En quelques mois, la vie de Kate avait énormément évolué. La jeune femme avait d'abord quitté l'île sur laquelle elle avait vécu une demi décennie pour s'installer à New York, et ce juste avant de rompre avec son petit ami. C'était arrivé six mois plus tôt et même si Kate ne regrettait pas sa décision, elle ne l'avait pas particulièrement bien vécu et ce n'est que depuis quelques semaines qu'elle commençait à redevenir positive et à sourire de nouveau. Ces récents évènements avaient donné une drôle d'envie à la brunette: reprendre sa vie en main et en changer complètement. Et elle n'avait pas fait les choses à moitié. Elle avait en premier lieu décidé de quitter la grande maison que ses grands parents maternels lui avaient laissée. Elle s'était rendue compte qu'il était absurde de vivre seule dans une si grande demeure de l'Upper East Side. Elle avait donc trouvé un logement dans Greenwich Village d'une taille plus raisonnable. Ça, ce n'était que la première étape d'un grand changement. La deuxième était sa démission. La lettre avait été envoyée trois jours plus tôt à Seattle, là où son père dirigeait l'entreprise, les bureaux de New York ayant pour principal rôle de faire main basse sur la cote est et l'Europe. Kate elle, placée au poste de directrice d'un des départements de la société établie dans la grosse pomme, avait déjà quitté son bureau. Son paternel n'avait pas encore ouvert sa lettre de démission, elle en était certaine. Dès que ce serait le cas, elle aurait le droit à un coup de téléphone et à la colère de l'homme d'affaire. Bizarrement, elle n'en avait rien à faire. Elle savait qu'il trouverait une personne bien plus qualifiée qu'elle pour le poste qu'il lui avait confié. Et s'il ne voulait pas comprendre que l'architecture lui manquait, alors tant pis pour lui.
Cela faisait donc une semaine que Kate n'avait pas travaillé et qu'elle visitait des locaux pour y installer son nouveau cabinet. Elle était tout à fait consciente qu'à New York, il serait beaucoup plus difficile d'avoir la même excellente réputation qu'elle avait sur sa petite île du Pacifique où la création d'un aéroport lui avait suffit à être désignée comme la meilleure. Ici, les choses étaient différentes. Il ne lui suffirait pas de faire du bon travail et elle allait devoir se faire de bonnes relations avec des gens influents, ce qui allait être d'autant plus compliqué maintenant qu'elle avait décidé de dire adieux à tous les privilèges auxquels elle avait toujours eu le droit. Et pour cause, le troisième et l'ultime changement consistait à se débarrasser de tout l'argent qui dormait sur son compte en banque et dont elle ne savait plus quoi faire. Elle n'avait jamais vraiment été attirée par l'argent même si elle devait admettre qu'elle en avait largement profité. Mais plus le temps passait, plus elle se rendait compte qu'il faussait les rapports humains et que c'était un privilège bien superficiel.
Aujourd'hui, Kate avait prévu de déballer les dix derniers cartons encore entassés dans l'entrée de son appartement. En fait, c'était un duplex lumineux de cent vingt mètres carré situé aux quatrième et cinquième étages d'un bâtiment typique du village. Au premier niveau se trouvaient un salon, une salle à manger et une cuisine et au deuxième il y avait deux chambres et une salle de bains. C'était donc un logement spacieux mais Kate n'avait pas pu se résoudre à acheter quelque chose de plus petit. Cependant, elle était plutôt fière de s'être tenue à un budget relativement serré pour remplir son nouveau nid. Presque tout l'ameublement venait du royaume du meuble pratique et surtout bon marché: Ikéa! Elle avait donc passé des heures à monter des meubles en kit, de la table de la salle à manger aux rangements de la cuisine en passant par le meuble de télévision et la bibliothèque du séjour. La veille, elle avait terminé de monter les étagères de sa nouvelle penderie, deux fois plus petite que son ancien dressing. Heureusement, Kate n'aimait pas faire les boutiques et même si elle avait une garde robe bien fournie elle n'achetait pas de vêtements juste pour qu'ils s'entassent dans ses placards, comme c'était le cas pour beaucoup de femmes. Elle avait donc assez de place pour tout ranger.
Il était dix-sept heures les derniers cartons n'avaient pas été déballés mais tous les vêtements étaient enfin pliés et rangés. A présent, Kate s'attaquait au seul meuble qu'elle n'avait pas encore monté: le meuble d'ordinateur. Il devait prendre place dans la deuxième chambre, qui servait de bureau à la jeune architecte. Bien qu'étant patiente pour ce genre de casse-têtes, elle s'énervait sur le montage. A chaque fois qu'elle devait monter une pièce, une autre s'écroulait et à moins d'avoir quatre mains pour tenir et viser la première tout en soulevant la deuxième, il lui était impossible de le faire seule. Il était bien indiqué sur la notice qu'il fallait être deux pour y arriver mais cela n'avait pas découragé Kate puisqu'il y avait la même indication sur la moitié des autres notices et elle n'avait eu besoin de l'aide de personnes jusque là. Cette fois, elle renonça au bout d'une heure lorsqu'elle se fit mal au poignet. Elle fila prendre une douche bien fraîche et en sortit quelques minutes plus tard, une serviette autour d'elle. Puis elle alla ouvrir la baie vitrée du salon afin de chasser l'odeur de peinture fraîche. Elle porta un regard circulaire sur la pièce, qui comme toutes les autres était dans un style contemporain et sobre. Un sourire s'afficha sur son visage, traduisant sa satisfaction du résultat. C'est en posant son regard sur la table basse qu'elle remarqua une serviette en papier qui y était posée. Elle la saisit et lut ce qu'elle avait elle même écrit. Quelques jours plus tôt, elle s'était rendue dans un café de Noho où une annonce était scotchée au mur, près du comptoir. Un groupe de musique cherchait un guitariste. Sachant que cela ne l'engageait à rien de simplement prendre le jour et l'heure de la répétition qui avait lieu dans l'arrière salle du café, Kate l'avait reporté sur la fameuse serviette. Puisqu'elle avait décidé de changer de vie, c'était le moment où jamais d'affronter la timidité qui l'avait toujours empêché de jouer devant d'autres personnes que ses amis très proches. La répétition se déroulait aujourd'hui et débutait à dix-huit heures. Il restait donc une heure à la jeune femme pour se préparer et se rendre au café. Elle alla donc se sécher les cheveux dans la salle de bains, s'habilla d'un jean noir et de deux débardeurs superposés, le premier blanc, le deuxième bleu marine. Enfin, elle s'attacha les cheveux en queue de cheval, comme elle le faisait toujours pour jouer, que ce soit au piano ou à la guitare. Une fois prête, elle prit sa guitare et quitta son appartement, direction le café, qui n'était qu'à quelques minutes de chez elle. Arrivée sur place, le gérant lui indiqua qu'elle était en avance. Kate jeta un coup d'oeil à sa montre et put constater qu'il était dix-huit heures moins dix. Elle posa donc sa guitare contre le bar, s'installa sur un tabouret et commanda une eau pétillante. Ce n'est que maintenant qu'elle se rendit compte qu'elle n'avait préparé aucun morceau et qu'elle allait devoir montrer quelque chose qu'elle avait récemment joué afin d'être sûre de ne pas avoir de trou de mémoire. A présent elle avait le trac car non seulement elle allait devoir jouer devant les membres d'un groupe qu'elle ne connaissait pas mais ils allaient aussi la juger. Mais quelle idée elle avait eu de venir...
Dernière édition par Kate Evans le Mer 26 Aoû - 20:39, édité 1 fois
Lorsque je me suis réveillé j’avais mal aux cheveux. Et mal au dos à avoir dormi sur mon canapé aussi. Mes fringues sentaient l’alcool ou bien c’était juste tout mon corps qui en était encore imbibé. Je devais avoir une sale tête. J’ai louché sur ma montre pendant une bonne dizaine de minute avant de tirer un peu sur la veste qui m’avait servis de couverture. Je voulais dormir. Ou me réveiller. J’en savais trop rien. Réfléchir me faisait mal au crâne et puis il n’était que seize heure, je pouvais me re…Non. Je devais me lever. Seize heures ! Bon dieu Kenny à quoi tu penses. J’ai voulu me bouger un peu trop justement car mon crâne m’a vivement rappelé la cuite de la veille. J’avais mal. Terriblement mal. J’étais déchiré. Je suis allé prendre deux cachets d’aspirine avant de me poser un instant sur une chaise dans la cuisine. Au moins je n’avais pas fais le crétin. J’avais bu mais je n’étais revenu avec personne et je n’ai pas rendu mon repas dans mon appart’. Bof il y a parfois des points négatifs. Je suis allé prendre une douche pour tenter d’effacer les traces de la veille. Je ne sentais plus la vodka ou la tequila mais mes yeux montraient clairement mon manque de repos. Pour confirmer le tout je me suis mis à bailler doucement devant mon miroir. J’avais la flemme de tout. Surtout que ce soir je devais retrouver les autres pour peut-être trouver le membre manquant. Si ça continue je risque d’être d’une humeur de chien. Au moins je ne risque pas de dire oui au premier qui passe. Je me suis étiré, restant encore un instant devant mon miroir avant de sortir de ma salle de bain, serviette autour de la taille. Il me fallait des habits et je n’avais pas franchement le courage de trop brasser les piles pour trouver des trucs parfaits c’est pourquoi j’ai adopté ma technique habituelle ; je prends ce qu’il y a au dessus. C’était un banale t-shirt blanc léger. Parfait. Après tout, plus c’est banale, mieux c’est. Enfin je dois avouer qu’il y a bien un détail qui délie les langues. Le col en V. Fais gaffe, s’tu portes un t-shirt avec un col V, t’es gay ! Wouhou. Bah ma foi, tant mieux. Pour une fois ce genre de trucs débile ne sera pas totalement faux. Enfin, si on peut voir les choses comme ça. J’ai pris mes lunettes de soleil pour cacher ma fatigue avant de prendre mon vieux sac Eastpack en bandoulière qui avait vu de meilleurs jours. Ca se passe en machine à laver ce genre de chose ? Sans doute…Mais si je fais ça, je risque de perdre tous les « tags », dessins et autres mots qu’on put marquer les gens dessus. Aujourd’hui encore c’est ce sac que je traîne à l’école d’hôtellerie ou au volley. Il y a des objets comme ça qu’on refuse d’abandonner. J’ai pris mon portable sur la table basse qui subsistait à côté d’un paquet de clope. Chrys ? Je doute que ça puisse lui appartenir mais moi je n’avais plus de paquet de cigarette chez moi depuis longtemps alors je n’avais pas la moindre idée d’où cela pouvait sortir… J’ai doucement haussé les épaules avant de sortir flâner un peu en ville pour rejoindre le café où nous avions tous rendez-vous.
A peine suis-je rentré que mon regard est tombé sur cette guitare à côté de cette fille. Je l’ai toisé un instant et ai commandé trois bières bien que cela soi illégal vu que je n’étais pas en âge mais ici ça ne dérangeait personne. Je savais pertinemment que j’étais le premier à être arrivé. Je suis parti trop tôt de chez moi. Et j’ai toujours mal aux cheveux. J’ai souris au gérant, étant maintenant habitué à venir ici et lui semblait habitué à me voir garder mes lunettes de soleil, signe d’un bon « hangover ». On a vaguement discuté de rien pendant qu’il posait les bières sur un plateau. Il a désigné la fille d’un coup de menton, m’indiquant pourquoi elle était là. Ouais d’toute façon je m’en étais douté. Elle était bien plus vieille que moi donc même si elle entrait dans le groupe, je resterais le benjamin. Le sale gosse pas majeur qui s’assoit volontiers sur les genoux de Chrysalde. Je suis resté parfaitement neutre, remerciant l’homme de cette information avant de me masser doucement les tempes. C’est bête à dire mais plus jamais de cuite pareille. C’est assez étrange, j’ai l’impression de dire ça depuis des années et ça finit toujours pareil. Oh tant pis. J’ai reporté mon attention sur l’inconnu. On pouvait dire qu’aujourd’hui j’étais du genre imbuvable. J’ai fais un bref signe de tête pour tout salut alors que j’allais m’installer dans le coin habituel avec les bières. Les autres finiraient par arriver c’était certain. J’ai entamé mon verre. Soignons le mal par le mal. La boisson fermentée me rafraîchit la gorge. Curieux, j’ai bu une seconde gorgée avant de poser mon sac à côté de la table et revenir m’intéresser à ce monde. J’ai pris un tabouret non loin de cette fille, entamant une conversation des plus dérisoires avec le gérant. En fait je n’en avais pas grand-chose à faire de la pluie et du beau temps mais ça me permettait de jauger cette guitariste. En penchant la tête j’ai fais glisser mes lunettes sur le bout de mon nez pour mieux la voir. Nerveuse ? j’aurais dis que oui. Satisfait j’ai remis en place mes lunettes de soleil, soustrayant mes yeux fatigués au monde.
_ What you' re gonna do on a Saturday night…, fredonnais-je doucement en retournant au fond de la salle vers les instruments.
Je suis monté sur ce qu’on aurait pu vulgairement nommé « scène » mais ça suffisait amplement. Ca me démangeait de jouer un peu mais je devais attendre. J’ai pris la guitare de Casey, ayant l’habitude de jouer quelques morceaux à la guitare juste comme ça pour me détendre ou m’occuper tout bêtement. Je me suis assis par terre en callant l’instrument pour entamer plus ou moins consciemment quelques notes qui devinrent rapidement un air rythmé et léger. Je soupirai en fermant les yeux, patient. J’aurai pu lancer les paris. Qui arriverait en second. Chrys ou Cas’ ?
A cette heure-ci de la journée le café n'accueillait qu'une poignée de clients, la plupart d'entre eux venant après leur journée de travail. Le gérant n'avait donc que peu de commandes à prendre et restait derrière son bar à vaquer à diverses occupations. Pendant ce temps, Kate avait les yeux rivés sur les bulles qui remontaient inlassablement son verre. A la voir comme ça, on aurait pu croire qu'elle était passionnée par ce qu'elle voyait. En fait, elle était plongée dans ses pensées, si bien qu'elle ne remarqua même pas l'entrée d'un nouveau client. Alors que ce dernier se faisait servir des bières, la brune attrapa machinalement un flyer de la pile placée sur le bar non loin d'elle et commença un origami. C'était plus fort qu'elle, quand elle était nerveuse elle devait s'occuper les mains. Certaines personnes étaient prises de brefs et rapides mouvements de la jambes, d'autres se rongeaient les ongles tandis que d'autres faisaient les cents pas. Kate elle, était en apparence tout à fait calme. Son visage était neutre de toute expression, elle restait immobile et se tenait droite. De toute manière, qu'elle soit décontractée ou non, elle se tenait presque toujours droite. Etant enfant, on lui avait si souvent répété de se tenir convenablement que c'était devenu une habitude. Dans le cas présent le seul indice qui laissait deviner qu'elle n'était pas totalement placide était le fait qu'il fallait absolument qu'elle fasse quelque chose de ses dix doigts. Alors que son lotus prenait forme, elle vit du coin de l'oeil que le nouveau client l'observait. Allez savoir si c'était à cause de sa nervosité ou à cause des lunettes de soleil du blond mais quoi qu'il en soit, elle avait la mauvaise impression de sentir le poids de son regard. Alors qu'elle effectuait un énième pliage, elle leva les yeux vers lui. Elle remarqua les bières qu'il avait commandées et qui, additionnées aux lunettes de soleil, suffisaient à cerner le personnage. Vu l'heure avancée de la journée, Kate était à peu près sûre qu'il venait de se réveiller et qu'il avait passer sa journée à dormir pour décuver de la longue soirée de la vieille très arrosée. Cela ne faisait aucun doute qu'il avait la gueule de bois et de toute évidence, les autres clients qui le zyeutaient se faisaient la même réflexion. Kate n'en avait jamais eu et ce n'est pas en l'observant chez d'autres qu'elle avait envie d'en connaître une. Aussi étrange que cela puisse paraître pour une personne qui aime tant faire la fête, elle n'avait jamais ressenti le moindre mal de tête en se réveillant un lendemain de soirée. Cela lui était déjà arrivé d'ouvrir les yeux et d'avoir quelques trous noirs mais ils étaient tous comblés en quelques minutes. Elle n'avait jamais vomi à cause de l'alcool non plus et ses cuites restaient raisonnables. Apparemment, le client était habitué à son état puisque cela ne l'empêchait pas de commander plusieurs bières. Kate était assez curieuse de voir s'il comptait toutes les boire ou si elles étaient destinées à des amis qui devaient bientôt arriver. Elle se demandait même s'il allait être capable d'ingurgiter ne serait-ce qu'un seul verre, la bière n'étant pas la boisson la plus agréable au réveil, du moins pour la très grande majorité des gens.
Elle répondit à son signe de tête par un demi sourire avant de se replonger dans son activité. Quelques minutes et un origami plus tard, la brunette releva de nouveau la tête au son d'une guitare. Le fameux client avait posé son sac et ses bières sur une table, était revenu faire un brin de causette avec le gérant et était reparti à l'autre bout de la salle. Kate se tourna afin de le regarder jouer sur l'estrade qui faisait office de scène. Difficile de se faire une idée précise de son niveau avec l'air qu'il débutait mais il semblait doué. L'architecte pensa immédiatement qu'il venait pour la même annonce qu'elle. Pendant quelques secondes, elle songea à partir puisqu'il paraissait assez bon pour convenir au groupe. Mais sa conscience lui disait qu'elle n'avait pas fait tout ce chemin pour rien et que maintenant qu'elle était là, elle devait rester. Kate aurait bien eut envie de dire à sa conscience de la fermer, que le chemin n'avait pas été long et qu'elle ne se sentait pas capable d'être à la hauteur mais elle ne pouvait décidément pas se résoudre à s'en aller. Elle aurait peut-être été plus sereine si elle avait du jouer au piano. En effet, derrière un instrument si imposant, surtout lorsqu'il s'agissait d'un piano à queue, elle se sentait plus confiante. Elle avait l'impression que les gens se concentraient plus sur la musique que sur la personne qui la jouait. Alors qu'à la guitare, on était plus scrutés. C'était justement ce qu'elle était en train de faire avec celui qui jouait en ce moment. Elle n'avait vu de lui que ses lunettes et sa commande et ce n'est que maintenant qu'elle remarqua que le jeune homme était plutôt un adolescent.
« Merde, Kenny. Tu t'moques de moi ou quoi ? Vous m'forcez à prendre un nouveau membre, l'autre est pas capable d'arriver à l'heure, et toi tu fais mumuse avec MA guitare, au lieu de t'entrainer ? » Franchement, si ils croyaient que j'allais me plier à leur volonté sans rien dire, il se fourrait le doigt dans l'oeil, et bien profond. Quelle idée aussi de tenir à avoir un nouveau membre ? Notre trio était parfait, et nous n'avions besoin de personne d'autre. Chrysalde jouait parfaitement du piano - et était un excellent professeur qui plus est -, Kenny gratouillait de temps à autre et maîtrisait parfaitement la batterie. Quant à moi, la guitare était mon domaine, et je maîtrisais également la basse. Nous écrivions et composions tous les trois – même si j'avais encore un peu de difficulté dans ce dernier domaine – et, à défaut d'avoir une voix extraordinaire, nous chantions juste, ce que nous ne pouvions pas nécessairement dire de tous les groupes de musique actuels. Alors pourquoi aurions-nous besoin de quelqu'un d'autre ? A la guitare qui plus est ! Parce que « plus de personnes savent jouer de la guitare que de la basse » - jusque là, je pouvais rien dire, je jouais bien mieux de la guitare que de la basse -, et aussi, parce que – je cite - « tu ne peux pas jouer de la basse, et de la guitare en même temps ». Ah bah ça, c'était à parier, tiens ! Bon, d'accord. Je ne pouvais pas en jouer en même temps, mais sur la même chanson, si. C'était plus que faisable, ça. Et, aux dernières nouvelles, nous n'avions écrit, ni repris aucune chanson qui comportait des morceaux de guitare et de basse, au même moment. " Je t'emmerde. Va boire ta bière, ca t'détendra et tu me les briseras peut etre moins..." J'arquais un sourcil. Ma première réaction fut de m'insurger qu'il me parle ainsi, et puis, rapidement je me rendis compte que j'avais du aller un peu trop loin. Kennouche n'était pas du genre à répondre à qui que ce soit, mais plutôt à écraser et acquiescer. Je lui fis un sourire – un tout petit, qu'ils ne se croient pas pardonnés de remettre mes compétences en question. Je saluais le barman en prenant ma bière. Rien qu'en m'en ayant commandée une d'avance, Kenny venait de marquer un point – et j'allais donc être normalement un peu moins désagréable avec lui. Quant à Chrys, j'avais évidemment conscience qu'être énervé contre lui pour son retard était quelque peu idiot. Mais bon, j'estimais que lorsqu'on organisait la sélection d'un éventuel nouveau membre, il fallait au moins être à l'heure. Moi qui voulait arriver dix minutes en retard, rien que pour les agacer, c'était loupé. J'avalais une longue gorgée de bière, et alors que le liquide descendait doucement le long de mon oesophage jusqu'à mon estomac, je me sentis un petit peu plus détendu. Ou, en tout cas, je me disais que si vraiment, j'étais trop agacé par le casting qui allait avoir lieu, avoir une source de bière quasiment intarissable était rassurant. Je sais. L'alcool, c'est mal. L'alcool, ça détruit peu à peu votre foie, et votre entourage. Mais bon, l'alcool, ca fait du bien aussi. Et c'est pas une cuite de temps à autre qui méritait qu'on me traite d'alcoolique, même si le genre de personne qui prenait un malin plaisir à se croire supérieures parce qu'elles n'avaient jamais bu à en vomir diraient le contraire. Si vous voulez mon avis, ils loupaient quelque chose. Je reposais mon verre sur le comptoir, et aperçus une jeune femme avec une guitare. Je jetais un autre coup de d'oeil envers les autres clients, et... apparemment, personne d'autre n'avait ramené de guitare. Nous n'avions donc, en plus, qu'une candidate ? Génial. Vraiment, génial. En attendant Chrys, je me dirigeais vers ma basse. Bon, ce n'était pas forcément une bonne chose. J'étais en ce moment entrain de travailler sur un morceau, et je merdais toujours au même moment. Bon, tant pis, autant s'entraîner. Je regardais ma montre, puis vérifiais mon portable avant de décider que s'entraîner ne servait à rien. Si Chrysalde n'était pas là, il serait surement très en retard. C'était généralement le cas lorsqu'il était retenu à l'hôpital, et je pariais que c'était le cas, aujourd'hui. Je posais mon regard sur la seule candidate. Elle ne semblait pas nerveuse. Elle se tenait droite, et s'occupait de cocotte en papier. Etait-elle nerveuse ? Je l'espérais. Si elle ne l'était pas, nous allions perdre notre temps à l'écouter. En effet, un bon musicien est toujours nerveux à l'idée de montrer son travail. Mais un bon musicien ne perd jamais ses moyens. Enfin, presque. D'un ton aussi agréable que celui que j'avais adressé à Kenny, je lançais notre candidate – et au batteur du groupe par la même occasion : « Bon, on commence peut-être ? »
Ce n'est que lorsque le deuxième membre du groupe arriva et se mit à pester contre le blondinet que Kate comprit que ce dernier n'était pas un candidat. Elle ne rata pas une miette de la scène qu'était en train de lui faire le nouveau venu. Vu qu'il râlait parce qu'on le forçait à prendre un autre membre guitariste alors que de toute évidence, il en jouait lui même puisqu'il reprochait à son ami de s'amuser avec la sienne, c'était plutôt mal parti pour la jeune femme. Si d'office il était réfractaire à prendre quelqu'un d'autre, il y avait peu de chances que son jeu soit apprécié. Pendant que le guitariste allait chercher sa bière sur l'ordre de son interlocuteur qui l'envoya bouler, la brune se retourna vers le gérant qui était occupé à essuyer des verres. Voyant son inquiétude, il lui sourit et tenta dans le réconforter en lui lançant un "ça va bien se passer... ou pas.". Elle lui rendit son sourire et reporta son regard sur l'estrade. Il fallait relativiser, après tout si elle avait répondu à l'annonce, c'était simplement pour trouver un loisir en dehors du travail et comme la musique était une de ses passions c'était ce qu'elle trouvait de plus approprié. Mais si elle n'était pas prise, cela n'avait pas réellement d'importance. Quoi qu'il en soit, avec toutes ses années de conservatoire, elle faisait une assez bonne candidate. Elle avait commencé la guitare à l'âge de huit ans et avait pris des cours pendant une dizaine d'année. Par la suite, elle avait continué à jouer régulièrement seule, ce qui lui avait permis de ne rien perdre de son adresse. Contrairement au vélo, le jeu de la musique s'oubliait avec le temps et il aurait été vraiment dommage de gâcher tous les efforts qu'elle avait faits à l'apprentissage de la guitare. Il en était de même pour le piano. Ce dernier instrument était le préféré de la jeune femme mais il fallait bien admettre que pour le transport, la gratte était beaucoup plus pratique.
Fidèle à son ton râleur, le guitariste proposa de commencer. C'est comme ça qu'il avait l'habitude de se présenter, de présenter le groupe? C'était assez déconcertant... Kate fut étonnée de ne voir aucun autre candidat n'était présent. Cela voulait-il dire qu'elle était la seule ou que les autres étaient en retard? Puisqu'elle était là, autant commencer la première. Et était-ce normal que le groupe ne soit constitué de deux personnes seulement? Apparemment non puisque « l'autre est en retard ». Elle prit sa guitare et s'avança vers l'estrade. Sur le court chemin elle continua de se demander ce qu'elle allait jouer. Warlord d'Antonio Pinto? Jack The Ripper de Morrissey? Killing For Love ou Heartbeats de José González? Réalisant qu'elle se posait beaucoup trop de questions, elle les chassa de son esprit. Après avoir sorti son instrument de sa housse et le tenant par le manche, elle demanda:
- Vous voulez entendre quelque chose en particulier?
Elle aurait pu se présenter mais puisqu'elle n'avait pas été invitée à le faire, elle attaqua directement dans le vif du sujet mais attendit tout de même qu'on lui demande de prendre place sur l'estrade. Contrairement à la majorité des femmes, par définition habitées de ce qu'on appelle communément l'instinct féminin, Kate n'y croyait pas vraiment. Elle, elle préférait parler d'intuition et admettait que la gente masculine y soit moins sensible. En tout cas, quelque chose lui disait qu'elle ne devait pas s'attendre à une audition tout à fait banale. C'est à ce moment là qu'elle se dit qu'elle aurait très bien pu choisir une autre de ses passions que la musique pour une autre activité. Son métier lui avait permis de perfectionner son dessin alors pourquoi pas des cours de dessins? Ou un club de lecture! Elle aimait lire, surtout les romans policiers. Et parler pendant une heure d'une œuvre de James Ellroy ne demandait pas un entretien préalable comme c'était le cas pour faire partie d'un groupe de musique. Mais bon... c'était beaucoup moins sympa!
Mon sang froid m’étonna. J’ai renvoyé Casey dans son terrain alors que ce n’est pas genre. En temps normal je m’écrase et m’excuse mais pas aujourd’hui. J’ai sourcillé doucement puis j’ai répondu à son sourire. Je sais c’est débile mais si on me sourit, c’est plus fort que moi, il faut que je fasse pareil. Dans le fond ça prouve que je ne suis pas quelqu’un de foncièrement méchant. Le ton rude de mon ami me fit frissonné et j’ai sagement reposé sa guitare, restant bêtement sur l’estrade. Je l’ai regardé de loin avant d’hausser doucement les épaules à sa question. Commencer ? Pourquoi pas. Sans Chrysalde j’avoue ne pas être bon à grand-chose dans le groupe. On a tous un leitmotiv. Sans mon point de repère, je ne m’exprime que peu et laisse la gouverne à Casey. Je ne suis pas un leader dans l’âme. J’obéis, c’est tout. Parfois j’ai une crise et je m’insurge mais rien de très chaud. J’ai regardé de nouveau la fille avant de retourner vers mon ami. J’avais envie de le dérider. De le voir sourire. J’ai attendu qu’il s’asseye pour m’asseoir à mon tour à côté de lui. Je l’ai regardé, silencieux. Ouais. Je voulais un nouveau sourire. Et je l’aurais. J’ai posé mon index sur sa joue et l’ai doucement remonté pour imposer un sourire forcé à notre bassiste. Le résultat donnait plus une grimace qu’autre chose ce qui n’a pas manqué de me faire rire. Vu comme ça on devait passer pour des fous. Enfin surtout moi. Tourné ainsi face à Casey, légèrement penché vers lui pour « jouer » avec le coin de ses lèvres. Rajoutez à ça mon côté gamin et les airs efféminés que me trouvent certains ; je vous laisse imaginer ce que pouvaient penser les gens présents dans le café à ce moment là. C’est bizarre, je n’ai jamais voulu ressembler à une fille et encore aujourd’hui je ne trouve pas de points communs mais aujourd’hui on est gay si on a un babyliss à la maison et on est mis dans le panier efféminé si on a une apparence fragile et qu’on est pas accro au culturisme. Foutue société qui se fonde sur des on-dit-que et j’ai-entendu-dire-que.
J’ai gentiment ébouriffé Casey avant de poser ma tête contre son épaule, complètement mort. J’avais beau sortir de mon lit, je n’en étais pas moins lessivé. Mes lunettes de soleil ont glissé de mon nez pour tomber par terre mais je n’ai pas bronché, me disant qu’elle ne tomberait pas plus bas comme on dit si souvent. J’ai baillé, me suis frotté les yeux et allais espéré somnoler sur son épaule quand j’ai étendu la fille. J’ai rouvert les yeux, me souvenant brusquement où j’étais et surtout, pourquoi. Merde, tout seul j’allais patauger. Casey était clairement contre & l’absence de Chrys ne m’aidait pas. J’ai fais la moue avant de sourire de nouveau à la jeune femme. Ok alors toi tu seras « la-fille-à-la-cocotte-en-papier » vu que je ne connais pas ton prénom. Faisant un effort j’ai pris la parole de façon audible sans pour autant me redresser. Que les gens croient que je suis avec mon copain, je m’en fou. J’ai mieux à faire.
- Hum…Bonjour ?
J’ai tressaillis doucement. J’avais autant envie que Casey d’être là mais moi c’était différent. L’idée d’un nouveau membre ne me dérangeait pas. C’est surtout que je m’inquiétais du regard de Chrys. Ma nervosité me rendait à fleur de peau, sensible à un rien et plutôt lunatique. Je me suis doucement mordillé les lèvres avant de me redresser pour regarder mon aîné. Nous on était là comme deux loques et on s’apprêtait à faire un choix sans Chrys ce que je refusais. Je me suis levé, oubliant de nouveau cette femme.
- Je vais appeler Chrys. On peut pas choisir sans lui.
Sans attendre de réponse je suis sortis téléphoner mais n’ayant aucune réponse je suis revenu bredouille. J’ai pris ma bière et me suis laissé tomber sur ma chaise en jurant doucement. Prendre une décision sans lui me dérangeait et je craignais que Casey se barre et m’abandonne face à cette femme que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam. Je me suis souvenu de mes lunettes et les ai ramassé avant de fixer de nouveau la fille. J’ai désigné l’estrade d’un simple geste pour qu’elle monte dessus. - Kenny. Et lui c’est Casey. Joue ce que tu connais le mieux…
En voyant le premier membre du groupe arrivé, elle n'avait pas pensé qu'il était homosexuel et ce n'était toujours pas le cas. A vrai dire, elle avait seulement remarqué qu'il était jeune et sa chevelure blondinet lui donnait l'air d'un gamin innocent, ce qui contrastait avec sa gueule de bois. A quel indice se fier? Kate ne tirait aucune conclusion à ce sujet et attendait d'avoir pu communiquer avec le personnage. Parce que pour l'instant, la communication ne semblait pas son fort, du moins avec les inconnus. Il en était d'ailleurs de même pour son ami. Finalement, la candidate eut le droit à un petit bonjour de la tête blonde. Elle y répondit par le même mot avec en cadeau un timide sourire. Elle ne savait pas trop quoi faire, surtout qu'au lieu de répondre à sa question, il se leva et sortit, expliquant devoir appeler un certain Chrys, sûrement le troisième et dernier membre du groupe. Il laissa donc la jeune femme où elle était, face à celui qui n'avait fait que ronchonner depuis son arrivée. Heureusement, il revint peu après. Il avait l'air nerveux et un peu déboussolé. En plus de ça il était fatigué, ce qui avait été on ne peut plus évident lorsqu'il avait été à moitié assoupi sur l'épaule de son ami et qu'il avait fait tomber ses lunettes de soleil. Enfin il se présenta. Kenny. "Comme le South Park?!", se dit Kate. L'autre jeune homme s'appelait Casey. Kenny lui dit de jouer ce qu'elle connaissait le mieux, ce qui n'aidait pas franchement. Il y avait beaucoup de musique qu'elle connaissait très bien et elle avait trop de coups de cœur pour en choisir un comme ça. En plus, elle n'était pas sûre de vaincre sa timidité au point de chanter pour accompagner la musique. Elle avait une voix juste mais elle n'avait jamais pris de cours de chant. Mais d'un autre coté, elle se sentait plus à l'aise quand elle chantait, elle ressentait plus de fluidité dans la musique, c'était difficile à expliquer.
Elle se décida enfin à monter sur l'estrade et s'assit sur le tabouret le plus au fond, afin d'être le moins visible possible des quelques clients, ce qui était tout de même difficile. Elle attendit que Casey et Kenny prennent position face à elle. En silence, la brunette accorda sa guitare tout en se demandant encore ce qu'elle allait jouer. Peu à peu, des notes lui vinrent en tête, les premières de The Con de Tegan And Sara. Les paroles ne lui correspondaient pas particulièrement mais elle aimait beaucoup la mélodie. C'était une des dernières chansons qu'elle avait joué et elle sentit soudain capable de l'interpréter. Elle inspira donc et commença à jouer. Et contre toute attente, elle posa sa voix sur la musique. Elle n'avait pas vraiment réfléchi avant de chanter le premier mot, elle suivait simplement son intuition. Se sentant toujours aussi nerveuse, elle ferma les yeux et s'imagina dans son salon, seule et à l'abri des regards.
Jusque là, elle n'avait fait aucune fausse note, elle se laissait simplement bercer comme si ses doigts s'étaient désolidarisés de son corps et qu'ils jouaient tous seuls. Jouer cette chanson, c'était comme réciter l'alphabet. C'était un enchaînement qu'on apprenait et qui finissait par devenir logique. Au fur et à mesure, Kate se détendait. Après le deuxième couplet, elle rouvrit même les yeux. Ce n'est pas pour autant qu'elle regarda les deux garçons. Elle fixait juste le bois sombre, usé et poussiéreux de l'estrade. En jouant, elle avait la même impression que lorsqu'on dévale une longue pente en courant. Il suffit de courir sur deux ou trois mètres pour ne plus pouvoir s'arrêter avant d'être en bas comme si vos jambes courraient sans votre accord. Ainsi, ce ne fut qu'à la dernière note qu'elle leva enfin la tête. Elle n'avait aucune idée de la réaction de Kenny et Casey. Ce n'est que maintenant qu'elle se dit qu'elle aurait peut-être été plus décontractée en jouait Desire de U2. Enfin... il était un peu tard pour se faire ce genre de réflexion. Elle la jouerait probablement si les deux membres du groupe demandaient une autre chanson pour la juger en présence du troisième qui entre temps n'était pas arrivé. C'était ce que la jeune femme déduisait du fait qu'ils étaient toujours trois sur l'estrade.
Réalisant soudain qu'elle avait complètement oublié de se présenter, elle en profita pour briser le silence:
Après avoir reçu un hochement de tête pour acquiescement de la part de Kenny, je m'asseyais sur une table en face de la scène. Kenny s'y assit à son tour, la tête tournait vers moi. Je finis au bout de quelques secondes par tourner la tête vers lui, le visage on ne peut plus neutre. Je n'avais aucune envie d'être là, et encore une fois, je le montrais. Il avait la tête légèrement penché vers moi. Qu'est-ce qu'il voulait encore ? Il était si proche de moi que je pouvais sentir son souffle. Bon, je n'osais pas imaginer ce que les gens devaient penser. Ceci dit, je m'en moquais un peu. Du moment qu'il ne me roulait pas la pelle du siècle, je survivrais. Et, il n'allait pas le faire. Honnêtement, il était tellement fou de Chrysalde – à mes yeux, en tout cas – que je n'avais rien à craindre. Et puis, même, il s'agissait de Kenny; c'était comme un petit frère pour moi. Je le regardais donc, le regard agacé. A quoi jouait-il ? Il posa ses doigts sur mes joues, et les étira afin de former un sourire. Si vous voulez mon avis, cela donnait plus une grimace. Cependant, il gagna ce qu'il désirait puisque je ne pus m'empêcher d'avoir un sourire amusé. Il afficha un sourire victorieux, m'ébouriffa les cheveux du style « bon chienchien », je lui jetais un regard agacé – pour le plaisir de l'emmerder -, et le laissais poser sa tête sur mon épaule. Il n'avait vraiment pas l'air en forme, et avec un peu de chance, cela l'empêcherait de souhaiter choisir Kate – ou un autre guitariste – dans l'équipe. De plus, avec l'absence de Chryslade, on pouvait uniquement faire une pré-sélection. Notre décision devrait être unanime, o en tout cas, c'était bien l'argument que j'avais l'intention de ressortir si Chrysalde n'arrivait pas avant la fin des auditions. Ses lunettes glissèrent par terre, et je tournais donc ma tête vers celui-ci pour voir si il réagissait. Apparemment, il avait décrété qu'elles étaient très bien là où elles étaient. Peut-être lui aussi était-il contre cette audition sans avor osé le dire, et qu'il voulait effrayé la jeune femme en face de nous avec ses yeux cernés d'un lendemain de fête ? Oui, bon, d'accord. Je me croyais un peu trop dans un film. « Vous voulez écouter quelque chose en particulier ? » Hum; non. Rien n'écoutait du tout me conviendrait très bien. Bon, je n'allais tout de même pas lui dire ça. Cette pauvre fille n'y était pour rien si mes amis étaient des traitres qui pensaient qu'un quatrième membre était nécessaire. Je pris donc le parti de me taire, et de garder mes ressentiments sur moi. A défaut d'avoir un meilleur plan, quoi. Toujours avachi sur mon épaule, Kenny salua la jeune femme d'un « hum.. bonjour », je l'achais rapidement un « Salut » quasiment inaudible. Autant lui montrer que ce ne serait pas facile de me convaincre. J'étais d'ores et déjà d'un naturel perfectionniste, mais il allait vraiment falloir un miracle pour que j'accepte de la prendre – ou qui que ce soit d'autre -. Ou des doigts en or, selon la vision des choses. Alors que la jeune fille se préparait à jouer, Kenny se leva, nerveux. « Je vais appeler Chrys. On peut pas choisir sans lui. » Bien qu'il n'attendit pas de réponse, j'eus le temps de lâcher au moment même où il traversait la pièce « C'est pas comme si on avait vraiment besoin de quelqu'un, de toute façon. ». Je jetais un regard à la guitariste qui portait une expression neutre. Décidément, elle n'avait pas l'air très expressive. Je pris une longue gorgée de bière, réfléchissant à la chanson que j'étais entrain de composer. Etrangement, elle parlait d'un homme partageait entre deux filles. Ouais, bon, j'avais compris ce que mon esprit essayait de me dire. Par chance, Kenny ne fut pas long, et revint s'assoir à mes cotés, n'oubliant pas de ramasser ses lunettes au passage. « Kenny, et lui, c'est Casey. Joue ce que tu connais le mieux... ». Ouaip, bon. C'était pas comme ça qu'on allait connaître son niveau.
Enfin, cela permettrait de faire un tri. Mais personnellement, tout ce que me dirait cette performance était qu'elle serait capable de retenir un morceau qu'elle connaissait plus que bien, et que – probablement – elle avait répété avant de venir passer l'audition. J'écoutais la jeune femme nous jouait un morceau de Tegan and Sara qu'elle accompagna de sa voix. Bon, elle n'avait pas tout compris la demoiselle. Il s'agissait d'une audition pour un guitariste. GUI-TA-RIS-TE. Nous étions déjà trois chanteurs dans le groupe; on en avait pas besoin d'un quatrième. Je me retins de faire cette remarque, et me concentrai sur la musique. Ainsi, je fermais donc les yeux – de toute façon, elle aussi -, et me concentrais sur les notes. Aucune n'était fausse, on sentait l'aisance qu'elle avait à jouer le morceau et le chanter en même temps. Elle devait donc beaucoup travailler sa musique, ce qui jouait en sa faveur, il fallait l'avouer. Mais il manquait quelque chose. J'ouvrais les yeux, l'observant. Je scrutais son visage, puis la façon dont ses mains se baladaient sur sa guitare. Non, cela ne me convenait pas. Il manquait quelque chose qui faisait qu'on ne pouvait que dire « wow ». Il manquait... de l'éclat. Oui, je crois pouvoir dire que je trouvais la musique de Kate fade. Ceci dit, d'un point de vue purement technique, je devais l'avouer, il n'y avait rien à y redire. Elle finit sa performance, puis se présenta avant que nous n'ayons pu faire ou dire quoique ce soit. « Enchanté. Maintenant, descends de l'estrade. » Je donnais une tape amicale sur l'épaule de Kenny pour l'inciter à se lever. « Deep Purple; tu connais ? » demandai-je à Kate, et sans attendre sa réponse, je pris ma guitare électrique. Je ne pris pas peine de la régler puisque Kenny avait du s'en occuper en m'attendant. Il s'installa à la batterie; et lança l'instrumentale des instruments que nous ne pouvions avoir ainsi. Sans plus attendre, le morceau de musique retentit dans tout le bar, et les clients s'arrêtèrent de discuter. Alors que mes doigts se promenaient sur les cordes des guitares, la voix de Kenny raisonnait dans mes oreilles. Un sourire franc sur le visage, j'étais heureux, oubliant que cette performance était faite pour apeurer la candidate. Si après cet épatant morceau de guitare, elle ne se dégonflait pas, alors je choisirais un morceau pour elle, et éventuellement, accepterais de donner son nom à Chryslade pour qu'il puisse à son pour l'écouter. Ceci dit, je n'irai pas jusqu'à encourager son adhésion au groupe. Nous étions assez de trois quoiqu'ils en pensent. Je me joins à lui sur le second couplet; occupant tout l'espace de la scène. Nous ne jouins que rarement en public, et pourtant, je n'avais jamais été aussi sur de moi. Quand nous entendions le fameux « smoke on the water » dans les couplets, et le refrain, il me sembla même entendre quelques voix se joindre à nous. Un deux trois, un deux trois quatre, un deux trois, un deux. Un deux trois, un deux trois quatre, un deux trois, un deux. Et voilà le solo de guitare qui arrivait; inutile de préciser que je me fis plaisir, plus que jamais. Et on reprend avec le pont. Un deux trois, un deux trois quatre, un deux trois, un deux. La sueur était d'ores et déjà sur mon front, et j'étais à des milliers de lieux d'ici. Puis, la chanson vint à sa fin, et j'échangeais un sourire complice avec Kenny qui me rejoint. Le barman nous apporta de pintes de bières, nous félicitant au passage. Je trinquais avec Kenny, pris une longue gorgée de bière, appréciant le liquide coulant dans ma gorge. Je descendis de l'extraste, et me réinstallais. « Alors, Kate. Quelle est la chanson que tu n'as pas joué depuis un ou deux ans ? »
C'était toujours avec plaisir que Kate jouait de la musique et cette fois-ci n'avait pas fait exception. Cependant, le trac l'avait refermée comme une huître. A vrai dire, elle n'avait pas le souvenir d'avoir déjà joué devant autant d'inconnus, bien que le bar soit encore loin d'être bondé à cette heure-ci. Dans cet état d'esprit, elle s'était contenté d'appliquer rigoureusement ce qu'elle avait appris sans prendre de risques. La prise de risque, ce n'était pas son truc. Elle avait souvent trop peur de se planter. C'était d'ailleurs à cause de cette peur qu'elle était arrivée seule à New York mais ça, c'était une toute autre histoire. La jeune femme était plutôt du genre à faire preuve de logique pour prendre des décisions, qu'elles soient minimes comme c'était le cas aujourd'hui ou qu'elles aient de grandes conséquences dans sa vie comme celle qu'elle avait prise environ six mois plus tôt. Alors ce n'était pas étonnant que Casey trouve son jeu fade, c'était même justifié. Après un "enchanté" plus audible que son "bonjour" il l'invita à descendre de l'estrade, ce qu'elle fit. Elle alla s'installer sur une chaise et posa sa guitare contre une autre. Le jeune homme enchaîna en lui demandant si elle connaissait Deep Purple. La première réaction de la brune fut de hausser les sourcils, par surprise. Elle brûla d'envie de lui rétorquer: "et le pape, il connaît Jésus?" mais elle hocha simplement la tête tout en se pinçant les lèvres pour réprimander un sourire. Elle ne voulait pas faire penser à Casey qu'elle se moquait de lui mais elle ne voyait pas comment une personne vivant aux Etats-Unis d'Amérique pouvait ne pas connaître ce groupe de musique. Il était même mondialement connu et Kate les écoutait déjà avec son père lorsqu'ils vivaient en Europe.
Kenny s'installa à la batterie tandis que son compère prenait une guitare. Ce n'est que maintenant que la candidate put comprendre qui jouait quoi car personne ne s'était chargé de l'expliquer. L'introduction du morceau qu'ils entamèrent était reconnaissable entre mille. Elle était aussi cultissime que le groupe qui l'avait composé et aussi connue que celle de Highway To Hell de AC/DC. Les premières notes de Smoke On The Water étaient très souvent celles que choisissaient les personnes qui ne savaient pas jouer de la guitare pour commencer. Combien de garçons avaient jouer cette intro -de manière bancale- juste pour s'entendre dire par une fille "tu joues de la guitare?" et répondre "ouais, j'me débrouille."? Des centaines!
Mais là, Kate avait devant elle un Casey qui connaissait l'intégralité de la chanson sur le bout des doigts. S'il comptait sur ce morceau pour faire peur à la jeune femme, c'était raté. Elle même savait le jouer depuis belle lurette et tout ce qu'il faisait, c'était gagner son attention. Elle avait rarement vu quelqu'un faire une si bonne interprétation et c'était un plaisir de l'entendre. Le guitariste conclut par un sourire à Kenny et le barman vint leur apporter une autre tournée de bières. Les deux amis ne se firent pas prier pour boire et quand Casey descendit de l'estrade, Kate lui fit un sourire en guise de félicitations. Elle était avare de compliments et même s'ils étaient amplement mérités, elle ne les faisait pas systématiquement. De toute façon, le blond ne voulait pas qu'elle lui passe de la pommade. Il lui demanda quelle chanson elle n'avait pas joué depuis un ou deux ans.
Il fallait quelques secondes de réflexion à l'architecte pour répondre à ça. Elle jouait régulièrement et beaucoup de morceaux différents alors elle devait fouiller dans sa mémoire pour en trouver un qu'elle n'avait pas joué depuis plus d'un an. Soudain, elle se rappela de la bande originale de son film préféré qui n'était autre que Lord Of War d'Andrew Niccol. La dernière fois qu'elle l'avait vu, elle avait eu envie de jouer la BO à la guitare et cela remontait à plus d'un an puisqu'à l'époque Mark n'était pas encore de retour sur l'île. Kate se demanda pourquoi elle n'avait pas pensé à cette musique plus tôt. la guitare y était superbe et il n'y avait pas de voix. Le seul hic, c'était qu'elle ne prenait toute sa splendeur qu'accompagnée du piano, de cuivres et de violons. Et la jeune femme n'avait que deux bras et ne pouvait pas jouer du piano en même temps. Elle ne savait joué d'aucun cuivre et elle pouvait compter sur les doigts d'une main les fois où elle avait eu un archet dans les mains. Le violon était un instrument ingrat. Il fallait de longues années pour savoir en jouer et par conséquent beaucoup de patiente. On ne pouvait pas dire de quelqu'un qu'il jouait correctement du violon. Soit le son était médiocre, soit il était sublime. Il n'y avait pas de juste milieu. Lorsqu'elle était au conservatoire, Kate avait eut l'occasion d'entendre des novices pendant leurs cours de violon et le son était parfois si strident qu'il s'apparentait plus à un grincement de dents ou à des ongles sur un tableau noir qu'à une note de musique.
Tant pis pour l'accompagnement de la guitare, la brunette voulait relever le défi que Casey lui lançait en testant sa mémoire. Elle ne comptait pas mentir en donnant le nom d'une musique qu'elle avait récemment joué.
- Ça fait un baille que je n'ai pas joué Warlord d'Antonio Pinto.
A l'invitation de Casey, elle remonta sur l'estrade et commença à jouer. Malgré sa réticence évidente à prendre un nouveau membre dans le groupe, il avait l'air plutôt satisfait. A la fin du morceau, le troisième membre n’était toujours pas arrivé. Kenny expliqua à Kate qu’il était pédiatre et que son emploi du temps surchargé. Lorsqu’il ajouta qu’il faudrait qu’elle s’y habitue, la jeune femme comprit qu’il venait de décider de son propre chef qu’elle faisait partie du groupe. Casey n’avait pas l’air enthousiaste mais il ne dit rien. Le plus jeune proposa à Kate de s’installer à une table avec eux, histoire d’attendre encore quelques minutes que l’autre membre, un certain Chrys, fasse son apparition. La brune accepta.
Ils restèrent tous les trois à bavarder pendant près d’une heure. Ils parlèrent de tout et de rien, du temps qu’ils consacraient au groupe, du fait qu’ils ne le prenaient pas réellement au sérieux, que c’était surtout un moyen de s’amuser et de se détendre une fois par semaine. Ils n’avaient pas un planning de répétition strict. Ils se voyaient de temps en temps et jouaient dans des cafés une ou deux fois par mois. Cela convenait tout à fait à Kate, c’était exactement ce dont elle avait besoin, un passe temps qui n’était pas trop contraignant et qui n’empiétait pas sur sa vie professionnelle. Chrys ne vint pas. Casey, Kenny et Kate repartirent chacun de leurs cotés. Finalement, l’audition s’était mieux passée qu’elle ne l’aurait cru.
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