Le diner n’était pas encore terminé d’être préparé, et le stress commençait à monter. Et ce n’était pas Bart, vautré sur le canapé du salon, qui allait m’aider. « Allez Bart, s’il te plait, viens m’aider ! » le suppliais-je presque. Pour une fois, il était resté à New York pour toutes les fêtes, et pas seulement Noël, et je devais bien avouer que passer autant de temps avec mon jumeau m’avait réellement manqué. Et c’était apparemment son cas aussi, puisqu’il n’avait pas vraiment l’air décidé de partir. Je savais que cette année était un peu une transition pour lui. Il avait raté son concours pour rentrer à l’ENA, et personne n’était au courant, pas même sa petite amie. Il faisait donc semblant d’aller en cours, alors qu’il passait simplement ses journées à l’extérieur, sans rien faire de particulier. J’avais tenté de le convaincre de dire aux autres qu’il avait échoué, mais pour lui, c’était trop tard, et il s’était perdu dans ses mensonges à présent. J’imaginais donc que rester au près de moi, qui l’acceptait tel qu’il était avec ses qualités comme ses défauts, cela devait lui faire du bien. On évitait de parler de nos parents, mais je me doutais bien que ce n’était pas tout rose entre eux – après tout, il allait jusqu’à leur mentir effrontément. Le voyant se lever pour me rejoindre, je ne pus m’empêcher de lui faire un grand sourire. Il me prit tendrement dans ses bras, avant de commencer à découper les légumes en petits morceaux. « C’est bientôt l’heure de réveiller Elliot, non ? » me demanda-t-il alors, me faisant revenir à la raison. « Oui, si je veux pouvoir le préparer pour ce soir, en effet ! » répondais-je dans un petit rire, avant d’enlever mon tablier. « Tu continues ? Je reviens. » le prévenais-je. Une fois qu’il acquiesça de la tête, je montais à l’étage réveiller mon bambin. Enfin, il n’était pas vraiment mon bambin. Je n’étais que sa mère adoptive. Et encore, je ne l’avais adopté que parce que ses parents m’avaient nommée marraine sans me consulter. Mais il était devenu la lumière de ma vie depuis les quelques années – quatre maintenant ! Que le temps passait vite ! – que nous partagions ensemble. Une fois qu’il fût prêt et habillé, je redescendais dans la pièce principale, avant de retourner aider mon jumeau dans la cuisine américaine. Et nous préparâmes le repas sans trop d’encombre. La sonnette retentit alors. « Tu crois que c’est Armand qui a pu se libérer ? » me demanda mon frère, me faisant hausser les épaules. J’espérais vraiment que mon grand-père pourrait nous rejoindre pour le nouvel an, comme il le faisait habituellement pour Noël. Mais en voyant Xander à la porte, je ne fus nullement déçue, bien au contraire. Avant même de dire quoique ce soit, je posais mes lèvres sur les siennes pour échanger un tendre baiser, le rapprochant de moi à l’aide de ma main, que je posais sur sa nuque.

Je commençais réellement à stresser en voyant que le repas n’était pas encore fini. Xander allait probablement arriver d’une minute à l’autre, tout comme mon grand-père s’il avait réussi à se libérer – ce que j’espérais réellement ; plus je le voyais, mieux je me sentais. C’était donc pour ça que j’avais presque supplié Bart de m’aider en cuisine plutôt que de rester avachi sur le canapé à attendre, avant d’aller moi-même préparer Elliot pour la soirée. Il avait fait sa sieste, et devrait tenir au moins une bonne partie de la soirée. Peut-être même jusqu’à l’année prochaine, pourquoi pas ?! Après l’avoir lavé et habillé, nous descendîmes tous deux en bas, pour terminer le repas, auquel il se fit une joie de nous aider – enfin un homme aidant de plein cœur en cuisine ! Le repas était presque prêt lorsqu’on sonna à la porte. Bart – et moi-même, il fallait avouer – espérait que cela puisse Armand, qui aurait pu se libérer pour cette nouvelle année. Mais je ne fus absolument pas déçue lorsque j’aperçus Xander sur le pas de la porte. Et comme pour prouver mes pensées, je l’embrassais avant même qu’il n’est eu le temps de dire quoi que ce soit. Mon cœur commençait à battre à tout rompre lorsque Xander se détacha de moi, me faisant lâcher un petit soupir de protestation par la même occasion. Mais bon, en même temps, si j’avais voulu passer la soirée à le bécoter encore et encore, je n’aurais probablement pas invité Bart, et surtout j’aurais fait garder Elliot … Il était content de me voir ! fût tout ce qui traversa mes pensées alors qu’il déposait de nouveau ses lèvres sur les miennes pour un rapide baiser. Entendant son excuse à propos du fait qu’il était venu les mains vides, j’éclatais de rire. « Sérieusement ? » lui demandais-je en riant, même si je l’imaginais mal venir réellement sans rien, et que j’imaginais donc qu’il disait la vérité. Puis je rougis – énormément même – à sa phrase. Avant de rouler des yeux et de lui donner une petite tape sur l’épaule. « Idiot va ! » lui dis-je d’un air taquin, avant de l’embrasser rapidement de nouveau. J’allais approfondir ce baiser, lorsque mon frère décida de nous interrompre – le vilain ! « Hum hum » se gratta-t-il la gorge, avant de reprendre. « Il y a un enfant parmi nous, vous savez ? » continua-t-il, me faisant définitivement rompre le contact d’avec mon petit ami. Il vint alors à notre encontre, et présenta sa main à Xander. « Je suis Bart. Son jumeau. Vous devez être Xander j’imagine ? Elle n’a pas arrêté de faire sa pintade à propos de vous … » dit-il dans un petit rire.

Depuis que Xander et moi étions ensemble, j’avais toujours cette sensation inexplicable, à chaque fois que je le voyais. Si j’étais fleur bleue, je parlerais de papillons au creux de mon ventre, mais je ne l’étais pas. Ah bah si en fait, je le suis ! Donc oui, des petits papillons virevoltant à l’intérieur de moi. Et là, alors qu’il venait d’arriver, j’avais ressenti exactement la même chose. Et c’est probablement pour cette raison qu’à peine s’était-il retrouvé sur le pas de ma porte que je m’étais presque littéralement jetée à son cou pour l’embrasser. Je n’étais jamais rassasiée de ses baisers, c’était un fait. Sérieusement, si je pouvais passer mes journées entières à le faire, je ne me ferais pas priée ! Nous n’étions pas encore passés à « l’étape supérieure » - même si j’étais toujours parée au cas où ; hors de question que je stresse à cause de quelque chose d’aussi stupide que ça ! – mais finalement, prendre notre temps était également très agréable. Puis il m’annonça qu’il était arrivé les mains vides parce qu’il s’était cassé la figure – et la bouteille par la même occasion. Je n’avais pas pu m’empêcher de rire. Parce que s’il était réellement sérieux – ce dont je ne doutais pas, pourquoi mentirait-il pour quelque chose d’aussi futile ? – cela rendait le tout encore plus cocace. Et même sa « plainte » après n’apaisa pas mes rires, au contraire même. Je tentais de reprendre ma respiration, avant de lui répondre. « Oui, on va espérer qu’il n’y avait pas de paparazzis dans les parages. N’ont-ils pas mieux à faire sérieusement ? Plutôt que de traquer des personnes célèbres, ils ne pourraient pas … je sais pas, passer du temps avec leurs proches, ou du style ? » commençais-je, avant de rougir à sa demande de lui faire un massage à un endroit … bref, à un endroit ! Je l’embrassais de nouveau – vraiment, je ne m’en lasserais jamais ! – avant que mon jumeau ne nous interrompt. Je fis les gros yeux à mon frère, alors qu’il me comparait carrément à une pintade. Une pintade !! « Comment le fait-elle ? Elle roucoule en parlant de toi, encore et encore. Sérieusement, je vais faire une overdose ! » expliqua-t-il dans un rire, avant de me regardé d’un air amusé. Je lui donnais une petite tape sur l’épaule, avant de me retourner de nouveau vers Xander. « Ne l’écoute pas, il délire totalement. Il a probablement de la fièvre. » lui dis-je dans un petit rire, avant de poser ma main sur le front de mon jumeau. « Oui, je confirme, il en a ! »

Je n’arrivais réellement pas à comprendre quel était le but d’un paparazzi, ni pourquoi tant de personnes regardaient les photos prises par eux. Une célébrité était une personne normale, comme tout le monde, donc qu’est-ce qu’on pouvait en avoir à faire qu’un inconnu soit tombé dans la rue ? Que moi je m’intéresse à ce fait – et que je trouve cela cocace – était normal, étant donné que la célébrité en question était mon petit ami. Mais d’ailleurs, je n’avais jamais vu Xander autrement que Xander. Qu’il soit célèbre ou non, je n’y avais jamais réellement fait attention. Et il était sûr que s’il avait été un inconnu, je n’aurais eu que faire qu’il tombe dans la rue et qu’il passe le réveillon en compagnie de sa petite amie. Mais bon, je n’allais pas débattre là-dessus – c’est que j’en étais bien capable ! – et me contentais de rouler des yeux à sa réponse. Je me contentais simplement de l’embrasser de nouveau, n’étant jamais rassasiée de ses baisers, enfin de lui, tout simplement … Même si le fait que mon jumeau me rappelle qu’Elliot était dans la pièce calma rapidement mes ardeurs, heureusement. Puis Bart osa me traiter de pintade, tellement je lui parlais de Xander. Je commençais par rire, puis posais ensuite ma main sur son front, accentuant le fait que je disais penser qu’il ait de la fièvre. « Arrête, je ne tombe jamais malade, et tu le sais très bien. Il faut juste assumer maintenant ! » dit-il dans un grand rire. Je me mordis doucement les lèvres, avant de prendre une moue boudeuse. Il était vrai que mon jumeau avait toujours eu une santé de fer, et que j’étais incapable de me rappeler de la dernière fois où il était tombé malade – celle-ci n’existant probablement pas. Et ce fût au tour de Xander de s’y mettre et de me taquiner gentiment, disant qu’il préférait l’idée que je roucoule à propos de lui, et que c’était aussi mignon que mes rougissements. Ma première réaction ? Rougir bien sûr ! Comme si cela ne suffisait pas que mon petit ami apprenne le fait que je passais mon temps à parler de lui, des étoiles dans les yeux ! Il fallait en plus que je me mette à rougir ! « Très bien, j’abandonne. Vous avez gagné ! » dis-je d’un air théâtre tout en levant les deux mains en signe de paix, avant d’éclater de rire, ne pouvant décidemment pas rester sérieuse plus d’une minute.

Etrangement, je n’étais pas vraiment gênée que Xander soit au courant que j’avais bassiné mon frère à propos de lui. Après tout, nous commencions tout juste à sortir ensemble, et il était normale que j’en parle à la personne la plus importe pour moi, des étoiles dans les yeux, non ? Et puis, ce qui sauvait mon honneur était probablement le fait que je parlais surtout de sa personnalité, et non de son physique ou de son métier – deux choses qui ne m’importaient pas vraiment. Bon, ça, Xander ne le savait pas. Mais il était fort probable qu’il s’en doute. Et c’est pour cette raison que j’abandonnais rapidement les armes – de façon très dramatique bien sûr ! – même si ma première réaction fût de rougir – évidemment. En même temps, j’étais sûre qu’il le faisait exprès. Il savait que la moindre remarque sur moi me faisait immédiatement rougir. Et comme il aimait apparemment mes rougissements – me faisant rougir au passage lorsqu’il le dit de vive voix – j’étais sûre qu’il le faisait exprès. Mais une fois le rougissement passé, je ne pouvais m’empêcher de rire. Si on me demandait comment me décrire, je dirais deux choses : rires et rougissements. C’était probablement les deux mots qui caractérisaient le plus ma personnalité et ma vie de tous les jours d’ailleurs. J’éclatais de nouveau de rire tandis que Xander demandait si on comptait passer le réveillon dans le hall d’entrée. « Pourquoi, tu comptais le passer autre part ? On n’est pas bien ici pour réveillonner ? » demandais-je dans un éclat de rire, avant de l’inviter à rentrer et de fermer la porter derrière lui. Le point positif de connaître mon petit ami depuis plusieurs années – en plus de réellement le connaître, bien sûr – était que je n’avais pas à lui faire visiter la chapelle dans laquelle je vivais, mon clown préféré étant déjà venu chez moi par le passé. Je laissais rapidement les deux hommes ensemble, pour servir l’apéritif que j’avais préparer – à la française bien sûr ! Je ne savais pas si je devais lui dire ce qu’il y avait dans les petits fours. Après tout, je n’étais pas sûre qu’une personne non française puisse comprendre le fait de manger des escargots, entre autres choses.

Même si je connaissais Xander depuis plusieurs années maintenant, nous n’avions jamais passé le nouvel an ensemble. En même temps, je le passais généralement à la Cathédrale avec la famille du Pasteur Douglas. Et puis, même si nous étions amis depuis un moment, je n’avais pas l’impression que l’on aimait célébrer les choses de la même façon. J’étais bien plus diner familial qu’autre chose. Et étant donné que mon petit ami n’avait plus de contact avec sa famille, je doutais qu’il en soit de même pour lui. Je le comprenais. Après tout, je n’avais plus aucun contact avec mes parents, ni avec le reste de ma famille en fait. A l’exception de Bart et d’Armand, j’étais morte pour eux tous. Nous étions trop différents j’imagine. Et puis, de toute façon, je n’avais jamais réellement pu supporter ma mère. Toujours à critiquer les autres, toujours à se plaindre, … Et même si elle avait été femme au foyer, elle ne s’occupait même pas de nous, préférant engager une babysitter. S’il y avait une personne à laquelle je ne voulais pas ressembler, c’était bien elle. Et c’était donc pour cela que j’étudiais en ce moment la cuisine, pour pouvoir un jour ouvrir mon restaurant. Pour travailler de ma passion. Je ne comptais pas me marier avec un homme riche pour ne rien faire de mes journées. Aucun intérêt. Et même si mon projet de restaurant ne marchait pas, et bien je serais toujours bénévole à l’association que j’ai créée. J’éclatais de rire en entendant Xander dire que c’était toujours mieux de réveillonner dans l’entrée que dans les toilettes. « Oui ! Ça c’est sûr ! » répondais-je tout autant hilare que lui. Puis je le laissais entrer dans le salon/salle à manger/cuisine avant de le laisser avec mon frère pour regagner cette dernière partie de l’open space. Je ramenais ensuite les petits fours que je déposais sur la table basse. Et j’éclatais de nouveau de rire alors qu’il me demandait si c’était français et s’il n’y avait pas de trucs bizarres dedans. C’était incroyable comme les non français ne comprenaient rien à la gastronomie française – alors que celle-ci était en même temps enviée de tous. « Oui c’est français, et non il n’y a pas de trucs bizarres dedans ! » répondais-je dans un rire, sans vraiment mentir – après tout, en France, manger des esgargots, ce n’était pas bizarre. « Allez goûte ! »

Je cuisinais principalement des spécialités françaises. Après tout, c’était ma culture, et l’un des premiers plats que j’avais appris à cuisiner était un coq au vin – avec l’aide de ma gouvernante, bien sûr. Même si j’apprenais d’autres recettes avec mes cours, pour moi, rien n’égalait la gastronomie française. En même temps, nous étions connus à travers le monde pour celle-ci, je n’étais donc pas la seule à le penser. Et même s’il m’arrivait de cuisiner d’autres choses, je favorisais celle-ci. Principalement dans les diners comme celui-ci. Donc faire des feuilletés aux escargots me semblait parfaitement naturel. Je savais que les américains avaient tendance à ne pas apprécier ça à sa juste valeur, et je me doutais que Xander en faisait parti. Et c’était pour cette raison que j’attendais qu’il goûte avant de lui dire ce qu’il mangeait. Et puis, ce n’était que l’apéritif qui contenait des escargots après tout. Et j’avais fait d’autres feuilletés – à la saucisse de Strasbourg – pour le cas où. « Alors, t’en penses quoi ? » lui demandais-je, des étoiles dans les yeux. Je fis une petite moue en entendant sa réponse. Caoutchouteux ? Mes feuilletés ? J’en prenais un que je dégustais. Absolument pas caoutchouteux. Ils étaient même parfaits mes feuilletés. Et à voir comment mon jumeau se régalait, il n’en pensait pas moins. « Je crois qu’il vaut mieux que ça reste un secret. » répondais-je dans un rire lorsqu’il me demanda s’il avait le droit de savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Je lui tendais le deuxième plateau de feuilletés. Après tout, je voulais qu’il aime ce qu’il mange, et vu que les premiers feuilletés n’avaient pas eu l’air de le convaincre, autant lui faire plaisir avec le second. « Tiens, tu devrais plus aimer ceux-là. » lui disais-je dans une petite moue boudeuse. Moue qui partie instantanément à l’instant où la sonnette retentit. Armand ! C’était sûr que c’était lui ! Je me levais d’un bond pour aller l’accueuillir, et mon frère me rejoignit assez rapidement. Et je ne m’étais pas trompée. Je sautais dans ses bras pour le saluer, avant de l’amener dans le salon. « Xander, je te présente Armand, mon grand-père ! Armand, voici Xander, mon petit ami. » les présentais-je dans un immense sourire.

Bon, Xander n’aimait pas mes feuilletés, c’était un fait. Et il se doutait que l’ingrédient principal était quelque chose de typiquement français. On dit que les goûts et les couleurs dépendent de chacun, mais il est vrai que j’aurais préféré qu’il aime mes feuilletés aux escargots. Mais je m’en étais doutée et c’était pour cette raison que j’avais également préparé des petits feuilletés à la saucisse de Strasbourg, exprès pour lui – puisque mon frère se régalait et n’hésitait pas à en prendre plus que sa part, tout comme Elliot. J’eus un rire à cette vision, rire qui augmenta lorsque mon petit ami me demanda s’il s’agissait d’escargot, d’un air dégoûté. Le contraste entre les deux hommes était vraiment drôle, c’était certain. A l’aide de mes doigts, je mimais une fermeture éclair sur ma bouche, avant d’en jeter théâtralement la « clé ». Puis je lui tendais le deuxième plateau que j’avais cuisiné exprès pour lui, m’étant doutée qu’il n’aimerait pas les escargots. Et lorsqu’il exclama le fait que ceux-là étaient « cro bon » - la bouche pleine, carrément – un sourire attendri fit son apparition sur mon visage. « Je suis contente que tu aimes ! » répondais-je sans perdre mon sourire. Sourire qui devint un rire alors qu’il s’excusait – pour quoi exactement, je n’en étais pas sûre. Cela pouvait être d’avoir parlé la bouche pleine, comme d’avoir insinué que les précédents n’étaient pas « cro bon ». Mais tant qu’il se régalait, je m’en moquais un peu. Entendant la sonnette d’entrée, je me lève d’un bond pour aller ouvrir et une joie me remplit tandis que j’aperçois Armand, mon grand-père. Ce réveillon allait être parfait ! Les personnes les plus importantes pour moi étaient présentes – et trois se régalaient en plus ! – et nous allions fêter le réveillon ensemble ! Que demander de plus ? Je fis les présentations entre Armand et Xander, toute impatiente que les deux fassent connaissance. Mais remarquant que mon petit ami avait l’air de se forcer, je profitais que mon grand-père soit accaparé par mon jumeau et mon fils adoptif pour lui chuchoter. « Ça va ? » lui demandais-je dans un murmure, en caressant doucement son bras de ma main.

Bon, je n’allais pas me formaliser simplement parce qu’il n’aimait pas mes feuilletés aux escargots, c’était certain. Et puis je m’en étais doutée, et c’était même pour ça que j’avais fait exprès des feuilletés à la saucisse – même si c’était des mets bien moins … gastronomiques on va dire. Et puis je n’étais vraiment pas du style à prendre la mouche pour si peu, et préférais me concentrer sur le fait qu’il aimait le deuxième plateau – même si j’aurais tout de même préféré qu’il aime le premier. Et puis nous avions une différente culture, il ne fallait pas l’oublier. J’étais française et il était américain. Donc forcément, alors que j’avais pratiquement grandi dans la cuisine française, il avait grandi en pensant que les escargots ne se mangeaient pas. Il faudrait m’expliquer la différence entre un bœuf et un escargot – d’un point de vu gastronomique bien sûr, car sinon je la connaissais – après tout, un bœuf était tout autant un animal. C’était quelque chose que je ne comprenais pas vraiment. Pourquoi manger un animal et pas un autre ? En quoi il valait mieux manger un bœuf qu’un escargot ? Bref, la culture probablement. Et Xander allait être entouré de culture française ce soir, puisque mon grand-père venait tout juste d’arriver. J’avais vraiment eu peur qu’il ne puisse se libérer, mais j’imagine qu’il avait dû proposer à ma grand-mère de partir en cure à Vichy, et qu’elle avait accepté ce cadeau, le laissant seul. Mais alors que je présentais Armand à mon petit ami, je ne pus que remarquer que Xander n’était pas naturel. Pire, qu’il se forçait ! C’était quelque chose que je n’avais jamais vu chez lui, qui était tout le temps naturel. Alors que mon grand-père bavardait avec mon jumeau et mon fils adoptif, je me rapprochais de mon petit ami pour lui demande si ça allait. Et sa réponse me laissa sans voix. Enfin, pour quelques instants. Mon grand-père, ressemblant à son père ? « Je t’avoue que je ne connais pas vraiment les hommes d’affaires américains. Je peux t’en citer des français, mais pas vraiment des américains. Mais qu’est-ce que tu veux dire qu’ils se ressemblent ?  »

Je n’étais pas aveugle, loin de là, et surtout je commençais à connaître mon petit ami maintenant. Depuis le temps que nous nous connaissions en même temps. J’avais donc tout de suite remarqué qu’il n’était pas naturel, alors qu’il saluait mon grand-père. Il semblait presqu’avoir vu un fantôme, vu la tête qu’il faisait – et ce n’était pas lié à mes merveilleux feuilletés aux escargots, j’en étais certaine ! J’attendais donc que mon grand-père aille vers mon jumeau et Elliot – et souris par la même occasion en le voyant prendre un de mes feuilletés – avant de demander à Xander si ça allait. Et sa réponse m’étonna. Mon grand-père ressemblant à son père ? Comment était-ce possible ? Je savais qu’on avait tous un sosie quelque part, mais j’aurais préféré que mon grand-père ne soit pas celui de son père. Je ne connaissais pas grand chose de leur histoire – Xander n’étant jamais rentré dans les détails ; et je le comprenais, n’étant jamais rentré dans les détails moi-même, à propos de mes parents – mais je savais qu’elle était au moins autant compliqué que la mienne. Alors qu’il répétait que son père ressemblait à mon grand-père, je prenais rapidement mon smartphone pour taper le nom de James Trevelyan. Et google image ne mentait pas, malheureusement. J’eus une petite grimace à la vue d’une de ses photos. Et une nouvelle alors qu’il disait que le destin aimait mettre des coïncidences de ce type sur son chemin. Il était rare que je ne sache pas quoi dire. Il était même rare que je reste silencieuse. Je n’aimais pas le silence d’ailleurs, et j’étais une vraie pipelette. Mais pour le coup, que répondre à cela ? Moi qui pensais que nous passerions une merveilleuse soirée auprès de toutes les personnes que j’aimais, et bien c’était apparemment raté. Je retrouvais immédiatement la parole alors qu’il me demandait confirmation par rapport au fait que mon grand-père était une personne géniale. « Tu rigoles ? C’est une des meilleures personnes au monde. C’est mon roc. Il a toujours été là pour moi. »

Mon jumeau avait choisi le bon moment pour s’accaparer notre grand-père. Parce que j’avais tout de suite vu que Xander avait dû se forcer quelque peu en saluant Armand, et que ce n’était plus en rapport avec mes feuilletés aux escargots. Il était étrange de voir Xander ainsi. Lui qui était si naturel, si enjoué, qui respirait la joie de vivre. Et il m’informa rapidement de ce qui se passait. Mon grand-père était apparemment le sosie de son père – ou l’inverse plutôt, vu que mon grand-père était là le premier, étant plus âgé. Je devais bien avouer que cela me mettait plutôt mal à l’aise. Je ne connaissais pas vraiment leur histoire, mais tout ce que je savais, c’était que son père n’était pas sa personne préférée, un peu comme ma mère ne l’était pas pour moi. Et je voulais tellement que tout se passe bien ce soir. C’était la première fois que ma famille – ou du moins les personnes essentielles à celle-ci, les autres m’important peu –  rencontrait Xander. Et je voulais réellement qu’il fasse bonne impression. Et c’était normal non ? Après tout, il était mon petit ami maintenant. Et c’était donc pour cela que je le rassurais rapidement à propos de mon grand-père. Ce dernier étant l’une des meilleures personnes que je connaissais. Il ne m’avait jugée lorsque tout le monde le faisait. Dès que mes parents m’avaient mise à la porte, il n’avait pas hésité à se mettre la famille à dos juste pour m’aider. Et là encore, il n’hésitait pas à prendre des risques auprès de notre famille en venant passer les fêtes avec moi. Et cela me touchait énormément. C’était pour cela que je voulais aussi que Xander l’aime, mon grand-père étant l’une des personnes les plus importantes pour moi. « Tu vas voir, tu vas l’adorer ! » lui affirmais-je dans un grand sourire, avant de l’embrasser rapidement et de rejoindre ma petite famille.

Dans un sens, je peux comprendre la réaction qu’a Xander. Après si tout, si sa mère – ou grand-mère – ressemble à la mienne, je ne sais pas comment je réagirais. Mal probablement. Après tout, il n’y a qu’une personne sur cette Terre qui m’a vu m’énerver, et c’est ma mère. Il y a donc une raison à cela. Bon, bien sûr, j’en veux toujours aussi à mon père, mais c’est différent. Parce que ma mère, en plus de m’avoir jetée à la porte sans un regard, représente également tout ce qui me fait me battre pour un monde meilleur. Je ne pense pas pouvoir comprendre un jour qu’une personne puisse accumuler le snobisme, le racisme, l’homophobie, et pleins d’autres choses tout autant sympathique. Le clivage entre nous deux était donc obligé, à un moment ou à un autre. Et il a eu lieu avant ma mise à la porte. Déjà lors de mes dix ans, je me rappelle qu’elle avait pris de haut un sans domicile fixe. Juste parce que j’avais voulu lui donner un peu d’argent. Elle disait alors qu’il n’avait qu’à travailler, et cela devant lui. Et dire qu’elle n’a pas apprécié le petit commentaire que je lui avais fait, disant qu’elle non plus ne travaillait pas, est un euphémisme. Donc soit, même si je ne connais pas les détails de l’histoire entre Xander et son paternel, je sais qu’il ne le porte pas dans son cœur. Et le voir faire un effort me touche énormément. Alors qu’il nous rejoint, je ne peux m’empêcher de rire lorsque son premier effort est de demander à mon grand-père s’il y a bien des escargots dans mes feuilletés. Et la réponse de mon grand père me fait rire de nouveau. « Bien sûr que ce sont des escargots. Que voulez-vous que ce soit d’autre ? » répond mon grand-père les yeux amusé, apparemment conscient que ce penchant de la nourriture française ne plait pas vraiment à mon petit ami. « Pourquoi, vous n’aimez pas la cuisine de ma petite-fille peut-être ? » demande-t-il alors d’un air qui se veut sévère – même s’il est très mauvais comédien.

Xander étant comédien, il s’était probablement rendu compte que mon grand-père s’amusait de lui. Et personnellement, cela m’amusait tout autant. Rien que de voir la tête que tirait mon petit ami alors qu’Armand confirmait ses doutes à propos des escargots, me faisait doucement pouffer. Et c’est rapidement un rire franc qui me submergea alors que Xanxer me lançait un regard de reproche, puis un regard boudeur. Heureusement pour lui, mon jumeau semblait plus vouloir se concentrer sur la nourriture – dont mes délicieux feuilletés aux escargots ! – que de le taquiner comme le faisait notre grand-père. Mais bon, personne ne changerait Armand. Il était comme cela d’aussi loin que je m’en souvienne, taquin, les yeux rieurs, … Et c’est probablement pour ça que je l’adore autant, d’ailleurs. « C’est bon pourtant les escargots. » affirma alors mon grand-père avant de prendre un autre de mes feuilletés et de le porter à sa bouche, sans quitter Xander du regard, me faisant lâcher un énième rire simplement en voyant la tête que ce dernier faisait. « Enfin, apparemment ma petite-fille vous connaît bien, puisque je vois un deuxième plateau de feuilleté.  » rajouta-t-il avant de se tourner vers moi. « Tu es bien trop clémente Abigail, tu cuisines en fonction des goûts des hommes de ta vie maintenant. Ta grand-mère ne me laisse pas le choix, si je n’aime pas ce qu’elle cuisine, c’est tant pis. » continua-t-il d’un air faussement plaintif. « Tu n’as qu’à cuisiner si tu n’es pas content des plats de grand-mère ! » lui répondais-je d’un air faussement outré, la main sur la poitrine, avant de perdre rapidement mon sérieux et de me mettre à rire. « Allez, va prendre tes feuilletés à la saucisse toi ! Même s’ils sont définitivement moins bons et fins que ceux aux escargots. » je dis à mon petit ami avant de l’embrasser rapidement.