Cela faisait quelques minutes déjà que Quinn, chargée d’un message par nulle autre que Lyanna en personne, faisait les cent pas devant le bureau qu’elle partageait avec Caine. Difficile pour elle que de se jeter dans la gueule du loup et pourtant, trois mois plus tôt, elle avait fait une promesse. Une promesse qu’elle se refusait de rompre et qui la poussa justement à faire ce pas en avant, se prenant aussitôt une réflexion de son coéquipier au visage… « Je sais que tu as besoin d’être seul Caine mais je ne peux pas te laisser faire. Pas avant d’avoir dit tout ce que j’ai à dire. » Premièrement, elle lui déposa sur le bureau l’immense dossier concernant toute la protection de Lyanna, son viol, ses multiples déménagements et autres dossiers médicaux la suivant depuis ses vingt et un an. « Il faut que tu lises ceci pour comprendre d’abord. Je vais aller voir le capitaine en attendant, et quand je reviendrai… j’aurais d’autres choses à discuter avec toi. » Et Quinn s’exécuta. Il fallait le laisser seul ne serait-ce qu’à cause des photographies contenues dans le dossier et qui décrivait aisément l’horreur vécue par l’italienne. Alors à partir de là, la brunette lui laissa deux bonnes heures histoire qu’il ne puisse assimiler un maximum d’information et, non sans devoir s’y reprendre à trois fois pour trouver le courage de revenir dans ce fameux bureau, elle rouvrit la porte après avoir soigneusement frappé. Cette fois-ci, Quinn prit le parti de s’asseoir, un autre dossier en main, l’air plus sérieux qu’elle ne l’avait été lors de sa première venue. « Je sais que tu cherches Lyanna et avant de te mettre en colère contre moi, elle m’avait fait promettre d’attendre quelques temps que tu ne te sois calmé… je ne veux pas prendre le parti de qui que ce soit je me contente juste de tenir ma promesse. En vérité, après votre rupture, elle s’est vu offrir un poste en or à Chicago et a immédiatement accepté. Sauf qu’avant de partir, elle a apparemment appris qu’elle était enceinte de jumeaux. De toi bien évidemment ! Heum… je t’ai apporté tout le dossier qu’elle m’a donné, la première partie constituée par le formulaire qui te donnera la garde alternée à la naissance des bébés, et le deuxième un testament qui stipule que tu auras la pleine garde et que personne ne pourra te la contester si jamais, d’aventure, il devait lui arriver quelque chose. Je crois qu’il y a également l’adresse du nouveau hôpital où elle officie… c’est tout ce qu’elle m’a donné, je n’ai rien d’autre. »

« Je vous ai déjà dit non Docteur Knowles » répondit une nouvelle fois Lyanna avec autant de contrôle qu’elle le pouvait même si l’envie de lui défoncer la tronche à coup de bistouri se faisait de plus en plus oppressante. Des semaines que cet abruti souhaitait l’inviter à dîner, et des semaines que l’italienne essayait de s’en dépêtrer sans grand succès. La preuve encore ce soir, alors que Lyanna atteignait le terme de sa quatrième garde d’à filée, cette grande perche refusait de la laisser en paix comme elle estimait pourtant le mériter. « Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que vous dégagiez définitivement de mon antre et que vous me foutiez la paix, hum ? Généralement, quand une femme dit non, c’est non, pas oui et encore moins un jour peut-être… et quand elle dit peut-être, généralement elle veut dire même pas en cauchemar connard ! Vu ? Alors maintenant vous avez dix secondes pour me débarrasser le plancher et lâcher mon bras ou je vous coupe la main avec mon bistouri !! » avait-elle finalement hurler en le poussant dans le couloir, les yeux brillants de colère, utilisant une énergie dont elle risquait malheureusement de manquer plus tard. Mais ce n’était pas le pire… le pire résida plutôt dans l’entente de cette voix qu’elle aurait pu reconnaître entre mille et qui lui arracha l’expression de surprise la plus évidente mais aussi la plus douloureuse. « Surprise c’est sûrement le mot » répliqua-t-elle avec distance à son tour, tentant de rester en un seul morceau alors que l’envie de s’éparpiller définitivement la prenait actuellement aux tripes. « De mariage ? » reprit elle sans pour autant le lâcher des yeux, s’attendant au pire savon de sa vie. S’il était là, c’est que Quinn avait tenu sa promesse…

Ne pas répliquer, ne pas répliquer, et surtout ne pas s’énerver. Lyanna était en train de se tourner en boucle dans son esprit des principes de yoga appris sur le tas mais bientôt, ce ne fut malheureusement plus suffisant pour la contenir. « Attends, attends, de quel dossier tu parles au juste ?! Je n’ai donné qu’un dossier à Quinn, à la va-vite à l’aéroport et c’est celui que tu tiens en main justement, alors m’accuses pas avant de savoir tu veux !! » grogna Lyanna car elle voulait bien être mille fois blâmée pour ses erreurs et ses paniques ridicules, mais elle refusait d’être portée à la pendaison en place publique pour un crime qu’elle n’avait justement pas commis. « Tu parles du dossier de protec… oh putain ! Oh putain je vais la massacrer, la déchiqueter… MERDE ! » La respiration de l’italienne s’était fait extrêmement saccadée et elle fit longuement les cent pas dans la pièce, passant et repassant ses mains dans ses cheveux avant de ne devenir à nouveau statique, fermant les yeux pour reprendre le contrôle. Bigre, comme quoi on n’est jamais mieux servi que par soi-même. « Je t’emmerde avec tes tests de sélection pourris ça n’a rien à voir ! Oui j’ai paniqué, oui j’ai merdé, oui je suis partie à l’autre bout du pays… t’es content comme ça ? Je ne savais pas quoi faire, voilà ! Tu as eu un mariage pour savoir comment gérer la vie de couple, moi c’était une grande première, et en prime t’as pas un cinglé qui te poursuit depuis ta majorité, alors merde ! » Lyanna se laissa tomber contre une chaise, son visage entre ses mains, tentant de penser à quelque chose qui ne la ferait pas craquer, du moins pas tout de suite. « Je pensais que tu ne voudrais plus jamais me revoir. T’as été pourtant clair dans ton discours après m’avoir balancé mon masque, non ? Je ne me plains pas de mon sort je ne fais que constater, me fait pas dire ce que j’ai pas dit ! Juste après j’ai appris que j’étais enceinte et j’ai balisé, voilà ! J’ai doublement balisé parce que j’en ai déjà perdu un de bébé et que je me voyais mal revenir la gueule enfarinée devant toi en mode « coucou me revoilou tu vas être papa » ! Je suis pas parfaite, j’ai des réactions de merde parfois… mais je voulais pas t’exclure de leurs vies, c’est ça que je voulais que tu comprennes. Tu m’as exclue de la tienne et tu avais toutes les raisons du monde mais je ne voulais pas que tu vois de basse vengeance de ma part ! » Lyanna se releva à ce moment précis pour mieux le toiser en restant à quelques centimètres de Caine. « Tu voulais que je fasse quoi, hein ?! Dis-moi, puisque t’es tellement malin !! »

La situation était définitivement en train d’échapper à Lyanna et malgré tous ses efforts pour rester calme, elle n’y parvenait définitivement pas. Sa colère s’apaisa pourtant face au contrôle de Caine, qu’elle ne pouvait qu’envier au-delà des mots, et se mit à soupirer tout en sachant qu’en disant la vérité, elle risquait de ne se perdre que davantage. « J’étais dans le programme de protection des témoins jusqu’à ce que je ne me décide à mettre un masque pour vivre tranquille et ne pas avoir à changer constamment de ville. Leonard était mon « protecteur » si on peut dire, c’est pour ça que je le connais si bien, et Jeremiah m’a retrouvée ce soir là, d’où le fait qu’il soit moins enfoiré avec ma personne. J’ai été violée. Violée, tabassée, torturée, j’espère que ça te va comme explication parce que j’ai pas du tout l’intention de rentrer dans les détails ! C’est à cause de ça que j’ai perdu mon bébé, c’est ça qui m’a poussée à fuir pendant sept ans et c’est ça qui me pousse à mettre un masque. Au début, je pensais pas que ça deviendrait sérieux entre toi et moi, et puis… je suis tombée amoureuse de toi et tout s’est compliqué dans ma tête. D’un côté je voulais croire que je pouvais avoir accès à cette vie normale à laquelle j’aspirais, et de l’autre j’avais peur que tu ne finisses par te lasser de mon tempérament de merde. Tout à l’heure je disais pas que ton mariage avait été idyllique, mais tu as déjà aimé, tu as protégé, et tu as ton fils ! Moi j’avais qui quand tu es parti, hum ? Personne ne m’a jamais sensibilisée réellement, personne ne m’a appris à agir de façon sentimentale, alors j’ai agis de façon rationnelle, pour me protéger… et les protéger aussi. Que tu ne comprennes pas ne m’étonne pas, on n’a pas le même vécu et puis t’es pas une gonzesse. » Lyanna haussa les épaules avant de sursauter en voyant son patron ouvrir la porte de son bureau à la volée. « BENEDICT ! Quatrième garde que vous êtes là et j’en ai marre de vous… faites-moi le plaisir d’aller pioncer et plus vite que ça ! Si vous êtes encore là dans vingt minutes je vous vire ! » « Chef oui chef ! » Sauf que la conversation était loin d’être finie et pire, elle n’avait aucun argument à lui opposer concernant sa mutation… « Soixante-douze heures, ça commence à faire long entre deux siestes c’est net… »

« Chez moi ? Si tu considères que ma caisse est un « chez-soi » alors ouais techniquement parlant je pourrais rentrer chez moi » lâcha Lyanna sans l’ombre d’une émotion car depuis qu’elle se trouvait sur Chicago, l’idée même de louer un appartement lui créait de terribles crises d’angoisse. Elle ne voulait pas en entendre parler et c’était probablement la raison pour laquelle elle acceptait la proposition de Caine à demi-mot, même si elle se trouvait dans l’incapacité pleine et entière de dire les choses avec clarté et franchise de ce point de vue là. « Je ne pouvais pas prévoir que Quinn mettrait aussi longtemps à te donner le dossier, je pensais qu’elle l’avait fait depuis longtemps et que tu ne voulais juste pas me voir… comment pouvais-je savoir que tu me cherchais depuis trois mois ? J’ai eu tort de partir je sais mais c’était une façon comme une autre de me protéger. Je suis pas faite en pierre, et crois-moi, ça m’emmerde les trois quart du temps. » Lyanna se passa à nouveau une main nerveuse contre ses cheveux, puis sur sa nuque, avant de ne prendre une nouvelle inspiration. « Je ne t’ai pas jugé Caine. Ca paraît facile à dire comme ça mais je ne t’avais pas ouvert les portes de ma maison pour rien… je voulais que tu saches. Je voulais que tu l’apprennes d’une façon ou d’une autre et je voulais que tu m’aides à extirper ces saloperies de phrases que je n’arrivais pas à sortir. Le soir du gala, j’avais imaginé que nous aurions dansé, parlé, je t’aurais emmené à part et j’aurais ôté mon masque. Tu aurais sûrement été en colère mais je t’aurais expliqué les choses, et je t’aurais dis que je t’aimais. C’était comme ça que j’avais vu la chose, en théorie. Il faut croire que je suis encore plus conne que je ne le pensais. »

Il ne fallait pas croire que puisqu’elle avait réussi à se faire construire une maison Lyanna roulait considérablement sur l’or ou avait pour habitude de vivre dans des palaces. C’était à vrai dire le contraire qui se produisait, les rares fois où elle avait pu prendre des vacances : elle privilégiait les endroits confortables et bon marché, réservant ainsi l’entièreté de son budget ou presque à se faire plaisir. Sauf que là, en rentrant dans cette chambre d’hôtel, l’italienne n’eut aucunement une impression de vacances mais plutôt d’être dans une nouvelle prison. Un peu glauque comme pensée mais au final, Lyanna finissait par haïr sa propre existence à force de ne jamais obtenir le peur qu’elle désirait… et ce qu’elle souhaitait plus que tout au monde résidait en une seule personne : Caine. « Par terre ?! C’est ridicule, surtout si tu reprends la route demain ! On peut partager le lit, je crois que je suis trop fatiguée pour que tu aies quoi que ce soit à craindre de moi » s’opposa-t-elle aussitôt à la proposition de l’écossais, refusant qu’il ne s’esquinte le dos par terre alors qu’ils pouvaient agir entre gens civilisés… « Sauf que moi je sais très bien pourquoi je n’ai pas pris d’appartement ici et encore moins vendu ma maison à New York. Ici, ce n’est pas chez moi. D’accord, j’ai un boulot très bien payé mais un harceleur comme collègue et j’ai constamment mon ancien patron au téléphone. Je sais que tu n’as pas confiance en moi, je sais aussi que j’ai merdé et que je ne mérite pas nécessairement de clémence mais… plutôt que de te laisser faire des tonnes d’efforts et perturber ton fils en prime, ce qui ne ferait qu’ajouter de la culpabilité à mon lot, pourquoi ne reviendrais-je pas purement et simplement… si tu me le permets. »

Lyanna poussa un profond soupir avant de ne se laisser lourdement tomber sur le lit. Oh elle avait entendu sa phrase et techniquement parlant elle savait pourquoi il avait proposé de dormir par terre mais elle se moquait bien des « risques » pour la simple et bonne raison qu’elle avait toujours été une tête brûlée. Se prendre une porte dans la gueule ne lui faisait pas peur, sans quoi elle n’aurait jamais pu devenir chef de service aussi jeune, et encore moins aussi rapidement. « Je ne suis pas quelqu’un qui fuit d’ordinaire, je reste et je me bats » répliqua-t-elle tout en se redressant sur le lit, dos tourné à Caine car il valait mieux qu’il ne se rende pas compte des larmes qui avaient fini par s’écouler contre ses joues. Les hormones, la fatigue, la peur, la colère, tout ce cocktail Molotov était en train de lui monter au cerveau et de toute évidence, il valait mieux qu’elle craque une bonne fois pour toute plutôt que de rester inlassablement à se blâmer sans avoir de pensée constructive. « Si j’avais remis en cause ta bonne foi pendant tout le temps où a duré notre relation je ne t’aurais ni accepté dans ma maison ni même commencé quoi que ce soit avec toi. J’ai vécu dans la peur pendant sept ans Caine… et même encore aujourd’hui, il m’arrive de regarder par-dessus mon épaule parce que j’ai pas envie que ce salopard réapparaisse. Je sais que tu as été blessé et je ne te blâme pas du tout pour ça mais d’un autre côté… ça fait sept ans que je me bats sans faire un seul faux pas. Je pense qu’on ne peut pas me jeter la pierre d’avoir fait de la merde une fois, surtout étant donné les remords et la merde que ça m’apporte. » Lyanna parvint enfin à enlever ses bottes et poussa un profond soupir vu l’effort que cela lui avait demandé. Elle n’était pas sortie de la berge…

Parler de son passé… voilà bien une chose que Lyanna ne s’était pas attendue à faire, pas même face à sa propre mère ou Leonard, qui la protégeait pourtant depuis sept ans et connaissait grosso modo tous les détails de l’affaire. Jusqu’ici, elle s’était contentée de vivre et de se cacher, parce que c’était plus simple et que cela lui permettait de rester sur New York… mais désormais c’était différent et la présence de Caine en train d’essuyer ses larmes en était bien la preuve. « Soixante-douze heures sans fermer l’œil, tu devrais essayer mon ange » reprit Lyanna non sans esquisser un petit rire au milieu de ses larmes, sentant son cœur devenir plus léger au fur et à mesure des secondes. « Je ne suis pas têtue… je suis bornée, énorme nuance ! Mais je te fais officiellement la promesse que je ne te mentirai plus jamais, que je ne te cacherai rien et même si je ne peux pas promettre que je n’aurai plus jamais peur, j’essayerai au maximum de me dominer. Ce n’est pas tant que je n’ai pas réagit Caine… je t’aime de tout mon cœur mais je ne sais pas comment l’exprimer, comment vraiment le faire comprendre surtout qu’il n’y a pas cinq secondes, j’avais tout bêtement la crainte que tu ne rejettes mes sentiments… je ne suis pas plus experte en disputes de couple j’en ai peur. » Mais cela n’empêcha pas Lyanna de se rapprocher progressivement jusqu’à s’emparer délicatement des lèvres de Caine, en un baiser chaste certes mais qui s’avérait être la preuve la plus implacable de ce qu’elle venait d’avancer. « Quant à mon passé… je préfère que tu me questionnes et je veux le faire maintenant. Je veux que ce soit comme si tu m’arrachais un pansement… rapide et sans anesthésie. »

Sans même comprendre pourquoi, Lyanna se sentit presque intimidée par ce déshabillage en bonne et due forme mais à sa décharge, Caine ne l’avait pas vue dans un aussi simple appareil depuis trois mois et elle avait pris quelques formes, que ce soit au niveau de la poitrine mais aussi du ventre. Elle se laissa néanmoins docilement faire, se contentant de garder ses bras contre elle jusqu’à ce qu’il ne l’installe à l’intérieur du lit et ne la serre dans ses bras. « Tu es au courant que c’est la même pour moi et que je risque de m’endormir ? » lança-t-elle d’une voix nettement plus amusée, tentant d’oublier le mal qu’ils avaient pu se faire et les trois mois d’horreur qu’ils avaient vécu, l’un comme l’autre, chacun de leur côté. « Ou pas… » reprit-elle néanmoins face à la discussion qu’ils allaient avoir car de toute évidence, il valait mieux qu’ils l’aient maintenant et n’en parlent plus jamais. Lyanna voyait la chose ainsi, à vrai dire. « Ca remonte au début de mon internat, en vérité. J’étais déjà une danseuse connue à l’époque, bien que sur scène, j’étais toujours connue sous le nom de « Soline ». J’ai eu un partenaire une fois qui était charmant, doux, attentionné… un excellent danseur. Seulement j’ai toujours été incapable d’avoir des relations personnelles avec mes partenaires, je me l’interdisais. De plus, à ce moment là, j’avais une idylle avec un autre interne, comme moi. Il a commencé à être jaloux, et un soir, il m’a fait une scène terrible. Le couperet est tombé sans appel : je lui ai montré la sortie en lui disant que plus jamais je ne voulais le voir réapparaître devant moi. » Lyanna marqua une pause car le pire restait malheureusement à venir. Inconsciemment, elle se serra davantage dans les bras de Caine, réclamant en quelque sorte sa protection, mais aussi la force de continuer à dévoiler son douloureux passé. « Il a obtenu mon adresse sans que je sache comment et m’a administré un sédatif. Je me suis réveillée attachée à mon propre lit, bâillonnée, allongée sur le ventre. Je ne te fais pas un dessin pour la suite, j’ai été retrouvée à demi morte le lendemain par ma femme de ménage, et passé un nombre incalculable de semaines à l’hosto surtout que j’avais fait une fausse couche à cause de ça, alors qu’il continuait à me harceler. J’ai dû déménager à plusieurs reprises, jusqu’à ce que je décide de m’installer à New York. Mais ils ne l'ont jamais coincé... manque de preuves, m'ont-ils dit. »

Lyanna esquissa une nouvelle fois un petit rire face à sa provocation et quelque part, cela lui avait permis de se détendre en vue de confier le drame de son existence. Mine de rien, bien qu’elle n’ait donné aucun réel détail sur ce qu’elle avait subit à proprement parler, l’italienne eut l’impression d’en dire suffisamment pour que Caine soit capable d’imaginer la suite. C’était sans doute mille fois pire mais elle n’avait pas la force d’en dévoiler davantage, il allait donc devoir s’en contenter. « Je ne suis pas sûre d’être curieuse de savoir comment on règle la chose en Écosse ou chez les McDouglas… même si je vois pas mal de trucs crades dans mon boulot ! Ne t’inquiètes pas, cela fait des années que je n’ai plus eu d’ennuis mais je ne veux juste pas que le cauchemar recommence, surtout pas maintenant que je suis enceinte… je ne veux pas non plus me dire que j’ai la poisse de ce point de vue là. » Lyanna poussa un pénible soupir, son visage étant subitement redevenu sérieux tandis qu’elle s’écartait légèrement pour recréer un contact visuel avec Caine. « Lyanna est mon vrai prénom. Je n’ai jamais pu me résoudre à le changer même si Leonard me l’a souvent conseillé. Mais Soline n’est pas un mensonge pour autant, vu que c’est mon deuxième prénom. Je m’appelle Lyanna Soline Benedict. C’est à mon père que je dois mon prénom. Et même si lui et moi n’avons plus grand-chose à nous dire… ça fait partie de mes racines et je ne leur tournerait jamais le dos. Dis-toi que tu es quand même avec une givrée du cervelet, peut-être que ça t’aidera ! » conclut-elle d’un ton plus léger, comme pour contrebalancer le feu de ses précédentes paroles.

« Je ne suis pas le genre de nénette à laisser un gamin sans défense se faire écraser, j’avoue ! Puis bon, en même temps, j’ai récolté un bisou magique, ça valait le coup de perdre un genou dans la bataille… » avoua Lyanna non sans sourire une dernière fois, accueillant son baiser pour mieux se lover dans ses bras, d’où elle ne bougea pas jusqu’à ce qu’un bip ne résonne dans la pièce et ne la pousse à grogner. Avec le nombre d’heures de sommeil qu’elle avait en retard, loin de l’italienne l’envie de s’extirper des bras de Morphée et encore moins des bras de l’écossais, même s’il en décida autrement pour aller prendre une douche. Lyanna avait complètement oublié qu’il devait prendre son avion tôt ce matin, sans doute parce qu’elle espérait qu’il resterait, mais elle ouvrit aussitôt un œil alors qu’il sortait de la douche, habillé des fringues de la veille. Il devait vraiment être parti rapidement de son appartement new yorkais… « Tu penses que je vais pouvoir me rendormir alors que ma bouillotte personnelle s’en va ? Tu rêves ! » plaisanta-t-elle avant de ne se lever légèrement sur le lit pour attraper ses genoux, ne le lâchant pas d’une semelle. « C’est une fille et un garçon » confia-t-elle finalement, alors qu’elle était au courant depuis de longs jours déjà et qu’elle aurait pu lui dire mille fois la veille. Disons que cela lui paraissait être le meilleur moment, même s’il devait partir très rapidement. « Comment on va faire, Caine ? »

« La veste c’est une idée ! » avoua Lyanna tout en sachant que même avec ça, elle risquait de peiner à se rendormir. Mais c’était un début et elle voulait bien faire style qu’elle se rendormirait le plus docilement du monde après son départ si cela pouvait l’aider à ne surtout pas culpabiliser. « Ne te jette pas la pierre, les circonstances n’étaient pas idéales non plus… ils vont très bien même si curieusement le gynécologue a trouvé la mère un brin stressée et je ne pourrais pas être plus heureuse dans ma vie même si je pense que je risque d’être pétrifiée jusqu’à ce qu’ils ne naissent effectivement » avoua-t-elle non sans faire preuve d’une extraordinaire sincérité qui la surprenait au-delà des mots. « Je n’ai pas changé d’avis Caine, je ne vois pas pourquoi je changerai et Connor me manque également… il est génial ton fils, n’en doute aucunement ! Cela dit je n’ai pas de cartons juste une valise qui est non défaite dans le coffre de ma voiture alors ça ne prendra pas longtemps pour me rapatrier, tu peux me faire confiance. Ceci étant… j’aurais trouvé dommage que tu fasses ton coming-out ! » Lyanna se redressa pour mieux l’embrasser avec passion, reprenant davantage confiance en leurs sentiments et en leur histoire et ce sans éprouver la plus petite hésitation. Mieux, elle avait l’impression de se sentir finalement entière… « Je vais essayer de dormir et toi, dépêche-toi de revenir, tu me manques déjà. »