Hugo était à l'heure, ni en avance, ni en retard, tout juste à l'heure, il avait reçu un sms plus tôt et ça indiquait un lieu avec une heure. Pour préparer des combats illégaux, il fallait tout faire à la dernière minute, ainsi, ça laissait moins de chance aux flics de coincés les combattants et les parieurs. Hugo était prêt, c'était une machine de guerre, toute sa vie il avait été entrainé pour combattre, et même libéré de sa faction, il n'avait jamais pu arrêter de faire couler le sang, c'était juste une partie de lui. Il ne se voyait pas mourir vieux, mais mourir au combat, oui. Il arriva dans la foule qui se déchainait déjà, ils avaient tous des bières à la main et ils parlaient fort, pariant à l'avance sur l'issue des combats. Hugo se dirigea vers Trois. Il avait du mal avec son prénom d'emprunt. « Sept, tout le monde est sûr de ta victoire ! » sourit Trois, visiblement, Hugo n'était pas le seul à avoir du mal avec leur nouveau prénom. Ils se regardèrent quelques secondes dans la yeux, ils n'avaient pas besoin de communiquer pour savoir ce qu'Hugo allait devoir faire. Si tous les paris étaient sur lui... il fallait parier le contraire. Hugo trafiquait ses combats quand cela était nécessaire, puis il ne pouvait définitivement pas tout le temps gagner ! Il devait passer au 7ème tour, le chiffre 7 était constamment dans sa vie. Il mit ses écouteurs pour se fermer au monde extérieur, il attrapa une pilule de façon machinale avant de l'avaler tout rond. Quand il réouvrit les yeux, tout semblait plus clair, il percevait toujours mieux les choses. Trois lui donna une tape dans le dos et Hugo se leva tout en époussetant ses habits, il enleva son t-shirt et se mit en position face à un type qui avait un bras aussi gros que sa propre tête... le coup de sonnette se répercuta dans la pièce et Hugo s'élança, un coup de pied dans l'oreille pour rendre son adversaire sourd quelques secondes. Il allait perdre mais pas sans offrir un spectacle digne. Le colosse tituba avant de reprendre ses esprits pour lui filer un coup de poing à la joue. Trop lent, Hugo l'évita et le faucha. Le combat dura ainsi un moment, jusqu'à ce que le péruvien commence à se laisser taper, il n'était pas rapide, mais ses coups étaient d'une rare violence et le jeune soldat avait du mal à ne pas tituber sous la brutalité des coups. Un moment donné, l'homme lui mit un crochet au ventre et Hugo se plia. L'autre lui releva la tête et le percuta sur le nez. Il sentit le sang éclabousser son t-shirt alors qu'il était étendu au sol. Il allait se relever, il allait le tuer. Son regard se fit meurtrier en une seconde. « SEPT » cria alors Trois à travers les cris des gens. Hugo ferma les yeux. Pour cette fois-ci, il devait perdre et calmer son adrénaline. Le décompte se déroula. Trois monta sur le ring pour le tirer. Il se laissa faire, il devait faire comme s'il était assommé. Une fois écarter des gens, il réagit aussi tôt et donna un coup de poing à son plus vieux frère dans cette ville. « J'aurais pu le massacrer ! J'aurais pu le tuer, lui tordre le cou et lui ôter la vie ! » Trois cracha au sol avec mépris. « L'argent Sept » Sept s'écarta de lui et voulu sortir de l'endroit quand il fonça dans quelqu'un. Une fille. Une petite fille. Il fronça les sourcils avant de l'observer « Tu fais quoi ici ? T'as entendu quoi petite fille ? » demanda-t-il en plissant le regard sur la défensive.

Dans le fond ce n'était que des lignes, infinies. Elles se suivaient, s'interrompaient, se mouvaient à mesure qu'elle avançait. Certaines étaient bien droites, bien définies, d'autres partaient dans tous les sens et disparaissaient l'instant d'après, comme des feux-follets. Si elle avait eu l'ingéniosité du Petit Poucet, Minnie aurait parsemé son chemin de petit cailloux blancs, mais elle avait du mal à y voir clair depuis quelques temps. Elle était sortie d'un entraînement, contente d'avoir réussi une nouvelle figure, mais une fois dehors elle ne savait plus où aller. Alors elle prit le premier chemin, la première ligne et la suivit. Elle songea qu'au final ça n'avait pas d'importance, elle pouvait aller n'importe où, elle finirait bien par arriver quelque part. Elle laissa son esprit dériver, les idées se mélanger, et vogua dans les rues de la grosse pomme comme un nuage dans le ciel. Elle se laissait porter par le vent, les lignes tracées au sol, les pavés, puis le goudron. Elle entendait un rire, un klaxon de voiture, des injures, et la circulation, partout du mouvement, de la vie. Cette cacophonie ambiante demeurait cependant sourde aux oreilles de la jeune fille. En second plan. Ça n'avait pas d'importance, rien en avait. Elle se contentait de faire son chemin, tracer sa route, tenter d'avancer pour oublier. Elle s'imagina comme une créature étrangère à ce monde, elle posait son regard sur des objets, des immeubles, sans chercher à comprendre ce que c'était, ni où elle allait. Elle avançait encore. Les rues se firent plus étroites, les ombres plus grandes, elle commença à se sentir un peu plus confinées, observées, par les recoins sombres. Les ombres dansaient dans son cœur, elle avait du mal à les chasser. Pourquoi était-ce si difficile ? Pourquoi avaient-elles tant d'emprise ? Une pensée heureuse ou de la poussière de fée, ne suffisait plus. C'était un travail de dur labeur, elle ne rentrerait pas encore en chantant avec les nains. Elle n'en était qu'au début, petite souris dans un labyrinthe aux issues inconnues. Elle cherchait mais dans le fond elle ne perdrait pas espoir. Elle tracerait sa propre ligne s'il le fallait mais elle y arriverait. Il ne pouvait pas en être autrement. Il lui sembla percevoir des bruits plus violents, des grognements et des encouragements. Elle trouva ces bruits curieux, mais elle continua sa route. Puis elle rentra dans quelqu'un, réveil. Elle porta son regard à droite et à gauche, se demandant où elle était. Elle ne connaissait pas du tout ce coin là. Est-ce les ombres qui l'avaient menées jusque là ? « Tu fais quoi ici ? T'as entendu quoi petite fille ? » Elle regarda le jeune homme face à elle avec de grands yeux, comme une bête curieuse. « Je suivais les lignes, finit-elle par dire. Mais elles sont devenues floues... » Elle perdit son regard un instant au loin avant de de nouveau se concentrer sur lui. « Vous saignez. Les ombres vous ont attaqué à vous aussi ? » Il n'y avait pas besoin de sang pour avoir une blessure. Seulement une absence, un manque.

Hugo avait du mal à comprendre les gens, il était toujours sceptique lors de leur rencontre. Il ne savait jamais quand il devait parler ou répondre. Il était toujours pris au dépourvu... mais là, face à la petite chose brune, il était complètement perdu... elle parlait, mais c'était juste... incompréhensible, il avait l'impression de rentrer dans un univers où il n'était pas le bienvenue... trop... coloré, et lui dans sa vie, tout était noir ou rouge. « Je suivais les lignes. Mais elles sont devenues floues... » Hugo fronça les sourcils quelques secondes. Il se gratta la joue un peu pris au dépourvu. Il n'était pas très doué en anglais, enfin, il se débrouillait mieux qu'au début, mais là, il avait du mal à saisir ce que voulait dire la petite fille. Enfin, elle semblait bizarre... elle avait dû prendre des lignes, pas les suivre... et comme elle était shootée, elles étaient devenue floue ensuite. ça lui paraissait plausible ça au moins. « D'accord. » répondit-il tout simplement sans trop savoir quoi dire. Il toucha du bout des doigts son nez. Il semblait cassé. Il loucha quelques secondes avant de le toucher, le faire craquer et le remettre simplement en place. ça allait être rouge et gonflé encore un moment, mais il s'en fichait un peu. La jeune femme avait le regard perdu dans le vide, il suivit un instant son regard, ce demandant ce qu'elle trouvait au décor. Elle tourna finalement la tête vers lui et l'observa. Il pencha la tête sur le côté, ne sachant ni quoi dire, ni quoi faire. « Vous saignez. Les ombres vous ont attaqué à vous aussi ? » il se frotta le menton et sous le nez pour tenter d'effacer le sang, mais il l'étala plus qu'autre chose. « On peut dire ça... » finit-il par conclure, il ne savait vraiment pas quoi dire d'autres. Mais la porte où se déroulait les combats s'ouvrit, et deux hommes portaient un corps inanimé. Hugo observa la petite fille quelques secondes avant de lui boucher la vue en mettant son corps entre elle et les autres hommes. « Es-tu perdue ? » demanda-t-il simplement, en la regardant dans les yeux afin qu'elle ne se laisse pas distraire par le reste. « Je vais te sortir d'ici » décida-t-il alors, ce n'était pas un endroit pour une petite fille. Elle semblait trop innocente pour faire partie du public. Elle ne méritait pas de voir un tel spectacle, il préférait la sortir de ce lieu.

Ce n'était pas la première fois que Minnie se perdait. Elle avait souvent la tête dans les nuages, bien trop haut pour remarquer où elle mettait les pieds. Elle se laissait porter sans trop réfléchir. Elle retrouvait parfois sa route, et quand ce n'était pas le cas, elle demandait tout simplement à quelqu'un. Son chemin l'avait cette fois-ci fait amené à rentrer dans quelqu'un. Un drôle de garçon, le nez en sang, et le t-shirt tâché. Il lui avait demandé ce qu'elle faisait ici. C'était plutôt évident non ? Elle s'était contentée de suivre les lignes. Imaginaires ou réelles, quelle importance, elles l'avaient conduites ici. Elle fit remarquer ensuite qu'il saignait, au cas où il ne s'en serait pas rendu compte quoi. Peut-être qu'il s'était fait attaquer par une ombre lui aussi. « On peut dire ça... » Elle fit une petite moue songeuse. « Et vous avez trouvé comment les combattre ? » Elle aimerait bien savoir. Mais peut-être qu'il fallait avoir beaucoup de force comme lui. Il avait un air impressionnant. Elle le dévisagea un instant, tête penchée sur le côté. Elle se demanda quel genre de pouvoir il fallait avoir pour se battre avec une ombre. Fallait-il simplement de la volonté ? De l'espoir ? Un éclat de rire ? Ou juste de la force. Hercule avait beau être costaud, ça ne lui suffisait pas pour battre les méchants. Il avait un but. En avait-elle encore un ? Elle rebaissa la tête, perdant son regard sur la rue. « Es-tu perdue ? » Perdue... c'était une bonne question. Elle regarda les murs autour d'elle, ne faisant pas attention à l'agitation autour d'elle. Elle ne reconnaissait pas ces bâtiments. Le jeune homme lui bouchait un peu la vue aussi. « Je vais te sortir d'ici » Elle leva la tête vers lui, souriante. « Je suis aussi perdue qu'Alice au pays des Merveilles. Déclara-t-elle finalement. » Le monde était peut-être un peu moins farfelu mais avec un peu d'imagination il pouvait l'être tout autant. Le sang sur le visage du jeune se transformerait en confiture de cerise et sa chevelure noire en un chapeau aux couleurs vives. Et pouf, un chapelier fou. « Mais vous êtes sûr de pouvoir me sortir d'ici ? Je ne sais pas si le monde est moins effrayant ailleurs. » Même si on pouvait y ajouter ses propres touches de couleur, d'imagination, au final ce n'était qu'une illusion. Est ce que ça n'avait été que ça depuis le début ? Une simple illusion. Peut-être qu'elle avait tout rêvé. Elle s'était mise une nouvelle fois des idées dans la tête. Peut-être qu'elle avait juste besoin de grandir. D'ouvrir les yeux. Et de rêver un peu moins.

Le petite chose brune tenait des propos très difficile à suivre. Hugo ne savait pas si c'était à cause de son incompréhension de la langue ou le fait qu'elle soit shootée à une drogue sans doute très dure. Elle parlait de choses trop bizarre... de lignes, d'ombre... en toute honnêteté, il ne voyait pas où elle voulait en venir. Il tenta de répondre quelque chose de normale... enfin, assez évasif. Si ça pouvait lui faire plaisir de croire qu'il avait combattu des ombres. « Et vous avez trouvé comment les combattre ? » il se frotta le front, que pouvait-il dire ? Il ne savait pas vraiment mentir, il ne savait pas ce qu'elle attendait. Il pensa à son adversaire du soir... il imaginait que c'était lui l'ombre alors... « J'ai été entraîné toute ma vie pour le faire » annonça-t-il simplement. Il observait la petite brune, elle en faisait de même avec lui... elle était étrange... vraiment, mais une chose était sûre, sa place n'était pas d'être ici. Alors... il fit la chose la plus naturelle, il lui demanda si elle était perdue, et il décréta vouloir la sortir de ce lieu. Plus prudent. « Je suis aussi perdue qu'Alice au pays des Merveilles. » Hugo fronça les sourcils perplexe. « Qui est Alice ? Et elle vient de quel pays ? » il n'en avait jamais entendu parler, il avait sans doute mal entendu... en tout cas, il ne connaissait pas d'Alice, enfin, pas à sa connaissance. « Mais vous êtes sûr de pouvoir me sortir d'ici ? Je ne sais pas si le monde est moins effrayant ailleurs. » heu... Hugo n'aimait pas beaucoup les enfants, ils posaient trop de questions... et la petite chose brune lui rappelait un enfant, c'était étrange non ? Puis si le monde était effrayant... celui de New York non... mais de là où il venait, tout faisait peur, il ne pouvait jamais dormir sans une arme sous son oreiller. Il avait vu des choses très violentes, il en avait commis aussi... du coup, pour lui la vie ici était facile, il n'était plus un soldat recruté de force continuellement en guerre. « Le monde n'est pas si effrayant, il faut juste le regarder de façon neutre » si on observait les choses de façon presque "chirurgicale", on n'avait aucun soucis, rien ne faisait jamais peur et tout était toujours analysé. Il lui attrapa le bras pour la tirer vers la sortie. « Si tu as peur, je suis là » lui fit-il remarquer d'une voix douce. Il observait tous les recoins, les combats n'étaient pas dans ce lieu, du coup, peu de gens se promenaient. Il vit tout de même des gens vendre de la drogue dans leur coin mais il préféra ne pas s'en approcher.

Il avait un air étrange lui aussi. Peut-être que c'était juste à cause du sang, ça lui donnait un drôle d'air. Il avait des cheveux en bataille, comme un buisson, ce qui accentuait, aux yeux de Minnie, son apparence atypique. Quand il déclara avoir combattu des ombres – du moins en quelque sorte – la jeune femme demanda s'il avait trouvé un moyen de les faire disparaître. « J'ai été entraîné toute ma vie pour le faire »  Elle haussa des sourcils surpris. « Oh vraiment ? Je ne savais pas que c'était possible. » Si elle avait su, elle aurait peut-être du apprendre à combattre les ombres plus tôt que ça. Elle se sentait maintenant un peu désemparée. Comment les faire fuir ? Pouvait-on apprendre à vivre avec ? Ou finissaient-elles par disparaître d'elle même ? Elle leva les yeux au ciel tout en déclarant. « J'aurais bien aimé apprendre moi aussi. » Maintenant elle n'avait plus qu'à attendre que ça passe. Que le vent se dissipe. Après la pluie venait le beau temps, c'était connu. Elle était en pleine réflexion quand le jeune homme lui demanda si elle était perdue, avant de lui dire qu'il aiderait à se sortir de là. « Qui est Alice ? Et elle vient de quel pays ? » Il était définitivement bizarre. Minnie échappa un petit rire, surprise que des gens ne connaissent pas ce grand classique. Elle prit une inspiration avant de répondre, avec nostalgie. « Alice était une petite fille qui avait plein de rêves mais un jour elle a du revenir à la réalité. » Aucun lapin ne venait montrer son chemin à Minnie. Son chemin était flou. Incertain. Pas de fleurs qui parlent ou de reines à la grosse tête, peut-être qu'elle s'était réveillée elle aussi. Peut-être que la magie n'existait plus. Elle demanda au jeune homme s'il était sûr de pouvoir la sortir de là. Plus certaine que les couleurs soient plus vives, ici ou ailleurs. « Le monde n'est pas si effrayant, il faut juste le regarder de façon neutre » De façon neutre... En noir et blanc ? Minnie s'était longtemps demandée si auparavant tout était en noir et blanc comme dans les vieux films. Les gens s'étaient-ils peint eux-mêmes, de la même manière que les roses blanches peintes en rouges ? Ou l'avaient-ils juste imaginé, pour le rendre réalité ? Mais il était plus vraisemblable qu'ils aient toujours été en couleurs. C'était plus réaliste. Plus neutre. « Peut-être... finit-elle par dire. Mais c'est moins amusant. » Minnie aurait toujours du mal à rester rationnelle. Elle avait été élevée avec la conviction que le monde était rempli de magie. Et même si elle avait du mal à la percevoir depuis quelques temps, elle finirait bien par revenir. Elle finirait bien par oublier les ombres et se rappeler les bons souvenirs. « Si tu as peur, je suis là » Minnie leva la tête vers lui en souriant. « Vous êtes un chevalier ? » Il n'en avait pas l'apparence mais qui sait. Les chevaliers devaient sûrement cachés, où ils seraient sans cesse harcelés pour aller aider tout le monde. Elle avait de la chance finalement.

Hugo avait accepté de rentrer dans la délire de la petite fille, il avait avoué combattre des ombres, tant qu'elle voulait bien l'écouter et le suivre après, car une chose était sûre : cet endroit n'était absolument pas fait pour elle. Elle dénotait avec le reste du bâtiment, quelque chose d'innocent flottait autour d'elle, c'était un peu étrange... et Hugo restait perplexe face à ça, il n'avait jamais vu personne d'innocent avant elle. « Oh vraiment ? Je ne savais pas que c'était possible. » il hocha la tête. Si combattre tout et n'importe quoi et n'importe qui... c'était possible, quand on était entrainé pour. « Si... mais c'est difficile » avoua-t-il, parce que c'était le cas. Combien de ses frères avaient disparu sans avoir atteint leur adolescence ? Tellement, trop sans doute. Avant de quitter les Sentiers Lumineux, il n'avait même pas saisi que c'était des enfants qui étaient morts... mais ils n'avaient jamais été innocent, ils n'avaient jamais espérer ou rêver, ils n'avaient pas eu le temps de ça... et Hugo n'avait pas été une exception. « J'aurais bien aimé apprendre moi aussi. » il secoua vivement la tête. « Personne ne veut apprendre ça petite fille » répliqua-t-il vivement. Parce que c'était le cas, personne n'était préparé pour ce genre d'entrainement. Il sentit ses poings se contracter mais il devait garder son calme. Quoiqu'il en soit, Hugo voulait l'aider, vraiment, il avait envie de lui indiquer le chemin mais il resta perplexe quand elle se mit à parler d'Alice, il ne connaissait pas d'Alice... « Alice était une petite fille qui avait plein de rêves mais un jour elle a du revenir à la réalité. » Hugo se gratta vivement la joue. « Elle est morte ? Je ne connais pas d'Alice moi... » finit-il par avouer de façon gauche tout en se sentant un peu pris au dépourvu. Il dit à la petite fille de voir le monde de façon neutre si elle en avait peur. La petite brune ne semblait pas convaincue par ses propos « Peut-être... Mais c'est moins amusant. » il cligna des yeux, légèrement perplexe. « Je ne comprends pas le rapport » en toute honnêteté, il ne comprenait pas en quoi l'amusement avait à voir avec la neutralité ? Soit, elle était bizarre et ce sentiment se renforçait plus il lui parlait. Il finit par lui faire remarquer qu'il était là pour la protéger. « Vous êtes un chevalier ? » il eut une petite moue un peu incrédule. Non, loin de là. « Je suis un soldat » déclara-t-il finalement, c'était déjà plus vrai, il n'était pas quelqu'un de bien, il n'avait jamais rien fait de "bien", pour dire la vérité, il ne faisait pas la différence entre ce qui était bien ou mal. Pour lui tout ça était ridicule. « Et toi, tu es quoi ? » demanda-t-il curieusement. Parce qu'elle semblait si loin de toutes les personnes dites "normales" qu'il avait pu rencontrer jusque alors.

Peut-être qu'elle n'était pas assez grande pour battre une ombre. Peut-être qu'elle devrait mettre des talons comme Lys et Karina. Elle avait toujours trouvé le bruit de ses chaussures amusant. Clac, clac, clac. Tel Woody Woodpecker en train de faire son trou dans un arbre. Peut-être qu'elle arriverait à transpercer les ombres. Mais elle entendait aussi souvent ses colocataires se plaindre des douleurs qu'elles avaient aux pieds ensuite. Alors elle n'était pas sûre que ce soit une si bonne idée, de se percher en hauteur quand elle sentait son équilibre si fragile. « Si... mais c'est difficile » Elle hocha doucement de la tête. « J'ai remarqué. » Elle s'en serait débarrassée sinon. Elle aurait sorti son armure, ses sourires et son épée et aurait transpercé toutes ces zones d'ombres qui lui donnaient froid quand elle se retrouvait seule. Elle aurait aimé apprendre à les combattre elle aussi, pour être mieux préparé mais est ce qu'il y aurait vraiment eu une différence ? « Personne ne veut apprendre ça petite fille » Elle fut surprise par son ton mais guère par la réponse. Personne n'avait envie de battre des ombres comme métier. Être dans le noir en permanence ce ne serait guère joyeux. Ce ne fut donc pas la réponse en soit qui la gêna mais plus comme il l'appela. « Je ne suis pas une petite fille. Répondit-elle, un air bravache sur le visage. » Elle n'en était plus une, même si elle avait beau se comporter comme telle. A la manière d'Alice, elle avait finis par grandir. Elle commençait à chasser ses idées farfelues, ses histoires merveilleuses. Son cœur était pris d'assaut par une reine qui avait abattu ses cartes trop vites. Elle n'avait pas eu le temps de réagir, seulement de subir. C'était allé trop vite, et maintenant c'était trop tard. « Elle est morte ? Je ne connais pas d'Alice moi... » Elle leva les yeux vers lui et ne put s'empêcher de rire à nouveau. Un sourire bienveillant sur le visage, elle répondit : « Elle ne peut pas mourir, elle vit dans notre cœur. » Elle se pencha ensuite vers l'homme pour murmurer, comme si c'était un secret : « Elle n'existe pas, ce n'est que le personnage d'un livre... » Elle s'attendait limite à la même réaction que les enfants avaient quand ils découvraient que le Père Noël n'existaient pas. Le jeune homme avait visiblement une manière différente de voir le monde. Il lui conseilla de le regarder comme quelque chose de neutre mais Minnie ne trouvait pas cette manière de voir les choses très amusantes. « Je ne comprends pas le rapport » Elle pencha la tête sur le côté en le dévisageant, le trouvant décidément bien curieux. « Les fées ont peut-être oublié d'ouvrir votre imagination... Puis elle baissa la tête, regardant ses pieds, ajoutant à voix basse. Ou elles l'ont trop fait avec moi. » Elle commençait à douter de ses propres convictions. « Je suis un soldat » Elle approuva d'un signe de tête. Soldat c'était bien aussi. « Et toi, tu es quoi ? » Qu'est ce qu'elle était ? Quelle bonne question. Elle leva le menton en l'air, ignorant où elle mettait les pieds pour y réfléchir. « Je suis... Elle paniqua un instant, se disant qu'elle ne savait plus, qu'elle n'était plus sûre mais elle rabaissa finalement sa tête pour regarder le jeune homme. Un clown. » Elle sourit avec mystère avant d'ajouter : « Mais il m'arrive parfois aussi d'être une licorne. » Mais elle ne savait pas si elle arriverait à l'être encore.

« J'ai remarqué. » quel démon devait-elle affronter ? Hugo se le demandait, surtout qu'elle semblait si jeune et innocente. « Pourquoi les ombres t'attaquent ? » demanda-t-il avec un intérêt non feint, il la traita ensuite de petite fille, pour lui, elle l'était, à peine sortie de l'enfance, ça se voyait. « Je ne suis pas une petite fille. » il pencha la tête sur le côté. « Vraiment ? D'accord » finit-il par accepter, si elle le disais, il pouvait bien la croire. Pourtant, il avait du mal à suivre les pensées de la jeune femme, elle parlait d'une Alice comme s'il devait obligatoirement la connaître, il ne voyait pas du tout, il posait des questions sur elle, pour tenter de cerner le personnage. « Elle ne peut pas mourir, elle vit dans notre cœur. » encore plus perplexe, Hugo baissa la tête vers son coeur et le toucha, on ne lui avait jamais dit que son coeur abritait des gens, il ne savait pas s'il en était heureux pour la peine. « Elle n'existe pas, ce n'est que le personnage d'un livre... » aaaaaaaah, ceci expliquait cela ! Son visage s'éclaira soudain pour il secoua la tête avec un petit sourire. « Je n'ai jamais lu de livre » il n'était pas sûr de savoir lire pour dire la vérité, on lui avait vaguement appris lorsqu'il était enfant, mais on l'avait surtout éduqué pour savoir se battre, on avait fait de lui un soldat, pas un érudit. Leur vision du monde était diamétralement opposé, il le voyait comme un terrain neutre, sans couleur, enfin si, avec une couleur : le rouge sang. « Les fées ont peut-être oublié d'ouvrir votre imagination... Ou elles l'ont trop fait avec moi. » Hugo en la voyant si peinée, le regard sur ses pieds, il s'approcha d'elle pour déposer une main compatissante sur son épaule. « Je n'ai jamais vu de fée de ma vie, mais j'aurais sans doute apprécier d'avoir de l'imagination... » déclara-t-il avec encouragement. Elle lui demanda ensuite s'il était un chevalier, non, il était un soldat, un combattant. Et il se demandait ce qu'elle, elle était. « Je suis... Un clown. » il hocha la tête. Nice. « Mais il m'arrive parfois aussi d'être une licorne. » il pencha la tête sur le côté, il ne savait pas que c'était possible ça... « Oh... ça ne fait pas mal de se transformer ? » demanda-t-il avec un intérêt non feint. Ils continuèrent de marcher, pour gagner finalement la sortie, il indiqua la route. « Tu habites dans le coin ? » demanda-t-il doucement en lui laissant le temps de reconnaître l'endroit.

« Pourquoi les ombres t'attaquent ? »  Elle le regarda avec de grands yeux. Pourquoi est ce qu'elles l'attaquaient ? Parce que son cœur n'était pas assez solide, la blessure trop grande. C'était une porte ouverte pour les ombres, une occasion en or de s'infiltrer dans un petit cœur trop rêveur. Elle baissa son regard sur ses pieds. « Parce que... J'ai laissé la porte ouverte, et je n'arrive plus à la refermer. » Elle avait cru en quelque chose de tout son coeur mais dès l'instant où tout s'était effondré, elle n'avait plus eu de force pour quoi que ce soit. « Je ne suis pas assez forte, dit-elle avec un petit sourire vaincu, haussant même les épaules d'un air fataliste. » Peut-être qu'elle trouverait un moyen un jour mais pour le moment elle n'en était pas si persuadée. Le jeune homme l'appela petite fille ce qui déclencha aussitôt chez Minnie son esprit de rébellion. Elle n'en était plus une. « Vraiment ? D'accord » Elle fit un petit hochement de tête satisfait. Le jeune homme avoua ensuite ne pas connaître Alice. Il sembla totalement perplexe quand elle lui expliqua où elle vivait et finit par avouer que ce n'était que le personnage d'un livre. « Je n'ai jamais lu de livre » Elle pencha la tête sur le côté en le regardant curieusement, avant de hausser les épaules. « C'est plutôt cool mais le seul problème c'est qu'on ne peut pas bouger en même temps. J'ai failli me faire écraser une fois à cause de ça... fit-elle remarquer l'air songeuse. » Minnie aimait lire mais elle avait beaucoup de mal à rester en place. Après avoir essayé toutes les positions possibles elle se retrouvait généralement à marcher dans l'appartement tout en lisant. Et dans la rue c'était forcément plus dangereux. Surtout qu'elle avait tendance à faire des commentaires en même temps qu'elle lisait...
Les deux jeunes gens ne voyaient pas le monde de la même façon. La jeune femme avoua que c'était peut-être parce qu'il manquait d'imagination, mais qu'elle, en avait trop. Quand on imaginait trop, la réalité revenait à vous d'une manière brutale, et c'était douloureux. Minnie l'avait expérimenté et elle n'était plus sûre que s'imaginer un monde pouvait rendre celui-ci meilleur. La déception était juste trop grande quand on revenait à la réalité... « Je n'ai jamais vu de fée de ma vie, mais j'aurais sans doute apprécier d'avoir de l'imagination... » Elle esquissa un petit sourire. « Ce n'est pas très compliqué vous savez, il suffit de rêver un peu. » Du moins ce n'était pas si compliqué avant. Tout était un peu brouillon maintenant. Elle n'arrivait même plus à définir qui elle était avec certitude. Même si malgré tout, elle restait une licorne. Mais peut-être que cela aussi ça allait changer, peut-être qu'elle ne serait plus que Minnie. « Oh... ça ne fait pas mal de se transformer ? » Elle échappa un petit rire. « Non ça va, répondit-elle, le plus dur c'est de garder l'illusion. » Elle leva la tête vers le ciel en ajoutant : « Mais il y a trop de nuages ces derniers temps. » Même si le ciel était parfaitement dégagé. « Tu habites dans le coin ? » Elle regarda les bâtiments autour d'elle et se perdit à nouveau dans les lignes. Elles s'embrouillaient toutes dans sa tête et formaient un fouillis incompréhensible. « Non. C'est un vrai labyrinthe. » Elle fronça les sourcils et se gratta le front en réfléchissant. « Je crois qu'il faut toujours prendre à gauche... ou à droite... » Elle n'avait pas passé son diplôme labyrinthe.

Hugo connaissait par coeur la noirceur qu'abritait chaque homme en son sein, et il était particulièrement étonnant pour lui que la petite brune connaisse aussi ce genre de tourment, il y avait quelque chose dans son visage d'innocent, le genre de chose qu'il avait pu déceler chez des enfants... et c'était un peu déstabilisant de la voir ainsi, si prise par... ses ombres dont elle parlait depuis un moment. « Parce que... J'ai laissé la porte ouverte, et je n'arrive plus à la refermer. Je ne suis pas assez forte » il déposa sa main sur l'épaule de la brune et lui offrit un sourire, chose très rare pour lui. « La porte finit toujours par se refermer... » mais parfois, elle laissait des cicatrises, mais ça, il n'allait pas lui dire à cette petite fille. Enfin, visiblement, elle n'aimait pas être traitée comme telle et Hugo l'accepta. Après 10 lunes passées dans son camp d'entrainement, il avait refusé d'être traité comme un enfant, il avait voulu assumer le fait d'être un soldat, et il le méritait, il avait tué plus d'une dizaine de personnes déjà à ce moment-là de sa vie, il était une machine de guerre, rien d'autres. C'était pour ça qu'il avait du mal à suivre le processus contraire, il savait qu'il devait se "comporter" comme un homme, mais la normalité n'avait jamais fait partie de sa vie et son plaisir à lui naissait dans le sang et la mort des autres. Surtout s'il était celui qui la prodiguait.

Soit, elle lui parla de livre, il n'en avait jamais lu. Enfin, pas les classiques, il avait lu Marx, il avait lu des discours de communiste surtout pour alimenter son appartenance au Sentier Lumineux. « C'est plutôt cool mais le seul problème c'est qu'on ne peut pas bouger en même temps. J'ai failli me faire écraser une fois à cause de ça... » il pencha la tête sur le côté, il ne saisissait pas vraiment. Lui avait développé un 6ème sens, rien ne pouvait le surprendre, il "ressentait" les présences des gens, il savait reconnaitre les aura meurtrière, il avait dû apprendre à faire disparaitre sa propre présence lors d'attaque en douce, ne rien sentir de son entourage au point d'être distrait était impossible. « Tu es un peu bizarre » finit-il par décréter, parce que c'était la seule chose logique à ses yeux. Elle avait beaucoup trop d'imagination pour lui quelque part et ça le déstabilisait un peu. « Ce n'est pas très compliqué vous savez, il suffit de rêver un peu. » il eut une petite perplexe. « J'ai appris à agir, pas à rêver » avoua-t-il alors. Les rêveurs avaient été les premiers tués donc bon. Elle parla de transformation et il préféra la suivre dans son délire. Si ça lui faisait plaisir, du moment que la métamorphose ne faisait pas trop mal. « Non ça va, le plus dur c'est de garder l'illusion. Mais il y a trop de nuages ces derniers temps. » il observa le ciel à son tour avant de finir par opiner la tête, si ça pouvait lui faire plaisir. Il finit par lui demander si elle habitait dans le coin. « Non. C'est un vrai labyrinthe. Je crois qu'il faut toujours prendre à gauche... ou à droite... » Hugo pinça les lèvres... ouais, non, ça n'allait pas marcher ainsi et il prit les choses en main. « Tu connais un peu le Bronx ou pas ? T'habite où toi ? Ton adresse je veux dire ? Parce qu'aussi non, tu peux venir chez moi, c'est pas si loin » expliqua-t-il simplement en lui tenant la main, pour être sûr qu'il ne la perde pas de vue, elle pouvait vraiment finir dans un endroit non désiré... surtout que c'était la partie la plus malfamé du district.