Du sang. Beaucoup de sang. Sur mes mains, sur mes vêtements et même sur mon front. Ce sang n’était pas le mien, mais celui d’un témoin clef dans une grave affaire d’homicides. Putain de merde. L’hôpital était plein, depuis quand ses bâtiments blancs étaient aussi remplis ? Le monde allait vraiment de travers. Assise sur un banc à côté de la salle d’opération, j’espérais sincèrement que cet homme allait s'en sortir. Il avait été retrouvé près du quai, nous avions perdu sa trace une seconde et il s’était fait tiré dessus. Incompétente, j’allais perde l’élément le plus précieux de cette affaire. Cet homme n’était pas blanc comme neige, mais ça me ferait chier de le voir mourir et pas que pour l’affaire sur laquelle je bossais. Aucune vie ne doit être sacrifiée par la main d’un autre être humain.

Je détestais ça, attendre, encore et encore pour savoir s’il allait s’en tirer. Je ne bougerais pas de là avant de savoir. J’avais également besoin de l’interroger. Situation de merde. Un café, deux, trois, le sang sur mon front avait fini par sécher. La porte des toilettes était devant moi, j’avais décidé de me passer un peu d’eau sur le visage, histoire de ne plus sentir ce sang coller sur ma peau, c’était une sensation qui m’était plus que désagréable, je n’arriverais jamais à m’y faire, c’était certain. La tête humidifiée par l’eau du robinet, je me regardais dans le miroir comme-ci je ne m’avais jamais vu auparavant. De blonde, j’étais passée à brune. La raison de ce changement brutal, la sortie plus rapide que prévue, d’un ex-amant. Celui dont j’étais tombée amoureuse était de retour parmi la population et ce n’était pas grâce à moi, moi qui l’avais fait enfermer.

Trois heures s’étaient écoulées et j’étais toujours assise sur ce putain de banc, un médecin s’avança vers moi, son regard dans le mien, il était évident qu’il venait m’annoncer des nouvelles, qu’elles étaient bonnes ou bien mauvaises. J’espérais sincèrement qu’il avait réussi à le maintenir en vie. Je me levais, légèrement nerveuse, appréhendant sa réponse. «  Dites-moi qu’il a survécu. »  A cet instant, j’étais pire qu’une mère de famille attendant des nouvelles de son fils. D’ailleurs la famille ... mon supérieur était censé les appeler, mais vu le casier et les fréquentations du témoin, ça m’étonnait guère de voir personne.

Arrêter les coupables, je n’avais que cette idée en tête. Mon pseudo agent n’avait pas eu de chance et s’était retrouvé sur une table d’opération, j'étais comme une lionne en cage, faisant les cent pas, attendant une réponse de la part du médecin. Le verdict tomba. « Il va s’en sortir. Il est toujours en salle de réveil pour le moment, mais il devrait bientôt se réveiller.  » Soulagée, il allait s’en sortir et j’allais peut-être boucler cette affaire. La pression était retombée, j’étais ravie d’apprendre une telle nouvelle, un mort dans une affaire comme celle-ci aurait été déplorable. Surtout que l’idée de le renvoyer auprès de ses supérieurs venait de moi. Je ne pouvais me permettre de rater une affaire, en sept ans de carrière, cela ne m’était encore jamais arrivé.

L’attente avait été longue, mais le résultat était positif. « Dieu, merci. » Je n’étais pas croyante, mais j’employais très souvent cette expression, allez savoir pourquoi … chacun ses petites manies. « Enfin, merci à vous. » Pour un peu je l’aurais embrassé, il venait d’effacer le sang sur mes mains et ça, ce ne n’était pas rien, néanmoins, je restais à ma place, les ennuis n’étaient pas passés loin, inutile d’en rajouter. Les yeux pétillants, les questions fusaient dans mon esprit. «  Aura-t-il des séquelles ? » Il me le fallait en un seul morceau. Je n’avais pas envie qu’il devienne infirme ou autre, il devait sortir sur ses deux jambes, qu’importe le temps que ça allait prendre et la sécurité que j'allais employer.

« Dans combien temps pourrais-je le voir ? » J’avais une tonne de questions à lui poser. Le temps pressait. Harry n’avait toujours pas envoyé d’agent pour me replacer, attendant mon coup de téléphone lui annonçant que j’avais obtenu ce que je voulais. De même pour la famille ? Toujours personne en vue.
Je n’avais plus envie d’attendre, il me semblait que j’avais déjà été assez patiente comme ça. Calme, je devais rester calme et pourtant, j’avais beaucoup de mal à installer cette sérénité en moi.

Son cœur s’était arrêté de battre un instant, c'était mauvais signe. Je me devais de rester optimiste, je n’avais pas le droit à l’erreur et je devais agir comme une professionnelle si jamais … je perdais mon sujet, mais c’était plus fort que moi, je ne voulais pas perdre cette affaire. Avec un manque d’oxygène prolongé, il y avait tout de même de fortes chances qu’il ne se souvienne de rien ou pire encore … Je voulais le voir, juger par moi-même à quel point j’étais dans la m*rde. Mais il fallait encore attendre, attendre qu’il se réveille, qu’il passe les examens de routines, attendre que ce charmant médecin revienne vers moi avec le sourire. «  Ça sera long, vous croyez ? » Oui, j’étais impatiente, ce qui ne m’arrivait pratiquement jamais, d’habitude j’étais plutôt du genre calme, à patienter le temps qu’il fallait pour coincer mon suspect, mais voilà, là, il s’agissait d’une course contre la montre.

Je devais cesser de m’agiter comme une enfant de deux ans, ce n’était pas correct, je pris une grande inspiration et me concentrait sur l’homme en face de moi. « Vous avez du café ? Meilleure que celui que sert cette machine ? » Leur café dégueulasse, j’en pouvais plus, il était vraiment infecte et je n’étais pas du genre à boire un potage ou un laitage ou pire encore, une tisane, non, je ne pouvais me passer de ce liquide noir et sucré qui partageait ma vie depuis des années. Peut-être que les médecins avaient le droit à traitement de faveur de ce côté-ci et si c’était le cas, j’espérais réellement que cet homme allait m’en faire part.

Avec tout ça, j’en avais oublié de me présenter, honte à moi, il fallait réparer cette erreur. J’avançais ma main vers le Monsieur à la veste blanche avec un petit sourire dessiné sur mon visage. «  Au fait, je m’appelle Lorenza, mais la plupart de mes collègues m’appellent Snow. » Voilà qui était fait. Puis voulant m’occuper l’esprit et ne plus paraître aussi désagréable en l’assommant avec mon client, je me lançais dans un autre sujet de conversation. «  Ça doit être exténuant de travail dans un hôpital comme celui-ci ? » Mon visage se décrispait à mesure que les secondes s’écoulaient.