas elle qui avait tenu le couteau… elle n’avait pas abattu cet homme comme une sauvage qu’elle savait pourtant être et se trouvait simplement dans la position de celle qui couvre les arrières de l’homme qu’elle aimait, envers et contre tout… voilà qui ne risquait pas d’être simple. Sans doute valait-il mieux qu’elle ne reste en retrait et ne laisse pas ses émotions la posséder : cela ne pourrait être que plus catastrophique encore. « Laisse-moi voir ta blessure, tu as besoin de points. » Lynn s’approcha du lit sans brutalité, trousse de secours en main, une expression parfaitement impassible et sérieuse plaquée contre son visage. Par chance, le coup qu’il s’était pris ne semblait pas être très profond et il n’aurait donc pas besoin d’examens supplémentaires que seul un hôpital serait en mesure de fournir. Cela éviterait les suspicions, l’appel potentiel aux autorités suédoises, et tout le bataclan… voilà toujours ça de gagné. Lynn s’occupa donc de désinfecter la plaie à l’aide d’une douceur qu’elle se surprenait à avoir, surtout dans un moment pareil, mais un sentiment de colère s’insufflait actuellement en elle comme un souffle maudit. Une chance qu’elle sache avoir des nerfs d’acier dans un moment pareil… sans quoi elle aurait tout bonnement pété une durite. Il fallait d’abord qu’elle ne fasse les points à Mikaël et lui empêche d’avoir en prime une hémorragie. Elle se baigna donc dans un silence parfait pendant de très longues minutes, tant et si bien que cela finissait par en devenir incroyablement pesant. A vrai dire, ce n’est qu’une fois qu’elle eut terminé le dernier point et qu’elle désinfecta à nouveau le tout qu’elle se permit de s’exprimer, enfin…

« Tu aurais dû avoir confiance en moi. Tu pensais quoi, hein ? Que tu peux tuer un homme et ne pas affronter la conséquence de tes actes ? Mais je suis quoi moi, pour toi ? Aller régler ces comptes avec un rival sans même m’en parler allait te faire passer pour un héros, tu penses ?! » Lynn n’était pas énervée, elle n’avait même pas élevé la voix, elle poursuivait le soin avec minutie et une froideur à glacer le sang. « Si tu avais pour idée de me faire fuir, tu sais quoi, tu t’es bien planté. Je ne serais pas celle qui lâche la barque. Sans doute que tu n’as pas entendu un traître mot de ce que j’ai bien pu te dire, mais je ne serais pas celle qui va passer la porte parce qu’elle a peur ! Mais moi, tu m’as juste oubliée. Tom aussi. Tu nous as juste laissé le droit de la fermer. Tu n’as pas confiance en moi. Tu n’as pas confiance en moi et je ne te reconnais pas. » Si ça dérape, Lynn se trouverait toujours en position pour gérer, même avec du mal. Mais là… il l’avait complètement évincée. C’était comme s’il avait eu peur qu’elle ne se jette à nouveau dans les bras de son ex-amour pour qui elle n’avait plus que de la haine. Trop tard pour reculer… et bien qu’elle ne soit pas de celles qui fuient, elle risquait de mettre un temps considérable avant de lui pardonner une chose pareille.

Bien sûr que Mikaël comprenait la réaction de la brune, à vrai dire il était sûrement bien plus chamboulé qu'elle ne pouvait l'être. Mais ses dires et ses accusations le blessait, parce qu'il savait qu'il était en tort, à ça oui, dans la zone rouge. Il ne pouvait pas émettre de remarque à ce qu'elle disait, et il se contentait de regarder le plafond, comme il l'avait fait avant de commettre l'irréparable. Il avait mal, d'abord par sa blessure, qui certes n'était pas profonde mais qui était des plus douloureuse. Mais il avait surtout mal dans sa caboche, mal d'avoir mit Lynn dans une situation aussi délicate sans réfléchir aux conséquences. Pourtant, il n'arrivait pas à comprendre comment la jeune femme pouvait à ce point là douter de son amour pour elle, surtout après ce qu'il venait de faire et de dire. Bien que ce soit la remarque la plus ironique, c'était la plus grosse preuve d'amour qu'il n'aurait jamais pu faire à quelqu'un. Quelle drôle de chose de devoir en arriver à ôter la vie d'une personne pour montrer son amour. Lynn... Il la laissait faire son boulot, qui n'était définitivement pas ce qu'elle aurait du faire ce soir là. Non, ils auraient du dormir, l'un contre l'autre et profiter de cette petite idylle qui bien qu'elle ai été dérangée par des évènements imprévues, restait tout de même un rêve à proprement parlé. Je ne comprends pas où tu veux en venir, Lynn... Je ne pouvais pas le laisser près de nous, il t'aurait enlevé de moi. Tu serais partie et je ne voulais pas prendre ce risque... Je sais que je n'aurais pas du, ni pour toi ni pour le bébé. Mais... Ça me tuait, là-haut, ça me triturait l'esprit méchamment chaque seconde et je ne pouvais vivre en sachant qu'il serait là, derrière nous. La pire chose serait que tu partes, maintenant, parce que tu sais bien que je ne partirais jamais. Je suis là, envers et contre tout, et si j'ai commis la plus grosse erreur de mon existence c'est la mort qui m'attendra à son tour. Mikaël ne savait même pas comment il en était arrivé là, ce garçon innocent qui avait été des plus irréprochables. Lynn l'aimait pour ça, il le savait, et si il ne faisait que de changer pour se transformer en ce qu'elle avait toujours fuit, ça ne pourrait pas continuer. L'idée même lui faisait cracher ses tripes. Il n'avait jamais parlé de mort auparavant, il ne l'avait jamais côtoyé. Comment, mais comment en était-il arrivé là? Je t'oublie pas, tout ce que je fais c'est pour toi bon sang, même cet acte des plus débiles. Chaque chose est rythmée par ta simple présence, même mon souffle, mes battements de coeur. Personne ne te vaut, personne ne peut avoir idée de la puissance de mon amour pour toi. Ça défit l'imagination. Au diable ceux qui nous regardent, j'ai supprimé la plus grosse menace et en faisant ça... Pour nous... Je t'ai mis dans une situation périlleuse. Me pardonneras-tu?

Comment la brune pouvait-elle penser qu'il l'abandonnerait? Qu'il quitterait le navire? Alors que ces intentions étaient dans le sens contraire. Ce voyage avait été une mauvaise idée, mais il n'avait pu le savoir. Et si ils avaient eu la perspective de passer une bonne journée le lendemain, dès l'aube, remettant les pendules à zéro, il allait être dur d'accomplir cette mission après les évènements nocturnes. Elle veillait sur lui comme une mère sur son enfant, et avait fini de le recoudre sans qu'il bronche alors que la douleur lui arrachait les poumons. La chose n'était pas belle à voir, mais il se redressa tout de même, avec un peu de mal. Mikaël prit le doux visage sérieux de Lynn dans ses mains pour que, contre son gré, elle daigne regarder dans le plus profond de ses yeux : Plus jamais, plus jamais je ne te mettrais dans une pareille situation. Tu peux m'en vouloir, jusqu'au bout et je comprendrais. Mais s'il te plait, pardonne moi un jour, ne me haïs pas parce que j'ai fait ça pour toi, pour nous. Lynn, je t'aime, c'est dingue, c'est inimaginable. Il n'y a pas de mots pour le décrire, c'est tellement énorme que j'en ai fait une chose que je n'aurais jamais fait avant. Que ce soit bien ou mal c'est ce qui me garde en vie, alors pitié, pardonne-moi. Son regard n'était plus empli de larmes, mais plutôt de la sincérité la plus inébranlable.

Lynn finissait son ouvrage sans broncher, sans émettre le moindre son supplémentaire, bien trop consciente du fait d’être à deux doigts de franchir une ligne qu’elle s’était juré de tenir soigneusement éloignée. Mikaël n’avait tout bonnement pas conscience de ce qu’il avait fait… il cherchait sans doute à cacher son dégoût profond pour son acte, mais au fond d’elle-même Lynn savait à quel point cette sorte d’assurance ne pouvait pas être vraie. On ne se remet pas d’un tel acte en un jour, à coups de belles paroles sorties du chapeau d’un magicien. La brunette était terriblement bien placée pour savoir que c’est un acte qui marque à vie, qui suit sans discontinuer et qui est toujours susceptible de réapparaître aux pires moments de l’existence. Elle aurait seulement souhaité que le beau suédois ne tombe jamais dans cet engrenage, qu’il reste toujours cette âme innocente, rieuse et pure qu’elle avait connue et dont elle était tombée éperdument amoureuse. Hélas, ses vœux ne s’étaient pas réalisés, et à l’heure actuelle, les paroles qu’il énonçait lui déchirait complètement le cœur. Lynn était à peine capable d’inspirer et d’expirer sans que la chose ne devienne horriblement douloureuse, et pourtant, elle avait rudement bien tenu ses nerfs jusqu’ici. Il l’emmenait cependant sur un terrain dangereux, et si elle tâchait désormais d’éviter soigneusement son regard pour ne pas perdre pied, elle ne pourrait bientôt plus se concentrer sur sa blessure, dont elle fignolait le pansement. « Tu penses que me parler de mort est vraiment une bonne idée là, tout de suite maintenant ? » lança-t-elle froidement. Finalement, ses nerfs se détendaient progressivement, laissant la place à toute la rage qu’elle portait en elle et qui était ni plus ni moins en train de l’empoisonner. « Et si je n’avais pas pu faire en sorte de te couvrir, hein ? Tu aurais fait quoi, tu serais allé en taule pour le restant de tes jours, laissant derrière toi ta femme et ton fils !! Mais bordel de nom de dieu Mikaël, comment tu as pu agir aussi légèrement sans penser une seconde aux conséquences ?! » Lynn tapotait nerveusement ses cuisses, incapable de se lever, tâchant de trouver un point fixe dans la pièce afin de ne surtout pas le regarder. Elle n’exploserait que plus violemment si tel était le cas… « Tu n’as pas eu une once de confiance en moi. Si tel avait été le cas, tu te serais contenté du fait que je sois là, à tes côtés, incapable de faire un seul pas si tu n’étais pas là pour m’accompagner. J’en avais rien à cirer de James, non rien… c’est toi qui m’importe ! Toi, notre famille ! On va avoir un bébé, tu te souviens ? Cela avait tellement peu d’importance à tes yeux que tu as risqué de tout perdre juste parce que cet enfoiré était en vie ? Je ne peux pas croire ce que j’entends ! Je dois faire quoi moi en retour, coller une balle entre les deux yeux de ton ex ? »

Lynn respirait bruyamment, à l’image de ce désespoir s’étant littéralement emparé d’elle. Vraiment, la brunette ne savait plus ce qu’elle était censée dire, et encore moins ressentir. Elle ne croisa son regard que parce qu’il l’obligea à le faire en s’emparant de son visage et, forcément, elle sentit comme un déchirement s’emparer de son cœur. Si seulement elle pouvait être certaine qu’un tel évènement ne le changerait pas… « Tu n’es pas toi-même. Tu ne peux pas tuer un homme et feindre que tout va bien. Tu n’es pas comme moi et bordel il ne faut pas que tu le sois ! Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?! Pourquoi il faut toujours que tu gardes le silence sur les choses les plus importantes ! C’est ce que fait un couple normal, il PARLE. Je ne t’aurais jamais abandonné, jamais. Tu n’as rien écouté lorsque je te le disais et te le répétais… je ne peux pas, je ne sais pas. Tu as commis un crime, Mikaël. J'ai peur pour toi. » L’eau venait de déborder des yeux de Lynn, laissant s’écouler de très nombreuses larmes contre ses joues pâles et froides. Mais pire encore, elle se contracta et laissa échapper un petit cri de douleur, s’écartant brusquement de Mikaël pour mieux éloigner sa chaise et placer ses deux mains contre son ventre arrondi. C’était plus de stress qu’elle ne pouvait en supporter. Son corps semblait la rappeler à l’ordre, et elle priait pour ne pas perdre son fils, oh oui elle priait. Paupières fermées et froncées, corps tendu comme la corde d’un arc, Lynn respirait fortement tout en se concentrant sur ladite respiration, mais elle était en souffrance.

Le cauchemar que Mikaël s'était imaginé était devenu réalité. Les propos de Lynn fusaient comme des couteaux, blessant l'ego les sentiments du suédois avec hardeur. Oui, ce qu'elle lui disait était ce qu'il avait pensé avant de commettre l'acte, il ne peut pas nier y avoir réfléchit au moins quelques secondes. Mais cette force dans cette pulsion meurtrière avait été plus forte que la raison, plus forte que n'importe quoi... Et c'était sûrement parce qu'elle avait été gan grainée par l'amour. Qu'allait-elle faire maintenant? Partir parce qu'il n'était plus le même? Le laisser prendre du recul par rapport à ses actes pour mieux revenir ensuite? Non! Pas de pause, pas de partir, personne ne franchirait cette porte une fois de plus. Elle le disait si bien, un coupe, c'était pas une seule personne pour sa propre vie, non, c'était deux personnes qui mettaient en commun tout ce qu'elles avaient, ce que ce soit beau, ou laid. Rien à dire, c'était la situation la plus gênante. Il n'avait rien à dire, après avoir fait sa déclaration il n'avait plus aucun argument puisqu'elle avait retourné ses paroles contre lui-même. Tout aurait été encore moins pire si elle ne l'avait pas écarté avec rage et douleur pour s'éloigner. Le bébé! Le bébé putain, il avait juré de faire en sorte que Lynn ne soit pas en situation de stress. Il avait promit qu'il veillerait sur elle et sur Tommy avec scrupules. Nothing. Il en avait rien fait et de voir sa douce dans un tel état le bouleversa. Il ne pouvait rien faire, et lui répéter que tout irait bien serait lui mentir. Non vraiment, quelle impasse pour ce garçon qui avait toujours eu la vie tranquille. Lynn n'avait pas tort, il se transformait en quelque chose de haineux, qui n'avait rien à voir avec the Mikaël, celui qui aimait la vie et les plaisirs qu'elle pouvait offrir.
Il n'y avait pas de sang, pas encore, pas de sang qui émanait de près ou de loin depuis le ventre de la brune. C'était un premier soulagement, puisque le jeune homme laissait les précédents actes nocturnes derrière lui pour ce concentrer sur la crise actuelle. Respire Lynn, respire, doucement! Il est là, je le vois, il ets là et il ne va pas partir. Personne ne va pas partir, ni maintenant, ni dans quelques mois, ni dans 10 ans. Toujours ensembles, ok? Dur de ne pas ressortir les punchlines habituelles, mais tout aussi dur de savoir trouver les mots réconfortants dans un moment pareil. La jeune femme n'accepterait rien et il en avait conscience, il se contentait donc de faire messe basse.

Si la douleur continuait, il n'y avait qu'une seule solution : hôpital.
Ecoute, tu te sens aussi mal que la première fois? Elle ne répondit pas, alors le suédois, debout, l'entoura de ses bras une énième fois, accompagnant son gestes de répétés "shhh, shh". Son corps encore à moitié nu lui donnait toute son énergie actuelle. Il ne frissonnait pas, n'avait plus peur et dans cette seconde vivante, il savait que le bébé n'aurait rien, il savait qu'ils s'en sortiraient parce que le destin le voulait ainsi.

Cela devait bien arriver à un moment donné, mais Lynn aurait bien voulu que la douleur ne s’empare pas d’elle tout de suite, qu’elle la laisse terminer ce qu’elle était en train de dire juste pour la beauté de la chose. Mais à quelque chose malheur est bon, vu que la douleur parvint à amoindrir légèrement la rage étant actuellement la sienne. Par ses cris répétés, Lynn évacuait tout ce qu’il y avait d’abominable dans la scène qu’elle venait de vivre, et dans tout ce qu’elle ressentait. Au moins suffisamment pour accepter cette étreinte que lui offrit Mikaël en cette seconde d’horreur. Le corps entier de la brunette était aussi tendu qu’une corde d’arc, mais elle eut la force de balancer, dans un souffle on ne peut plus douloureux : « Non. » Il s’agissait d’un non catégorique, prouvant que cette crise n’avait rien à voir avec la première. Celle-ci résultait plutôt de tout ce stress contenu et non évacué de ces derniers jours. Revoir James, faire la détestable connaissance d’Erika, voir Mikaël se transformer en une espèce de meurtrier… c’était bien plus qu’elle ne pouvait en supporter et évidemment, cela pesait sur une grossesse qui ne risquait pas de se simplifier par la suite. Pas alors que le fœtus n’était pas attaché normalement dans son corps déjà dévasté. « Comment tu te sens ? » eut-elle la présence d’esprit de demander alors qu’elle semblait pourtant prête à chanceler de son côté. Très étonnement, les murmures du beau suédois l’atteignaient d’une façon ou d’une autre, et bien qu’elle soit prête à hurler à nouveau de douleur, il continuait de lui importer. Sa rage avait fait place à cette maudite faiblesse physique qu’elle avait joyeusement choisie d’ignorer pendant si longtemps. « Je crois que c’est le moment de reconsidérer ton avenir professionnel… on pourrait faire une bonne équipe, toi et moi. » Il s’agissait du tout premier sourire dont Lynn gratifiait Mikaël malgré la douleur, l’angoisse et même la poussée de fièvre qu’elle était en train de faire. Dans le fond, elle était on ne peut plus sérieuse.

« Je crois que je t’avais dit que si tu commettais un meurtre, je serais celle qui te tiendrais la main pour cacher le corps. Ma façon à moi de dire « pour le meilleur et pour le pire ». Je maintiens ce que j’ai dis… parce que je t’aime espèce de tête de mule, c’est pas croyable. Je veux juste que tu restes mon Mik… » Qu’il ne change pas, qu’il reste ce déconneur incontrôlable, toujours à sortir la phrase qui tue au pire moment et qui soit pourtant d’un charme à couper le souffle. Lynn ne pouvait pas faire une promesse plus sincère que celle-ci. Demain est un autre jour et sans aller jusqu’à dire qu’elle lui pardonnait en ces termes, c’était une façon à elle de le faire comprendre… du moins juste avant qu’elle ne pousse un nouveau cri de douleur et ne se tende plus encore. « Tu peux m’aider à m’allonger ? J’ai la tête qui tourne… » Pas étonnant, elle était brûlante.

Il était presque ironique de dire que cette crise de stress avait été une bonne chose, et bien que les évènements ne soient pas des plus faciles à ignorer, elle avait fait la part des choses en oubliant d'en remettre une couche. Mikaël était déjà assez bien placé pour se remettre en question, même par rapport aux pires actes qu'une personne pouvait commettre. Par amour qui plus est. Il faillait presque émettre un léger sourire, mais se retenu prenant en compte la situation qui n'était guère amusante. Il exécuta les demandes de sa douce maîtresse et l'allongea délicatement sur le lit. Il alla même en boitant presque mouiller une serviette d'eau fraîche pour lui étaler sur le front. En plus de ça c'était à croire que Lynn faisait une tourista, et que la fièvre lui montait au crâne! Tu sais bien que je ne changerais pas, et que cette pulsion, je la regretterais toute ma vie. Comme le fait que je regretterais toute ma vie de vous avoir mit en danger, toi et Tom. Le suédois caressait les joues brûlantes et rouges de la jeune femme. Tu seras toujours en mesure de m'appeler Mikaël Arthur Strömblad quoi qu'il arrive. Je ferais en sorte que ça n'arrive pas, et bien que tu penses que certaines de mes promesses soient bidons, je t'assure que non. Et le fait est que je t'ai dit que je resterais à tes côtés quoi qu'il arrive, et je m’exécuterais. Ce que j'ai fait n'était pas le signe d'un manque de confiance en toi, il ne faut pas que tu penses ça même si ça pourrait te paraître évident. C'était beaucoup plus ça, je pourrais te trouver un exemple tiré d'un film maintenant mais je n'ai pas le courage de chercher une référence. Je ne pouvais simplement pas supporter le fait de savoir un homme comme celui-la en vie, prêt à te sauter dessus dès qu'il en aurait l'occasion. Contrairement à ton cas, puisque tu n'as rien à craindre d'Erika. C'est une fille faible, qui ne représente aucune menace pour moi. Elle est aussi insignifiante que pathétique. Enfin, je que j'essaye de dire, d'une façon ridicule au bord de ce lit alors que je viens de commettre la chose la plus horrible qu'un homme peut commettre, c'est que quoi qu'il arrive je suis là. J'ai pris un danger considérable pour en éviter un autre. Je ne t'oblige pas à me comprendre, au final ce serait revenir à être en conflit indéfiniment. Juste, je dois croire que tu es mon ange gardien, et je tiens à te dire que je ne profiterais pas du fait que tu sois derrière mon dos pour m'assurer une vie confortable. Ce sera à parts égales, donnant/donnant. Et si tu essuies comme tu peux mes erreurs, j'en ferait de même, rien qu'en t'essuyant le front et en t'emmenant demain à la première heure chez le médecin. Il se releva une seconde, pour aller fermer la porte du balcon qui était néanmoins restée ouverte durant la nuit entière.

A vrai dire, si tu passes tes nuits dehors en petite nuisette pas étonnant que tu chopes la crève, et en plus tu fumes en cachette. On est pas des saints, enfin, je n'en suis plus un en tout cas. Mais on ne va pas se laisser abattre par les péchés? Et dieu sait encore une fois que je ne suis pas croyant!
La bouche de Mikaël se fendit d'un sourire. Il venait juste de lui montrer que son âme pure était toujours là, enfin, tout dépendant de ce qu'on attendait de la notion de pureté. Cependant son ton ironique et sarcastique demeurerait toujours, au même titre que son amour fusionnel pour la belle brune. Si il faisait en sorte de remonter le morale de sa douce, son état de santé n'allait pas s'améliorer par de bonnes blagues: Mais bon, je pense quand même que je devrais demander à la réception de l'hôtel de t'appeler un médecin, je préférerais ne pas te laisser passer la nuit comme ça. Le suédois se leva en ricanant presque, en quelques dizaines de minutes ils avaient fait retombé la pression comme si tuer quelqu'un n'était pas un si gros problème que ça. Ce couple n'était pas normal, encore moins banal!

« Si tu sors de cette chambre dans cet état, j’te casse la tête. Reviens t’allonger ! » Lynn n’avait aucune envie qu’il appelle qui que ce soit. Ce n’était pas tant qu’elle doutait de ses points de sutures, absolument parfaits à force d’expérience, mais plutôt qu’elle n’avait aucune envie de crever cette petite bulle protectrice dans laquelle ils s’étaient mutuellement plongés. Lynn avait besoin de ce moment privilégié entre eux, surtout après l’épreuve qu’ils venaient de traverser aussi bien l’un que l’autre, de différentes manières. Mikaël risquait de ne pas faire deux pas sans s’écrouler du reste, pas avec la plaie qu’il se trimballait et surtout pas avec une nuit de repos qu’ils étaient censés avoir plus que méritée. Certes, la fièvre de la brunette était préoccupante, et il ne fallait pas la laisser de côté, mais elle n’était pas encore à l’article de la mort et ses idées étaient à peu près claires. Cela ne l’empêchait pas de se mettre à se marrer comme une fillette innocente en entendant parler le beau suédois, sans savoir pourquoi ni vouloir connaître le déclencheur… Lynn avait sûrement juste besoin de relâcher ses nerfs. « Je n’ai jamais prétendu ne pas être fumeuse. Disons que… j’étais censée avoir arrêté, mais que mes travers finissent toujours par réapparaître. Tiens-toi-le pour dit : il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas sur moi mon ange. » En vérité, Lynn cherchait à balayer l’image de Mikaël en train de saigner à mort James, celui qui avait eu une telle importance dans son existence. Elle n’oubliait pas avoir tué bon nombre de personnes de son côté… et refusait de lui jeter la pierre de cette façon. « Je n’étais même pas en nuisette » plaida-t-elle non sans fermer les yeux un instant. « Je retouchais ma robe de mariée. Si tu te moques, je te jure que je t’étripe. Ce genre de romantisme ne me correspond même pas en plus, tu es le seul fautif ! »

La brunette crispa légèrement ses yeux sous le coude d’une nouvelle vague de douleur, bien que celle-ci soit moindre comparée aux précédentes, et, sans même se relever, émit un léger soupir en ramenant la couverture sur elle. Le chaud et le froid semblaient se mener une bataille sans merci dans son corps… « Tu es quelqu'un de bien, Mikaël. Et tu ne peux pas savoir à quel point je te comprends, justement. Mais j’avais le droit d’être en rogne contre toi, parce que je voulais à tout prix éviter de déteindre sur toi. Que tu m’apportes ta folie et ton romantisme, c’est une chose… mais que je te donne d’une façon ou d’une autre ma violence et mon insensibilité, hors de question ! Je ne veux pas que tu te retrouves comme moi lors de mon code rouge… la nuit où je suis vraiment devenue agent pour la CIA. Hélas, le test est d’ôter la vie à une personne, afin d’être assuré que si la nécessité se fait sentir, l’agent est capable d’appuyer sur la gâchette. Je ne veux pas que tu deviennes cette personne que j’étais jusqu’à ce que je te rencontre, tu entends ? Moi je peux me protéger, je suis une grande fille, et je suis entraînée. Mais toi, te sens-tu mieux maintenant ? » Ce n’était pas là une question piège, et Lynn ne craignait pas la réponse. De plus, elle ne ressentait plus la moindre rage envers Mikaël, et n’avait pas vu naître la plus petite parcelle de haine dans son âme à son égard. Jamais elle ne serait capable de le haïr, c’était impossible. « Je suis peut-être ton ange gardien, mais toi tu es le mien. Tu ne sais pas combien ma vie aurait été en danger si tu n’avais pas été là. » Lynn restait une femme de secrets, certes, et sans doute la fièvre poussait-elle sa sincérité à se montrer au grand jour. « Tu ne veux pas revenir ? J’ai froid et je n’ai pas envie de te voir quitter cette pièce. » Elle avait besoin de lui, là, maintenant. C’était presque un regard brillant et suppliant qu’elle lui lançait.

Il ne s'était jamais sentit aussi soulagé de voir le ton redescendre. La jeune femme certes affaiblie avait décidé le laisser place à d'autres révélations, parlant presque doucement et amoureusement. Plus de sermon sérieux et de hurlements méchants, et tant mieux! Néanmoins elle devait bien voir qu'elle avait besoin d'un professionnel pour s'occuper d'elle, et que si elle savait très bien recoudre une personne comme elle l'avait fait avec le suédois, lui ne serait pas capable d'aller fourrer ses mains dans sa bouche pour comprendre sa maladie. Il se contenta de lui obéir et de répondre à sa demande en venant s'allonger sur le lit à son tour, sur le côté, tenant sa tête de sa main, son coude appuyé sur l'oreiller. Tu sais bien que je devrais aller chercher un médecin, je te laisserais pas dans cet état là la nuit entière! Bien que son ton soit déterminé il n'avait pas parlé fort. La douceur était revenue chez les deux adultes. Mikaël prit une petite inspiration, et souffla en soupirant. Me sentir mieux? Hm... J'ai un poids, un gros poids qui était pendu à mon coeur, à ma caboche ou à tout ce que tu veux qui me faisait mal. Cependant oui j'ai perdu ce poids, et là je me sens mieux. Je me sens léger, dans une sorte d'atmosphère volatile... C'est compliqué à expliquer, je ne devrais pas avoir tant de mal avec les mots... Ce qui ne va pas c'est que je t'ai fait du mal, que je t'ai fait peur. Et même si tu ne seras jamais en mesure de me haïr véritablement, j'ai détruit une partie de toi. Ce gars-là c'était le symbole de ton passé, tu peux bien fermer les yeux et ne pas regarder derrière toi, tu ne peux pas oublier. Les photos accrochées dans ton ancien appartement le prouve aussi. Ça me torture de savoir que je suis au même niveau que quelqu'un qui aurait pu te faire du mal. En fait, je n'ai pensé qu'à moi, et ça, non non, juste pas possible. Je suis une personne égocentrique et égoïste de nature, mais avec toi ça ne peut plus durer. Mikaël se replaça sur le dos, sentant son bras s'engourdir. Néanmoins il plaça la petite tête chaude de la brune sur son torse toujours nu et entreprit de lui caresser les cheveux délicatement. C'est clair qu'on va devoir revoir le niveau d'influence qu'on se donne, et je ne peux pas te regarder dans les yeux là maintenant, mais tu verrais que cette haine que j'ai eu pendant plusieurs minutes a disparue. Tu as raison dans tout ce que tu dis, ce n'était pas moi, je ne me reconnaissais pas. Et tu sais quoi? Ça me fait peur, je ne veux pas perdre cette humanité que j'ai alors que je suis entrain de t'apprendre à la retrouver. On va devoir s'aider mutuellement là-dessus, dac? Je ne te laisserais plus dans le secret, et dès qu'une pensée inhabituelle essayera de se frayer un chemin au milieu de mon extrême bonté, je te le ferais savoir.

Le suédois fit lever la tête de Lynn, afin de la gratifier d'un doux baiser de réconciliations. Ils étaient incroyables, et si il avait le sentiment qu'ils venaient de balayer un meurtre comme une poussière entre deux livres, il se doutait qu'elle aurait un semblant de rancune. Que cette rancune soit au plus profond d'elle ou cachée dans un coffre fermé à clé, il en était certain, et le cautionnait. Il allait falloir être irréprochable maintenant, et rester aux petits soins jusqu'à la naissance de leur fils. Tu sais quoi, je trouve ça adorable que tu deviennes toi aussi une romantique invétérée! Bienvenue au club, tu vas voir, on s'y fait vite. Puis, tu me montreras la robe de mariée? Je te donnerais mon avis, j'ai le droit? Ou tu es superstitieuse au point de servir les traditions?

Lynn ne put s’empêcher d’émettre un petit rire, plus cynique qu’autre chose, à l’attente des paroles de Mikaël : ah, vraiment, il ne l’avait pas bien cernée sur ce coup là. Il est vrai que James avait eu une très grande importance dans son existence, mais elle se rendait bien compte qu’elle avait énormément changé en l’espace de onze ans. La brunette n’était pas certaine de pouvoir un jour redevenir la charmante demoiselle rêveuse, romantique et fofolle qu’elle avait été par le passé. Les épreuves par lesquelles elle était passée y étaient pour beaucoup, hélas… ce fut sans doute pourquoi elle ne manqua pas de se redresser légèrement, tout en observant le plafond dans le but unique de se redonner contenance, puis, après avoir poussé un énième soupir, ouvrit sa propre porte de sincérité : « tu ne m’as pas brisée, Mik. Je l’étais bien avant. Je ne vais pas aller jusqu’à dire que ça ne m’a rien fait, car ce serait mentir, mais ça ne m’a pas touchée particulièrement. En le revoyant, la haine a de très loin remplacé tous les sentiments positifs que j’ai pu avoir à son égard. Mon problème, c’est que je l’ai idéalisé depuis mes dix-sept ans… dans mes rêves, mon idéal lui ressemblait. Je l’ai presque divinisé et en l’espace de quelques secondes seulement, il est très vite redescendu du piédestal sur lequel je l’avais placé. Il n’était qu’une personne de plus à m’avoir menti, à s’être servi de moi et tout ce que nous avons vécu, je l’ai aussitôt haï de toutes mes forces. Je sais juste… très bien cacher mes émotions. J’ai beaucoup d’expérience en la matière. Il va arriver un moment où je vais devoir faire sortir tout ça, et je prie pour que tu ne sois pas à côté… car il faut que tu gardes à l’esprit que je suis mille fois plus meurtrière, dangereuse et violente que tu ne le seras jamais. Mais toujours est-il que ce n’est pas toi qui m’as brisée. J’étais en colère parce que j’étais inquiète pour toi. J’ai eu peur qu’il soit parvenu à te blesser, de ne pas pouvoir te protéger, et qu’on t’arrache à moi d’une façon ou d’une autre. C’est tout ce que j’ai ressenti. Là encore, je crois que je suis plus égoïste que toi… j’ai besoin de toi, de ta présence, de ton amour, de ton humour aussi et de ton innocence tout comme Tom aura besoin de tout ce qui te caractérise. Mais tu sais… tu as juste brandit l’arme avant que je ne sois tentée de le faire. » C’est à la fin de sa longue et pénible tirade que Lynn tourna enfin son regard vers Mikaël : une chose était sûre, il avait tué James avant que la brunette ne le fasse. Et plus que tout, son passé possédait une large part de noirceur qu’il lui valait mieux ne jamais connaître.

Bientôt, Lynn se leva péniblement, partant chercher son grand calepin comportant l’esquisse qu’elle avait retouchée à de très nombreuses reprises depuis que le beau suédois avait eu le malheur de parler de mariage. Nom d’un chien ce qu’elle devenait romantique… de la vraie guimauve ! « Si tu te moques, je te jure que je t’assomme ! » Elle lui montra la page où ils étaient tous deux représentés, Mik dans un smoking absolument parfait, quant à Lynn, elle arborait une robe à la fois décolletée et sage, mettant autant en avant ses rondeurs de grossesse que ses formes déjà divines. L’esquisse avait un goût de réalité, et était on ne peut plus audacieuse. Mais la brunette évitait de regarder le suédois, comme si elle redoutait sa réaction. Il y avait de quoi !

Mikaël avait retrouvé un minimum de sérieux alors que Lynn exposait à son tour ses pensées, à l'apparence de mot qui formaient des phrases. Comme toute personne normale constituée qui s'exprimerait, en fait. Il n'y avait aucune façon de trouver un point négatif à ses propos, mais puisqu'il s'appelait Strömblad il s'obligea à chercher la petite bette à jouer dessus, comme à son habitude. Donc, on peut quand même dire que tu l'as idéalisé jusqu'à ce que je le ... réduise à néant? Un petite sourire en coin, il s'empara de la jeune femme pour la faire presque rouler sur le lit, et ne s'étonna même pas quand il ronchonna par douleur. Pour s'excuser il se contenta de l'embrasser un peu partout en la cajolant, qui pouvait résister à ses lèvres, enfin? Mais le véritable sourire apparut quand elle lui montra le carnet de croquis : les dessins étaient bien fais, un beau coup de crayon et même si par apparence Mikaël ne semblait pas si cultivé que ça son métier le poussait à connaître beaucoup d'artistes en tout genre! Le suédois était heureux, même après ce qu'il s'était passé, et dire que l'heure n'était pas favorable à une quelconque discussion, et dire qu'il seraient tel des zombies dès le lendemain. Tu sais quoi? Avec ce carnet tu viens de me remémorer la fois où tu t'étais amusée à me dessiner, chez Marjorie. J'avais fait une de mes vieilles blagues, que tu connais bien maintenant, tu avais pris la mouche et avait jeté l'esquisse alors qu'elle était très bien. Tout aussi bien que ces dessins là, j'adore ta robe, et mon costard vu comme tu le représente j'espère que tu auras assez d'argent pour me le payer tiens!

Il jeta un oeil de plus près, restant bloqué plusieurs secondes sur un seul détail. Vu les formes de ton ventre je vois que tu laisses clairement passer un message. Tu voudrais donc que je fasse ma demande avant la naissance de Tommy? Proposition sous entendue qui paraissait justifiée. Le garçon pourrait s'épanouir avec deux parents mariés, ce qui semblait une situation alors normale pour un couple américain. Et puis, si ce n'était pas maintenant ce serait bientôt, difficile de repousser l'échéance.

« Non, non ! Disons que je l’ai idéalisé jusqu’à ce que je le revoie, en vie, planté devant moi. Là ouais, je ne l’ai plus idéalisé du tout. » C’était même tout le contraire. Lynn avait toujours eu un tempérament entier et diablement rancunier, n’importe qui la connaissance un tant soit peu avait forcément été victime de sa rancune à un moment donné. Mais bientôt, ils laissèrent tous deux cette discussion morbide pour se concentrer sur bien plus important : un mariage possible entre eux… la brunette n’avait aucune envie que le suédois ne se sente oppressé par un stupide dessin, qui n’était rien d’autre que le pur fruit de l’imagination de la demoiselle. « Chose à savoir sur moi : je suis très susceptible quand je m’y mets » plaida-t-elle non sans hausser légèrement les épaules en guise d’excuse. Ce jour là, ses sentiments étaient un véritable champ de bataille et cette remarque idiote l’avait touchée bien plus qu’elle n’aurait dû. « Je connais le meilleur couturier du monde, pour ta gouverne ! » Il ne fallait pas oublier qu’elle était à la tête d’une fortune plutôt impressionnante, et avait un très important pécule lui appartenant déjà. Le seul privilège à être espion, en vérité… Lynn nageait dans une sorte de luxe ambiant depuis sa plus tendre enfance, et si elle s’était adaptée à toutes les situations, elle avait fait en sorte de mettre un jolis matelas de côté afin que sa future famille ne manque de rien. C’était primordial à ses yeux. « Tu plaisantes ? Il n’y avait aucun message subliminal, ce n’est qu’un dessin ! Je ne veux surtout pas que tu te sentes oppressé, ce n’était pas du tout le but. Si tu ne veux jamais m’épouser, je ne dis pas que ça me fera plaisir, mais je l’accepterai. Je dessine depuis que je suis toute petite… ça me permet d’évacuer, c’est tout. Tu en as parlé un jour, et mon cerveau détraqué a fait le reste, c’est tout. »

Lynn ne voulait forcer la main de personne, mais ne s’empêcha pas de saisir le t-shirt du jeune homme afin de l’approcher d’elle pour l’embrasser passionnément. Charmante façon de détourner l’attention, mais plus encore de lui faire comprendre qu’ils avaient sûrement vécu leur abstinence depuis trop longtemps. Comme toujours après une trop grande dose d’adrénaline dans les veines, la brunette avait besoin d’évacuer… « Je te dessinerais plus tard alors, si tu le souhaites. Mais là, tout de suite, moi je souhaite autre chose. » Le simple fait que Mikaël n’ait cru qu’elle voulait faire passer un message l’avait mise mal à l’aise. Du coup, elle laissa son calepin tomber à même le sol pour mieux se placer sur le beau suédois, en prenant garde à sa blessure, mettant de côté sa propre douleur, sa propre fièvre afin de calmer définitivement les mœurs à l’aide de plusieurs baisers brûlants. Il ne pourrait pas résister longtemps…

Mikaël n'avait sûrement pas fini de discuter avant que la jeune femme s'empare d'elle. Il n'avait pas voulu faire de remarque désobligeante en lui parlant d'un message subliminal, à vrai dire il comptait vraiment faire sa demande le plus vite possible mais pensait que la mise en scène devait être à la hauteur de Lyanna Maryweather. Décidément, quand elle était mal à l'aise il n'y avait pas moyen de continuer sur le même sujet, et ce n'était pas faute d'essayer alors qu'elle prenait ses lèvres en otage. A-Attends, ne jette pas le calepin je n'avais fini de regarder! Un coup d'oeil à la fenêtre pour se rendre compte que le soleil allait bientôt montrer le bout de son nez. Sérieusement? Bientôt le levé du soleil, déjà? La nuit avait semblée si courte, tellement que la fatigue s'était montrée le plus tard possible. A croire que c'était ce phénomène qui rendait la brune aussi joueuse, et en un rien de temps elle s'était placée sur lui, sans ne rien demander. C'est ça la punition chez les Maryweather? Il attrapa ses hanches. Je pensais que tu avais de la fièvre, trop de fièvre et que tu devais restée allongée. Tu as de drôle façon d'être malade, je dois m'apprendre à recevoir un sermon corporel? Il la regardait, interloqué, sachant très bien qu'il craquerait lorsque les minutes défileraient. Le jeune homme ne voulait vraiment pas lui faire mal, et d'un côté, même sachant que ça ne risquait rien, il trouvait le fait de le faire avec leur petit fils dans le ventre presque bizarre. Pourtant la jeune femme continuait de se déhancher sur lui, manquant à chaque mouvement de lui faire mal de par sa plaie sur le côté du ventre.
Attends je te dis, tu ne trouves pas ça un peu... Gênant pour Tommy? Je veux dire, c'est comme s'il pouvait voir maman et papa entrain de copuler comme des porcs! Il pourrait même voir mon... Un baiser de plus et il succomberait. Ouais, non, j'ai rien dit! Le suédois se laissa embarquer dans une vraie bataille du désir, et sans vouloir être méchant il retourna la jeune femme pour mieux la déshabiller. C'était bien mieux quand aucun bout de tissu ne couvrait sa peau chaleureuse. Mikaël ne manqua pas de changer de technique et de remplacer ses petits baisers timides par sa langue extravertie, qui s'empara de la bouche féminine. Il ne s'empêchait pas non plus de l'embrasser un peu partout, partant du cou, à la poitrine, dégrafant son soutiens-gorge d'un claquement de doigt.Alors future madame Strömblad, on ne résiste pas longtemps au charme suédois? Ou est donc passé l'abstinence? Laissant échapper un petit rire coquin il enleva même son caleçon, le coquin.

Il n’y avait pas meilleure réconciliation, dit-on. Mais à vrai dire Lynn en mourait d’envie depuis plusieurs semaines déjà. L’abstinence n’avait jamais fait partie de son vocabulaire, d’autant plus lorsqu’elle aimait quelqu’un. C’était comme lui appartenir corps et âme. La brunette appréciait de plus en plus la personne qu’elle devenait en sa présence, car il faisait ressortir ce qu’il y avait de meilleur dans son être… quoi de plus normal que de lui prouver ses sentiments d’aussi belle manière ? Il n’y avait rien de choquant ou encore moins de sale. « Mon ange, t’es quand même pas croyable… » lâcha-t-elle en un souffle alors qu’elle était déjà nue, lui aussi, et que le désir était aussi palpable dans le fond de ses yeux qu’il ne l’était entre ses mains brûlantes. Cela ne voulait pas dire que Lynn était au meilleur de sa forme et ne souffrait pas… mais il s’agissait d’une façon comme une autre de panser ses plaies. « A ce moment précis, Tommy n’est pas plus gros que mon majeur » rétorqua-t-elle en mordillant l’oreille du suédois, non sans illustrer son propos en montrant effectivement son doigt en exemple. « Aucun risque que tu ne lui fasses du mal. Et puis avoir des parents qui s’aiment, c’est tout de même top, non ? Tu préfèrerais que je te fasse la gueule pour la forme ? » Sauf que comme toujours, Lynn ne lui laissa pas le temps de rétorquer que déjà, elle s’emparait furieusement de ses lèvres, commençant déjà à le posséder autant qu’il ne la possédait. Ses mains baladeuses jouaient avec ses nerfs d’une facilité proprement évidente, et, tandis qu’elle le sentait prêt à s’abandonner littéralement face à elle, la brunette se permit un petit rire provocateur : « je te rappelle que c’est toi qui a parlé d’abstinence… la future Madame Strömblad a toujours attendu le moment propice pour te faire regretter tes paroles, voilà tout. »

Le provoquer était facile puisqu’elle connaissait ses points faibles autant qu’il connaissait les siens. Lynn le retourna donc sans violence sur le dos afin de dévorer son torse de baisers, approchant délicatement de sa blessure afin de déposer un nouveau baiser juste à côté, comme si celui-ci pouvait le soigner et lui ôter toute douleur. « Je vais prendre soin de toi » murmura-t-elle alors qu’elle était revenue vers son visage, l’air taquin mais néanmoins très sérieux. Cela ne l’empêchait pas de se déhancher, tout en faisant attention de ne surtout pas lui faire mal, avant d’opter pour le fait de se repositionner sur le dos, plaquée contre le matelas par les muscles puissants de son fiancé. « Dis plutôt que c’est toi qui ne résiste jamais au feu canadien… mais si tu n’as pas envie, on peut reporter. Je ne voudrais pas que tu te blesses. » Lynn n’avait pas conscience parfois de l’atteinte à la virilité masculine dont elle pouvait faire preuve, parfois. Elle parlait toujours avant même que de réfléchir !

C'était encore une belle partie de jambe en l'air qui s'annonçait, et Mikaël n'était pas le moins du monde contre. A vrai dire si comme le disait la jeune femme il avait été le premier à énoncer le mot "abstinence" il le regrettait déjà, puisqu'en vue des provocations que la brune faisait il ne savait rester impassible. Son excitation montait peu à peu alors qu'il sentait sa peau recouverte de baiser doux comme les lèvres de son amante. Quel plaisir que de faire l'amour avec elle, il l'avait déjà sentit la première fois que s'était arrivé. Ne lui avait jamais dit, certes, mais à quoi bon? Elle aurait simplement eu les chevilles légèrement gonflée, mais il fallait avouer que de toutes ces partenaires, Lynn était un cran au-dessus. Sûrement aussi parce qu'il l'idéalisait de l'amour qu'il lui portait. Madame sait comment me faire succomber! Son souffle se saccadait d'excitation, en plus de ça elle prenait toujours un malin plaisir à le laisser se languir. Heureusement pour lui il préférait contrôler la situation et la remettre en place de soumission certaine, ainsi il était le maître pour quelques minutes. Tu peux me remontrer de quelle taille est notre progéniture, s'il te plait? Mikaël attendit que la jeune femme montre une fois de plus son majeur, comme une provocation. Ainsi il s'en empara pour le placer d'une façon des plus sexy dans sa bouche. Laissant ses lèvres pulpeuses se délecter de ce doigt comme s'il était le met le plus délicieux. Non, ce n'était pas une reprise de fifty shades of grey, bien que l'on puisse voir le fait qu'ils s'abandonnent l'un à l'autre mettre dans la pire situation physique comme un acte sadique, voir masochiste. Rien que le fait d'y penser fit presque rire le suédois, qui se sentit obligé de couper court à sa façon de plaire pour expliquer son rire soudain : On est ridicules, je pourrais être entrain de faire une hémorragie devant toi tu trouverais quand même le moyen de me sauter dessus! Mais honnêtement il ne les trouvait pas ridicule, pas le moins du monde, et il pouvait même se rappeler de l'immaturité dont il avait fait preuve lors de leurs premiers ébats sexuels. Comme quand il avait crié joyeusement "lucarne et but" suite à un orgasme... La virilité était presque réduite à néant dans des moments comme celui là.

C'est vrai que le feu canadien aura vite fait de me brûler. Sur ses mots il s'empressa de lui rendre la pareille en la faisant quelque peu jouir de ses doigts, comme si il avait été pianiste dans une vie antérieur. Ce qui ne lui aurait pas déplu. Il fallait avouer que cet ébat était une sorte d'excuse, une réconciliation, et qui pouvait nier le fait que les parties de jambes en l'air pour se faire pardonner étaient les meilleures? Mikaël déposa un baiser sensuel, accompagné de sa langue dans le cou de Lynn, laissant un murmure s'échapper aussi frais qu'une brise : Moi aussi je vais m'occuper de toi... Le jeune homme adorait cet instant, alors que leur souffle demeurant de par leur excitation commune se laissait prendre dans une danse charnelle...

Dans chacune de leurs discussions, ébats ou même engueulade, il y avait toujours une part non pas de ridicule mais d’humour. Ni Mikaël ni Lynn ne souhaitait devenir vieux avant l’âge, ou trop morose, même dans une situation aussi cocasse que celle-ci. Pourtant, dieu sait qu’il n’avait pas tort : ils avaient l’air de deux morts-vivants, aussi fébriles l’un que l’autre, laissant pourtant passer dans leurs regards respectifs tout l’amour qu’ils se portaient. Il n’y avait que cela d’important au bout du compte. Bientôt, Tom allait être le premier à se rendre compte du sentiment démesuré et fou qui unissaient ses deux parents ensemble, pour le meilleur et pour le pire : ils avaient vécu le pire, ne leur restait-il donc pas que le meilleur ? En tout cas, le corps de Lynn se cambra à de très nombreuses reprises face aux multiples coups de rein du jeune homme, ses hanches se soulevant toujours aussi traîtreusement comme pour lui faciliter d’autant plus la tâche. Il y avait là un mélange de plaisir intense mais également de douleur, et il ne leur fallait pas oublier ce qu’ils venaient de traverser au travers de ses diverses sensations. Finalement, c’est plus épuisés que jamais qu’ils se séparèrent au bout de longues minutes d’intense partage, et un râle des plus rauques peuplant encore l’atmosphère sonore de la chambre d’hôtel. Lynn avait l’impression que sa respiration allait purement et simplement s’arrêter tant ce moment venait d’être unique. Elle n’allait pas en faire état à voix haute, pas comme lors de leur toute première partie de jambes en l’air : Mikaël allait finir par prendre la grosse tête à force… mais le regard qu’elle lui jetait en disait long. Elle ne manqua pas de laisser un rire trancher définitivement la morosité qu’ils venaient déjà de repousser avec brio. Qu’importe qu’ils ne soient pas normaux… la brunette n’en n’avait vraiment que faire. « Tu es définitivement brûlé ou tu te sens encore un peu vivant ? » En tout cas, la fièvre de la brunette semblait s’être un peu atténuée. Sans doute n’était-elle qu’une réaction de plus face à la situation impossible dont elle avait la victime, en même temps que le beau suédois…

« Puisque tu n’as pas fini de regarder, tu peux le garder, au fait. » Lynn s’était penchée vers son calepin ayant précédemment heurté le sol, avait déchiré la page –bien qu’elle ne le fasse jamais en temps normal– et l’avait tendue à Mikaël, non sans s’être assise sur le lit en se recouvrant du drap pour cacher ses formes évidentes désormais. « Garde-le en souvenir. » Au pire, elle avait toujours sa robe précisément en tête s’il lui venait l’idée de la demander en mariage. La mémoire de Lynn était plutôt impressionnante après tout ! Mais en attendant, elle se rallongea doucement, prenant bien garde de se coucher du côté de sa hanche non blessée afin de pouvoir se blottir complètement contre le beau suédois : juste pour cette nuit, elle avait envie d’être celle qui est protégée par deux grands bras puissants.

Il aurait aimé que cet ébat dure indéfiniment. Le partage de leur désir et envie se mêlait parfaitement, leur amour se sentait dans l'air et dans leur mouvement. Ce n'était jamais qu'un simple rapport sexuel, entre eux, c'était toujours beaucoup plus que ça. Certes Tommy pourrait saurait que ses parents ne sont pas toujours accablés de l'adjectif "normal", et si le pauvre garçon comptait rester éveillé tard la nuit, il devrait peut-être un jour ou l'autre faire face à quelques bruits douteux devant de la chambre parentale. Les pensées de Mikaël n'étaient pas toujours très saines, il fallait l'avouer. Et il se voyait déjà devoir expliquer à son propre fils comment un homme et une femme peuvent créer les enfants, il se voyait même lui donner quelques tapes dans le dos pour lui donner le courage de se lancer dans la vie active, dans la vie amoureuse. L'impatience était le nom qui caractérisait son état quand il se projetait dans quelques années. Mais il coupa court à ses thought en se replaçant dans le lit, respirant à grandes bouffées d'air pour reprendre son souffle. Tu as le don de m'épuiser Maryweather! Il l'embrassa, et ne prit même pas en compte leurs corps transpirant en la prenant au creux de ses bras, laissant le sommeil profond le gagner aussi rapidement qu'un éclair déchirant le ciel.
Pas étonnant que ses yeux s'ouvrent à nouveau au petit matin alors que l'heure entamait déjà son deuxième tour d'horloge. Lynn était déjà levée, comme à son habitude cette femme savait retrouver la forme même face à tout les genres de situation. Péniblement, sentant sa hanche qui tirait en vue d'une prochaine cicatrisation il se laissa guider dans la douche. Se brosser les dents, se coiffer, un peu de parfum et il était déjà prêt.
Comment va la femme de mes rêves? Les gros bras de Mikaël enveloppèrent les hanches de la belle, et la gratifia d'un doux baiser sur la joue. Comment pouvaient-ils avoir de tels rapports après les évènements de la veille? Partante pour un petit-déjeuner? Le jeune homme rigola de sa propre phrase en regardant sa montre, mais proposa tout de même à Lynn de l'accompagner grignoter quelque chose au restaurant de l'hôtel. Heureusement pour lui le personnel servait encore le déjeuner, et il se hâta de commander afin de se remplir le gosier. Face à lui, son amante. Des nouvelles de ce que je pense? Tu crois que je risque quelque chose ou tes contacts ont gérés la situation comme des pros? Cette phrase là était aussi légèrement stupide, ses collègues étaient des professionnels, et il savait tout aussi bien gérer les situations avec brio, exactement comme elle le faisait. Cependant il se sentait redevable, et se sentait ainsi indéfiniment. Se faire pardonner était déjà sûrement fait, mais il ne cesserait pas de s'abaisser aux excuses pendant un long moment.
Tu veux quand même que je contacte ma mère?

Lynn était l’insomniaque par excellence, incapable de rester au lit pour une grasse matinée bien méritée, à moins que son corps ne soit réellement épuisé à l’extrême. Elle n’avait pas fait une grosse nuit, et sûrement allait-elle dormir comme un loir dans la journée, lors d’un moment d’inattention, fidèle à ses imprévisibles siestes cachées. Mais pour l’instant, la faim était plus forte, puisque son ventre gargouillait généreusement et qu’elle s’était servie comme si elle n’avait pas mangé depuis des semaines. C’était pire depuis qu’elle était enceinte, son appétit avait comme triplé, et très étonnement, la question de Mikaël au sujet de la veille ne sembla même pas la perturber outre mesure. « Je n’ai pas besoin d’avoir des nouvelles, j’ai appelé le meilleur en la matière. Ne t’inquiètes pas, le travail est déjà fait et même très bien fait. De toute manière… cet objet avait disparut des radars, pas besoin de lui trouver un nouvel acquéreur. » Manière d’espionne pour dire que puisque James avait parfaitement orchestré son meurtre onze ans plus tôt, la prescription était de fait déjà effective et Mikaël ne pouvait pas en être inquiété. De plus… mais ça elle ne lui dirait jamais, Lynn avait fait en sorte de détruire chaque dossier, photo ou note concernant James, que ce soit de son propre ordinateur, de son disque dur mais également de celui présent à la CIA. L’intérêt d’avoir une hackeuse pour future femme… « Cela te tracasse ? » se permit-elle tout de même de demander tout en le regardant tendrement. Lynn ne s’empêchait pas de se nourrir, et bien qu’elle ait conscience que le moment était fort mal choisi, elle se défendit aussitôt : « j’ai réfléchi cette nuit, et je sais pourquoi je n’étais pas bien hier… on avait rien mangé ! Pire chose qu’on ait faite parce que les conséquences sur Tommy auraient pu être catastrophiques. Alors aujourd’hui, désolée si ce n’est pas féminin ou sexy, mais je vais m’empiffrer. » Le voilà prévenu.

Mais le sujet de la mère de Mikaël ôta tout sourire à la brunette pour lui rendre son apparent visage sérieux. A vrai dire, elle avait très envie de faire sa connaissance, mais d’un autre côté, une journée de shopping ou d’activité quelle qu’elle soit était à proscrire… « Invite-là à déjeuner. Je voudrais vraiment que l’on rattrape ce qui s’est passé hier, mais hors de question pour toi d’aller crapahuter dans ton état, et ne m’oblige pas à t’attacher au lit parce que j’en serais tout à fait capable ! Un dîner, au moins… elle ne verra pas ta blessure, tu n’auras à te fatiguer et tes points resteront en place. Deal mon ange ? » Finalement, c’était à se demander qui était la personne fragile et enceinte, et qui était l’homme de la situation… surtout que Lynn était d’une pâleur à faire peur à force de ne pas dormir comme il faut, alors question raison, elle pouvait repasser !

Il allait sans dire que leur petite escapade amoureuse ne s'était pas déroulée comme prévue. Par la peine d'en faire tout un plat et de se laisser abattre alors qu'ils avaient déjà connu pire, ensemble. Bien que pour Mikaël, l'acte qu'il avait commit la nuit dernière marquait l'apogée de son "dark side". Il s'inquiétait, ce n'était pas faux, et il avait de quoi tout de même. D'un côté, rattraper les évènements par une suite plus convenable que ce qui s'était précédé n'était pas à rejeter. Pourquoi partir de la Suède sans créer de bons souvenirs? (c'était assez laborieux à l'heure où ils discutaient en mangeant. Tu peux y aller, je ne regarderais pas... Et ma mauvaise haleine de m'empêchera pas de continuer à t'embrasser! Mikaël la gratifia d'un sourire ironique, et se leva même pour sceller sa blague d'un doux baiser qui prouvait une fois de plus que ses paroles n'étaient qu'humour. Difficile de croire qu'ils avaient réussi à rendre les choses bien plus faciles après un ébat amoureux, plus précisément même sexuel. C'était quelque chose de presque incompréhensible chez eux, leur capacité à passer d'une chose à l'autre, de tourner la page comme s'ils ne faisaient que de lire un livre. Il fallait tout bonnement se dire que c'était un adjectif collant à leur peau. Entre deux bouchées, alors que le jeune homme se foutait bien de paraître devant sa douce, il continua la conversation : Disons que je vais passer un coup de fil à ma mère, tout de suite même, faire comme si on était simplement rentrés hier soir. On a dormi et on s'est même réveillé tôt ce matin pour aller visiter le musée wasa, que je connais par coeur. On se disait seulement qu'il serait sympa de l'inviter à dîner, ce soir, en espérant que mon imbécile de père serait occuper par un quelconque travail fictif. J'ai déjà une idée pour le restau', et vu que notre vol est demain en fin de matinée on aura le temps de se vider de tout le vin que l'on aura ingurgité! Fa te va comme ça? Le colosse jeta un petit sourire à Lynn, prenant son manque de réaction comme une réponse affirmative. Un petit coup de main sur son menton pour sentir si sa barbe nouveau né de quelque jour méritait un peu de traitement, mais il décidé de ne rien en faire, sachant que cet atout plaisait à la brune comme un détonateur de libido! Décidément ils ne grandiraient pas encore, à croire souvent qu'ils n'était pas encore des jeunes gens capables de contrôler leurs désirs.

Ah oui je voulais te dire, j'ai particulièrement apprécié notre câlin hier soir. Je ne te l'avais jamais dit, mais avec toi, ce n'est pas seulement la notion de faire l'amour qui est plaisante. Enfin, je ne vais pas épiloguer là dessus, pas besoin de te flatter sur tout! Tu sais très bien ce que je pense de toi. Mais pour être clair : plus de question d'abstinence, et pas question de se priver une fois que Tommy sera là. Qui plus est on aura à rester éveillé la nuit pour être prêt à intervenir à chaque pleur. Autant se garder en forme et au chaud, non? Le romantisme de Mikaël était tombé à l'eau pendant quelques minutes, alors qu'il déballait ses envies comme s'il vomissait sur la table. Certes, ce n'est pas une très jolie métaphore mais elle reflète assez bien la réalité. Ou sinon ou peut éventuellement reparler d'abstinence et mettre en place un nouveau régime sexuel! La brune contredirait cette interrogation, sans aucun doute.

« C’est marrant, je n’ai mais alors aucun mal à t’imaginer en papa poule ! Tant mieux, parce que je vais être tellement dead après l’accouchement qu’il vaudra mieux que t’assure… mais ne t’inquiètes de rien, vu que je vais être obsédée par le fait de retrouver la ligne, tu vas me servir d’alibi pour un sport disons plus… agréable ! Mais plus question de parler abstinence maintenant, à la bonne heure !! » Lynn esquissa un clin d’œil tout à fait entendu alors que la discussion se poursuivait entre eux, toujours avec la même note légère et humoristique, comme s’il ne s’était rien passé de bien terrible cette nuit. Cela ne voulait pas dire que la brunette ne gardait pas à l’esprit ce que Mikaël avait fait, mais n’étant pas elle-même quelqu’un d’extrêmement normal, il n’y avait plus trace de la moindre rancune dans son esprit. La preuve, ils passèrent une journée délicieuse, ensemble, parfaitement synchronisés quant à leurs désirs de vie, mais se surprenant également à regarder dans la même direction. Un peu comme si leurs cœurs s’étaient enfin accordés et battaient à l’unisson. Finalement, après la sempiternelle crise de Lynn parce qu’elle ne parvenait pas à entrer dans un vêtement suffisamment seyant à son goût, le charmant couple s’était effectivement dirigé vers le restaurant précisé par Mikaël, tandis qu’ils ne savaient pas si Strömblad père allait pointer le bout de son nez ou pas. Une chose était sûre, Agneta avait presque hurlé de joie au téléphone… et Lynn avait définitivement considéré le fait d’être acceptée par cette famille loufoque lui faisant un bien fou.

« Détends-toi, si cela se trouve, ton père ne viendra pas. » La jolie brune avait délicatement pris la main du beau suédois dans la sienne, et lui lançait désormais un air tendre et rassurant afin qu’il se débarrasse de cette pression qu’elle sentait aisément palpable en lui. « Il y a d’autres choses que je devrais savoir sur votre passé et que tu ne me dis pas ? » Certes, elle trouvait amplement suffisant le fait que son père soit un menteur, un dragueur invétéré et qu’il ait eu son ex dans sa ligne de mire, mais elle ne voulait pas qu’il oublie qu’elle était là en cas de besoin… et qu’il pouvait lui parler. « Tu sais, je ne suis pas qu’une jolie fille qui sent bon et qui a la peau douce, ou avec qui tu peux ne prendre qu’un pied d’enfer. J’ai une assez bonne oreille. Tu n’es pas obligé de jouer au mâle viril à longueur de journée, tu peux te reposer sur moi, aussi. On est une famille, remember ? Tom n’est pas encore là c’est vrai, mais on est une famille anyway. Ça veut dire pouvoir compter l’un sur l’autre, alors… si tu as besoin de relâcher la pression, ne croit surtout pas que je vais m’enfuir en courant ou te dire d’aller te faire foutre. » Si Lynn était grossière parfois, c’était pour être sûre qu’il n’y aurait pas d’équivoque et son discours serait bien compris. La veille, elle lui avait largement prouvé qu’elle était en mesure de veiller sur lui et de couvrir ses arrières. Mais il pouvait tout aussi bien décider de se confier à elle, aussi… « Tu es très beau, sinon se permit-elle de noter non sans déposer un baiser léger comme une brise contre ses belles lèvres pulpeuses. Lynn n’était pas mal non plus… sa jolie robe rouge mettait parfaitement en valeur ses rondeurs de grossesse qui avaient pris un peu d’ampleur récemment, et dans laquelle elle était à l’aise.

Mikaël n'était pas superficiel au point de ne s'intéresser aux femmes en les voyant commes purs objets sexuels ou de simple beauté dénuée de toute intelligence ou réflexion. Bien au contraire, il avait toujours considéré ces critères chez ses tendres amies comme les plus importants, se fiant bien plus à ces caractéristiques qu'à toutes autres. Il en aurait presque soupiré lorsque Lynn émit cette remarque, se gardant bien de lui rappeler qu'il avait été le premier à se jeter dans ses bras pour expirer ses plus grands désarrois. Pas plus tard que la veille il avait encore pleuré comme le moins viril des hommes sur cette planète devant elle, lui comptait ses plus profondes pensées. Ce que le suédois lui avait raconté à propos de ses parents pouvait être considéré au même titre, des informations qu'il n'avait d'ailleurs jamais dit à personne. Mis à part peut-être à Lars, le voyant comme son plus proche ami. Je pourrais te reprocher ce que tu viens de dire avec le dédain le plus dédaigneux! Il soupira gentiment, lui souriant au passage. Tout en taquinant son petit ventre rond il continua : Je sais bien que tu as plus que ces jolies formes et, mis à part le fait qu'on passe du bon temps au lit (petit clin d'oeil aussi) rien n'exclut le fait que je te dis tout. Je pensais que tu l'avais remarqué, non? Tu m'as déjà vu pleurer, rire, en colère, triste, apeuré, stressé... Bref, je ne vois même pas le but de ta phrase dans tous ça. Ne le prends pas mal, mais ça n'avait rien à faire dans le contexte. Tu ne devrais même pas t'inquiéter de ce côté là, si il y avait quelque sur mes parents que tu devrais ou non savoir, je te le dirais aussitôt. Et je pense que tu en ferais de même, enfin, j'espère! Pour ne pas laisser place au répondant abusif de la belle brune il lui coupa toute envie de parler en collant ses lèvres sur les siennes, en rigolant au passage, sachant bien qu'elle soupirerait de le voir éviter la suite de la conversation comme un criminel. Tu es tout aussi belle que moi, enfin, un peu moins mais quand même! Le jeune homme l'embrassa encore une fois, alors qu'ils se rendaient au lieu du rendez-vous : un restaurant des plus chics de la ville, celui qui recevait les personnes pour de grandes occasions : cette soirée en était une.

Ils avaient une petite table en coin de salle, dans un coin qui n'était pas trop bruyant. Le responsable connaissait très bien le nom d'Agneta Strömblad et s'était démené pour leur procurer un accueil mémorable et un service des plus scrupuleux. La mère de Mikaël était arrivée le sourire aux lèvres, radieuse de sa blonde chevelure et de ses traits juste un peu maquillé. Sans aucun doute, elle était assez bien conservée, la gazelle. Elle s'empressa même d'embrasser son fils et son amante avec enthousiasme. Lynn, tu es magnifique! J'adore cette robe, il faudra que tu me donnes tes adresses! Un petit coup de main sur la cuisse de celle-ci et elle repartait aussitôt : Alors, vous partez demain? Comment s'est passé la suite de votre soirée hier? Ne m'en dites pas plus, je sais que c'était un désastre, et j'ai fini par manger la côte de porc toute seule dans la cuisine. Lynn, excuse William, j'aurais du faire de meilleur choix de vie, néanmoins... Tu sembles avoir l'oeil puisque tu as choisis le meilleur produit de la famille! N'est ce pas Mik'? Et voilà la mère poule dans toute sa splendeur, ne pouvant s'empêcher de fermer son clapet, laissant le jeune homme donner quelques regards gêné dans le sens de la brune, tel un appel au secours.
Tu sais pourquoi je n'ai jamais invité personne à la maison avant? Exactement pour ça! En employant le mot "personne" le colosse ne parlait pas forcément de fille, puisqu'il n'y en avait pas eu tant que ça dans sa courte vie. Et il s'empressa de donner le ton en riant, montrant bien que ces propos n'étaient rien d'autre que de simples blagues fabriquées pour détendre l'atmosphère.

Lynn avait toujours apprécié les personnes spontanées. Cela promettait toujours des soirées mémorables, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme, mais cette part d’incertitude était justement le plus intéressant aux yeux de la belle brunette, ayant un mal fou à se stabiliser de quelque manière que ce soit. Il faut dire qu’elle avait toujours été un électron libre, incontrôlable et incontrôlé, aussi, si Mikaël lui avait confié de choses on ne peut plus personnelles sur son passé ou sa famille, la jeune femme s’était bien gardé de faire de même. A tout le moins de façon aussi approfondie. Elle ne voulait pas qu’il ait une image piètre de sa personne, surtout lorsque l’on savait à quel point elle n’était pas franchement fière de tout ce qu’elle avait bien pu faire au cours de sa vie. Il n’y avait pas que la CIA qui l’avait poussée hors de ses derniers retranchements, après tout. Mais si Lynn était facilement bloquée par un passé difficile, ses pensées sombres s’amoindrissaient face à l’enthousiasme évident d’Agneta, véritable rayon de soleil inondant la pièce de la façon la plus chaleureuse qui soit. Quelque part, voir Mikaël à la limite de la gêne était quelque chose de délectable… il se retrouvait dans l’exacte position qu’elle occupait lorsqu’il avait eu l’honneur de rencontrer Adam Maryweather. « Je crois bien que j’ai eu l’œil, mais je me fie à mon flair absolument infaillible, voilà tout ! » s’empressa-t-elle de renchérir alors que le serveur, sueur au front, commençait déjà à leur demander s’ils souhaitaient un apéritif. Lorsqu’il suggéra une coupe de champagne, le meilleur cru de leur cave, la brunette émit un léger soupir. « Ce sera le meilleur cru des jus de fruits que vous avez pour ma part, car même si ça ne se voit pas forcément encore beaucoup, je suis en passe de devenir une baleine. » Comme quoi, la répartie allait être un trait de caractère que Tommy aurait forcément, puisque Mikaël et Lynn semblaient en être les parfaits inventeurs…

« Agneta il n’y a absolument rien à pardonner, je vous assure. C’est plutôt moi qui suis désolée de vous avoir laissée manger seule ! Je prends le parti de dire que c’était une soirée étrange. Mais j’ai eu le plaisir de vous rencontrer, donc ça rattrape ! » D’ordinaire elle n’était pas aussi positive de façon naturelle, mais elle souhaitait recréer une sorte de climat familial. Il ne fallait pas oublier que Lynn n’avait jamais eu de figure maternelle… Marjorie Maryweather était davantage un adjudant qu’une véritable génitrice à proprement parler. « Croyez-moi… si vous connaissiez ma mère, vous auriez l’impression que le monde entier est en mode bisounours ! Cela dit… j’aimerais beaucoup vous demander ceci : si vos pas vous mènent jusqu’aux États-Unis, et j’y compte bien histoire que vous ne restiez pas trois ans sans voir l’espèce de colosse à côté de moi, j’aimerais beaucoup que vous veniez pour l’accouchement. Histoire que vous soyez une des premières à voir votre petit-fils. » Adam serait le premier sur les lieux, Lynn le savait… mais elle serait honorée qu’Agneta consente à venir également.

Si Lynn commençait déjà à faire des projets concernant l'avenir avec sa mère s'en était fini de lui. Agneta était la première ambitieuse de cette planète, toujours à proposer des choses et à ce voir déçue puisque ces choses n'aboutissent en général pas. Surtout quand il s'agit de son fils, là, c'est tout spécialement mission impossible. Alors que la belle brune en prenne l'initiative... Le jeune homme voyait déjà la vieille blonde sauter partout dans le restaurant, elle serait même sûrement capable d'agresser le serveur pour lui annoncer la venue de son petit fils. Eh oui, c'était la famille Strömblad, mais heureusement pour sa dignité masculine, elle n'en fit rien. Même, elle se contenta de prendre les mains de la jeune femme dans les siennes, les serrant de toutes ses forces. Ma fille, tu viens de faire mon Noël tout entier, difficile de trouver un meilleur cadeau que celui-ci ! La suédoise soupira d'enchantement, tellement que Mikaël en rigolant sournoisement. Ne t'attends pas à grand chose maman, tu vas voir une sorte de monstre sortir d'un orifice béant et tu ne seras même pas capable de couper la chose dégueulasse que l'on appellera cordon puisque tu te seras déjà évanouie! Sarcastique, le jeune homme partageait toujours en lui le fait qu'il n'avait jamais aimé ce qu'on appelait communément "bébé" et qu'il avait toujours trouvé ces créatures répugnantes. La donne changerait sûrement à ce sujet puisque là, il s'agissait en effet de leur propre fils. Néanmoins l'idée de l'accouchement restait quelque chose d'abstrait et gluant, et ses remarques ne manquèrent pas de dégoûter au mieux son public féminin. Oh ça va, je suis en présence des deux femmes les plus importantes de ma vie et elles ne sont même pas capable de rire à mes blagues! Jouant l'homme vexé il s'amusa à se renfrogner dans sa barbes de trois jours, qui n'était pas plus grande à l'heure que la taille du foetus dans le ventre de son amante.

Heureusement le serveur arriva aussi promptement que possible, déposant à son tour le jus de fruit qui faisait assez ridicule à côté de la belle bouteille émeraude. Une chose était sûre : les suédois n'étaient pas simplement amateur de vodka, ils aimait tout aussi bien le bon vin et les bons champagnes! Surtout les champagnes français, qui savaient se faire remarquer. Bon eh bien, ignorant le goujat qui hante nos esprits purs et décontractés : j'aimerais trinquer à la soirée qui s'annonce, contrairement à ce phénomène d'hier, quelque chose de superbe! D'ailleurs, je trinque aussi à Noël, à l'anniversaire de Mikaël, à la naissance de votres fils, à la première sortie de votre fils, au premier mois de votre fils, au- Le suédois plaça sa main sur les lèvres mouvantes de sa mère Et au jour ou tu fermeras ton clapet pour boire une gorgée de ton verre! Un petit rire, tout en accompagnant le cristal jusqu'à la bouche de sa figure maternelle. Les cartes distribuées, il ne restait plus qu'à commander et de délecter de ce dernier repas dans la capitale.

Lynn regardait de manière relativement extérieure la petite joute verbale entre Mikaël et sa mère, non sans ponctuer leurs différents échanges à l’aide d’un rire absolument sincère. Ils lui faisaient un peu penser à la relation qu’elle entretenait avec son père, à ceci près que la brunette et Adam étaient nettement plus proches. Ils partageaient énormément de passions, de points communs et de façons d’appréhender la vie. Ils avaient vécu des choses similaires, et bien que le soldat ait toujours tenté de protéger son trésor de progéniture des pires évènements, il n’y était pas toujours parvenu. Une chance que personne ne soit en mesure de lire dans les pensées chaotiques de la jolie brunette, sans quoi il pourrait dire adieu à son potentiel sommeil paisible et innocent. « Santé, à la famille Strömblad ! » Quelque part, Lynn se sentait bien plus proche de ce clan restreint qu’elle ne le serait jamais du sien, son père mis à part. Le nom n’avait jamais guère d’importance pour une femme, puisqu’elle était susceptible de le perdre pour prendre celui de son mari… quant à leur fils, il était plus qu’évident dans l’esprit de l’espionne qu’il prendrait le nom de Mikaël. Lynn ne voulait pas que sa mère ait une quelconque influence sur lui, et quoi de mieux que de l’affilier à une famille bien plus normale que celle où elle avait vu le jour… « En tout cas, n’écoutez pas ce médisant, je suis sûre qu’il va être capable de chialer le jour J. En tout cas, si ce n’est pas d’émotion, ce sera parce que je vais le broyer la main en dix à cause de la douleur ! » Lynn gratifia le beau suédois d’un sourire forcé numéro trente-trois bis avant de déposer un baiser léger comme une brise sur ses lèvres afin qu’il ne joue pas aux grands vexés. Après tout, il restait en minorité ce soir, Tommy n’étant pas encore en mesure de prendre le parti de son adorable papounet musclé et barbu…

« Vous serez toujours la bienvenue, que ce soit avant ou après la naissance du bébé, on trouvera toujours de la place pour vous ! Et puis je suis sûre que vous serez curieuse de rencontrer mon père, qui est pire que vous et qui a sûrement déjà dû dévaliser tous les magasins de layettes de New York. Il a toujours regretté le fait de ne pas avoir de fils, alors je risque de devoir le maîtriser pour qu’il me laisse un peu m’en occuper ! » Ce n’était pas plus mal, car la venue de Tommy allait permettre à Adam d’avoir un vrai prétexte pour délaisser un brin le terrain. Chose qui n’était pas pour déplaire à Lynn, véritablement angoissée dès qu’il y retournait justement, à l’image de cette mission en Birmanie durant laquelle elle l’avait sauvé après de très nombreuses années à l’avoir cru mort. « C’est marrant que vous m’appeliez « ma fille », désolée de tiquer je n’ai pas l’habitude. » Ça, c’était le moins que l’on puisse dire !

Mikaël se jouait bien de la scène de genre qui prenait forme sous ses yeux. Il ne donnait pas une impression plus grande que ça au sujet de sa mère, mais il ne fallait pas se méprendre. La mère et le fils étaient sûrement aussi soudés que Lynn et Adam. C'était simplement qu'il avait gardé une distance, face au public, face à ses sentiments. Ce qui n'empêchait pas le fait qu'il considérait avoir été élevé par sa figure maternelle, pas de doute. Tout venait d'elle, et il était renaissant envers cette femme, plus qu'il ne l'était envers quiconque. Et surtout pas envers son abruti de père, qu'il n'avait jamais autant maudit que depuis la veille. Pourtant, durant son enfance il ne se rappelait pas avoir exprimé de la haine envers cet homme, du moins, pas autant qu'il en avait à ce moment même. Mais passant outre ses remarques intérieures, il paraissait en montrant un sourire qui contrairement aux apparences était sincère. C'était vrai que ces deux femmes dictaient sa vie, et il n'avait pas mentit en les appelants "importantes". La mère, l'amoureuse, que dire de plus, que dire de moins? Je sens que je vais me faire taper dessus par les mots toute la soirée! Vous êtes une association féministe crée dans le but de pouvoir m'en faire voir de toutes les couleurs? Avouez le! Le serveur en profitait pour repasser, voyant que le calme après les verres qui trinquaient était enfin revenu. Les trois personnes commandèrent alors, ne se cachant pas de dire que le garçon serait de service pour payer l'addition ce soir, honneur aux dames? Certainement pas! Maman, je te déconseille fort de venir à NYC, c'est bruyant, il y a des nuages de pollution partout et de la radioactivité à tout les coins de rues. Si tu ne veux pas rentrer avec un cancer démultiplié dans tous tes organes vitaux, franchement... Bien sûr il rigolait en feignant ne pas vouloir d'Agneta sur le territoire américain. Qu'elle soit présente lors de l'accouchement était une évidence. Voir la femme de sa vie faire des plans avec celle qui lui avait donné la vie était une des plus belles choses auxquelles il avait assisté. Si Adam serait présent pour les premières sorties masculines du futur petit bout, Agneta se devait de l'être aussi afin de lui donner une touche sensible, celle qu'elle avait su donné à Mike lui-même.

Que tu ne le veuilles ou non, j'ai reçu l'autorisation de la femme de venir, et c'est la seule qui compte à mes yeux. Sûrement pas celle de mon fils qui encore petit s'amusait à donner l'autorisation à ses camarades de classe de lancer des limaces sur les bureaux. Tu te souviens de ça? Hein? Tu veux que je raconte mes autres anecdotes à la charmante Lynn? Cette femme était vicieuse et elle savait s'y prendre avec le jeune homme qui la ferma aussitôt, pensa bien de faire profil bas pendant quelques minutes en pouffant de rire derrière sa serviette. Et ne t'avises pas de rire sinon je déballe l'histoire de la guitare! Même sa mère avait le sourire en coin, prête à éclater alors qu'elle essayait de se concentrer sur Lynn. Je suis la personne la plus curieuse que tu pourras trouver sur cette planète ma fille (elle rigola finalement) et je serais enchantée de rencontrer ton père, à moins que tu essayes de me rabibocher avec un bel américain... Je ne dis pas non mais la bague à mon doigt le dit pour moi! Mikaël leva les yeux au ciel : il n'y en avait pas une pour rattraper l'autre.

Chacun son tour de paroles, chacun ses piques bien propres, et Lynn ne serait définitivement pas la plus discrète de la soirée alors qu’on l’entendait pouffer de rire à l’autre bout du restaurant. A plusieurs reprises, des clients s’étaient retournés, comme s’il s’agissait d’un phénomène de foire à ne surtout pas louper. Mais la brunette se fichait de son image depuis très, très longtemps et avait bien décidé de ne surtout pas jouer de rôle ce soir. Laisser flotter les rubans, se faire porter par les évènements sans y accorder d’importance qui n’aurait pas lieu d’être… il s’agissait d’un tout nouveau comportement pour elle lorsque l’on ne la connaissait pas dans l’intimité, mais qui n’était pas désagréable. La preuve, une grande complicité se jouait déjà entre Agneta et Lynn, la brunette brûlant littéralement d’impatience d’obtenir des anecdotes croustillantes au sujet de son cher et tendre… ma foi, il faut toujours avoir un petit moyen de pression sous le coude au cas où, question de logique. « Je sens que cette soirée ne va pas manquer de révélations ! Mais je vous en prie Agneta, il me tarde de boire vos paroles… ! » Adam avait une fâcheuse tendance à être lui-même affreusement bavard dès qu’on osait lui parler de sa fille, mais il mettait bien évidemment de côté les évènements les plus gênants de sa vie. Il ne donnait que ceux n’ayant aucune importance, et qui pouvaient supporter une moquerie sans méchanceté, comme c’était le cas ici… après tout, la brunette n’était pas quelqu’un de cruel, pas envers Mikaël tout du moins. Elle ne l’avait jamais été et ce n’était pas demain la veille que cela changerait ! « Mon père est canadien, vous savez… si vous lui dites qu’il est américain, vous allez vous faire appeler Arthurette ! Et puis… croyez-moi, ma mère ne l’avouera jamais, mais s’il était au bras d’une autre femme, elle serait capable du pire. C’est une jalouse qui pense se cacher mais que je parviens très bien à cerner. Mais comme je n’accorde pas d’importance à ses menaces, figurez-vous que j’ai réussi à décider mon père à rencontrer du monde ! Et je l’ai coaché pour son rendez-vous galant. »

Difficile d’imaginer Lynn, handicapée du sentiment parmi la race la plus tenace, donner un cours de séduction à son vieux père afin qu’il brille en société… et dans les yeux d’une seule femme. Mais le fait est qu’il n’était pas remonté en scelle depuis un siècle et qu’elle considérait comme un gâchis scandaleux le fait qu’il n’ait jamais d’yeux que pour sa fille. Il avait droit à sa part de bonheur, après tout… « Vous êtes une femme d’honneur et votre mari est un crétin s’il ne s’en aperçoit pas ! » Bien qu’elle ait conscience de la délicatesse du sujet abordé, Lynn y apporta une légère touche humoristique, afin de dédramatiser la chose et de prouver qu’elle-même n’était pas d’une aise incroyable dès qu’il s’agissait d’amour… « Je pense en revanche qu’en tant que grand-père d’un côté et grand-mère de l’autre… vous lui donnerez des notions de délicatesse comme ça ! Histoire que Tommy ne se transforme pas juste en brute. Cela dit… vous serez sûrement navrée d’apprendre que votre fils ne m’a jamais offert de fleurs ! » Tout en tirant légèrement la langue à l’attention de Mikaël, cela n’empêcha pas Lynn de lui prendre subrepticement la main sous la table, juste pour la beauté du geste. Malgré les évènements de la veille, rigoureusement tragiques, la brunette avait l’impression qu’ils n’avaient justement jamais été si soudés et en symbiose.