21h45, samedi soir. Soirée calme, anormalement calme. Je n'avais aucun projet palpitant, aucune soirée de prévue, même pas un petit ciné, une ridicule partie de jambes en l'air; rien. Rien si ce n'est mon canapé et mon plateau télé. Menu ? Lasagnes surgelées, presque froides. Immondes. Un haut de coeur et quelques mimiques de dégout plus tard, je jetais la barquette dégoutante au profit d'un bol de céréales, ça passait tout de suite mieux. Se nourrir ? Fait. Et maintenant ? Télé ? Comme si j'avais le choix. J'étais désespérément seule de toute façon. Tiens. Cela me faisait penser à la conversation téléphonique que j'avais eu avec mon père, plus tôt dans l'après-midi. Il m'avait demandé quels étaient mes projets. Désespérée et agacée par sa question, je lui avais simplement répondu " rien du tout" sur une moue boudeuse. Il a ri. Se faisant un plaisir d'ajouter que cela ne me faisait pas de mal de rester un peu tranquille à la maison pour une fois. Dans un environnement stable et sain, plus propice à l'éducation de Soraya. Non mais qu'est ce qu'il croyait ? Que j'avais recommencé à me piquer ? ! Enfoiré. Il n'avait jamais eu confiance en moi de toute façon, que bien trop manipulé par mon arrogante de soeur. Taylia, la fille parfaite. Qu'ils aillent se faire voir ! Je n'avais pas besoin d'eux de toute façon. D'ailleurs, je n'avais pas supporté sa remarque et son ton narquois, aussi lui avais-je raccroché au nez, débranchant mon téléphone fixe par la suite, histoire qu'il ne me harcèle pas. Il aurait pu appeler sur mon mobile ? Vous plaisantez j'espère ? ! Il n'avait pas le numéro, et quand bien même il l'aurait eu, je n'aurais pas décroché. La seule et unique raison pour laquelle j'acceptais de lui reparler c'était Soraya et son imminente arrivée. Il devait l'accompagner ( - quelle joie --' - ) et se faisait déjà un plaisir de tout organiser. Je t'en foutrais moi ! Bref, tout ça pour dire que j'allais passer une soirée seule devant la télé, à mater des abrutis finis dans des films romantiques à deux balles ( - il n'y avait que ça ce soir, ou de la télé-réalité à deux balles, merci mais non merci ! je préférai de loin regarder Anne Hathaway crêper le chignon de sa copine - ) quel programme ! Une soirée bien calme s'annonçait en somme. La première depuis bien longtemps.

Fort heureusement pour moi, la sonnerie de mon téléphone portable me sortit bientôt de mes sombres pensées, de ma déprime passagère et m'épargna ( - par la même occasion - ) l'une de ces insupportables scènes d'amour, niaise et ridicule au possible. Non mais franchement, comme ci ça se passait comme ça dans la vraie vie ! N'importe quoi. « Allô ? [...] Bof et toi ? [...] Rien. Je suis désespérément seule. Livrée à mon triste sort. [...] Je regarde la télé. Un putain de film à l'eau de rose. [...] Quoi ? [...] Bien sûr que je suis partante ! Laisse-moi une petite heure ! [...] parfait ! à tout à l'heure ma biche ! ». Je raccrochais. Pfiou. Du plus loin que je m'en souvienne je n'avais jamais été aussi contente d'entendre Barbara. Elle me tapait certes et parfois sur le système, mais c'était une gentille fille au fond et puis... elle me sortait d'un ennui profond et m'évitait la catastrophe assurée ( - 400 grammes pris devant la télé avec un bol de glace au chocolat ça vous dit quelque chose ? - ). Bénit soit-elle.

Une demi-heure passa.

Habillée, coiffée et maquillée à la perfection je rejoignais bientôt le lieu-dit du rendez-vous où la Barbara en question était censée m'attendre. " Censée " je crois bien que c'était le mot. Rapide tour d'horizon ? Rien. Inspection des toilettes ( - féminines et pas que - ) ? Toujours rien. Arrière du bâtiment ? Non plus. Mais où était-elle bon sang ?! Je n'allais pas tourner en rond comme ça pendant dix ans non plus ? Elle se foutait de moi ou quoi ?! Tiens. Je sentais un vibreur dans le fond de mon sac. Probablement elle. [Nouveau Sms de Barbara : He poulette. Je sais que tu vas m'en vouloir à mort mais... je suis parti. Je suis vraiment désolé je t'assure, mais... j'ai rencontré un brésilien, MON DIEU ! quel homme ! il m'a promi une nuit de folie, je ne pouvais pas refuser. Encore désolée. On s'appelle. Xoxo' Bitchie ! ]. NON MAIS JE REVE ? ! JE REVE ?! Elle ne pouvait pas prévenir avant non ? ! Et j'allais faire quoi moi maintenant ? Si j'avais quitté mon état d'hibernation et de solitude ce n'était certainement pas pour me retrouver seule, à nouveau. Oh elle allait m'entendre. Ah ça oui ! Dès que je la reverrai, elle allait m'entendre.

Pourtant arrivée ( - sans même m'en rendre compte - ) à hauteur du bar, je m'y asseyais machinalement, posant mon sac sur le comptoir avec bruit et... ne pouvait m'empêcher de lâcher un « Sal*pe ! Mais quelle sal*pe ! » d'exaspération tandis que je relevais la tête et lançais à l'intention du serveur « une vodka ! double s'il vous plait ! ». Me faisant servir presque aussitôt, je me munissais alors de mon verre et, le levant à l'intention du charmant brun qui se tenait à mes côtés j'énonçais un franc « à la vôtre ! » avant d'enfiler ma vodka d'un trait et de conclure par « une autre ».
La soirée promettait d'être alcoolisée. Ainsi soit-il ! A la tienne papa !

Si ça allait bien ? Bien sûr que tout allait bien. Pourquoi quelque chose n'irait pas voyons ? Ma vie était parfaite. Mon fiancé ( - le seul homme que j'ai jamais aimé - ) était mort, me faisant perdre tout espoir en l'amour. J'avais fui mon pays natal, ma famille et abandonné mon adorable petite fille, Soraya. Gamine dont je n'avais jamais su m'occuper, qui avait maintenant trois ans passés, qui ne me connaissait pas et qui allait bientôt débarquer. Enfant dont j'allais devoir m'occuper alors que je n'avais jamais changé une couche ou même donner un biberon de toute ma vie. Je passais les trois quarts de mon temps à déprimer. Je pleurais dans mon lit le soir. Je me refusais quelconque relation sérieuse et préférais de loin offrir mon corps à divers inconnus, tous plus irrespectueux les uns que les autres. Salissant ma réputation et mon âme mais m'en moquant outrageusement cependant; ces parties de jambes en l'air constituant alors la seule et unique chose qui puisse encore me faire du bien. J'avais passé une journée pourrit, une semaine horrible et ma soirée avait très mal commencé. Je pensais enfin m'amuser croyant rejoindre une amie. Mais cette même amie m'avait posé un lapin et j'étais désormais seule, accoudée à un bar miteux, trinquant avec un inconnu et noyant mes problèmes dans l'alcool. Tout allait parfaitement bien oui ! A merveille, même.

« Parfaitement bien oui. Merci de l'intérêt que vous me portez mais... ne vous en fait pas pour moi, j'ai l'habitude. Et je ne suis ni enceinte, ni malade. Je ne cours donc aucun danger particulier. Un ou deux verres d'alcool ne me tueront pas voilà tout. Si c'est ce dont vous vous inquiétez, vous n'aurez pas à me ramasser ivre morte sur le trottoir de devant, aucune inquiétude. Ce n'est pas mon genre. Plus maintenant ». Je ne lui avais pas déballé ma vie finalement, n'ayant aucune envie que l'histoire ne se répète une seconde fois. J'avais déjà vécu ça. Luke faisant office d'étranger, d'épaule sur laquelle me reposer et il me suffisait amplement. C'était un meilleur ami, un confident parfait. Il était le seul homme ( - ou presque - ) au courant de tout ça et c'était bien suffisant. Je n'allais pas laisser l'histoire se répéter. J'étais bien trop sobre pour me livrer de toute façon. Aussi avais-je préféré endosser mon rôle habituel, celui de la fille intouchable, arrogante et sûre d'elle. La Manuela que tout le monde connaissait en fait.

Bref coup d'oeil sur le serveur ( - resté anormalement inactif depuis un petit moment - ) je me redressais alors et, l'attrapant par le col, je lui chuchotais à l'oreille « Il faudrait mieux pour toi que tes yeux cessent de divaguer comme ils n'ont pas arrêté de le faire ou je risquerais de sérieusement m'énerver. En temps normal je t'aurais dit qu'il suffisait de demander pour profiter de la... marchandise. Mais malchanceux que tu es, je ne suis vraiment pas d'humeur ce soir. Alors tu arrêtes ou je vais m'empresser d'aller parler de ce petit problème de...trous dans la caisse à ton cher patron que...infortuné que tu es une nouvelle fois, je connais parfaitement bien. On s'est compris ? [...] Bien. Mets m'en une autre s'il te plaît et ressers monsieur. Il est adorable ». Je l'avais dit tout haut ? Boarf pas grave. Dans le fond, je m'en fichais pas mal de ce qu'il pouvait bien penser de moi ou non. Je ne le connaissais pas de toute façon et...vu mon état d'esprit actuel, il n'allait rien obtenir de ma part ce soir ( - si toutefois, il avait voulu quelque chose - ). D'un autre côté et maintenant que j'étais là, nous pouvions faire connaissance ( - ou au moins discuter - ) l'absence de perspective de sexe demeurant, l'un n'empêchait pas l'autre. Puis une humeur se changeait après tout; aidée par un charme aussi marqué c'était envisageable.

« Oh j'oubliais. Inutile de me remercier pour le verre, je suis dans mon instant de bonté. Ça n'arrive pas si souvent, contentez vous d'en profitez. Et si ça peut vous rassurer, promis après celle-là, j'arrête de boire ! Ou pas. Au pire, vous me raccompagnerai chez moi, attentionné comme vous êtes ». Je marquais une pause, consciente de l'ambiguïté de mes propos « Enfin. Changeons là de sujet, auquel cas vous risqueriez de vous imaginer des choses. Hors et comme vous avez pu l'entendre, je ne suis pas vraiment d'humeur ce soir. J'ai plutôt envie de discuter en fait. Une grande première. Encore une fois profitez-en. Que cela dure 10 minutes ou la nuit entière; c'est une opportunité exceptionnelle ». J'étais à peu près sûre qu'il me prendrait pour une folle, allumeuse, nymphomane et obsédée, mais je m'amusais déjà de sa futur réaction. « Pour continuer dans le cliché de la fille facile, puisque c'est surement pour ça que vous me prenez, ma question sera la suivante : qu'est-ce qu'un charmant jeune homme tel que vous, fait-il seul, un samedi soir ? Laissez-moi deviner, vous n'êtes pas seul ? Votre petite amie est aux toilettes c'est ça ? ». Manuela Ayxeres ou celle qui ne savait pas tenir sa langue. Tu fais encore des tiennes pensais-je alors, souriant ensuite, amusée par ma propre bêtise.

« Y a pas de soucis, je me renseigne juste. On sait jamais. Sur que vous avez pas forcément une tête d'alcoolique, mais énervé on fait parfois des choses qu'on regrette ensuite, je voudrais pas en être responsable. Vu que je suis témoin, je me dois d'vous arrêter avant le moment critique. ». Qu'il était mignon. Attentionné, soucieux du bien d'autrui, on rencontrait peu de personnes telles que lui de nos jours. D'un autre côté, rien ne pouvait m'assurer qu'il était sincère ? Peut-être bien qu'il baratinait dur en fait ? Son discours rassurant n'étant destiné qu'à amadouer les jeunes femmes et ne constituant qu'une tactique de dragues parmi tant d'autres ? Comment savoir ? Rien ne pouvait m'assurer de sa bonne volonté. Je ne le connaissais pas après tout. C'était d'ailleurs la première fois que je le rencontrais; pourtant, je venais souvent ici. J'étais ce qu'on pouvait qualifier d'une "habituée", aussi commençais-je à connaître les visages des clients réguliers. Il n'était pas l'un d'entre eux, j'en étais persuadée; auquel cas je l'aurais déjà remarqué. On n'oubliais pas un tel visage. Un tel charisme. Un homme comme lui. Impossible ! Il était le genre de personnes qui marquaient. Quoi qu'il en soit il m'amusait et me perturbait beaucoup aussi. En effet, son sourire ( - pourtant si présent - ) semblait cacher quelque chose. Je ne pouvais me l'expliquer, mais... quand je le regardais, j'avais comme l'impression qu'il était différent. Une vague impression de déjà-vue. Comme si je le connaissais depuis toujours, comme s'il pouvait me comprendre, comme s'il avait traverser quelque chose de difficile lui aussi, quelque chose que j'avais moi-aussi vécu. Son sourire brisé appuyant mon hypothèse. J'avais l'impression que cet homme avait énormément souffert et que, comme moi, il jouait un rôle, pour mieux dissimuler sa souffrance aux yeux des autres. Je ne savais me l'expliquer, mais nous étions faits pour nous entendre j'en étais persuadée. Et j'étais douée pour cerner les gens.

« Bien » réagissais-je enfin « merci de l'attention, mais tout va très bien. J'ai simplement un petit coup de mou et... quelques verres me feront du bien. Puis je tiens très bien l'alcool, alors... avant que vous me trouviez raide morte sur la chaussée, il y a de la marge ! ». Il était bien gentil, mais je n'avais ni le temps, ni l'envie de me faire réprimander. J'étais asse grande pour me prendre en charge toute seule désormais. Je n'avais certes que vingt ans et... si le patron n'était pas l'un de mes proches amis, je n'aurais probablement pas le droit de consommer de l'alcool dans l'enceinte de son établissement, mais... me sachant responsable et après m'avoir fait promettre de me prendre en charge et de ne pas déraper, il avait finalement décidé de faire une exception. Alors merci, mais non merci, je n'avais besoin de personne, encore moins d'un chaperon. Je n'obéissais plus à aucune autorité depuis bien longtemps maintenant et je n'étais pas prêtre à m'y soumettre de nouveau. Aussi mignon soit le réprobateur et aussi nobles soient ses intentions.

La question n'était plus là de toute façon. J'avais parfaitement bien détourné le sujet de son point initial ( - à savoir moi - ) et m'étais débrouillée pour le recentrer sur mon interlocuteur, qui se trouvait désormais coincé. Soudain, son sourire ( - presque narquois, il fallait bien l'avouer - ) se dissipa et il baissa la tête, comme mal à l'aise. Alors comme ça monsieur aimait questionner les gens, mais il n'appréciait pas que l'on s'intéresse à sa petite personne ? Qu'à cela ne tienne, j'allais me faire un malin plaisir de l'interroger justement. La curiosité étant l'un de mes plus gros défauts, il n'y échapperait pas de toute façon. Et puis, vous connaissiez le dicton : " Qui s'y frotte s'y pique ! " ? Ce mystérieux jeune homme avait engagé la conversation, il allait devoir en pâtir, tans pis pour lui.

Pour en revenir à lui d'ailleurs, il m'expliquait qu'il accompagnait en fait un ami. Ami se défoulant depuis un petit moment sur la piste de danse, le laissant seul, abandonné de tous. Parfait ! La compagnie d'une femme étant exclue, j'allais lui offrir la mienne. « Je tâcherais de m'en souvenir, promis. Encore faut-il pour cela que nous nous recroisions à l'occasion. Qui sait ? Je ne suis peut-être que de passage à New-York ? Comment le savoir ? Vous ne connaissez-rien de moi après tout. Tout comme je ne connais rien de vous. D'ailleurs, à qui aies-je l'honneur ? »

Amusé par ma remarque, le mystérieux inconnu ( - qui n'en était plus vraiment un en fait - ) s'accouda au bar et, me tendant la main, il se présenta. A mon tour et parce que cela constituait la moindre des politesses, je lui offrais la mienne et me présentais. « Bien. Enchantée Ewen. Moi c'est Manuela. Manuela Pilar Ayxeres pour être plus précise. Mais vous pouvez m'appeler Manue ». Esquissant un sourire malicieux, je lui faisais comprendre que la reproduction parfaite de sa phrase, n'était en fait destinée qu'à le taquiner. Chose qu'il avait probablement compris tout seul, mais que je m'étais assurée de confirmer, juste au cas où il serait susceptible. Sait-on jamais ? Je ne le connaissais pas après tout. Ce qui ne m'empêchait pas de penser que ce Ewen devait être une personne foncièrement gentille et intéressante. Bizarrement, je me sentais bien avec lui. Son contact, sa discussion et son sourire, me ravissaient totalement. Et finalement, je ne regrettais pas d'être venue ici ce soir; et ça bien que Barbara m'ait complètement lâché. D'ailleurs et tandis que j'y pensais, il relançait exactement le même sujet sur le tapis. A croire qu'il lisait dans mes pensées. Lui ? La sal*pe de tout à l'heure ? Comment cela pourrait-il être possible ? Je ne le connaissais même pas alors. J'avais compris son intention, il voulait savoir pourquoi j'étais en colère tout à l'heure, mais il avait été maladroit. Même incohérent en fait. Mais peu importe, je ne lui en tenais pas rigueur, que bien trop captivée par ses yeux pour cela. Et son sourire. Mon Dieu ! à en tomber à la renverse. Hop, hop, hop Manuela ! Réveille-toi ! pensais-je subitement, me ramenant à la raison. Ce jeune homme était certes fort sympathique et très séduisant, mais je n'étais pas venue ici pour ça. Et je tenais à rentrer seule ce soir. Pour une fois, ça ne me ferait pas de mal.

« Non » le rassurais-je, encore amusée par sa maladresse « Pas du tout. Il s'agissait d'une... amie en fait ». Probablement surprit par ma réponse ( - il fallait dire que les gens n'avaient pas l'habitude d'insulter leurs amis aussi - ), il écarquilla les yeux. « Enfin ce n'est pas vraiment une amie en fait. C'est plutôt une copine de soirée. Une connaissance. Connaissance que j'ai un mal fou à supporter d'ailleurs. Mais aussi la seule toujours partante pour s'amuser alors... Enfin, vous voulez vraiment que je vous raconte ça ? Parce que c'est asse banale et bête comme histoire en fait ». Acquiesçant d'un signe de tête, il m'invitait à poursuivre. Je continuais donc sur ma lancée. Sans trop savoir pourquoi d'ailleurs. J'étais seulement et présentement très loquace, autant s'y faire. « Comme vous voudrez, mais vous ne direz pas que je ne vous ai pas prévenu. Bon alors... pour faire simple. Parce que je ne vais pas vous ennuyer avec ma petite vie non plus. J'étais chez moi, en train de me morfondre dans mon canapé, un bol de céréales à la main, zappant à la télé ou passant une soirée ennuyeuse et déprimante si vous préférez. Prête à commettre le pêché suprême, à savoir me munir de mon énorme bac de glace au chocolat quand... Barbara ou la connaissance en question, m'a invité à la rejoindre ici. Je n'avais rien de prévu, je m'ennuyais à mourir, j'ai donc sauté sur l'occasion. A peine une heure plus tard, j'étais là. Seulement... et c'est là que vient le meilleur. Ma super copine de soirée m'avait lâché pour aller se taper un brésilien, probablement aveugle, sourd, et muet pour le lui avoir proposé. Enfin tout ça pour dire que je me suis déplacé pour rien et que ça m'a franchement énervé. D'où le sal*e de tout à l'heure ». Ewen m'avait écouté, presque religieusement. Et une fois mon monologue terminé, je me sentais légèrement mal à l'aise ( - presque ridicule - ) de l'avoir énoncé. Tout ça était si futile et inintéressant. Il allait me prendre pour une fille vulgaire et sans cervelle en plus. Une fille semblable aux trois quarts des clientes de cet endroit en fait. « Mais et vous ? Vous êtes vraiment venu en compagnie de » je pointais alors du doigt un jeune homme blond, la trentaine environ, dansant et se trémoussant avec un autre homme « ce jeune homme ? Non pas que je remette votre parole en doute, mais il n'a pas l'air de vous prêter une grande attention ». De nouveau, je lâchais un petit rire amusé. Bien quoi ? J'étais en droit de me poser la question non ? Je m'étais montrée honnête avec lui après tout, à son tour de faire de même. Puis franchement, soit ce type ( - censé l'accompagner - ) ne le connaissait pas ? Soit il se comportait comme un véritable profiteur en se faisant conduire et en l'évitant totalement ensuite ?

Ewen finit par m'avouer qu'il était venu seul, ce qui me fit sourire. J'avais vu juste finalement. Je ne m'attardais cependant pas sur le sujet ( - des moindres il fallait bien l'avouer - ), plutôt désireuse d'apprendre à le connaître un peu mieux. Il me fascinait, totalement. Son charisme, incroyable. Sa voix, posée. Son sourire, ravageur. Sa façon de parler, de bouger. TOUT. Tout en lui me fascinait. Je voulais le connaître davantage et plus encore poursuivre cette soirée qui se présentait déjà sous les meilleurs hospices. Nous continuâmes donc de discuter ainsi un petit moment, peuplant notre échange de diverses anecdotes toutes plus drôles ou embarrassantes les unes que les autres, énonçant à l'autre nos traits de caractères respectifs; faisant connaissance, tout simplement. Ancrage de vie que je réduisais pourtant au strict minimum, énonçant brièvement mon enfance en Espagne et éludant totalement les sujets Adan et Soraya par la même occasion. Je ne voulais pas qu'il ait pitié de moi, encore moins qu'il ne prenne peur. Mon histoire n'était pas des plus atypiques, il fallait être réaliste et, les hommes ne voulaient généralement pas s'embarrasser d'une jeune femme, déjà mère à 20 ans. Non pas que je puisse m'imaginer quoi que ce soit avec lui, mais je savais par expérience que sur le plan relationnel ( - aussi bien amical qu'amoureux - ), et pour une fille de mon âge, le statut de mère n'aidait pas. Aussi préférais-je éluder le sujet, solution qui me semblait la meilleure. Mais qu'importait réellement en fait; nous ne nous reverrions peut-être pas alors...

Attrapant ma main, il m'entraînait bientôt sur la piste de danse, me sortant de mes pensées par la même occasion. Je le suivais sans aucune résistance, me laissant porter par l'euphorie du moment, tout simplement. Quelques danses et déhanchés plus tard, nous nous retrouvions bientôt plus proches que nous aurions pu l'imaginer. Une musique douce apparaissant alors, ses lèvres effleurant presque les miennes, rapprochement menant inévitablement à un premier baiser échangé, furtif. Baiser que je réprimais d'abord, tournant la tête. Je ne voulais pas me laisser emporter par la magie du moment, je ne voulais pas faire ça, je ne pouvais pas faire ça. Pour la simple et bonne raison que je savais pertinemment où cela allait nous mener au final et je m'étais promis de ne rien faire ce soir. Je me l'étais promis, mais plus encore je le lui avais dit. Ce qui m'amenait à penser qu'il allait d'emblée me prendre pour une traînée, si je lui cédais. Je m'enfuyais donc, prétextant un besoin urgent de prendre l'air.

Ewen décidait pourtant de me suivre. Adossée à un mur, je ne l'entendis pas arriver et c'est la tête dans les mains que je continuais de me maudire intérieurement. Dénigrements pensifs soudainement interrompus par un toussotement, léger. Instinctivement, je me retournais faisant alors face à mon "compagnon de soirée ". Mal à l'aise et d'ors et déjà honteuse de ce qu'il allait bien pouvoir se passer entre nous, je lâchais un long soupir et ajoutais « Désolé de m'être enfui comme ça. Non pas que tu ne me plaises pas hein. Au contraire, j'ai passé un très bon moment avec toi. C'est juste... c'est juste que je n'avais pas prévu ça tu comprends ? Je veux dire, je te l'ai clairement fait comprendre, j'avais prévu de rentrer seule ce soir. Seulement... seulement tu es arrivé, nous avons discuté, ri et... et la suite tu la connais. Tu me plais. Visiblement je te plais aussi et... Oh et puis mer*e ! ». Sans lui laisser le temps de rétorquer quoi que ce soit, je me jetais sur lui, l'embrassant à pleine bouche, presque sauvagement en fait. Il ne me repoussait pas, préférant au contraire, passer ses mains sur moi, m'embrassant derechef une fois que j'en eue ( - pour ma part - ) terminé. La suite ? La suite on la connaît tous et au fond, j'aurais dû me douter que cela allait arriver. Regards malins échangés, le « Je ne suis pas une traînée » commun et de rigueur énoncé et... je le suivais chez lui, peu consciente de mes actes désormais. Me laissant guider par mes pulsions, mes envies, mon désir. Plus maître de rien en fait.

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