Ce soir – et probablement comme tous les soirs – le Dream était noir de monde. L’entrée grouillait de personnes désireuses de pénétrer dans le dernier night-club à la mode avec une détermination palpable et de videurs repoussant l’assaut des trouble-fêtes. Depuis le tabouret où elle se trouvait, Zelda observait l’agitation ambiante en se demandant ce qu’elle foutait ici. Même si l’endroit en question disposait d’un cadre plutôt sympathique, elle ne s’y sentait pas très à l’aise. Traîner les bars n’était pas du tout son genre, alors, les night-clubs encore moins. Mais elle avait tout de même été entraînée ici par ses amies. « Viens ! Ce sera une soirée entre copines célibataires, ce sera amusant ! » lui avait-on dit. Sauf que, bien évidemment, elles se trémoussaient sur la piste de danse avec de parfaits inconnus pendant que Zelda sirotait tranquillement son deuxième cocktail en ruminant ses regrets. C’est terminé, on ne l’aurait plus aussi facilement !

Enfin, presque…

Zelda avait beau se persuader du contraire ; elle était incapable de dire non à cause de son enfance solitaire. Elle avait vu le jour en Antarctique et y avait passé toutes premières années de sa vie totalement coupée du monde avec une meute de chiens de traîneaux pour seule compagnie, alors, lorsque la famille Spinoza avait emménagé à Hawaï sans ses chiens, Zelda avait été contrainte de se socialiser et afin de ne pas perdre ses nouveaux amis, elle leur vouait une loyauté sans faille. Certains diront que c’est une grande qualité, mais c’était également un gros défaut car elle se faisait facilement avoir par les personnes peu scrupuleuses qui profitaient de sa gentillesse. Et à qui elle pardonnait peut-être un peu trop aisément. Depuis la piste, l’une de ses amies lui fit signe en poussant des cris de groupies (manifestement satisfaite par son cavalier un peu trop tactile) et Zelda lui répondit en l’imitant avant d’afficher un air profondément blasé lorsqu’elle lui tourna enfin le dos. Elle vida son verre d’une traite, le posa sur le comptoir et fit un cercle avec son doigt pour demander au barman de lui en servir un troisième. Elle savait que ce n’était pas raisonnable car sa tête tanguait déjà, mais boire lui semblait être la seule chose à faire pour passer le temps. Et qui sait, peut-être qu’après plusieurs verres elle consentirait enfin à les rejoindre et à s’amuser un peu ?