ADRIAN & MOWGLY

Sauve moi connard.

J’suis qu’un bon et je le sais. Et devoir quitter la Corée pour venir ici chez les blancs, ça me plait pas. Clairement, mais j’ai pas le choix. J’dois bien protéger mes gosses. Oui mes. Dire qu’il y a peu de temps je disais mon. J’ai encore du mal à m’habituer à la petite mais j’sais que je m’y ferais. C’est comme de tout. J’soupire et j’passe ma main sur mon front. J’en ai marre. Le trajet à durait trop longtemps. J’suis engourdi de partout, et Sun n’arrête pas de pleurer. Elle m’énerve. Mais j’y peux rien, c’est encore qu’un bébé. Pour la calmer j’lui file son biberon de lait, ça la calme direct. J’suis content. J’prends le premier taxi qui se pointe et je lui donne l’adresse que m’a filé mon boss. Tout était prêt je n’avais rien à faire. Il me lâche en plein Brooklyn, c’est pas mal. J’installe les mioches dans l’appartement, et je commence un peu à ranger les cartons qui ont été envoyé. Mais je pète la dalle. Et mon fils aussi. J’lui dis donc de ne pas bouger, j’vais bien nous trouver un truc à bouffer dans cette ville. J’prends mes affaires et j’m’en vais. J’essaie de trouver un truc attirant à manger mais rien ne m’emballe. Que des fast-foods. J’aime la bouffe coréenne. Pas ma faute. Je marche, longtemps, sans trop rien trouver. Enfin, je crois. Mais y’a un truc de pas net. J’suis suivi et ça, ce n’est pas normal. Alors je marche, longtemps. Très longtemps, je m’éloigne beaucoup, mais j’suis pris en sandwich. Fais chier. Ils me parlent. Ah. Ils veulent se venger. Très bien, ils sont cons. Me suivre jusqu’ici pour ça. C’est con. Alors la bagarre éclate. On s’tabasse, on s’en donne à cœur joie même. Mais un de ces cons sort un couteau et me plante dans le gras du bide. J’suis bien content que ça soit que le gras d’ailleurs. J’ai mal. Je fuis. Vaut mieux fuir. J’sais pas où j’suis et ça me saoule. J’suis dans un port. Tin qu’est-ce que je fous là ? Je me tiens le bide pour éviter le sang de trop couler et je cours. Je cours comme un crevard et j’entre dans le premier bateau que je vois. Enfin, non, c’est un des bateaux. Y’en a trop. Je me cache. Je me cache et j’le vois lui, le brun là. J’lui fais signe de se taire et de ne pas faire de bruit. « 씹할….시코로 ! » Ouais bon. J’parle coréen, j’doute qu’il comprenne. J’parle pas anglais moi. Comment on dit ça en anglais ? « Euuuh. Chut. Tcccchut. Kill. Kill. » j’pointe le doigt dehors et lui montre ma blessure. Il devrait comprendre là non ?

Mon bateau était toujours l’endroit où je me sentais le mieux, il n’y avait rien à faire. Après le départ de Laïsha, j’avais été encore plus secoué et perdu que je ne l’étais avant, et c’était peu dire. Je n’avais aucune idée de ce qu’il se passait entre nous. La seule chose que je savais, c’était que, quoiqu’il s’agisse, ce n’était pas possible. Parce que c’était trop compliqué. Parce qu’elle était une amie de ma sœur. Parce que nous nous connaissions depuis des années et que je l’avais même vue grandir. Et surtout, parce que sa sœur était mon ex fiancée. Mais au final, est-ce que ces choses importaient réellement ? J’écoutais ses arguments, et je les comprenais. Mais cela ne réglait pas la question. Qu’est-ce qui se passait entre nous exactement ? Qu’est-ce que nous ressentions l’un pour l’autre ? Et surtout, qu’est-ce que nous voulions réellement ? Est-ce que cela valait le coup de tenter quelque chose ? Je n’en avais aucune idée, j’étais complètement perdu. Je ne savais même pas ce que je ressentais pour la jeune femme. C’était fort. C’était tout ce que je savais. Bien plus fort que ce que j’avais pu ressentir pour Ozalee, et donc même sans savoir de quoi il s’agissait, j’avais préféré rompre avec l’australienne, avant que les choses ne deviennent plus sérieuses entre nous. Mais avoir revu Laïsha … Cela ne m’avait pas aidé à faire le clair parmi mes sentiments. Et c’était pour cela qu’après son départ de mon appartement, après avoir tourné en rond dans le salon, j’avais pris mes affaires et été venu ici. Je savais que c’était l’endroit où j’aurais le plus de chance d’arriver enfin à réfléchir. Enfin du moins, c’était ce que je croyais, jusqu’à ce que quelqu’un rentre sans prévenir dans la cabine, ensanglanté. J’écarquillais des yeux, inquiet. « Monsieur, vous allez bien ? » commençais-je par lui demander, troublé. Il prit la parole dans une langue que je ne reconnaissais absolument pas, avant de faire une pause et de reprendre. « Euuuh. Chut. Tcccchut. Kill. Kill. » J’acquiesçais de la tête. « Quelqu’un veut vous tuer ? » répétais-je en hochant de la tête. Je jette un autre coup d’œil à sa blessure dans une grimace. « Il faut vous amener à l’hôpital. »

ADRIAN & MOWGLY

Sauve moi connard.

Ça n’arrive qu’à moi. Je suis là depuis quelques heures et on m’attaque déjà. Je ne suis pas con j’sais qui c’est et le pourquoi du comment. Mais j’aurai aimé qu’on ne me plante pas. Se battre avec des armes c’est pour les faibles. J’ai l’habitude cependant de me faire battre ce n’est pas ma première entaille. Mais pour le moment, ma seule option c’est la fuite. Pourquoi ? Je ne connais pas les lieux, et puis j’ai deux gosses à ma charge maintenant. Si Moon lui avait dix ans, Sun n’avait même pas un an. Je ne peux pas mourir et la laisser seule. Pas à son âge. J’sais pas où j’suis mais j’y suis. L’océan, des bateaux. Ma foi, autant se planquer dans l’un d’eux. Et c’est ce que je fis. Et bien sûr avec ma chance je tombe sur un type. Je parle pas américain moi bordel. « Monsieur, vous allez bien ? » Hum ? Il me demande si je vais bien ? Je crois que c’est surement la seule phrase que je connais. Yes, i’m fine. Je pète le feu en me vidant de mon sang. Il est con lui ou bien ? « Quelqu’un veut vous tuer ? » Enfin ! Je crois qu’il a compris. J’ai entendu le mot tuer. C’est une bonne chose. Je pense. « Il faut vous amener à l’hôpital. » Et pour le moment tu dois fermer ta gueule. Putain il va nous faire repérer ce con. Je m’approche de lui et je pose ma main sur sa bouche. De mon autre main je lui fais signe de se taire. Pas possible ça. Les gens ne comprennent rien. J’entends du bruit dehors. Ils sont tous prêt. Je bouge plus. J’attends qu’ils passent leur chemin. Je les entends s’éloigner. Je lâche le type et je quitte le lieu, je dois m’assurer qu’ils ne sont plus là. Chose faite je reviens vers lui. « C’est okai. » Je dis, sans savoir quoi dire d’autre. Je ne parle pas la langue, qu’est-ce que je peux bien dire ? J’enlève mon t-shirt et je regarde ma plaie. Elle n’a pas l’air profonde. C’est une bonne chose. Je touche doucement. « Aie. Hum. Alcool ? » Je demande. De l’alcool sur la plaie, ça ne peut que désinfecter même si je vais souffrir comme un connard.

Mon bateau. Mon sanctuaire. L’endroit où j’allais lorsque tout allait mal. Ou lorsque tout allait bien, aussi. Bref, MON endroit. C’était le lieu où j’avais vécu mes plus beaux moments. Mon premier baiser avec Lela. Mon premier – et dernier ? – avec Laïsha – la sœur de Lela … Et mes plus tristes aussi. La rupture des fiançailles. Les au revoir avec mes frères lorsque j’avais quitté l’Australie. Mais c’était mon endroit, celui où j’étais tout le temps bien, dans mon élément. Enfin, jusqu’à aujourd’hui, apparemment. Qui aurait pu prévoir qu’un homme blessé s’y réfugierait ? Enfin, un autre homme blessé, qui n’était pas moi, cela va sans dire. Je commençais à lui poser des questions, pour savoir ce qui avait bien pu se passer, histoire d’analyser la situation. Puis j’insistais pour l’amener à l’hôpital en voyant sa blessure. Ce qui n’eut pas l’air de lui plaire, puisque rapidement, il plaqua sa main sur ma bouche et me fit signe de me taire. Après un moment qui me paru bien long – pas que je sois bavard, bien au contraire, mais se retrouver avec la main d’un inconnu sur ma bouche, ne parlant pas la même langue que moi, avec la possibilité d’être retrouvé par ses agresseurs, ce n’était pas ce que j’appellerais un synonyme de passer du bon temps – il sortit rapidement de la cabine avant de revenir. « C’est okai. » dit-il, me faisant acquiescer de la tête. Il enleva ensuite son tee-shirt pour mieux voir sa blessure, me faisant lâcher une grimace. « Hôpital. » répétais-je plus lentement, espérant qu’il comprendrait. Mais ce fut vain. « Aie. Hum. Alcool ? » Génial, il allait vouloir que je le soigne, moi qui n’y connaissais rien. Enfin bon, j’avais toujours une trousse de secours dans ma cabine, pour le cas où. Après tout, je partais longtemps en mer, et qui pouvait bien savoir ce qui pouvait se passer ? J’allais donc la chercher avant de lui donner du désinfectant et des compresses. Il aurait besoin de points de suture, c’était certain. Après lui avoir donné le matériel, je lui rapportais une bouteille d’alcool. « Contre la douleur. » Après tout, c’était un anesthésiant comme un autre, non ?

ADRIAN & MOWGLY

Sauve moi connard.

« Hôpital. » Hôpital ? Non après. Je ne dois pas bouger pour un moment. Ils sont là, je ne suis pas idiot. Je sais comment ça marche. Ils vont tourner tout le long du port et se répartir les zones pour mieux me trouver. Je dois rester cacher quelques minutes ici sans donner le moindre signe de vie. Sinon je suis foutu. Et si je meurs ici, mes gosses iront dans un orphelinat américain. Ils ne méritent même pas ça. Je lui fais signe que non de la tête et je demande de l’alcool. Pour le moment il faut désinfecter la plaie. Je l’observe faire. C’est bien c’est un brave type. Puis il me donne ce qu’il faut. « Contre la douleur. » « Merci. » Je regarde la bouteille d’alcool et le désinfectant. Un mélange des deux ne me fera pas de mal. J’ouvre le désinfectant et j’en asperge sur la plaie en serrant les dents. Ça fait un mal de chien. Je souffle fort et j’transpire comme un connard. La douleur me fait transpirer. On se croirait dans un mauvais film. Je prends la bouteille et l’ouvre, j’en bois une gorgée, oui tant qu’à faire autant endormir tout mon corps. J’en bois une seconde gorgée puis j’en mets sur la plaie et je lâche un bref grognement. « Putain de merde. » Je jure en coréen, dans ma langue natal avant de m’allonger sur le sol. J’vais crever. Enfin, je dis ça à chaque fois. Mais je m’en sors toujours vivant. « Merci mon ami. » Je dis à son attention. Je souffle plusieurs coups, et j’essaie d’ignorer la douleur. Ça va passer, le temps que l’alcool et le désinfectant ne me brulent plus la plaie. C’est l’histoire de quelques minutes. Je lui tends la bouteille, peut-être qu’il veut boire un coup. Et je ferme les yeux. C’est dans la douleur que l’on sait qu’on est vivant après tout.