Cette journée avait été bizarre. Par exemple ce matin mon réveil avait sonné une demi-heure plus tard alors que j'étais sure de l'avoir mis à la bonne heure la veille. Au début, j'avais flippé. Quelqu'un avait dû s'introduire chez moi et changer l'heure de mon réveil pour me mettre en retard... Et puis non, c'était tellement con que je préférais largement oublier mon côté parano le temps d'une journée. Ensuite, il s'était mis à pleuvoir et je déteste quand il pleut. Surtout en plein milieu des bouchons avec tout le monde qui s'énerve, les klaxons qui fusent et ma voiture qui prend l'eau. Finalement, j'étais arrivée en retard à l'ambassade et je n'avais pas réussi à traduire un discours long de plus de dix pages. Bref, j'aurais mieux fait de rester coucher. Alors je suis sûre que vous comprenez quand je vous dis que j'avais hâte de rentrer chez moi. La journée me parut interminable, mais vers la fin de soirée les bâtiments commençaient enfin à se vider. J'étais censée faire la fermeture alors j'ai attendu que la dernière personne présente claque la porte pour éteindre l'ordinateur sur lequel je cherchais désespérément les quelques mots que je ne savais pas pour le texte de demain. J'avisais un regard vers l'extérieur, constatant qu'il pleuvait toujours, je me décidais enfin à rentrer chez moi.

Malgré le temps, les rues grouillaient toujours de monde. Je mis l'alarme puis verrouilla les portes avant de courir jusqu'à la vieille Mini cooper noire qui me servait de voiture. J'étais consciente de la responsabilité que la direction de l'ambassade avait mis sur mes épaules. Donner les clefs d'une ambassade à une jeune fille comme moi, ça relevait de l'exception. Je savais bien qu'ils me faisaient confiance. Enfin, ils n'avaient pas vraiment confiance en moi, mais plutôt en mes parents qui étaient eux-même des ambassadeurs. Si jamais je perdais ces clefs ou me les faisait voler... ils savaient très bien à qui s'en prendre. C'est pour ça que je devais faire extrêmement attention. Sinon, mes géniteurs en payeraient le prix.
Une fois la voiture en route, je mis le contact et pris la direction de l'Upper East Side. Il était près de 20 heures et le trafic étaient anormalement fluide. Cinq minutes plus tard, je tournais pour entrer dans la rue. J'avais l'habitude d'avoir ma place de parking du fond, en face de chez moi. Déviant légèrement pour me positionner sur les places de parking libres, j'appuyai sur l'accélérateur. Soudainement, avant même de le voir, je ressentis un énorme choc. Un peu perdue, je ne réalisai pas tout de suite que je venais d'emboutir la Porsche garée juste devant moi. C'est bien lorsqu'une alarme se mit à sonner que je commençais à paniquer et à comprendre réellement ce qu'il venait de se passer. « ...NON ! Putain ! » commençai-je de dire, un peu sous le choc. Je regardai autour de moi. A qui cette voiture pouvait bien appartenir?... Je n'eus en tout cas pas le temps de frapper à toutes les portes en demandant : "excusez-moi, je viens de défoncer une voiture, ce serait pas la votre par hasard?" parce que quelqu'un était déjà sorti de chez lui pour voir ce qu'il se passait. « Je... Je suis désolée ! » avançai-je à l'homme qui se tenait sur le perron. « Je l'avais pas vu... » continuai-je, tentant de me calmer. « Vraiment... je suis navrée... Je vais payer. » ajoutai-je après avoir regardé l'arrière de la voiture enfoncé sous le choc, lui lançant par la suite un sourire désespéré. Oui, il y a vraiment des jours où il vaut mieux rester chez soi.

Les gouttes de pluie continuaient de tomber et venaient s’immiscer entre la peau laiteuse de la blonde et ses vêtements. En plus d'avoir enfoncer une Porsche, elle allait tomber malade... Lindsay était mortifiée. Comment avait-elle pu ne pas voir cette voiture? Elle n'était quand même pas myope à ce point ! Elle allait payer, mais à vrai dire, de ça elle s'en fichait. Aux dires du propriétaire de la voiture, ça allait lui coûter cher. Pourtant, lorsqu'elle aurait payée et si elle venait à lui repayer cette voiture, la trou dans son compte en banque se verrait à peine, elle en était sûre. Non... ses soucis étaient d'ordres moraux. Avoir détruit une voiture, c'est un poids sur la conscience et ça allait la travailler pendant un bon moment. Surtout si elle revoyait cet homme assez souvent puisqu'habitant le quartier... Ils étaient désormais voisins. « Lindsay-Maja Kennedy, j'habite à côté. » lui répondit-elle, préférant éluder ses deux premières questions. S'il voulait avoir l'adresse de son assureur, il allait falloir qu'elle aille la chercher chez elle. Concernant le petit surnom qu'il lui avait donné au début, ça l'avait plus énervée qu'autre chose mais elle s'était tue. Ce n'était pas le moment de jouer la gosse de riche qui veut se la jouer grande.

Elle encaissa la venue du concierge silencieusement et en les écoutant, il lui révéla la profession de son voisin. Docteur. Elle venait de défoncer la voiture d'un docteur... bon en même temps, elle savait où elle vivait et savait bien qu'en sortant de sa voiture après le choc, elle n'allait pas tomber sur le petit smicard du coin qui aurait payé sa belle voiture par l'opération du saint esprit. Ça aurait dû l'intimider encore plus mais elle avait tellement l'habitude de tomber sur des personnes aux hautes professions qu'elle s'y était adaptée. A l'inverse, pour elle c'était devenu dérangeant d'être face à quelqu'un qui était agent de nettoyage ou caissier mais vu son statut, elle n'avait pas vraiment la chance de croiser des personnes comme celles ci. Mais elle fut d'autant plus surprise lorsqu'elle l'entendit parler russe et ne pu s'empêcher d'esquisser un sourire. Depuis son arrivée à New York, c'était bien la première fois qu'elle entendait quelqu'un parler le russe. Elle devint soudain plus curieuse... elle se demandait où et comment il l'avait apprise, et peut-être même qu'il était russe? Laissant le silence s'installer, la blonde passa une main dans ses cheveux avant de répliquer : « Я привожу адрес страховщика? » (je vais vous chercher l'adresse de l'assureur?).