Malgré la météo annoncée, je n’avais pas pu résister à l’appel de la mer, encore et encore. Je savais qu’il y avait beaucoup de vent et qu’il y avait un risque orange de tempête, mais c’était réellement plus fort que moi. Si je n’embarquais pas assez souvent à mon goût, je ne me sentais tout simplement plus vivant. Naviguer était réellement ma passion et cela depuis que j’étais petit. Depuis que mon frère Neil avait ouvert son bar/restaurant/cabane de surf-voile-catamaran – je ne faisais que répéter ses propres termes – la mer avait été mon amour, et ma vie tout simplement. J’avais commencé par le surf et même si j’avais réellement adoré sentir les vagues se cogner sur mon corps, je n’avais jamais ressenti un sentiment aussi puissant que celui que je ressentais lorsque j’étais sur mon voilier – et puis, j’avais laissé la passion du surf à Toni, ma petite sœur … Donc j’y allais de jour – comme de nuit des fois – à toutes occasions. Bien sûr, il fallait que je remette les pieds sur terre de temps en temps – dans tous les sens du terme d’ailleurs – mais dès que je pouvais m’évader, je sautais sur l’occasion. C’était probablement la raison qui faisait que j’en avais fait mon métier, d’ailleurs. Après tout, je pouvais écrire mes journaux de bords – que certaines personnes appelaient romans biographiques, même si je ne comprenais toujours pas pourquoi – à bord de mon bateau, et rester en mer pendant plusieurs moi. J’avais même dans le projet de faire un documentaire sur papier et photos, pour montrer à quel point l’océan et ses merveilles valaient le coup de se battre pour les préserver. Je sortis de mes pensées en entendant un choc et regardai à l’extérieur pour voir ce qui se passait. Puis voyant une forme à travers les vagues, je devinais que l’une d’entre elles avait dû l’emporter au fond. Sans réfléchir, j’enlevais mes chaussures avant de plonger. Dieu que la mer était froide ! J’allais probablement attraper une pneumonie ! Prenant ma respiration, j’allais à l’encontre de la jeune femme, avant de la remonter. « Vous allez bien ? » m’inquiétais-je tout en claquant des dents à cause de l’eau glaciale. « Venez sur le bateau, je vais vous donner une couverture pour vous réchauffer ! »

Qui avait idée de nager par ce temps ? Et par ce froid surtout ! Même sans le vent qui tapait sur les vagues, le simple fait que l’eau devait atteindre une température négative devrait décourager la majorité des personnes, non ? Apparemment non, puisque je remontais une jeune femme, complètement glacée, qui avait l’air d’avoir dérivé un peu trop loin de la plage. En même temps, je ne pouvais pas vraiment la blâmer. Moi-même, j’aimais tellement naviguer, que je pouvais le faire en cas de tempête, sans même me poser de question. Je lui proposais de monter à bord de mon bateau, au moins pour qu’elle puisse se réchauffer – elle allait réellement attraper la mort sinon ! Je la laissais tout d’abord monter. Elle s’allongea directement sur le dos, claquant des dents, avant de prendre la parole. « Vous êtes mon sauveur ! » dit-elle d’une petite voix, avant de se redresser. Je lui fis un petit sourire, tout en la rejoignant, avant de la regarder. C’était qu’elle était carrément en sous-vêtements. En plein mois de janvier ! Alors qu’il faisait actuellement plus de moins dix degrés ! « Merci au fait… » me remercia-t-elle. « Pas … Pas de problème. » lui répondais-je en claquant des dents. J’allais devoir me changer, si je ne voulais pas attraper la crève moi aussi. Je me dirigeais vers ma cabine pour prendre une couverture et des vêtements de rechanges – pour elle et pour moi – ainsi qu’une grande serviette, avant de revenir vers elle. « Tenez. Je vous ai pris un pull aussi, vous allez en avoir besoin ! » lui dis-je en lui tendant la couverture et le pull en question, avant de me déshabiller pour me sécher. Mauvaise idée ! pensais-je alors que je sentais le vent glacial souffler sur mon corps qui fût rapidement couvert de frissons. Mais ce n’était pas comme si je pouvais la laisser seule non plus. Je me changeais le plus rapidement possible – pas pudique pour un sou – avant de lui demander ce qui s’était passer. « Qu’est-ce qui vous a pris de décider de prendre l’eau comme ça ? Vous savez, si vous voulez tant nager que ça, il y a une nouvelle invention qui s’appelle la piscine, et c’est au chaud au moins. » m’exclamais-je dans un petit rire.

Je me détournais alors qu’elle se déshabillait. Après tout, si je n’étais moi-même pas pudique pour un sou – en même temps, vu le temps que j’avais passé en maillot de bain, ce serait dommage que je ne le sois – mais je ne savais pas ce qu’il en était pour la jeune femme, qui en plus avait l’air bien plus jeune que moi. Et puis, pour tout dire, je m’en moquais éperdument. Je n’allais pas me prendre la tête pendant des heures sur le fait d’avoir peur de la gêner, donc autant éviter toute situation de gêne. « La piscine c’est pour les faibles. Et puis s’il n’y avait pas eu autant de vague je n’aurais pas eu besoin de votre aide. » me répondit-elle après que je lui ai demandé en riant pourquoi elle n’avait pas tout simplement été à la piscine, si elle voulait à ce point nager. J’eus un autre rire à l’entente de sa réponse. Si la piscine était faite pour les faibles, ça je n’en savais rien. Mais je tiquais sur la deuxième partie de cette réponse. Je me retournais vers elle de nouveau pour lui répondre. « Vous n’avez pas entendu les informations ? » demandais-je dans un sourire. « On est en plein milieu d’une tempête ! Vous croyiez vraiment qu’il n’y aurait pas de vagues ? » continuais-je dans un rire. Mais bon, je ne la jugeais pas, évidemment. L’important était qu’elle s’en était sortie indemne, après je n’étais pas son frère et encore moins son père, ce n’était donc pas mon rôle. Mais autant dire que si j’avais surpris Toni se mettre dans une telle situation, cela n’aurait pas été la même chose ! En même temps, moi-même étais sur mon bateau, malgré les avertissements. Je n’étais donc, de toute façon, pas le mieux placé pour lui faire la morale. D’ailleurs, elle-même compris que j’étais un peu dans la même situation qu’elle. « Et vous ? Avec ce vent vous faite du bateau ? C’est tout aussi dangereux vous savez… » murmura-t-elle avant de se lever. « Sauf que je suis navigateur, c’est mon métier. Donc qu’il vente ou qu’il neige, je serais toujours navigateur. » répondais-je dans un rire.

« Bah, c’est pas grave ! Ça prouve que je suis très forte ! D’une je me suis baignée dans une eau que même un ours polaire ne voudrait pas s’y baigner et deux j’ai bravi les vagues ! » dit-elle en essayant de montrer ses muscles – complètement inexistant. J’eus un petit rire et allais lui répondre que les ours polaires nageaient dans des eaux bien plus glaciales que celle où nous venions de nous « baigner », quand elle me devança. « Et interdiction de dire que les ours polaires se baignent dans des eaux encore plus glacé j’ai pas trouvé d’animaux pour ma comparaison ! » reprenait-t-elle dans une moue boudeuse, me faisant lâcher un autre rire. Je levais les mains en l’air en signe de paix. « Très bien, je ne dirais pas ça ! » répondais-je toujours dans un rire, avant de reprendre, plus sérieux. « Et vous n’avez pas vraiment bravi les vagues … » continuais-je en me mordillant les lèvres. Elle ne les avait pas bravi du tout d’ailleurs, et avait failli y laisser sa vie. Je ne la jugeais absolument pas, après tout je comprenais que cela puisse la faire sentir plus vivante, mais je ne serais pas toujours dans les parages pour la sauver, c’était certain. Elle « m’informa » alors que faire du bateau par ce temps n’était pas plus raisonnable. Sauf que de mon côté, c’était mon métier. Et je lui répondais ça. « Donc vous seriez prêt à mourir en mer ? Il parait que pour les navigateurs mourir en mer est une belle mort. C’est vrai ? » me demanda-t-elle alors. Je passais une main dans mes cheveux. Deux de mes frères avaient péri en mer, alors que nous étions sur mon bateau. Si j’avais réussi à remonter dessus, je n’arrivais jamais à vraiment l’oublier. Et puis ce serait bien trop douloureux pour Toni, ma petite sœur, si je mourrais en mer aussi. Mais bon, ce serait tellement mieux de mourir alors que je fais de la plongée et que j’assiste à de magnifiques merveilles, non ? Plutôt que de mourir simplement en conduisant dans un accident. « Si je devais choisir entre mourir en mer et mourir sur terre, je choisirais la première solution, en effet. Mais le plus tard possible hein ! »

« Je ne suis pas arrivée ici par le miracle du saint esprit … » marmonna la jeune femme après que je lui ais dis qu’elle n’avait pas vraiment bravé les vagues. Ce qui était la pure vérité soit dit en passant. Elle s’était plutôt laissée aller au gré des vagues, venant jusqu’à heurter mon voilier. Et il était fort probable que si je n’avais pas été présent, ou si je n’avais pas entendant le bruit, elle y serait restée. Mais bon, je n’allais pas remuer le couteau dans la plaie non plus. C’est pourquoi ma seule réponse fût un petit rire, et rien d’autre. Elle me demanda alors ce que je faisais, moi-même, sur un bateau en pleine tempête, et je lui répondais que c’était mon métier. Et quel métier ! Elle m’interrogea sur le fait que je préférerais mourir en mer, comme cela se disait chez les navigateurs, ou sur terre. Après un instant de réflexion, je réalisais moi-même que mourir au fond de la mer, après avoir vu toutes ses merveilles, serait un assez belle mort. Bon, pas pour maintenant hein ! J’avais encore énormément à vivre, c’était certain. Je n’avais que vingt-six ans après tout, et moi aussi je rêvais d’amour et de former une famille un jour avec quelqu’un. Quelqu’un qui m’accepterait comme j’étais bien sûr, pas comme Lela, mon ex fiancée qui m’avait demandé de choisir entre elle et l’océan. J’avais bien sûr choisi l’océan, après tout, si Lela m’avait vraiment aimé, jamais elle ne m’aurait posé cet ultimatum, c’était certain. Après tout, qui voudrait changer la personne que l’on aime. Pour moi, en amour, on acceptait l’autre dans son entièreté, et pas juste ce qui nous plaisait. On acceptait ses défauts, ses passions, tout. Et on l’aimait en partie aussi pour ses défauts et ses passions. « Mouais. Vous êtes un passionné à fond quoi. Je n’ai pas de passion, alors je ne comprends surement pas. » me répondit-elle, me faisant hausser les épaules. « Vous êtes jeune encore, vous avez le temps de trouver votre passion. »

Certaines personnes peuvent trouver une telle passion étrange. Après tout, je suis carrément prêt à mourir en mer. Je pense même que mourir en mer serait une belle mort. Bon, bien sûr, je ne suis pas suicidaire et j’aime ma vie, donc ce n’est absolument pas pour maintenant. Mais quitte à choisir comment je mourrai – dans une soixantaine d’années, entendons-nous bien – je préfère mourir dans l’eau, lors d’une plongée sous-marine, pourquoi pas ? C’est bien mieux que simplement m’éteindre dans mon lit et laisser ma petite sœur me trouver ainsi au petit matin – car oui, même à quatre-vingt ans, Toni vivra toujours avec moi ; elle ne va pas me lâcher comme ça, ce serait bien trop simple. Mais oui, il y a en effet des personnes qui trouvent ma passion étrange. Mon ex, Lela par exemple. Après tout, elle m’a carrément demandé de choisir entre elle et mon métier, ma passion, bref ma vie. Elle m’a demandé de choisir entre elle, et ce qui fait que je suis moi. Comment pouvait-elle prétendre m’aimer, puisque moi sans ma passion de l’océan, ce n’est tout simplement pas moi ? J’ai donc bien sûr choisi ma passion à ma fiancée. Et non pas parce que je préférais l’océan à elle, comme elle a pu le penser, mais bien parce que je ne voyais pas ce que je faisais avec une femme qui ne m’aimait pas pour ce que je suis. « Vous êtes vieux alors ? C‘est vous-même qui le dites. Héhé. » se moque la jeune femme d’un air narquois, me lâchant un rire. « Je ne suis pas si vieux que ça, ça va encore pour le moment. » je réponds dans un sourire. « Vous avez quel âge exactement ? » me questionne-t-elle. « J’ai 26 ans. Et vous ? » je finis par lui retourner la question. Je ne lui donne pas plus de vingt ans en tout cas.

Je n’étais vraiment pas le genre de personne à m’inquiéter pour mon âge. Non, je ne me mettais pas de la crème tous les matins, en me regardant dans le miroir et en ayant une phobie des rides. Probablement parce je trouvais que la vie qui passait était un fait normal, et que nous n’avions pas à tenter d’inverser les années qui passent. J’annonçais donc à la jeune femme que je n’étais pas si vieux que ça. Ce qui était la vérité en même temps. Je n’avais même pas trente ans. Et j’étais persuadé que lorsque je dépasserais le cap de la trentaine, voire même celui de la quarantaine, je penserais toujours de la même façon. Je lui renseignais donc mon âge, avant de lui demander le sien, sur le ton de la conversation. « J’ai dix-huit ans. Encore dans l’âge si innocent. » dit la jeune femme d’un air fier, tout en bombant le torse. Je lâchais un petit rire. Je n’étais pas sûr qu’elle soit autant innocente qu’elle ne le laissait paraître.  « Innocente hein ? » répétais-je dans un sourire amusé. J’avais peut-être tort, mais vraiment, je n’y croyais pas pour un sou. « Enfin c’est ce que je laisse croire… » rajouta-t-elle alors, me faisant lâcher un nouveau rire. « C’est bien ce que je me disais. » répondais-je dans un petit sourire en coin. Bien sûr, je ne la connaissais pas, et ne savais donc pas ce qu’elle faisait dans sa vie, mais cela avait été une intuition. « Vous voulez peut-être quelque chose à grignoter ? » lui proposais-je alors, mon sens de la politesse ayant l’air de refaire son apparition. Et puis, nager – même si elle s’était plus laissée porter – dans cette eau glaciale avait dû lui ouvrir l’appétit non ?

« Que Dieu vous bénisse. » dit la jeune fille après que je lui ai demandé si elle était innocente, en prenant l’air d’une bonne sœur, après avoir dessiné une auréole au dessus-de sa tête et de joindre ses mains devant son cœur. « Merci ma sœur. » répondais-je d’un air enchanté, posant ma main sur mon cœur. Puis je perdais mon sérieux et lâchais un petit rire, qui s’agrandit lorsqu’elle m’avoua ne pas être si innocente que ça. Je ne m’en serais pas douté tiens ! « Mah, à cet âge-là, faut bien profiter de la vie, non ? » demanda-t-elle alors, comme si de rien n’était. « Je pense qu’il faut profiter de la vie à tout âge d’ailleurs. Que l’on ait dix ans, vingt ans ou cinquante ans, il faut profiter de la vie. Sinon, le quotidien serait bien ennuyeux. » annonçais-je dans un petit sourire. Et je le pensais réellement. La vie était faite pour être vécue non ? Quel intérêt sinon ? Je lui demandais ensuite si elle souhaitait quelque chose à manger. Après tout, avec ce qu’elle venait de vivre, il était fort probable que son estomac ait envie d’être rempli. D’ailleurs, à peine avais-je terminé de parler que son estomac se fit entendre, ce qui me fit lâcher un petit rire. « Je veux bien… Et à boire si vous avez… » accepta-t-elle tout en faisant le tour du bateau. « Je vous apporte ça. » acquiesçais-je dans un sourire, avant de retourner en cabine pour prendre quelques gâteaux que je trouvais, ainsi qu’une bouteille d’eau et une canette de soda pour le cas où. Retournant auprès d’elle, je ne pus retenir un rire en la voyant sur la barre de fer, à la manière d’un film bien connu. « Je crierais bien la phrase culte, mais je ne veux pas tomber dans le cliché ! » ria-t-elle avant de me rejoindre. « Tenez ! » lui dis-je dans un grand sourire tout en lui donnant de quoi se restaurer. « Vous avez une Rose vous ? » me demanda-t-elle, me faisant sourire. « Non, plus maintenant. Et vous ? Enfin, un Jack ? Ou une Rose d’ailleurs. »

« On dirait deux idiots à faire ça, mais c’est tellement cool, de faire l’abrutie. » dit la jeune femme, me tirant un rire. « Ça fait du bien des fois de délirer. » répondais-je dans un sourire en coin. Bon, je n’étais pas le plus déconneur au monde, et j’étais même plutôt du style sérieux. Mais cela ne m’empêchait pas de perdre mon sérieux des fois de temps en temps non plus. « Oui, vous avez raison, il ne faut pas avoir de regrets. » acquiesça-t-elle après que je lui ai dis que peu importe l’âge que l’on avait, il fallait profiter de la vie. Parce que sinon, la vie serait bien ennuyeuse, non ? C’était en tout cas ma façon de voir les choses. Je lui amenais ensuite de quoi manger et boire. « Merci beaucoup. » « Je vous en prie. » répondais-je dans un signe de main, balayant presque ses remerciements. Nous parlâmes ensuite de nos relations amoureuses, plus pour faire la conversation qu’autre chose. Je lui retournais ensuite la question.« Non, mais… Il y a quelqu’un qui ne me laisse pas insensible. Est-ce le début d’un truc ? L’amour semble… Destructeur. » avoua la brunette dans un soupir, avant de baisser la tête. Dans un petit sourire, je la laissais continuer. « Devrais-je laisser mon cœur parler ? » me demanda-t-elle alors. « Je ne pense pas que ce soit destructeur. Il faut juste trouver une personne qui vous acceptera telle que vous êtes et vous aimera pour cela, qui ne tentera pas de vous changer. » annonçais-je dans un haussement d’épaules, faisant référence à mon ex fiancée, qui m’avait demandé de choisir entre elle et l’océan.

« Vous avez raison, c’est rare mais ça fait du bien. » répondit-elle après que je lui ai dis que parfois, cela faisait du bien de délirer. Je ne suis pas la personne la plus extravertie existant sur cette planète, c’est certain. Je suis même plutôt sérieux et renfermé d’ailleurs. Mais pourtant, cela ne m’empêchait pas de délirer des fois de temps en temps. Et cela me faisait du bien. Bon, je le faisais plus rarement avec une parfaite inconnue, c’est certain. Généralement, c’était plus avec ma sœur Toni que je le faisais. Surtout que ma petite sœur était justement plus extravertie que moi, et il n’était pas bien compliqué de la suivre dans ses délires. « Et pourtant, je suis plutôt du genre sérieux. Mais un bon délire des fois de temps en temps ne peut pas faire de mal. » affirmais-je avant de disparaître en cabine pour aller lui chercher de quoi se restaurer et de quoi boire. N’étant pas vraiment fan de sucré, je n’avais pas énormément de choix pour la jeune fille. Mais bon, j’espérais qu’elle pourrait se contenter d’un paquet de biscuit qui, par je ne sais quel miracle, n’était pas encore périmé. Elle me remercia, avant de commencer à manger. Vu ce qu’elle venait de vivre, il était parfaitement normal qu’elle ait faim. Le sujet dériva quelque peu, et nous commençâmes à parler d’amour. Je n’étais plus avec personne depuis un moment déjà. Depuis Lela en fait. Bien sûr j’avais tenté depuis la rupture de nos fiançailles, mais Lela avait vraiment été une mauvaise expérience pour moi, et j’avais maintenant un peu de mal à m’attacher depuis. « Vous avez raison… Je dois trouver quelqu’un qui m’accepte comme je suis. Je suis dans la merde. » annonça-t-elle avait d’éclater de rire. Elle était bien pessimiste quand même ! Enfin bon, j’étais à peu près pareil à ce sujet, je n’allais donc pas vraiment la juger pour ça.« Mais non, je suis sûr que non. On dit bien que chaque pot a son couvercle quelque part, non ? »

« Rire c’est bon pour la santé. Mais je peux aussi comprendre ceux qui ne rient jamais. » annonça-t-elle, me faisant lâcher un sourire. Je ne connaissais personne qui ne riait jamais. Moi-même étais très sérieux, et riais peu, mais cela m’arrivait quand même quelques fois. Généralement avec mes proches, ou ma famille. Mais sinon, j’avais du mal à lâcher prise. En même temps, je passais la moitié de mon temps seul, sur mon bateau. Donc forcément, s’il n’y a personne pour rire avec moi, cela en enlève l’intérêt. « Il paraît même que rire augmente l’espérance de vie d’une personne. Quelqu’un qui rit très souvent, qui est toujours de bonne humeur, qui est jovial et tout vivra plus longtemps apparemment. » dis-je en haussant les épaules. En même temps, cela semblait plutôt logique. Une personne dépressive mourrait plus rapidement. La conversation dériva alors vers l’amour. Personnellement, je ne perdais pas espoir. Et si je ne cherchais pas vraiment les rencontres, je pensais bien qu’un jour je finirais par trouver la femme de ma vie. « Vous avez surement raison… ah, ça me perturbe tout ça, je suis encore trop jeune pour penser à ce genre de chose. Ce n’est pas quelque chose qui me préoccupe… J’ai le temps pour tout ça… » expliqua-t-elle. Je la comprenais, elle avait tout le temps devant elle, sa vie commençait à peine. Pourquoi se préoccuper de ça ? « Je pense surtout que ce n’est pas en cherchant le grand amour qu’on le trouvera. Je pense que le grand amour nous tombe dessus, sans prévenir. » lui répondais-je dans un petit sourire. Et je le pensais réellement. « Vous ne trouvez pas que les soucis sont des avantages des êtres humains ? » me demanda-t-elle, me faisant lâcher un petit rire. « Oh oui, c’est certain. Les animaux ne se posent pas toutes ces questions. Ils vivent le moment présent, sont heureux d’un rien. Et on dit que nous sommes l’espèce évoluée. Pourtant, ils semblent bien plus heureux que nous, non ? »

« Faudrait que je change de méthode alors ! » me répondit-elle en riant faiblement. Il faudrait probablement que je change de méthode aussi. Je n’étais pas vraiment quelqu’un qui riait pour un tout ou un rien. Au contraire même, j’étais plutôt sérieux. Et puis, ce n’était pas en passant la moitié de l’année en solitaire, en plein milieu de l’océan, que l’on pouvait rire souvent. Généralement, dans ces moments-là, je ne faisais que profiter de la perfection de l’océan, admiratif. Et rien d’autre en particulier. « Oui moi aussi. » répondais-je dans un petit sourire. J’enviais les personnes qui arrivaient à être tout le temps enjouées, à rire pour un rien. Ces personnes-là devaient vraiment être heureuses. Pas que je n’étais pas heureux. J’aimais ma vie après tout. Mais bon, il était vrai que vivre à deux – et je ne parlais pas de ma petite sœur – me manquait. Même si j’avais été énormément déçu de comment ma relation s’était terminée avec Lela, je n’abandonnais pas pour autant. « Y’a un proverbe qui dit, que l’amour vient quand on ne cherche pas. On verra si c’est vrai alors. » dit la jeune femme, me faisant lâcher un petit rire. « Je vais être en mer pendant plusieurs mois bientôt, donc j’imagine que je ne pourrais pas moins chercher l’amour qu’à ce moment-là. On verra donc. » répondais-je sans perdre mon rire. Puis la comparaison avec les animaux vint naturellement. Après tout, ils étaient heureux, et il leur en fallait peu. Un rien les rendait heureux, eux. Ils ne se compliquaient pas la vie, prenant simplement les choses comme elles venaient. « Peut-être bien oui. Enfin, il leur en faut peu pour être heureux, c’est vrai. Mais à la rigueur je crois que je préfère être humaine. » affirma-t-elle. Je haussais les épaules, avant de lui répondre. « Je ne sais pas … J’imagine qu’arrêter de me compliquer la vie pour un rien, ça pourrait être bien … »