Quand elle était enfant, Jackie n’appréciait pas vraiment les animaux. Allergique aux poils de chien, elle a toujours eu une certaine réticence à l’idée d’approcher l’un d’eux. A douze ans, elle eut tenté et cela se finit aux urgences d’un hôpital de Denver. Depuis, elle les évitait. Chats, chiens, hamster, elle les évitait tous. Pourtant, un soir, alors qu’elle rentrait chez elle après une longue journée à cuisiner, Jackie s’est retrouvée en tête à tête avec un petit chaton dont elle ignorait tout. Elle l’avait trouvé devant sa porte d’entrée, sagement installé sur son paillasson. Le chaton n’était pas bien vieux, inquiète à l’idée de laisser mourir une créature aussi chou devant son perron, elle prit son courage à deux mains et le prit avec elle. Elle l’avait fait manger ce qu’elle pensait être bonne pour lui et s’était même surprise à lui adresser quelques gentillesses. Au bout de quelques heures, la jeune femme accepte de le prendre dans ses bras. Pas de crise de larmes, pas de toux… dieu merci, elle n’y était pas allergique ! Profitant de cette merveilleuse découverte, Jackie s’en donne à cœur joie et va même jusqu’à le caresser ici et là. D’abord la tête, puis le dos… elle en vient presque à le câliner. Chose qu'elle aurait surement fait si elle ne le savait pas tout droit sorti de la rue.
La nature faisant bien les choses, surtout quand il s’agit de chaton, Jackie finit par se faire à l’idée de l’accepter au sein même de sa petite famille qui ne comptait jusqu’alors que sa propre personne et un poisson rouge prénommé Chloé. Mais si elle voulait vraiment en faire un animal de compagnie, Jackie devait en accepter les conséquences. Premièrement, un chat, aussi petit soit-il… ça mange pas mal. De ce fait, la jeune américaine fit le plein de nourriture. Pâté, croquettes… tout y passa. Une de ses amies lui conseilla de le laver et le traiter contre les puces ce qu’elle fit. Mais après une semaine passée à le dorloter, elle pensa aux nombreuses maladies qu’un chat pouvait apporter. Non pas qu’elle avait peur de tomber malade à cause de lui, mais elle avait peur que lui-même tombe malade. En quelques jours Jackie était littéralement tombée amoureuse de sa petite boule de poil. Hors de question de le laisser tomber malade ! De ce fait, la jeune femme prit un rendez-vous chez un vétérinaire en ignorant que cette action allait lui couter très cher…
« Chut… chut… ça va aller… » Murmure-t-elle au jeune chat qui essaie tant bien que mal de s’extirper de ses bras. Apparemment, Gaston le chat n’est pas à l’aise à l’idée de rencontrer son nouveau médecin. Peut-être que les animaux ne sont pas si différents des humains après tout. Elle aussi était angoissée à l’idée de se rendre dans certaines salles d’attente. Celles des dentistes, par exemple, avaient le don de la mettre dans tous ses états. Elle en avait suffisamment peur pour se laver les dents plus que trois fois par jour… Peut-être que Gaston avait trouvé sa hantise, comme elle avait trouvé la sienne des années auparavant. Car rien n’est plus insupportable que l’attente chez un dentiste… enfin… il y a bien quelque chose, mais ça, Jackie préfère ne pas y penser. Ou plutôt à ne plus y penser. « Trop tard… » Souffle-t-elle alors prise d’une certaine amertume. Sentant son désespoir, Gaston finit par se calmer et prendre place aux creux de ses mains. La jeune femme sourit et essaie d’oublier ses vieux démons… mais y arrivera-t-elle un jour ? Ces démons, ou plutôt ce démon la hante depuis maintenant des années et rien, rien n’a jamais pu la soulager. Si seulement elle savait de qui elle avait peur…
« Miss Wexforth ? » A l’écoute de son nom, Jackie se relève d’une traite, réveillant ainsi le Gaston qui avait fini par retrouver son calme habituel. Chassant ses idées noires, Jackie suit les indications de la secrétaire et se dirige vers la première salle d’examen. Elle espérait tomber sur une femme. Les femmes sont généralement plus douces. C’est ce qu’elle pensait des médecins généralistes. Avec un peu de chance, c’est la même chose pour les vétérinaires. Ne doit-on pas être médecin avant d’être vétérinaire ? A moins que cela ne soit qu’une légende urbaine ? Elle n’aura qu’à poser la question. La tête baissée, Jackie entre dans la petite salle d’examen. Un sourire tout préparé sur le visage, elle relève finalement la tête, décidée à faire de son nouveau vétérinaire, un ami sur qui compter. « Bonjour doc… » Le cœur de Jackie ne fait qu’un tour. Sous le choc, elle lâche Gaston, qui bien que très jeune réussit à retomber sur ses pattes. Est-elle en train de rêver ? Ou bien est-ce un cauchemar ? Là, tout de suite, Jackie aurait facilement parié sur le cauchemar.
Récemment, sa vie avait pris un tournant qu'il n'avait pas vu venir, du moins pas avant quelques semaines auparavant. Après deux ans et demi de vie commune avec Nahla, il avait choisi de se séparer de la jeune femme ne lui laissant pas vraiment d'autre choix. Elle était celle qui avait fauté, qui l'avait trompé et qui lui cachait un tas de secrets qu'il ne saurait sans doute jamais, c'était bien suffisant pour cesser d'être avec elle. Roméo ne tenait plus à être un pion dans le jeu de l'africaine, hors c'est exactement la sensation qu'il avait eut ces derniers temps. Il avait bien essayé de la pardonner mais au final il avait compris que cela ne servait à rien, pour la bonne et simple raison qu'elle aimait Jayden plus qu'elle ne l'aimait lui, qu'elle l'admette ou non. Et puis, il était le père de Lucas, même si c'est Roméo qui avait été présent pour lui alors que son père était transparent. De quoi l'avoir mauvaise. Après quelques nuits sur le canapé de celle qu'il considérait comme une petit-soeur, Roméo venait d'emménager avec Calliopé, tentant tant bien que mal de s'adapter à cette nouvelle vie avec une colocataire lambda plutôt qu'avec sa fiancée.
Comme s'il ne pouvait s’arrête à un changement radical, le vétérinaire s'était également rapproché de sa collègue après un voyage en Afrique dans le cadre de leur travail. Inès lui avait déjà fait des avances plutôt claires le soir ou il avait appris son adultère mais il avait tout cela sur le compte de l'alcool. Grosse erreur, elle ne cessait depuis de lui tendre des perches plus qu'évidente qu'il tentait d'éviter du mieux qu'il le pouvait sans la vexer. Lors de leur voyage, il avait pourtant cédé à plusieurs baiser sans trop savoir si c'était une question d'attirance ou juste cette proximité, le fait qu'il n'y aie qu'eux... toujours est-il qu'à présent, il se sentait assez mal vis-à-vis d'elle. La jeune femme se montrait compréhensive mais cela ne l'empêchait surement pas de le maudire intérieurement, tant pis. Après deux ans et demi de relation, Roméo avait besoin de temps seul, de se remettre les idées en place et non de sauter sur la première relation - bien que celle-ci lui soit servie sur un plateau d'argent, sans le moindre effort de sa part. Par chance, ils arrivaient tout deux à rester professionnel à la clinique, bien que Roméo se fasse de plus en plus silencieux depuis leur retour. Le fait de l'avoir aperçue dans les bras d'un autre n'aidait pas vraiment non plus, comme s'il n'était pas suffisamment embrouillé.
Cette « histoire » ne l'empêchait pas de venir au boulot, loin de là, il s'y plongeait corps & âme et y accordait bien plus de temps qu'il ne le devait. Si Roméo avait toujours été quelqu'un de très assidu, il l'était d'autant plus depuis quelques jours. Madame Tonissen dehors, il poussait un long soupire et s'accordait une gorgée d'eau avant d'adresser un signe à Ozalee de faire entrer la personne suivante. Les yeux rivé sur son calepin dans lequel tous ses rendez-vous apparaissaient, il relevait la tête interpelé par le nom qui s'y trouvait. Et il avait raison de l'être. « Bonjour doc… » Les yeux écarquillés, son coeur ratait un battement alors qu'il se figeait complètement. Elle, ici. il n'en croyait pas ses yeux et se forcer à cligner fermement pour être certain de ne pas halluciner. Après un court moment qui lui semblait être une éternité, Roméo se forçait à reprendre ses esprits et se levait pour se diriger vers elle, s'abaissant pour prendre le chaton qu'elle tenait à la main précédemment au passage. « Jackie... » C'était la seule chose qu'il trouvait à dire, comme si prononcer son prénom allait lui confirmer qu'elle était bien là alors qu'il pouvait le constater de ses propres yeux sans aucune confirmation de la jeune femme. « Il n'a rien sentit, je te rassure. » finissait-il par lâché en lui désignant le chaton, même si à son expression il devinait qu'elle l'avait complètement zappé. Il aurait voulu en faire autant mais le jeune homme ne trouvait rien à dire après tant d'années sans nouvelles d'elle, résultat il se réfugiait dans une phrase basique sur ce qu'il connaissait le mieux, les animaux.
Jackie se sent défaillir. Roméo, son Roméo se tient là, à quelques mètres d’elle. Son souffle est court mais les battements de son cœur n’ont jamais été aussi rapide. Si… ils l’ont déjà été… pense alors Jackie en sentant un nœud se former au plus profond de ses entrailles. Sans réellement le vouloir, elle repense à cette fameuse nuit durant laquelle Roméo avait promis de la rejoindre… la nuit où il l’avait abandonné. Abandonnée, ou pire encore. Sur le coup, la jeune américaine ressent le besoin vital de prendre la fuite. De tout abandonner et de courir le plus loin possible de ce minuscule cabinet. « Jackie... » Sérieusement ? A-t-il réellement osé l’appeler par son prénom ? Qui était-il pour être aussi familier ? Qu’est-ce qui lui donne le droit de penser qu’il peut faire comme si de rien n’était. Comme s’il ne l’avait jamais abandonner. De faire comme s’il n’était pas responsable de tous ses malheurs ? Bien vite la peur de Jackie laisse place à une colère noire et une rancœur sans nom. Elle n’a envie que d’une seule chose, là maintenant ; lui sauter à la gorge et lui arracher la langue pour l’avoir ainsi traité. S’est-elle amusé à l’appeler par son prénom ? Non monsieur !
Mais Jackie n’a pas le temps de se la jouer théâtral. Roméo, qui semble aussi gêné qu’elle, finit par s’approcher. Automatiquement, Jackie recule. Sans vraiment le remarquer, le jeune vétérinaire attrape le chaton et semble vouloir rassurer sa maitresse qui n’en a strictement rien à faire ! « Il n'a rien sentit, je te rassure. »Tu peux te le mettre où je pense ! Hurle la voix intérieure de Jackie. Mais Jackie n’en fait rien et essaie de garder un certain self-control. Pendant des années elle avait souhaité le recroiser au coin d’une rue… elle l’avait aimé, elle l’avait désiré… aujourd’hui ne reste que la haine et une certaine peur. « C’est Mrs. Wexforth… et nul besoin de me rassurer. » son ton est sec mais sonne faux. Elle n’a jamais été ce genre de femme insupportable. « Pardon… je ne voulais pas… » Aussitôt Jackie s’en veut de s’être ainsi excuser. « Juste… juste vaccinez-le qu’on en finisse. » Le regard fuyant, Jackie essaie de regarder tout autour d’elle sans même jeter un coup d’œil à son ancien amant (qu’on peut traduire ici par amoureux…). Elle ne l’a aperçu que quelques secondes en tout et a du mal à le regarder en face. Un long silence s’installe alors. Occupée à regarder ailleurs, Jackie a du mal à savoir si Roméo finit par s’exécuter ou s’il continue de l’observer.
« Je… » Commence-t-elle avant de se stopper nette. Elle n’était pas prête à engager la conversation. Et puis que peut-elle bien lui dire ? Pourquoi m’avoir abandonné ? Pourquoi m’avoir violé ? Pourquoi ne pas m’avoir contacté ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant alors que je commence à peine à m’en remettre ? Des questions qui n’auront sans doute jamais de réponses. Et veut-elle réellement connaitre les réponses ? Ne préfère-t-elle pas tout simplement les ignorer ? La vérité peut se révéler être bien plus dure que l’ignorance. Elle n’est pas prête à prendre le risque. Elle ne veut pas prendre le risque de s’écrouler face à lui. Il ne le mérite pas. Personne ne le mérite. Elle a muri, elle n’est plus cette petite fille fragile et impressionnable. C’est du moins ce qu’elle espère. Mais après ce long silence, et une remontée incontrôlable de ressentiments, un seul mot finit par sortir : « pourquoi ? »
Un résumé plutôt bref de tout ce qui lui passe en tête. Jackie, silencieuse, espère simplement ne pas avoir à regretter cette porte qu’elle vient tout juste d’entre-ouvrir.
Dernière édition par Jackie G. Wexforth le Mar 22 Jan - 19:11, édité 2 fois
S'il y a bien une personne sur Terre qu'il était persuadé de ne jamais revoir, c'était bien elle. Roméo avait tenté de la retrouver et ce durant plusieurs jours lorsqu'il avait été remis sur pieds avant d'en venir à la conclusion qu'elle était repartie, comme prévu. A l'instant même ou ils avaient commencé à rester ensembles, il avait su que ça ne pouvait durer, que ce voyage allait finir et qu'elle quitterait les Émirats, il s'était juste imaginé avec une chance de lui dire au revoir, ce qu n'était pas arrivé. Au lieu de cela, il avait traversé les pires jours de sa vie et l'avait perdue elle aussi, comme si le reste n'était pas suffisant. Sans numéro de téléphone, Roméo n'avait pas eut la force de remuer ciel & terre alors qu'il était au plus bas et avait simplement laissé tombé. Elle ne lui en voudrait pas de ne pas avoir essayé plus fort puisqu'ils ne se reverraient jamais. Échec & math.
Gardant le chaton contre sa poitrine, Roméo le caressait nerveusement du pouce en voyant Jackie prendre des couleurs. « C’est Mrs. Wexforth… et nul besoin de me rassurer. » Déglutissant péniblement, il plissait les yeux en commençant à se demander si elle ne l'avait pas complètement oublié, par accident ou parce qu'elle le désirait. Mais non. Le ton froid qu'elle employait suffisait à savoir qu'elle savait parfaitement qui il était et que c'était d'ailleurs là le vrai problème. « Pardon… je ne voulais pas… » Roméo n'eut même pas le temps de se soulager, de lu adressez un sourire que déjà elle le refroidissait à nouveau. « Juste… juste vaccinez-le qu’on en finisse. » Le simple fait d'être vouvoyez lui mettait une énorme claque. Non pas qu'il se soit attendu à ce qu'elle lui saute au cou, mais là, elle lui glaçait carrément le sang. Baissant la tête vers l'animal, Roméo espèrait un instant qu'elle ne soit pas aussi radicale avec lui, souriant immédiatement à cette pensée. Oui, il lui arrivait d'avoir des conneries qui lui venaient en tête au plus mauvais moment. Par chance, elle ne l'observait pas et n'avait donc pas peut le remarquer, ce qui valait mieux pour sa vie.
En quelques pas, Roméo posait l'animal sur une table spéciale, prêt à exécuter les ordres qu'elle lui donnait sans chercher misère. Il était professionnel, apprécié de tous ici et en vue de ses relations étranges avec Inès ces derniers temps, il ne voulait pas se faire remarquer un peu plus en se mettant une cliente à dos. « Je… » Levant les yeux vers la jeune femme, il demeurait silencieux pour ne pas la brusquer. « Pourquoi ? » fronçant les sourcils dans un premier temps, son visage finissait par se détendre, satisfait de pouvoir avoir la conversation qu'ils auraient avoir il y a de cela des années. « Parce que ton numéro ne fonctionnait plus et je n'étais même pas certain de ton nom. » Et que je n'ai pas eut la force d'essayer. Si elle se demandait pourquoi il ne l'avait pas cherchée, c'était là son unique réponse. Pour le reste... il crispait la mâchoire rien qu'en repensant à ce jour fatidique qui avait été le pire de toute son existence. « J'ai eut un accident et tu étais partie quand... ça allait mieux. » Quand il était sortit du coma, quand il s'était remit de ses nombreuses opérations, et surtout lorsqu'il s'était encré dans la tête que Mona ne serait plus jamais là. Détournant les yeux, il reportait à nouveau attention sur le chat, qui était bien plus facile à amadouer. Roméo était certes désolé de ne pas avoir chercher après elle mais à l'époque mais il avait eut suffisamment de choses en tête et il devait bien l'admettre, Jackie n'avait plus fait partie de ses priorités. Il avait pourtant eut besoin de son soutient, ce pourquoi il lui en avait d'ailleurs voulu de ne plus être là même si elle ne pouvait le deviner. Toujours est-il que cette rancoeur l'avait aidé à avancer et ne plus y penser.
Si Jackie a passé le plus clair de son temps à esquiver son regard, elle change radicalement de façon de faire quand celui-ci se reprend la parole. Elle scrute chaque recoin de son visage cherchant des signes qui prouvent ses dires ou encore les trahissent. Mais au fond d’elle, elle sait pertinemment que même si dieu venait en personne témoigner de l’honnêteté de Roméo, elle ne le croirait pas. Elle l’avait déjà jugé, elle qui a longtemps pensé s’être débarrassé de cette rancœur qui l’a tenue durant des années. A chaque syllabe, à chaque mot, elle tente de retenir son impatience. Peu importe qu’ils se soient perdu de vue. Peu importe qu’ils ne se soient jamais revu. Parce qu’au final, tout ce qu’elle voulait, c’était de savoir. Si le plus grand amour de sa vie était lié à son plus grand malheur. Gaston, ce pauvre Gaston n’a plus aucun intérêt pour la jeune américaine qui continue de fixer Roméo comme une veuve fixerait l’assassin de son cher et tendre. Coupable, il doit être coupable. « J'ai eu un accident et tu étais partie quand... ça allait mieux. » Impossible. Improbable. Invraisemblable. Tous les synonymes ne suffiront pas à traduire le ressentiment qu’éprouve Jackie à cet instant… Si ce que Roméo dit ce révèle être vrai, alors tout ça ne serait que coïncidence ? L’abandon… le viol. Tout cela se résumerait au fait que Jackie était au mauvais endroit, au mauvais moment ? Un coup dur pour une fille qui ne croit pas au destin.
Consciente que son regard se fait de plus en plus insistant, Jackie se ravise et détourne son regard. Tout ça n’est qu’un mensonge. Impossible que cela soit vrai. Il ment, il continue de jouer avec elle. Au final, rien n’a changé. Elle est toujours son jouet. Il se rit d’elle, il profite de sa faiblesse. « J’aurai dû… » Commence-t-elle avant de lâcher une larme. Aussitôt, la jeune femme s’en débarrasse d’un revers de manche. Elle qui aimait se montrer forte, s’écroule littéralement devant les yeux de l’homme qu’elle haïssait aujourd’hui plus que quiconque. « J’aurai du t’envoyer derrière les barreaux pour m’avoir fait subir ce que tu m’as fait subir… » Dit-elle dans un souffle à peine audible. Puis, après la peur et la colère, place à la rage. « Un accident ? Sérieusement ? Tu n’as rien trouvé d’autre ? Lâche ! Tu es un lâche, voilà ce que tu es ! Je t’ai fait confiance… Je t’ai aimé ! » Le ton monté et bien vite, Jackie se surprend à hurler. « Tu m’as fait endurer pire que la mort ! Tu m’as brisé ! J’ai tout perdu pour toi ! Tout ! » Les larmes s’en mêlent et dégringolent le long de ses joues rougies par la colère qui la contrôle. C’est la première fois qu’elle lâche prise de la sorte et la jeune pâtissière doit bien avouer que cela lui fait un bien fou. Pourtant, elle sait pertinemment que rien de ce qu’elle dira ne fera mouche. Les êtres dans son genre n’ont aucun remord… pathétique… il était pathétique… comme … elle ?
La jeune femme silencieuse, vient de croiser son propre regard par le biais d’un miroir non-loin. Elle est méconnaissable. Son visage a viré au rouge, ses yeux sont bouffis ; inondés de larmes. Elle se fait peur… elle se fait pitié. Elle qui voulait se montrer si forte s’était une nouvelle fois brisée. Roméo, tout est de sa faute. Dans les bras du jeune homme Gaston crache encore et encore de colère ou de peur. Elle en arrive même à faire peur à une bestiole. Honteuses, elle cache son visage entre ses mains et fuit littéralement la pièce. Elle traverse la salle d’attente en évitant les regards choqués des autres patients et employés et finit par se retrouver devant la clinique… en proie au froid et au vent qui vous glace le sang.
Elle pouvait mourir là, maintenant, peu importe ! Elle en a assez d’avoir peur. Elle en a assez de se réveiller chaque nuit en sueur… de regardait plusieurs fois par minute si personne ne la suit dans la rue. Elle est fatiguée d’attendre le retour de son agresseur. Et si Roméo dit vrai. Si ce n’est pas lui… cela voudrait dire qu’elle s’est donné à un étranger. Bien qu’elle haïssait Roméo pour ce qu’elle pensait qu’il avait fait, elle aimait penser qu’il l’avait fait par amour… elle rit à en pensant cela. Quelle idiote ! Tu l’as aimé certes, mais qui te dit qu’il en a fait de même ? Oui. Mourir n’était pas une si mauvaise idée après tout…
Roméo parlait rarement de l'accident qui avait fait basculé sa vie, pour ne pas dire jamais. Peu de personnes étaient au courant de ce dernier, Charlie parce qu'il avait une confiance aveugle envers la jeune femme ainsi que Nahla qui n'était pas passée à côté de ses cicatrices. Certaines ne passaient pas inaperçus, notamment celle qui lu coupait le bas du bassin et puis le jeune homme était bien trop sensible à des dates bien précises pour passer sous silence le décès de sa soeur. Il avait passé deux ans et demi de sa vie avec cette femme et s'était vu l'épouser, il était normal qu'elle sache. En voyant le regard de Jackie se durcir, le juger, le vétérinaire se demandait pour quelle raison avait-il décidé de lui balancer cette vérité alors qu'au final il la connaissait à peine. Des gens bien plus proches n'avaient jamais eut cette simple version raccourcie et il l'a balançait à une inconnue qui ressurgissait de nul part. Visiblement, l'idée qu'il aie pu avoir un accident ne la touchait pas pour un sous. A l'inverse il avait l'impression d'avoir tué quelqu'un et retrouvait en elle le regard que ses parents lui adressaient dés ce jour fatidique, ce qui ne fit que le mettre en colère en se remémorant ces durs instants. Il était coupable à leurs yeux et sans que Jackie n'aie l'histoire au complet, il semblait l'être pour elle aussi.
« J’aurai dû… » Laissant le chat sur la table, incapable de se concentrer plus longtemps sur ce qu'il faisait, Roméo haussait un sourcil comme pour l'invité à continuer. Grosse erreur. « J’aurai du t’envoyer derrière les barreaux pour m’avoir fait subir ce que tu m’as fait subir… » Écarquillant les yeux, l'émirien ne savait pas s'il était supposé rire ou pleurer face à sa déclaration, elle ne pouvait être sérieuse. Sur le coup, sa seule pensée fut même qu'elle était complètement folle, depuis quand valsait-on en prison pour ne pas s'être rendu à un rendez-vous? C'était du délire. Il n'osait pourtant pas affiché le moindre rictus et restait de marbre en constatant qu'elle était sur le point d'exploser de colère, voir de tristesse il n'en avait pas la moindre idée. « Un accident ? Sérieusement ? Tu n’as rien trouvé d’autre ? Lâche ! Tu es un lâche, voilà ce que tu es ! Je t’ai fait confiance… Je t’ai aimé ! » Malgré le choc de ses paroles, le vétérinaire ne pouvait s'empêcher de vérifier avant tout que sa porte était bien fermée, refusant de se faire remarquer sur son lieu de boulot pour un rendez-vous manqué d'il y a huit ans. Il était sous le choc et parvenait à peine à avaler et comprendre ses paroles tant son état l’inquiétait. « Tu m’as fait endurer pire que la mort ! Tu m’as brisé ! J’ai tout perdu pour toi ! Tout ! » Levant ses mains pour lui faire signe d'arrêter ça tout de suite, Roméo restait de marbre et tentait de garder son calme pour ne pas se mettre à hurler lui aussi. Si elle avait un quelconque soucis mental, ce n'était pas en lui hurlant dessus que ça allait s'arranger. Il l'avait abandonné une fois, il serait là pour l'aider à présent même si en vue de ses paroles, l'approcher n'allait pas être chose facile.
Roméo mit un certain temps à réagir en la voyant quitter précipitamment la pièce et tournait un regard vers la bête bien malgré lui. S'il subissait ça tous les jours, il plaignait sincèrement l'animal. L'attrapant dans la paume de sa main dans lequel le chaton tenait, Roméo sortait finalement en espérant ne pas avoir perdu trop de temps, le plaçant sous les yeux d'Ozalee qui n'aurait d'autre choix que de s'en occuper le temps qu'il revienne - espérons avec sa propriétaire. Devant la clinique, Roméo s'approchait lentement. Il mourrait d'envie de lui prendre ses mains mais craignait de déclencher une nouvelle crise chez la jeune femme. « On ne va pas en prison pour un rendez-vous manqué. » lançait-il finalement, ayant gardé malgré lui ses paroles au travers de la gorge. « Je suis désolé si tu as souffert de ma faute, si je ne suis pas venu ce soir là mais crois-moi j'avais autre chose à faire, comme tenter de rester en vie. » Il tentait de s'excuser puisqu'il semblait lui avoir fait bien plus de mal qu'il ne le pensait. Son " je t'ai aimé " n'était pas passé inaperçu, mais il n'était pas certain de pouvoir en dire autant. Roméo avait été très attaché à elle, c'était un fait... de là à parler d'amour, il n'en était pas persuadé. Le fait qu'il aie cru être amoureux de Nahla pendant deux ans et demi et qu'il finissait par la perde n'aidait franchement pas à identifié clairmeent ses sentiments. Pour l'instant, il était juste perdu. Elle aussi, puisqu'il était persuadé qu'elle ne le croyait pas ce qui avait le don de l'énerver petit à petit. « Il te faut mon dossier médical pour me croire? » demandait-il finalement en laissant retomber ses bras contre son corps, exaspéré d'en venir à lui proposer cela. L'eau avait coulé sous les ponts et bien qu'il souhaitait qu'elle le pardonne parce qu'il tenait énormément à elle, il ne comptait pas se mettre à genoux pour qu'elle le fasse, pas alors qu'il n'avait strictement rien fait de son plein gré.
Jackie se laissait bercer par le vent glacé qui caractérisait les mois hivernaux. Elle avait toujours aimé passé l’hiver à New York. Les décorations de noël, ou même ceux de fin d’année avaient quelque chose de réconfortant. Peu à peu, sa colère et sa haine s’estompèrent ne laissant qu’un sentiment de bien-être superficiel. Elle savait pertinemment qu’elle devait retourner à l’intérieur. Elle devait l’affronter. En repensant à toutes ses choses qu’elle lui avait dites, Jackie se mit à rougir. Quelle honte. Elle s’était livrée comme ça, sans prévenir… l’accusant d’une chose dont il semblait tout ignorer. Elle s’en voulait tellement pour ça. Si bien qu’elle aurait voulu revenir en arrière. Effacer ces quelques minutes. Revenir à ce matin, choisir une autre clinique, croiser un tout autre vétérinaire. Mais elle savait que cela n’avait rien de réalisable. Non. Elle devait affronter sa peur, retourner dans cette foutue clinique pour récupérer Gaston et partir de la façon la plus honorable possible. Et pourquoi ne pas s’excuser auprès de Roméo qui n’y était peut-être pour rien après tout. Son visage ne cessait d’apparaitre derrière ses paupières toujours closes. Comment avait-elle pu le croire coupable ? Lui qui s’était toujours montré si doux…. Non, ce n’est pas le moment de repenser à tout ça ! Cette histoire faisait partie de son passée et devait y rester. Le simple fait de le recroiser, des années plus tard, ne voulait strictement rien dire. Coupable ou non, elle devait se résigner à l’oublier.
« On ne va pas en prison pour un rendez-vous manqué. » Jackie sursauta en entendant la voix de Roméo. Elle ne l’avait pas vu arrivé. Pourquoi était-il encore là ? Pourquoi ne pas simplement la laisser partir ? Il ne lui devait rien. Si ce qu’il disait été vrai, il n’avait aucune raison de s’en vouloir. Jackie avait beau avoir un caractère de chien, elle n’avait jamais été du genre à jeter la pierre au premier qui osait lui poser un lapin. Certes, cela avait conduit à un viol, mais devait-il forcement en portait la responsabilité ? Mais malgré sa honte et ses regrets, Jackie ne put s’empêcher de faire un pas de côté. Elle continuait de se méfier ; Une habitude qu’elle prenait avec tous les hommes qui se tenaient trop près. « Je suis désolé si tu as souffert de ma faute, si je ne suis pas venu ce soir-là mais crois-moi j'avais autre chose à faire, comme tenter de rester en vie. » Jackie ne bougea pas d’un cil. Ce n’était pas la première fois que Roméo faisait allusion à un éventuel accident. Elle ne put s’empêcher de se sentir coupable. Elle avait été stupide et immature en l’accusant de la sorte. Elle ne s’était souciée que d’elle… oubliant qu’elle n’était pas le centre du monde. Qui était le monstre à présent ? Cette idée la fit frissonner. Elle croisa les bras, essayant de se réchauffer un minimum.
Elle ne savait pas quoi dire, ou même quoi faire. Elle se sentait horriblement stupide. Il avait toujours été gentil avec elle. Durant son voyage, il lui avait fait voir des endroits merveilleux, et elle regrettait tellement que tous ces souvenirs aient été gâchés par cet… incident. « Je suis désolée pour tout ça. » dit-elle finalement en plongeant ses yeux dans ceux du vétérinaire. Elle avait toujours du mal à le regarder droit dans les yeux. A cause de la honte surement, mais aussi de la peur. Voilà des années qu’elle avait pris l’habitude de fuir le regard des autres. Elle avait peur d’être jugée, que les gens se rendent compte qu’elle cachait quelque chose. « Je n’aurais jamais dû réagir de la sorte… c’est juste que te revoir… » Elle déglutit. « Te revoir a fait ressurgir tous ces souvenirs… » Ses yeux ne tenaient plus. Ils se mirent à fuir les pupilles brillantes de Roméo pour se contenter de ses lèvres. « Ce soir-là, quand tu n’es pas venu… Je… » Le mot qui aurait dû suivre n’était pas un mot qu’elle aimait dire. Son viol était son plus gros secret, sa plus grande honte. L’avouer n’avait jamais été facile. « Je me suis faite agresser… J’ai longtemps pensé que tu pouvais y être pour quelque chose. » Les larmes lui montaient aux yeux mais elle réussit à les contrôler. « Je suis désolée. Pour la crise de nerf… pour les cris… et même pour avoir pu penser que tu y étais pour quelque chose. » Elle se mit à rire nerveusement. Elle n’était pas vraiment habituée à déballer tous ses sentiments de la sorte. Et si elle le faisait, c’était généralement devant un psychanalyste. « Et je suis désolée d’avoir dit que je t’aimais… j’ai un peu exagéré de ce côté-là… je t’aimais bien… je te considérais comme un ami. » Ca c’était faux. Mais Jackie n’avait aucune envie de passer pour une folle furieuse. Quoique de ce côté-là… c’était déjà pas mal entamé.
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