Alaska entra dans le bar que lui avait indiqué Matt tout en se demandant une nouvelle fois pourquoi elle avait accepté de l'attendre pour qu'il s'explique. Elle était réputée pour son caractère de feu, contrairement ce que pourrait faire penser son prénom pour le moins... glacial. Peut-être était-ce ses yeux, oui, ça devait être ses yeux. Des yeux où l'on oubliait tout ce qu'on avait sur le coeur. Dès qu'elle avait vu les enfants qui suivaient leur père dans l'appartement, elle n'avait eu qu'une seule envie : fuir et partir au plus vite pour se cacher. Elle avait ressenti une profonde honte et ça n'avait toujours disparu pour l'instant. La jeune femme s'approcha du bar où elle s'assit. « Un verre de vin s'il vous plaît, le meilleur que vous avez de préférence. » Le barman la regarda un instant, comme surpris de ce choix puis se reprit avant de le lui servir. « Merci. » Elle attrapa son verre, en but une gorgée avant de faire une grimace. Il ne fallait pas s'attendre à un grand cru dans un bar downtown. A la deuxième gorgée, elle finit par lui trouver des qualités avant de l'adopter totalement.

Assise au comptoir de ce bar, Alaska repensa à ce qui l'avait poussée à appuyer sur cette foutue sonnette. A une répétition, elle avait cru voir Matt qui partait. Évidemment, elle ne pouvait pas laisser en plan ses danseurs et s'était juste époumonée à crier encore plus fort « Cinq, six, sept et huit ! » tout en laissant vagabonder ses pensées sur tous les bons moments passés avec cet homme si troublant à ses yeux. Il suffisait qu'elle croise ces yeux bleus pour qu'elle ne pense à rien d'autre et elle avait tellement horreur de cette sensation qui lui rappelait le pouvoir qu'avait Raphaël sur elle quand ils étaient ensemble. Quand il revenait d'une rencontre avec une de ses nombreuses amantes, et qu'il lui souriait et plongeait ses yeux dans les siens, Alaska oubliait tout aussi. Maintenant que tout cela était fini et après tout le mal que cette relation lui a causé, elle recherchait absolument et par tous les moyens la simplicité mais elle n'attirait au final que les problèmes, les questionnements interminables et les conneries. Elle avait pourtant décidé en acceptant ce boulot de balletmistress au NYCB de retirer les hommes de sa vie, ça devait être tellement plus simple ! Mission raté. Un ministre était passé par là et Matthew aujourd'hui qui était toujours là.

Alaska secoua la tête d'un air résigné. Soudain, elle sentit un vent froid lui chatouiller le corps, la porte venait sans doute de s'ouvrir. Puis une voix qui s'adressait au patron du bar. Puis une personne qui s'asseyait à côté d'elle. Matt était là mais elle ne bougea pas. Elle ressentait toujours une sorte de honte et de colère qu'elle ne voulait pas voir disparaître. Si elle le regardait, elle les perdrait. Un silence s'installa qu'elle n'avait absolument pas envie de rompre la première. Il finit par le faire en s'excusant. « Désolé de quoi ? Que j'ai rencontré tes enfants, dont je ne connaissais pas l'existence ? Ou que j'ai connu la honte de ma vie ? ». Le ton était plutôt agressif et le regard droit devant, fixant les bouteilles sans intérêt qui étaient sur l'étagère en face. Alaska but une gorgée de son vin comme pour s'obliger à refouler une colère qui commençait à monter en elle indubitablement sans qu'elle ne puisse rien faire.

Alaska ne le regardait pas ; elle était énervée, il pouvait le comprendre. Cependant, il ne s'était jamais senti aussi penaud ; il n'était pas de nature particulièrement méchante ou joueuse avec les femmes, il n'était d'ailleurs réellement pas habitué à la situation dans laquelle ils s'étaient mis. Se revoir plusieurs fois, à plusieurs endroits de la planète, par un hasard heureux qui les faisait toujours terminer ensemble, ce n'était pas son genre. Ces dernières années, de toute façon, sa vie n'avait tourné qu'autour de ses deux emplois et enfants. « Désolé de quoi ? Que j'ai rencontré tes enfants, dont je ne connaissais pas l'existence ? Ou que j'ai connu la honte de ma vie ? » Matthew grimaça, baissa les yeux et joua comme absent avec son verre posé sur le bar. Il ne parlait pas de ses enfants. Pas parce qu'il en avait honte, au contraire, mais parce que ça lui faisait du mal. Il était père, il l'avait été durant des années avant d'être séparé de sa progéniture. Et encore, il ne s'était même pas battu. Lula avait voulu les enfants, il s'était senti trop coupable pour éventuellement porter l'affaire de leur garde à la justice - c'était déjà assez douloureux comme ça. Seulement, maintenant, il ne les voyait que très rarement, et même si leurs séjours n'étaient jamais parfaits, il les chérissait comme la prunelle de ses yeux.

Cependant, maintenant, il ne savait pas comment en parler à Alaska. Il ne lui avait pas non plus parlé de Lulani, de son mariage, tout simplement parce qu'entre eux c'était... différent. « Désolé pour tout, j'imagine... » reprit-il avant de retrouver le silence, cherchant ses mots. « Je ne pensais pas que tu viendrais... chez moi. Enfin, que tu voies les petits, ils sont presque jamais à New York. » commença-t-il à expliquer maladroitement. « Ils vivent aux Philippines, avec leur mère. Mon ex-femme. » Il avait l'impression de prendre toute l'histoire dans le mauvais sens, de la faire sonner comme si il avait absolument voulu le cacher à Alaska. « Ca va faire trois ans qu'on est divorcés, elle a eu les gosses, mais ils viennent... de temps en temps. » éluda-t-il finalement en buvant une nouvelle gorgée de son breuvage avant d'un commander un second.

Le verre sembla le requinquer car il reprit aussitôt, plus assuré. « Je voulais pas que tu l'apprennes comme ça. » Il secoua la tête, se remémorant la scène qui, dans d'autres circonstances, se seraient terminées tout autrement. « Et je suis désolé que Toyiah ait été si désagréable avec toi, elle est... c'est une petite peste, apparemment elle est dans l'âge mauvais. » termina-t-il avait un petit sourire annonçant sa légère dose d'humour.

C'est tellement nul

Alaska secoua la tête dès qu'elle entendit les paroles de Matthew. Ca ressemblait vraiment au genre de paroles que pouvait prononcer Raphaël quand il essayait de se justifier sans vraiment y croire parce qu'il savait qu'Alaska lui pardonnerait sans problème et sans qu'il n'eut besoin de faire d'efforts. A ce moment précis, elle ne voulait qu'une chose c'était se barrer sans explication mais elle n'en eut pas la force puisque Matthew continua de parler et lui dit quelque chose qui la frappa. « Ils vivent aux Philippines, avec leur mère. Mon ex-femme. » Surprise, Alaska se retourna d'un geste brusque vers lui, subitement. Si elle s'attendait à une justification c'était tout sauf ça. Déjà, penser qu'il avait des enfants était tellement bizarre mais qu'il avait été marié ! Ca semblait logique, pour des enfants, il fallait bien une femme ! Il lui semblait tellement libre et sans attache que, songer qu'une femme ait pu le retenir pendant plusieurs années de mariage... Ce simple mot, mariage la faisait sourire à chaque fois. Elle n'y croyait pas, ou plus, n'y a-t-elle jamais cru ? Elle ne savait pas vraiment et ne cherchait pas à savoir. La durée de son mariage devait sans doute être dans la moyenne de ceux qui avait été célébrés à Las Vegas, lieu magnifique et tellement symbolique de son mariage éclair sans s'en rendre compte. Probablement que le mariage entre Matthew et son ex-femme devait être à l'antipode de celui de Raphaël et Alaska. Sans doute que le premier fut dirigé par l'amour alors que le second était dirigé par l'alcool et l'effervescence d'une vie trop trépidante et remplie. Sans doute que ces premiers avaient vécu heureux avant de se séparer, puisqu'ils avaient conçu des enfants, alors que ces derniers ne sauraient dire si c'était de l'amour qui les unissait ou de la haine mêlée à de la passion, en tout cas, un cocktail explosif et machiavélique.

Alaska continuait de le regarder sans mot dire, encore en train d'assimiler les nouvelles qu'Alaska venait d'apprendre en si beau de temps. Ca faisait un peu mélodramatique cette situation un peu complexe. Alors que Matthew commandait un verre, Alaska fit un geste de la main pour redemander un verre de vin qu'elle commençait sérieusement à apprécier. Pas qu'elle fut spécialement alcoolique, mais un bon verre de vin (ou plusieurs) ne faisait pas de mal, n'est-ce pas ? Le barman lui resservit un verre dont elle avala une gorgée doucement. « Je voulais pas que tu l'apprennes comme ça. » Alaska releva les sourcils et soupira. « Ah, parce que tu voulais que je l’apprenne quand même ? Première nouvelle. » Quand Matthew reprit la parole, Alaska ne put s'empêcher de se retourner vers lui et d'esquisser un sourire. Foutus yeux. Ils allaient vraiment finir par lui enlever toute capacité de réponse correcte ! « L'âge mauvais ? Ça vient peut-être tout simplement du père ! » dit-elle, clin d’œil à l'appui en se penchant un petit peu vers lui. Elle se redressa, but encore une gorgée et ajouta « C'est joli comme prénom Toyiah, c'est philippin ? » tout en s'en voulant d'avoir cédé si facilement, chose peu aisée d'habitude...

Mais c'est très bien !

« Ah, parce que tu voulais que je l’apprenne quand même ? Première nouvelle. » Matthew ouvrit automatiquement la bouche pour se justifier, la referma sans vraiment savoir quoi dire. C'était une bonne question, ça. L'une de celles qu'il ne se posait jamais, cependant. Il observa la jeune femme boire une gorgée de son nouveau verre, du bout des lèvres, et soupira. Lui faire rencontrer ses enfants... était un pas immense. Il n'était vraiment pas sûr que leur relation en soit à ce point là ; si il avait eu le choix, il lui en aurait parlé, mais il aurait encore attendu pour qu'ils se rencontrent. Comme l'avait si bien prouvé Toyiah, ils n'étaient pas réellement prêts à voir une autre femme que leur mère dans la vie de leur père. Il ne pouvait pas se permettre de jouer avec eux. « L'âge mauvais ? Ça vient peut-être tout simplement du père ! » Il répondit par un léger pouffement, remarquant le clin d'oeil qu'elle lui adressa et le prenant avec soulagement. « J'étais un ange quand j'étais gosse, ce caractère ne vient définitivement pas moi ! » se justifia-t-il avec beaucoup plus de légèreté dans sa voix et son intonation. C'était vrai, il avait toujours été le moins problématique de sa fratrie. Peut-être parce qu'il était l'aîné, il s'était toujours senti investi d'une certaine responsabilité qui le limitait dans ses actions. Bien sûr, il avait fait des bêtises, avait expérimenté et s'était trompé, mais jamais il n'aurait manqué de respect de la sorte à l'un de ses parents, aussi révoltante la situation puisse-t-elle être.

« C'est joli comme prénom Toyiah, c'est philippin ? » Nouvelle gorgée, nouveau sourire. L'ambiance se détendait en même temps que lui, et il garda une attention toute particulière aux réactions d'Alaska, histoire de savoir dans quel terrain il s'engageait. « A vrai dire, je sais pas vraiment. C'est sa mère qui l'a choisi, je la soupçonne de l'avoir inventé. » répondit-il en se remémorant l'instant où elle lui avait fièrement annoncé qu'elle avait trouvé le bon prénom pour leur futur bébé. « Je trouve ça pas mal, et puis c'est original. Et j'ai pu choisir le prénom de Mason. » Cette fois-ci, c'était lui qui ne lui avait pas laissé le choix.

Après un instant de silence, Matthew pivota légèrement sur son tabouret pour se tourner vers Alaska. « Au-delà de ça... Je suis content que tu sois venue me voir. » Un petit sourire plus complice prit place sur ses lèvres et il but une nouvelle gorgée avant de s'humecter les lèvres, les yeux dans le vide un instant avant de les poser sur la jeune femme en face de lui. « Je dois avouer que... je commençais aussi à trouver le temps long. » lâcha-t-il.

« J'étais un ange quand j'étais gosse, ce caractère ne vient définitivement pas moi ! » Alaska réprima un rire, sentant complètement disparaître la colère qui l'habitait quelques instants auparavant. « Mais oui bien sûr » ne put-elle s'empêcher de rajouter, taquine. « A vrai dire, je sais pas vraiment. C'est sa mère qui l'a choisi, je la soupçonne de l'avoir inventé. Je trouve ça pas mal, et puis c'est original. Et j'ai pu choisir le prénom de Mason. » Alaska regarda son verre comme si c'était la chose la plus passionnante au monde. Les querelles d'un couple sur le prénom de leurs futurs enfants lui paraissaient tellement loin de ses préoccupations actuelles. Quand elle était en couple, elle n'avait jamais envisagé d'avoir des enfants et elle se sentait encore jeune pour ce genre de question et d'engagement à si long terme. Elle adorait les enfants et leur sourire lui mettait toujours la joie au coeur mais son métier lui interdisait tout écart physique. Si elle voulait encore être une danseuse reconnue, elle devait par ailleurs perdre encore un peu de poids, s'entraîner toujours plus dur et ne s'autoriser aucun excès.

Un silence s'était installé qu'Alaska n'avait soudainement plus envie de combler. Elle se sentait comme démunie face à un homme déjà père de famille, avec une ex-femme et des enfants qui n'avaient probablement pas envie d'avoir une nouvelle maman de substitution, ce qu'elle comprenait tout à fait. Elle était perdue dans ses pensées et c'est pourquoi elle ne s'attendit pas à ce que lui dit Matthew. « Au-delà de ça... Je suis content que tu sois venue me voir. » Alaska tourna son regard doucement, un peu surprise, vers son interlocuteur. Elle n'avait pas vraiment eu l'impression d'avoir été une invitée agréable quand elle avait sonné à la porte. Le regard surpris, Alaska attendait que Matthew continue ses paroles car elle ne comprenait pas trop ce qui se passait. Il lui disait d'aller dans un bar pour qu'il s'explique, la jetant presque dehors et après lui disait que ça lui faisait plaisir...

« Je dois avouer que... je commençais aussi à trouver le temps long. » Alaska ferma alors les yeux, se retourna vers le bar avant de les rouvrir. Ca y est, elle comprenait enfin et n'avait pas envie d'y croire. Il avait compris qu'elle ne pouvait guère se passer de lui et voulait en profiter. Elle qui pensait qu'il était différent des autres gars qu'elle avait connu, elle se trompait apparemment... Elle ajouta, comme pour elle même : « Tu t'étais jurée pourtant Al'. Plus de problèmes. » avant de se reprendre, d'avaler d'un coup ce qui restait dans son verre et de se lever. Elle réajusta sa robe sans croiser le regard de Matthew. « Bon, je vais y aller je pense. » dit-elle, le regard toujours baissé, à dix centimètres de son interlocuteur, attendant une réponse pour bouger.

Sentir Alaska plus taquine et détendue, moins sur la défensive qu'à son arrivée, soulageait Matthew. Il pensait pouvoir se sortir de ce malentendu sans trop d'esclandres ; après tout, il n'y avait pas mort d'hommes. Oui, il avait des enfants, il en était même modestement fier, mais ça ne pouvait pas plausiblement changer celui qu'il avait été avec Alaska lors de leurs précédentes rencontres. « Mais oui bien sûr. » Un petit sourire innocent vint orner les lèvres de l'archéologue, dont le regard brillait de voir la jeune femme entrer dans le jeu.

Concernant la suite des évènements, il faut avouer qu'il fut plus pris de surprise que précédemment. Matthew observa Alaska réagir à ses paroles, plus choquée et embêtée qu'autre chose apparemment. Il continua tout de même, désireux de faire passer un message, mais la jeune femme ne répondit qu'en terminant brusquement son verre. « Tu t'étais jurée pourtant Al'. Plus de problèmes. » Soudainement penaud, le jeune homme releva les yeux vers l'américaine et fronça les sourcils sans comprendre. Est-ce qu'il avait loupé un épisode ? Parce qu'Alaska était définitivement sur le point de partir.

« Bon, je vais y aller je pense. » appuya-t-elle de paroles son geste. Matthew resta interdit un instant, surpris par ce revirement de situation, cette soudaine hâte qu'elle semblait ressentir mais en même temps, une gêne qui l'empêchait de le regarder dans les yeux. « Alaska... » dit doucement le jeune homme avec une intonation interrogative dans la voix, cherchant vainement son regard. Il ne comprenait pas exactement ce qui la motivait à vouloir couper court à la conversation aussi vite alors qu'elle avait attendu si longtemps, mais il se contenta de paroles sans oser toucher la jeune femme ; il ignorait quelle réaction il allait obtenir, elle semblait toujours faire le contraire de ce qu'il aurait imaginé. « T'es pas obligée de partir... » continua-t-il en posant le verre qu'il avait toujours dans la main sur le bar.

Il hésita un moment, se leva mais ne s'approcha pas de la jeune femme. Il se gratta l'arrière de la tête, ouvrit la bouche pour la refermer sans savoir quoi dire et, finalement, croisa les bras sur son torse. « J'ai pas vraiment compris... J'ai eu une vie avant, c'est vrai. C'est ça, le problème ? » reprit-il, penaud.

Désolée c'est vraiment petit & pas top,
je crois qu'après 11 pages sur les enfants
mineurs de l'Angleterre du XIXè, y'a plus
grand chose à faire concernant mes
longueurs & qualité de RP

« T'es pas obligée de partir... » Alaska baissa la tête. Oui, elle n'était pas obligée de partir et elle ne savait plus si elle en avait vraiment envie. Elle avait attendu, attendu dans ce bar pour finalement partir maintenant ? Inutile ! Elle sentit une présence plus forte près d'elle et une voix qui lui disait : « J'ai pas vraiment compris... J'ai eu une vie avant, c'est vrai. C'est ça, le problème ? » Oui, Alaska avait un problème, et de taille. Elle était sans défense devant certains hommes dans certaines conditions. Oh, certes, elle avait un caractère de feu et ne se laissait pas marcher sur les pieds mais il suffisait qu'il ne lui dise rien que "reste" et elle aurait écouté. Elle avait écouté d'ailleurs aujourd'hui par Matthew en venant ici, dans ce bar. D'accord, elle voulait savoir ce qui se passait et n'aurait pu cesser de penser à ça pendant la semaine. En somme, elle essayait de se convaincre que c'était son de propre chef qu'elle était assisse à ce comptoir à l'écouter mais ça semblait un peu vain. « Hum, je... quoi ? Non, bien sûr que non ! Moi aussi j'ai eu une vie avant... » avant d'ajouter tout bas « Malheureusement ». Elle secoua la tête comme pour chasser des pensées qui commençaient à s'immiscer dans sa tête. Apparemment, elles se trouvaient vraiment bien dans ses pensées et ne souhaitaient pas s'en échapper.

« Non mais... Je m'étais jurée qu'en venant à New-York, tout serait plus simple, tu vois ? Plus de conneries, plus de boulettes et surtout, surtout... » Elle le regarda soudainement dans les yeux, sans y réfléchir en levant brusquement son regard et en le plantant dans le sien. « ... Plus d'hommes. » Il était vrai qu'Alaska n'avait pas vraiment été gâtée dans sa vie par les hommes et que les blessures qu'ils lui avaient occasionnées étaient profondes dans son coeur et dans sa mémoire. Que ce soit Raphaël pendant leur longue relation ou ce ministre pendant ce court laps de temps qu'a duré leur idylle si on pouvait appeler ça comme ça...

Un silence s'installa avant qu'elle ne reprenne la parole en s'encourageant d'un léger soupir. « Et là, je ne te comprend pas. Devant tes enfants, je suis comme une pute presque, obligée d'aller t'attendre dans un bar et là... Là ! Tu me dis que je te manquais ?! » Ca y est, sa valda était sortie et Alaska était de nouveau furax. Visiblement, Alaska était dans son jour lunatique et son alternance entre apaisement et colère s'emparait d'elle tour à tour. « Je suis quoi moi, hein ? Dis-mois ! » s'exclama-t-elle en ouvrant les bras en signe de désespoir. Elle voulait vraiment comprendre ce qui motivait le jeune homme parce qu'elle voulait arrêter les frais tout de suite si c'était pour se sentir rabaissée et voulue uniquement pour son corps... Alaska ne savait pas ce qu'elle voulait puisqu'une relation lui semblait exclue quand elle avait déménagé aux Etats-Unis, mais elle savait qu'elle ne voulait pas être inutile et celle qu'on cache devant les gens qu'on aime, qu'ils soient enfants, amis ou famille.

J'te pardonne va vu que je te rends la pareille

« Hum, je... quoi ? Non, bien sûr que non ! Moi aussi j'ai eu une vie avant... Malheureusement. » Matthew n'en démordit pas et continua de froncer les sourcils, ne comprenant pas où elle voulait en venir. Il fut intrigué par la fin de sa phrase mais il ne pouvait décemment pas se permettre d'interrompre tout pour les poser des questions impersonnelles. « Non mais... Je m'étais jurée qu'en venant à New-York, tout serait plus simple, tu vois ? Plus de conneries, plus de boulettes et surtout, surtout... Plus d'hommes. » Il déglutit. Ils étaient partis dans la conversation, il le sentait. Comme il sentait que lorsqu'il voyait Alaska il ne ressentait plus seulement les effluves de désir purement physique mais également de l'attachement, il savait qu'ils en arriveraient fatalement là. La situation dans laquelle ils avaient été projetés un peu plus tôt, en présence de Toyiah et Mason, n'avait fait qu'accélérer le processus.

« Et là, je ne te comprend pas. Devant tes enfants, je suis comme une pute presque, obligée d'aller t'attendre dans un bar et là... Là ! Tu me dis que je te manquais ?! » Cette fois-ci, l'expression faciale de Matthew changea totalement pour faire place au choc. Soudainement, l'énervement d'Alaska prenait sens, il mettait en place dans son esprit les raisons qui selon elle l'expliquait. Encore une raison de penser que les hommes et les femmes n'avaient absolument pas la même mentalité. « Je suis quoi moi, hein ? Dis-moi ! » Il secoua la tête, d'abord éberlué de comprendre le raisonnement de la jeune femme, et s'empressa de réponse. « Quoi ? Non ! » s'écria-t-il d'abord. « Tu aurais préféré que je te laisse endurer les réflexions de Toyiah ? Tu aurais préféré que je te les présente, en t'introduisant comment, hein ? » Il soupira, s'arrêta ; si il s'emportait aussi, ça n'apporterait rien de bon. Il plongea son regard empli de sincérité dans celui de la jeune femme. « Je ne pouvais rien faire d'autre que de les emmener, et si je t'ai demandé de rester c'est... » Sa phrase, qu'il avait commencé encore légèrement remonté, s'était terminée plus doucement.

« Tu penses vraiment que je te prends pour une pute ? » reprit-il plus attristé qu'autre chose. Il secoua de nouveau la tête, fit une légère moue avec ses lèvres avant d'esquisser un léger sourire. « Je t'ai demandé de rester parce que je voulais t'expliquer. Qu'on en parle, parce que... » Cette fois-ci, il s'avançait. Compte tenu de l'imprévisibilité de la jeune femme, il ne pouvait absolument pas prédire sa réaction. « Compte tenu de... l'importance que tu prends pour moi, je pensais qu'il était préférable de t'expliquer pourquoi deux gosses se baladent dans mon salon deux semaines tous les trois mois. »

Je me fais pitié

« Tu aurais préféré que je te laisse endurer les réflexions de Toyiah ? Tu aurais préféré que je te les présente, en t'introduisant comment, hein ? » Alaska sentit la colère monter encore plus. Elle était sur le point d'exploser et c'est pourquoi elle se mordit la lèvre pour réprimer tout ce qui voulait pourtant sortir et au plus vite et ce que Matthew commença à dire l'en empêcha totalement « Je ne pouvais rien faire d'autre que de les emmener, et si je t'ai demandé de rester c'est... » Alaska était comme suspendue à ses paroles et attendait ce qu'il allait dire comme si c'était la chose la plus importante à ce moment précis. « Tu penses vraiment que je te prends pour une pute ? » A l'intonation qu'il prenait, Alaska savait qu'elle n'avait pas visé juste en insinuant qu'il ne la respectait pas et ressentait presque de la honte quand elle l'avait accusé. Elle n'oubliait absolument pas les bons moments qu'ils avaient passé tous les deux et ne pouvait imaginer que tout ça n'avait été qu'une joyeuse aventure qui allait prendre fin ce soir, dans ce bar de Downtown. Elle n'en avait pas envie et son estomac se tordait un peu comme des spaghetti que l'on entortillait avec sa fourchette sans ménagement aucun.

« Compte tenu de... l'importance que tu prends pour moi, je pensais qu'il était préférable de t'expliquer pourquoi deux gosses se baladent dans mon salon deux semaines tous les trois mois. » Brusquement, elle éclata de rire tant la situation lui paraissait étrange. « On dirait un mauvais film où tu t'appellerai Brandon, moi Brenda et on devrait enfin décider si on s'aime après 30 saisons où on se seraient tournés autour ! » Soudainement, elle comprit ce que Matthew essayait de véhiculer par ses paroles et elle s'arrêta dans son rire subitement. Elle le regarda avec intensité, presque sans gêne. « Qu'est-ce que tu veux dire par... "l'importance que tu prends pour moi" ? Est-ce que tu ? Je veux dire, ce n'était pas vraiment... Entre nous, je ne sais pas ce qui se passe d'accord ? Je ne veux pas t'obliger à dire quelque chose que tu ne veux pas vraiment et que je ne suis pas sûre de vouloir non plus, ok ? Alors, dis-moi où on en est parce moi, je suis un peu perdue. » Sans vraiment s'en apercevoir, elle posa sa main sur le torse de Matthew et l'espace qui était entre eux deux se réduisit un peu.

Effectivement, Alaska ne réagit absolument pas comme il l'avait pensé. Son éclat de rire le laissa un instant interdit. « On dirait un mauvais film où tu t'appellerai Brandon, moi Brenda et on devrait enfin décider si on s'aime après 30 saisons où on se seraient tournés autour ! » Il se contenta de lever les yeux au ciel, pas vraiment familier avec ce genre de films. Au moins, maintenant il savait qu'elle avait des goûts cinématographiques particulièrement douteux. Elle reprit néanmoins plus sérieusement, en se rapprochant de lui. « Qu'est-ce que tu veux dire par... "l'importance que tu prends pour moi" ? Est-ce que tu ? Je veux dire, ce n'était pas vraiment... Entre nous, je ne sais pas ce qui se passe d'accord ? Je ne veux pas t'obliger à dire quelque chose que tu ne veux pas vraiment et que je ne suis pas sûre de vouloir non plus, ok ? Alors, dis-moi où on en est parce moi, je suis un peu perdue. » Le regard qu'elle lui lança le déstabilisa et il fronça de nouveau les sourcils (that's his thing ~) ; il n'était pas sûr d'avoir une quelconque réelle réponse à lui donner. Ce n'était pas comme si il avait toutes les réponses, ce n'était pas... évident. Ne serais-ce qu'en ce qui le concernait, sa vie était... particulièrement compliquée.

A vrai dire, au début, il ne pensait pas que ça irait aussi loin. Certes, ils ne faisanet que se croiser, et ça pouvait l'amener à se poser des questions, mais depuis son divorce l'idée d'avoir quelqu'un d'autre dans sa vie avait juste disparu. De toute façon, son nouvel emploi ne l'autoriserait pas, ou du moins pas sans certaines conditions, en tout cas pas comme ça. Et ne parlons pas de lui révéler la réelle nature des "missions" au cours desquels elle l'avait rencontré, alors que lui ne prétendait travailler que dans la sécurité. En choisissant la CIA, Matthew avait choisi la solitude, il avait abandonné sa vie de famille et son quotidien déjà mouvementé pour un appartement spacieux mais sans réelle touche personnelle, dans une ville dont il ne connaissait rien, pour le compte de gens qu'il n'avait jamais rencontré. Seulement, c'était un fait, Alaska s'était creusée une petite place parmi tout ce mic-mac et, comme il le méritait, se tenait en face d'elle en attente d'explications qu'il était à la fois incapable et interdit de dévoiler. Mentir n'avait jamais été dans ses délires, et il ne le faisait pas de bonne conscience, c'était juste devenu nécessaire. Alors, il contrebalançait par des demi-mensonges, restant sincère sur tout ce qui n'impliquait pas un secret défense.

Alors que la jeune femme posait sa main sur son torse, il réagit et s'approcha également, plongeant son regard dans le sien. « J'en sais rien non plus... » commença-t-il avec un petit sourire penaud en levant légèrement les mains pour appuyer ses paroles. « ... Mais ça veut pas dire que ça doit s'arrêter. » continua-t-il dans sa logique en laissant doucement retomber ses mains sur les hanches de la jeune femme. « Et on saura jamais ce que ça aurait pu être si on essaie pas. »

Pardon

L'espace qui les séparait se réduisant de plus en plus, Alaska sentait que ses qualités de parole allait être largement limitées. Elle espérait qu'il ne pensait pas les engager une grande discussion philosophique parce qu'elle ne pensait vraiment pas pouvoir la soutenir et doutait déjà de ses capacités à répondre correctement. Elle avait un problème, quand quelqu'un, en particulier un homme, se trouvait trop proche d'elle, elle n'arrivait plus à penser et à prononcer des paroles cohérentes... Etrange. « J'en sais rien non plus... Mais ça veut pas dire que ça doit s'arrêter. » Alaska eut un coup au coeur puis le sentit redémarrer au quart de tour pour battre plus fort. Les mains de Matthew se baladèrent sur les hanches de la jeune femme et elle le laissa faire.

La main, toujours posée sur le torse de Matthew, se fit un peu plus caressante. « Hum... Je ne suis pas contre l'idée d'essayer mais... » Elle se mordit la lèvre avant de continuer « Je veux la certitude que... Qu'on essayera bien... » finit-elle finalement par dire, le regard pétillant et la moue enjôleuse. Elle ne savait pas si elle voulait s'engager dans une relation mais elle ne pouvait pas dire autre chose, elle savait par contre, qu'elle avait envie d'être avec Matthew et rien d'autre. Si elle voulait que sa vie soit plus simple à New-York, il fallait qu'elle y mette du sien également et la décision de faire rentrer dans sa vie un homme en faisait partie. Il fallait prendre des risques pour espérer être heureuse un jour et elle avait vraiment envie d'en finir avec les problèmes qui avaient sillonnés sa vie depuis le début... Elle se mit sur la pointe des pieds pour déposer un léger baiser sur les lèvres de Matthew avant de se détourner, sourire malicieux aux lèvres.

Elle commanda un nouveau verre de vin et quand elle l'eut, elle se retourna vers Matt avant de demander « Maintenant, je veux tout savoir. » Avant qu'il n'eut le temps de répondre à la négative, elle posa son index sur sa bouche et ajouta d'un air catégorique. « Tttt. Pas de contestation possible. Je m'en fiche des raisons que tu pourrais me donner pour y couper. » Alaska et son verre s’intaillèrent à une table plus loin et s'y assit, attendant qu'il vienne la rejoindre.

J'vais finir par croire que c'est mes réponses qui sont nazes

« Hum... Je ne suis pas contre l'idée d'essayer mais... Je veux la certitude que... Qu'on essayera bien... » Encore une fois, Matthew fut destabilisé par le changement d'attitude de la jeune femme. Un instant colérique & sur le point de quitter la salle devant un traitement qu'elle qualifiait de honteux, celui d'après coquine et mutine. Au vu de ses paroles, il n'était pas sûr d'être capable de lui offrir ce qu'elle n'osait pas espérer de lui, mais ne pouvait s'empêcher d'y penser quand même. Seulement, il savait que, même si leurs raisons étaient totalement différentes, ils marchaient tous les deux sur des oeufs en ce moment concernant leur vie amoureuse. Il n'était pas contre l'idée d'essayer, soit, mais il ne préférait même pas commencer à énumérer les obstacles qui se présenteraient à eux, dont certains qu'il ne pouvait même pas espérer déplacer d'un seul centimètre. Malgré lui, un petit sourire vint s'installer sur ses lèvres lorsque celles d'Alaska vinrent se poser sur les siennes et il se dit que oui, il pouvait tout de même essayer.

Il commanda un whisky quand elle commanda un nouveau verre de vin, et tourna la tête vers Alaska lorsqu'elle l'interpella. « Maintenant, je veux tout savoir. » Il fronça les sourcils, ouvrit la bouche pour parler mais déjà, la jeune femme l'en empêchait en posant un doigt sur sa bouche. « Tttt. Pas de contestation possible. Je m'en fiche des raisons que tu pourrais me donner pour y couper. » Les verres arrivèrent et Matthew resta silencieux jusqu'à ce qu'ils furent installés un peu à part.

Il joua un instant avec son verre avant de hausser les épaules. « Il n'y a pas grand chose à dire... » En réalité, c'était surtout douloureux pour le jeune homme d'en parler, et il se sentait déjà à moitié coupable de devoir tronquer la moitié de l'histoire à cause du secret défense auquel il était astreint. « Je me suis marié à vingt ans, Toyiah était déjà née. Je connaissais sa mère... depuis sa naissance, je crois bien. C'était juste tout naturel pour nous d'avoir une vie de famille, mais... Un jour je suis parti pour quelques mois, pour un boulot, et... » Il prit le whisky en main et en but une gorgée, prenant le temps de trouver les mots. « Et j'ai déconné. » Un léger sourire amer vint prendre place sur son visage et il secoua la tête, le regard dans le vide. Il ne savait même pas ce qui l'avait poussé à accepter les avances de la jeune inconnue, ce qui l'avait intrigué au point de l'introduire dans sa couche, mais il était clairement conscient que c'était l'erreur non nécessaire qui avait tout fait dérailler. Sans ça, il était sûr que les choses auraient été différentes, même si il avait quand même intégré la CIA. Lulani et lui étaient familiers des relations à longue distance, ils auraient survécu si ils savaient tous deux que c'était pour les protéger. « Quand j'ai dû lui dire que je l'avais trompée... Elle m'a jeté dehors. » Nouvelle gorgée de whisky, ses yeux retombèrent sur Alaska. « Alors je suis venu à New York, tout seul. Je pouvais pas lui prendre Toyiah et Mason, je... Je lui avais déjà fait trop de mal. » Son verre sembla se terminer particulièrement rapidement, et il se redressa lorsqu'il le reposa, vide, sur la table. « Et maintenant, la situation est tendue. On se parle pas vraiment, au téléphone pour discuter logistique sur les allers et retours des enfants, c'est tout. Elle m'en veux, sûrement plus que je ne pourrais jamais me faire pardonner, et je la comprends. C'est comme ça. » termina-t-il. Il haussa finalement un sourcil. « Satisfaite ? » lui demanda-t-il avec un petit sourire amusé. La conversation n'était sûrement pas la plus facile qu'il ait eue, et reparler des évènements qui avaient bouleversé son quotidien était aussi rare que douloureux, mais finalement, il était sincère sur tout ce qu'il pouvait se permettre de l'être.

Alors que Matthew plantait déjà le décor en annonçant qu'il n'y avait pas grand chose à raconter, Alaska se préparait à enfin pouvoir combler les trous qui lui manquait chez lui. A vrai dire, elle ne savait pas grand chose de lui et les enfants qu'elle venait de découvrir devaient sans doute faire une grande partie de sa vie et ce n'était que maintenant qu'elle en prenait connaissance. Elle ne savait pas qu'il était marié ni même ce qu'il l'avait fait venir à New-York. Finalement, ils ne se connaissaient pas vraiment et ne savaient que les choses les plus simples et les moins profondes de l'un et de l'autre. Matt n'avait certes rien dit de son passé à la jeune femme, mais Alaska avait également caché certaines parties qu'elle voulait occulter et dont elle n'était pas spécialement fière. L'un comme l'autre avaient sans doute des raisons différentes de ne pas tout raconter mais il fallait bien qu'un jour tout explose et le plus tôt sera le mieux d'après la jeune américaine. « Je me suis marié à vingt ans, Toyiah était déjà née. Je connaissais sa mère... depuis sa naissance, je crois bien. C'était juste tout naturel pour nous d'avoir une vie de famille, mais... Un jour je suis parti pour quelques mois, pour un boulot, et... » Alaska but une gorgée de son vin, attendant la suite. Elle ne se rendait pas vraiment compte que c'était son histoire qu'il racontait et elle ne ressentait aucune jalousie. Après tout, il avait eu une vie avant et il avait bien dû faire des conneries pour divorcer. Il confirma cette impression en disant : « Et j'ai déconné. » Alaska hocha la tête, compréhensive. Elle n'était absolument pas là pour le gronder ou lui dire qu'il avait fait des mauvais choix, elle comprenait ce qu'il avouait à demi mot et comprenait qu'il ne veuille pas trop s'attacher à en parler. « Quand j'ai dû lui dire que je l'avais trompée... Elle m'a jeté dehors. » Nouvelle gorgée, nouveau hochement de tête. Alaska, qui était très jalouse, admettait la réaction de l'ex-femme de Matthew. Elle n'avait pas réagit quand Raphaël la trompait et il le faisait alors qu'elle le savait. Maintenant, elle ne se reconnaissait pas dans cette optique de passivité. « Alors je suis venu à New York, tout seul. Je pouvais pas lui prendre Toyiah et Mason, je... Je lui avais déjà fait trop de mal. Et maintenant, la situation est tendue. On se parle pas vraiment, au téléphone pour discuter logistique sur les allers et retours des enfants, c'est tout. Elle m'en veux, sûrement plus que je ne pourrais jamais me faire pardonner, et je la comprends. C'est comme ça. » Alaska semblait passer sa vie à hocher de la tête mais ne put s'empêcher tant elle comprenait tout ce qui avait pu lui arriver et les réactions que ça avait pu occasionner.

« Satisfaite ? » Alaska eut un petit sourire. « Pas complètement mais... Merci de m'avoir fait confiance et de me l'avoir raconté. Ca ne doit pas être facile pour toi de repenser à tout ça. » Fixant le bord de son verre, elle réfléchit à ce que venait de lui avouer Matt. « Mais, comment tu vis cette séparation avec tes enfants ? Parce que... je n'en ai pas » dit-elle avant de rajouter dans un rire et un clin d'oeil « Moi au moins, je n'ai pas caché ça... Je n'en ai pas mais j'imagine que se séparer d'eux doit être difficile. Ils ont quelque chose de tellement attachant les enfants ! »

« Pas complètement mais... Merci de m'avoir fait confiance et de me l'avoir raconté. Ca ne doit pas être facile pour toi de repenser à tout ça. » Matthew hocha la tête et haussa les sourcils un instant. C'était d'autant plus difficile d'en parler qu'il mixait la réalité avec une partie cachée, il ne donnait pas toutes les justifications. Si ca n'avait pas été pour la CIA, pour arrêter son père, Matthew se serait sûrement battu corps et âme pour récupérer sa femme et ses enfants, pour lui prouver qu'Isabel n'était qu'une erreur de parcours. Son nouveau statut d'espion, c'était ça qui avait tout changé : Lulani avait estimé, sûrement à raison, que les enfants seraient en danger. Il ne pouvait pas s'opposer à ça, mais il ne pouvait pas non plus abandonner cette mission qu'il était obligé de mener à son terme, justement pour la sécurité de sa famille.

Et finalement, de l'eau était tombée sous les ponts. Matthew avait prouvé sa valeur à la CIA, était apprécié pour ses connaissances poussées en histoire et en archéologie, était envoyé sur des affaires qui pouvaient n'avoir rien à faire avec son père et il avait appris à les apprécier, à se démarquer de ses compères, et à en faire l'un des centres de son nouvel univers. « Mais, comment tu vis cette séparation avec tes enfants ? Parce que... je n'en ai pas » Un petit sourire vint prendre place sur son visage, qui contrastait avec ses paroles. « Plutôt difficilement... Ce sont mes bébés, ils le seront toujours, alors... Je profite au maximum du temps que je peux avoir avec eux, je leur raconte des histoires au téléphone, ... et je fais avec. » dit-il simplement, dans ses pensées. « Toyiah était une surprise, avant ça je ne me serais jamais imaginé père, mais quand elle a pointé le bout de son nez... Je l'ai juste immédiatement aimée. »

« Moi au moins, je n'ai pas caché ça... Je n'en ai pas mais j'imagine que se séparer d'eux doit être difficile. Ils ont quelque chose de tellement attachant les enfants ! » Nouveau sourire, mais cette fois-ci son regard passa sur la jeune femme. Petite pique lancée comme ça, qu'il reçut sans offense et qui lui arracha même un léger rire. « Ils le sont ! Enfin, ne te détrompe pas, ils peuvent aussi être de vrais monstres. Mais ils restent adorables... la plupart du temps. » dit-il plus animé dans son discours.

Il but un nouvelle gorgée de son verre et plongea son regard dans celui d'Alaska. Il était heureux de pouvoir discuter avec elle, même s'il ne pouvait pas lui dire "toute" la vérité, il était sincère sur ce qu'il pouvait et ses réactions, bien que parfois inquiétantes, le rassuraient. « Et toi, alors ? A part ta passion pour la danse et ton attrait pour les hommes dans la trentaine, je ne sais pas grand chose de toi... » la défia-t-il avec un petit sourire amusé.

« Plutôt difficilement... Ce sont mes bébés, ils le seront toujours, alors... Je profite au maximum du temps que je peux avoir avec eux, je leur raconte des histoires au téléphone, ... et je fais avec. Toyiah était une surprise, avant ça je ne me serais jamais imaginé père, mais quand elle a pointé le bout de son nez... Je l'ai juste immédiatement aimée. » Alaska esquissa un sourire. Elle découvrait une nouvelle facette de sa personnalité. Elle l'avait connu sûr de lui, homme de la situation et appréhendait dorénavant un homme épris de ses enfants et qui était ému rien que d'en parler. Ses enfants semblaient beaucoup compter pour lui et Alaska ne pouvait imaginer qu'un vice versa. Rien que la façon qu'avait eu son aînée de lui parler quand elle avait sonné à la porte montrait qu'elle tenait à son père et ne voulait pas le partager avec quelqu'un d'autre que sa propre mère. Elle comprenait tout à fait le choc et la réaction de ces enfants tiraillés entre deux foyers, deux univers différents, deux vies qui ne formaient qu'une auparavant mais qui suivaient maintenant deux chemins qui ne regardaient pas dans la même direction. Alaska avait quitté ses parents et ses frères et soeurs très jeune mais n'arrivait pas à se représenter un Noël sans ses deux parents, réunis. Elle les avait toujours imaginés tous les deux, prenant leur café le matin, sermonnant je ne sais lequel de leurs nombreux enfants, et tout ça la rassurait alors qu'elle devait se lever tôt, à Paris, isolée de sa famille dès l'âge de onze ans. Elle ne regrettait pas les choix qu'elle avait fait, mais devait reconnaître qu'elle n'avait pas vraiment connu de vraie vie de famille. Si elle était restée dans ce coin paumé du Colorado, peut-être, sans doute, qu'elle aurait vécu les mêmes choses que les filles de son âge connaissent. Une vie tranquille, entourée de ses six frères et soeurs, de son frère jumeau Salem et de ses parents. Alaska avait idéalisé un peu sa famille et devait reconnaître qu'elle ne voyait que la bonne partie, que la face non immergée de l'iceberg. Quand elle rentrait pour les fêtes de fin d'année, elle revoyait sa famille et n'en retenait que les sourires, les rires et les chants. Elle n'avait pas spécialement envie de construire une famille mais elle savait que, plus tard, elle voudrait une famille unie, réunie, à l'image de celle qu'elle voyait pour Noël. La traditionnelle photo de famille qu'ils prenaient trônait toute l'année sur la table de chevet de la jeune américaine, où qu'elle soit et quel que soit l'âge qu'elle avait. C'était sa manière de ne pas couper le contact, de penser à eux tous les jours et de se souvenir qu'elle devait honorer les McDaniels. Ses parents comptaient énormément sur elle et elle était la fierté de la famille, elle ne pouvait pas les laisser tomber...

Le sourire d'Alaska s'agrandit quand elle entendit encore plus d'animation dans les paroles de Matthew. « Ils le sont ! Enfin, ne te détrompe pas, ils peuvent aussi être de vrais monstres. Mais ils restent adorables... la plupart du temps. » « Mason a l'air vraiment très gentil et Toyiah... de beaucoup tenir à toi... » dit-elle sans ajouter ce que tous les deux savaient : Toyiah n'avait pas l'air vraiment ravie de la voir débarquer dans leur appartement. Elle leur avait fait savoir avec des remarques pas vraiment très agréables qu'Alaska avait pris plein dans la tête. Pourtant, elle comprenait tout à fait et elle-même n'était pas sûre qu'elle n'aurait pas réagit autrement, à sa place. Après tout, si Toyiah avait régit de la sorte, c'était seulement parce qu'elle tenait beaucoup à son papa et ne voulait pas le voir partir, une fois de plus. Il avait abandonné sa mère, pas question qu'il l'abandonne elle...

Et puis, soudainement, il lui demanda : « Et toi, alors ? A part ta passion pour la danse et ton attrait pour les hommes dans la trentaine, je ne sais pas grand chose de toi... ». Alaska qui buvait une gorgée de son vin faillit s'étouffer car elle étouffa un petit rire. « "Mon attrait pour les hommes dans la trentaine" ? Ah ouais ? Qui est-ce que tu connais qui a la trentaine et pour qui j'ai un attrait ? » dit-elle, malicieuse. « Sinon, je crois que je n'ai pas de grand secret à te révéler... Je suis née en Alaska, d'où mon prénom, tu l'auras compris ! » ajouta-t-elle en riant. « Quoique Salem n'a pas un prénom d'Alaska... Salem est mon frère jumeau, au fait. Tous mes frères et soeurs ont des prénoms de villes ou d'Etats. On est pas mal mais les parents ont toujours réussi à trouver ! » Alaska ne les connaissaient pas vraiment et elle le regrettait maintenant. Ils avaient débarqué à New-York et c'était donc l'occasion rêvée pour nouer voire renouer des liens avec chacun d'entre eux. Pour beaucoup, elle n'était que la fille prodige qu'ils connaissaient à travers les éloges des parents, les reportages à la télévision et les photos sur la cheminée. Pour elle, ils étaient ses frères et soeurs mais n'étaient pas vraiment ceux vers qui elle se tournerait dès qu'elle aurait un problème... « Hum, sinon. Je suis partie à onze ans pour Paris et je suis devenue la danseuse avec qui il fallait compter... » Il fait vrai que tout le monde avait porté en Alaska beaucoup d'espoir dès ses premiers pas de danse dans les compagnies parisiennes. Elle avait très souvent le premier rôle dans les représentations de l'opéra, ce qui lui avait attiré pas mal de jalousies et de convoitises. Malheureusement, après sa rupture avec Raphaël, elle avait connu une descente aux enfers qui lui avait attiré cette fois les foudres des critiques. Finalement, elle avait été la petite fille chérie de la danse pendant quelques années avant de connaître la descente profonde au fin fond de la terre. Elle avait même failli rencontrer René la Taupe. Tous ces souvenirs affluant en elle, Alaska s'intéressa brusquement au contenu de son verre. Elle suivait de son doigt droit le contour du verre. « Voilà. Qu'est-ce que tu veux savoir d'autre ? »

« Mason a l'air vraiment très gentil et Toyiah... de beaucoup tenir à toi... » Matthew répondit par un léger sourire en coin. Toyiah était... particulière. Avant qu'Alaska n'arrive, elle était justement en train de se plaindre de sa seule présence à New York, braillant qu'il faisait beaucoup plus chaud à Palapag ; à vrai dire, elle sortait à peu près toutes les excuses, valables ou non, pour préférer Palapag à New York, incluant une théorie loufoque selon laquelle ses céréales étaient moins gonflés sur le sol philippin. Depuis qu'il avait divorcé, elle ne lui montrait que rarement son affection, et il savait qu'il ne pouvait pas trop en demander de sa part non plus. La réaction qu'elle avait eu un peu plus tôt envers Alaska, même sie il avait d'abord été énervé, honteux et confus, avait effectivement un côté touchant après-coup.

« "Mon attrait pour les hommes dans la trentaine" ? Ah ouais ? Qui est-ce que tu connais qui a la trentaine et pour qui j'ai un attrait ? » Matthew haussa un sourcil et répliqua immédiatement sur le même ton qu'elle. « Ne fais pas l'innocente. Il me semble qu'un certain ministre t'ai tapé dans l'oeil... Et puis, il y a moi, bien sûr. » continua-t-il presque fier. Il la défiait du regard : nier maintenant serait une véritable mascarade.

Il toussa quand elle reprit la parole, ses premiers mots lui rappelant que lui-même était soumis à une politique qui l'interdisait de lui révéler plusieurs de ses secrets, mais se reprit rapidement. « Sinon, je crois que je n'ai pas de grand secret à te révéler... Je suis née en Alaska, d'où mon prénom, tu l'auras compris ! Quoique Salem n'a pas un prénom d'Alaska... Salem est mon frère jumeau, au fait. Tous mes frères et soeurs ont des prénoms de villes ou d'Etats. On est pas mal mais les parents ont toujours réussi à trouver ! » Il sourit ; il avait du mal à s'imaginer une grande fratrie. Il n'avait qu'une petite soeur et petit frère, et encore, il ne leur parlait que très rarement depuis quelques années. A New York, et c'était la sensation qu'il avait le plus souvent depuis qu'il avait quitté sa famille, il était seul et solitaire. « Hum, sinon. Je suis partie à onze ans pour Paris et je suis devenue la danseuse avec qui il fallait compter... » Nouveau sourire, l'image d'Alaska dansant à la répétition qu'il avait surprise plus tôt dans le mois traversa son esprit. Sur scène, il avait été surpris par sa grâce, sa technique. Il n'était pas du tout connaisseur, mais il n'en avait pas besoin pour comprendre qu'elle concourrait pour le plus haut niveau. « Voilà. Qu'est-ce que tu veux savoir d'autre ? »

Il se mordit la lèvre inférieure, cherchant ce qu'il pouvait bien lui demander en premier lieu. « Qu'est-ce qui t'a poussée à partir ? Je veux dire, à quitter cette famille que tu dis si grande, pour Paris, pour la danse ? Enfin, t'étais vraiment jeune... » Il avait lui-même sa passion, mais il aurait eu du mal à imaginer tout quitter pour elle. S'il était aujourd'hui en exil, c'est qu'il lui avait été imposé. De l'archéologie, il pouvait pratiquement en faire partout, des conférences aussi.

« Ne fais pas l'innocente. Il me semble qu'un certain ministre t'ai tapé dans l'oeil... Et puis, il y a moi, bien sûr. » Alaska faillit rougir comme une adolescente. Elle sourit malgré tout, l'ambiance s'assouplissait et ça lui faisait un bien fou. Finalement, elle se rendit compte qu'elle ne pouvait pas lui en vouloir et qu'elle ne pouvait rester longtemps fâchée contre lui. Ce qui la déstabilisait quelque peu, elle qui s’enorgueillait de pouvoir résister à toute pression, quelle soit humaine ou morale. « Quelle prétention ! Je n'avais trouvé personne d'autre, voilà tout ! » répondit-elle sur le même ton que lui, sourire aux lèvres. Alaska devait reconnaître que Matt avait un sens de l'humour qui lui plaisait bien et elle avait même cru reconnaître une once de fierté dans sa voix. Elle avait du se tromper alors, lui aussi lui trouvait des qualités...

Et puis, il lui demanda des précisions sur sa vie. « Qu'est-ce qui t'a poussée à partir ? Je veux dire, à quitter cette famille que tu dis si grande, pour Paris, pour la danse ? Enfin, t'étais vraiment jeune... » Alaska leva les bras, comme pour montrer qu'elle n'en savait rien elle-même. Elle tenta pourtant une explication. Elle avait, il y a quelques semaines, donné une interview où la journaliste lui avait posé cette question. Pourtant, la réponse qu'elle allait formuler à Matt était complètement différente de celle faite à la journaliste.

FLASH BACK

« Excusez-moi vous disiez ? » « Je vous demandais si la danse a toujours été une évidence pour vous... ». Alaska réprima un rire. Malgré tout ces souvenirs qui affluaient dans les pensées d'Alaska, elle se contenta de répondre « Bien sûr, pourquoi aurais-je fait de la danse mon métier sinon ? » tout en hochant la tête. La journaliste ne se formalisa pas de cette réponse vague, elle saurait le transformer en un diatribe éloquente sur ce magnifique sport. Elle nota quelque chose sur son calepin avant de reporter son attention sur la jeune danseuse qui s'impatientait. « N'a-t-il pas été trop dur de quitter votre Colorado natal pour aller vivre à Paris lorsque vous avez rejoint l'opéra ? » Alaska haussa les sourcils. « Je suis née à Nunapitchuk, en Alaska, d'où mon prénom... » Elle eut un petit sourire supérieur, inhabituelle chez elle mais qui ne manquait pas quand on oubliait certaines choses sur elle. La journaliste toussota, un peu gênée.

FIN FLASH BACK

« On est les aînés avec Salem, donc quand je suis partie, je ne me rendais pas compte de ce que je laissais à côté de moi. La danse m'appelait. Je ne sais pas comment expliquer mais... Je ressentais le besoin irrépressible de danser, à chaque instant de la journée. » Se rappelant tous ces souvenirs, Alaska frissonna et enlaça son corps de ses bras pour se réchauffer. « Je ne pouvais pas contrôler ce qui m'arrivait. Là où on habitait, c'était un coin paumé du Colorado. » ajouta-elle en riant. Il est vrai qu'elle se demandait comment ses frères et soeurs avaient pu survivre aussi longtemps dans ce bled paumé sans dépérir alors qu'elle avait grandi à Paris... « Et on ne connaissait pas la danse là-bas. Un jour, Salem et moi, on était sortis dans la nuit pour observer les étoiles quand soudain on a entendu une musique. On s'est regardés avant de s'exclamer en coeur « Le dernier arrivé range la vaisselle ! » » ajouta-elle en riant tout en replongeant dans ses souvenirs. Elle se souvenait maintenant de la complicité qu'elle avait avec son frère jumeau et regrettait d'avoir sacrifié celle-ci pour sa passion. « Alors, on est partis en courant, et j'ai gagné, je tiens à le signaler ! On est entrés et on est restés scotchés au fond de la salle, dans le noir, devant le spectacle qui se déroulait sur la scène. C'était un petit ballet qui peinait à se faire connaître et qui n'avait pas beaucoup, il faut l'avouer, de talent. Malgré tout, je suis restée sans bouger et mot dire devant ces danses qui ne s'arrêtaient pas. Tout ça, me remplissait de joie mais Salem en eut marre le premier, il m'attrapa le bras et m'emmena dehors avant de la ramener à la maison avant que les parents ne se rendent compte de quelque chose. Je ne pensais à rien d'autres pendant les semaines suivantes qu'à danser. Je ne voulais que danser, danser, danser et encore danser. Mon père finit par s'en apercevoir et vint me voir à mon cours de danse habituel dans la petite salle communale de la ville. Il m'en parla ensuite, puis à ma mère, puis de nouveau à moi. Il sentait que je ne commençai à n'appartenir qu'à la danse. Il m'arrivait souvent de tourbillonner au beau milieu de la route, montant des semblants de pointes avec mes chaussures. Une voiture me dépassait alors en gueulant « Mais elle est folle celle-là ! » En effet, j'étais folle. Folle de l'impression de liberté qui se dessinait sous mes pas, folle du regard appréciateur de mon professeur sur mes dégagés, folle de mon corps que je pouvais contrôler. Tout cela se concrétisa quand j'entendis parler de l'opéra de Paris. Une lumière s'était allumée dans ma tête pour ne plus jamais s'éteindre... » Et cette même lumière brillait actuellement dans les yeux de la jeune américaine. Puis, soudainement gênée de tout ce qu'elle venait de dévoiler, comme si c'était une partie de son jardin secret, elle baissa la tête. « Ca fait bizarre de reparler de tout ça, ça fait tellement longtemps... Ca me paraît une autre vie... »

« Quelle prétention ! Je n'avais trouvé personne d'autre, voilà tout ! » Matthew répondit au sourire de la jeune femme en ajoutant le haussement de l'un de ses sourcils, absolument pas dupe. A vrai dire, le jeune homme n'aurait jamais pensé être aussi attiré envers une femme qu'il ne l'était envers Alaska. Cette dernière l'intriguait, le surprenait, lui qui s'était résigné à se cantonner à sa solitude. Des femmes, et les occasions étaient rares, il n'obtenait qu'un plaisir passager avant de retourner à sa monotonie. C'était le boulot, et ses enfants, il n'avait pas cherché plus loin. Seulement, l'idée de passer plus de temps avec Alaska, le simple fait d'en apprendre plus sur elle alors qu'elle lui racontait d'où lui était venue sa passion, l'enthousiasmait, et il ne pouvait pas aller contre ça.

Alors qu'elle lui contait son récit, le jeune homme hochait pensivement la tête, imaginant aisément une petite Alaska en train de danser dans les rues, manquant de se faire renverser à chaque coin de rue. «Ca fait bizarre de reparler de tout ça, ça fait tellement longtemps... Ca me paraît une autre vie... » Matthew répondit d'abord par un simple sourire, observant les expressions d'Alaska. Il la sentait soudainement vulnérable, et il trouva ce fait plutôt paradoxal. Un léger geste de la lèvre inférieure montrant qu'il se retenait de quelque chose - en l’occurrence, ne voir que la jeune femme frêle et désirable qu'elle était en ce moment et qu'il ne voulait qu'enlacer - passa sur son visage et il se contenta de chercher son regard en se redressant avant de prendre la parole. « J'admire ta détermination, Alaska. Ton parcours est... impressionnant. » lâcha-t-il avant de lui lancer un sourire. Il enchaîna rapidement. « J'ai une passion aussi - enfin, une passion... disons plutôt un grand intérêt - que j'ai dû laisser un peu de côté ces derniers temps. » avoua-t-il en détournant le regard un instant.

C'était plus fort que lui, Alaska se dévoilait et il voulait lui rendre la pareille, mais il avait peur de lui en dire trop, ou justement assez pour qu'elle commence à douter de lui. Il continua tout de même. « J'ai toujours été passionné d'histoire. C'est sûrement à cause de ma mère, elle était archéologue, et elle avait une période de plus de 20 000 ans dans la tête où elle piochait des extraits pour me les conter quand j'étais gosse. » Un sourire nostalgique prit possession de ses lèvres un instant. « Alors j'ai tout fait pour devenir archéologue aussi... ça a pas été facile, j'ai dû partir à l'armée, Toyiah est arrivée, mais j'ai réussi à faire les études que je voulais et pendant un temps, j'ai entrevu ce que c'était, la vie de pro, le fait de... de toucher le passé du bout des doigts, d'imaginer l'histoire de chaque objet qu'on trouve, qu'on déterre... C'est magique. » Ses yeux s'étaient rapidement mis à briller. Oui, lui non plus ne s'expliquait pas exactement d'où lui venait cet intérêt, mais ces dernières années son travail d'historien s'était révélé sa seule échappatoire réellement plaisante. « Maintenant, à part déblatérer occasionnellement des bases d'histoire à des étudiants qui n'en ont pas grand chose à faire, je ne fais presque plus de chantiers. » termina-t-il. Plus du tout, même. Pourtant, ça faisait partie de sa couverture, donc quand c'était nécessaire il prétextait un chantier brusque, qui tombait du ciel, et pouvait s'envoler vers ses missions sans qu'on ne lui pose de questions. « Ca se voit que tu es faite pour la danse. N'arrêtes jamais. » reprit-il en replongeant une nouvelle fois son regard dans le sien, confiant.

« J'admire ta détermination, Alaska. Ton parcours est... impressionnant. » Alaska rougit et baissa la tête comme une gamine. Elle avait eu peur que raconter tout cela l'ennuierait et qu'il ne comprendrait pas ce qui l'a poussée à être ce qu'elle est aujourd'hui, mais finalement, il était compréhensif, ce qui rajoutait encore une qualité de plus à son palmarès et qui n'arrangeait pas à le détester comme elle l'avait prévu au début... « J'ai une passion aussi - enfin, une passion... disons plutôt un grand intérêt - que j'ai dû laisser un peu de côté ces derniers temps. » Alaska ouvrit grand les oreilles, prête à comprendre mieux le personnage, du moins, d'en comprendre des bribes. Puis il continua, comme elle l'avait espéré, à parler de sa passion, de sa mère et Alaska en fut surprise. C'était la première fois qu'il parlait de quelque chose d'aussi personnel, outre ses enfants bien sûr, et elle n'allait absolument pas le couper dans son élan, autant profiter quand il se confiait un peu plus que prévu... Tout cela contribuerait à mieux percevoir la personne qu'il était et ses réactions. « J'ai toujours été passionné d'histoire. C'est sûrement à cause de ma mère, elle était archéologue, et elle avait une période de plus de 20 000 ans dans la tête où elle piochait des extraits pour me les conter quand j'étais gosse. » Elle sourit alors, essayant d'imaginer Matthew Vryzakis, tout petit, assis sur les genoux de sa mère, à écouter les histoires passionnantes de l'Histoire, à apprendre et à rêver de grands horizons archéologiques. Et, bizarrement, elle y arrivait plutôt bien.

Les yeux de Matt s'étaient mis soudainement à briller et le sourire d'Alaska s'agrandit plus. Elle avait l'impression de se voir il y a quelques instants quand elle parlait de la danse. Elle se sentait tout à coup attirée par tout ce que racontait le grec, comme si elle buvait ses paroles. C'était comme s'il vivait ce qu'il racontait, que tout cela n'était pas perdu. Alaska était d'ailleurs sur le point d'ajouter qu'elle ne comprenait pas pourquoi il avait arrêté si tout cela le rendait si heureux mais se l'interdit afin de ne pas casser la dynamique de bonnes intentions qui prenait Matt. « Maintenant, à part déblatérer occasionnellement des bases d'histoire à des étudiants qui n'en ont pas grand chose à faire, je ne fais presque plus de chantiers. » Surprise, elle ouvrit la bouche et plongea ses yeux dans ceux de Matthew. « Je croyais que tu travaillais dans la sécurité ! » avant d'ajouter, malicieuse : « A moins que tu ne disais ça que pour me voir... ». Finalement, elle ne savait pas vraiment en quoi consistait son emploi et, pour elle, il travaillait dans la sécurité et point barre. La confiance d'Alaska était absolue. « Mais pourquoi tu ne continues pas à faire des fouilles ? Bien que, je l'avoue, il ne doit pas y avoir beaucoup de pyramides dans le coin... »

« Ca se voit que tu es faite pour la danse. N'arrêtes jamais. » Alaska se mordit la lèvre, incertaine. « Tu crois ? » Elle n'était plus très sûre ces derniers temps que la danse était la voie qui lui fallait mais elle ne s'imaginait pas sans. Quand elle avait coupé tous les ponts avec le monde du spectacle et parcouru le monde, elle avait ressenti une sorte d'apaisement tout comme un manque. Alors, il lui arrivait, au beau milieu d'une route en Australie ou d'une montagne au Tibet, de danser, danser, sans s'arrêter, jusqu'en avoir la tête qui tourne. Pourtant, elle était revenue dans ce monde, le seul qu'elle connaissait réellement et elle se battait pour être reconnue. « Ca serait tellement plus simple si on savait ce qu'il fallait qu'on fasse ! » ajouta-elle en riant avant d'avaler une gorgée de son vin. Elle ne se plaignait pas, ce n'était pas son genre, mais elle soulignait juste une particularité de ce monde...

« Je croyais que tu travaillais dans la sécurité ! A moins que tu ne disais ça que pour me voir... » Matthew leva les yeux en souriant. Au moins, il n'aurait pas à trop lui mentir sur ce coup. « C'est le cas, c'est juste... un peu plus compliqué que ça. » avoua-t-il en grimaçant légèrement. Oui, il travaillait pour la sécurité, mais la sécurité de son pays. « Mais pourquoi tu ne continues pas à faire des fouilles ? Bien que, je l'avoue, il ne doit pas y avoir beaucoup de pyramides dans le coin... » Un léger rire s'échappa de ses lèvres et il but une nouvelle gorgée de son breuvage avant de plonger son regard dans celui d'Alaska. Encore une fois, plus il l'observait, plus il avait l'impression de pouvoir lui en dire plus, de dévoiler encore une parcelle de sa vie, une partie inoffensive par rapport à son travail et le secret qu'il devait garder. « Ma mère avait une réputation de rêveuse - j'ai la même. Elle a connu le succès après avoir trouvé un trésor espagnol que tout le monde pensait perdu, en allant contre toutes les théories déjà évoquées. J'ai voulu faire pareil avec un trésor égyptien, je n'ai pas eu la même chance qu'elle. Déjà à partir de là, j'ai eu beaucoup moins de propositions. » Sa défaite d'Abou Simbel. Oh, il n'abandonnait pas l'idée qu'un trésor se trouvait toujours enfoui, peut-être même sous le Nil, enterré et oublié par ceux qui avaient déplacé, une centaine d'année plus tôt, le site quelques centaines de mètres plus haut pour le sauver de la montée du fleuve. Ca resterait juste son utopie. Il haussa les épaules et continua. « Et puis, après mon divorce, beaucoup de choses ont changé, et... j'ai eu d'autres priorités. Mais je garde toujours du temps pour l'histoire et l'archéologie. » termina-t-il dans un sourire. Il était désormais étrangement à l'aise avec le sujet, étais-ce l'alcool ou simplement Alaska ?


« Tu crois ? Ca serait tellement plus simple si on savait ce qu'il fallait qu'on fasse ! » Nouveau petit rire. « Sur ce coup, ça me semble plutôt évident. » répondit-il immédiatement en haussant un sourcil, amusé qu'elle se dise incertaine alors que, parmi les quelques échantillons qu'il avait pu apercevoir, elle était celle qui dansait le mieux.

Il termina en une gorgée son verre et hésita un instant. Il tenta de commencer une phrase, se retint, reprit. « Est-ce que je peux t'inviter à prendre un dernier verre en haut ? » demanda-t-il finalement, presque stressé. Il avait peur qu'elle prenne mal son accusation, comme elle avait pensé plus tôt qu'il la traitait comme une catin. Il se gratta l'arrière de la tête, lâcha un sourire gêné qui ne lui ressemblait pas mais qu'il ne pouvait pas cacher, et attendit la réponse de la jeune femme avant de lancer un signe au barman pour qu'il mette leurs consommations sur sa note.

Je suis désolée j'ai mis 40 ans à répondre & c'est tout ripou

Alors que Matt ajoutait que son métier était un peu plus compliqué que cela, Alaska fronça les sourcils tout en faisant un signe de dénégation de la tête. Elle déglutit difficilement avant de répondre rapidement « Oh, ne te force pas à m'en révéler toutes les subtilités si tu n'en pas en envie ! ». Puis elle se pencha vers Matt tout en regardant autour d'elle si on ne les observaient pas, à la façon des espions secrets qu'elle avait maintes fois vu à la télé entre deux représentations. Elle baissa la voix « Tu pourrais m'avouer que tu travailles pour les services secrets ou je ne sais quel FBI que je pourrais le gober dans l'état où je suis... » Elle se releva en riant. Décidément, deux verres de vin, c'était déjà beaucoup pour l'américaine qui n'avait pas une résistance à l'alcool extraordinaire...

« Ma mère avait une réputation de rêveuse - j'ai la même. Elle a connu le succès après avoir trouvé un trésor espagnol que tout le monde pensait perdu, en allant contre toutes les théories déjà évoquées. J'ai voulu faire pareil avec un trésor égyptien, je n'ai pas eu la même chance qu'elle. Déjà à partir de là, j'ai eu beaucoup moins de propositions. » Alaska fit la moue tant elle comprenait la situation qui se déroulait dans la vie de Matt. Il suffisait d'une mauvaise expérience, d'une seule chose qui a raté pour que le monde entier ne se rappelle que de cela. Toute votre vie, vous vivez de votre passion et du genre au lendemain, tout peut s'écrouler sur un mauvais coup de poker... Il lui était arrivé la même chose dans sa carrière et ne pouvait que compatir en connaissance de cause. « Ouais, je vois de quoi tu parles malheureusement... Mais pourquoi la sécurité alors ? Pourquoi ici à New York ? » Curieuse, Alaska comptait bien profiter de la facilité avec laquelle Matt racontait sa vie pour en tirer toujours un peu plus... Quand une bonne occasion se présente. « Et puis, après mon divorce, beaucoup de choses ont changé, et... j'ai eu d'autres priorités. Mais je garde toujours du temps pour l'histoire et l'archéologie. » Alaska sourit avant de lui prendre la main instinctivement. Elle plongea ses yeux dans les siens, littéralement. Elle essaya d'y sonder son âme, de voir tout ce qui se tramait à l'intérieur de ces muscles. Elle mit quelques temps à répondre, parlant d'une voix toute douce et semblable à um murmure. « Promet-moi de ne jamais laisser tomber. Ça fait parti de toi, et tu ne pourras pas t'en échapper, crois-moi... » Elle tapota sa main avant de se recaler dans son siège et d'avaler d'un trait le peu qu'il restait dans son verre.

Puis, Alaska remarqua la soudaine gêne de son interlocuteur et fronça les sourcils. Elle était sur le point de demander si tout allait bien quand il prit la parole « Est-ce que je peux t'inviter à prendre un dernier verre en haut ? » Sans réfléchir, Alaska leva la tête au ciel. Quoi ? Il n'avait pas dit "en haut" ? Puis elle comprit ses paroles et ne put réprimer un petit rire. C'était donc ça qui était si difficile à demander ? Elle se rappelait pourtant des instants où il n'avait pas été si gêné... « On dirait que c'est la première fois que tu prononces ce genre de truc ! » Elle rit de plus belle avant de s'arrêter brusquement et de demander, presque sérieuse où juste ses yeux la trahissaient en scintillant « Rassure-moi, ce n'est pas la première fois ? Tu ne vas pas m'avouer brusquement que tes enfants ont été faits in vitro et que tu n'as pas touché une femme de ta vie ? » Alaska s'éventa avant de se lever et d'attraper son sac. Elle essaya de mettre son manteau, en vain. Elle soupira avant de se retourner vers Matt. « Si tu veux me voir dans un état encore plus lamentable, n'hésite pas à me servir un autre verre ! » ajouta-elle en souriant de son manque de tenue quand elle ne buvait ne serait-ce que deux verres de vin.

Matthew resta naturel lorsqu'elle lui dit qu'il pouvait bien lui avouer qu'il venait d'une agence secrète qu'elle le croirait. Pour le coup, il n'en doutait pas, et c'était bien ça le problème. Il avait déjà été confronté à une personne qui, avec tous les faits devant lui, avait continué à nier que le jeune homme puisse être un espion, et pourtant, il était lui-même l'espionné. Il continua donc son récit en ne réagissant à sa précédente remarque que par un « Ouais, je vois de quoi tu parles malheureusement... Mais pourquoi la sécurité alors ? Pourquoi ici à New York ? » Matthew haussa les épaules, l'air de rien. « Je sais pas trop, parce que c'est facile, bien payé, et puis New York c'est pas si mal. Rien comparé aux plages sur lesquelles je passais mon temps quand j'étais gosse, mais pas si mal. » Il réagit par un sourire à sa réflexion suivante et secoua la tête pour approuver. De toute façon, il n'avait jamais eu l'intention d'abandonner l'histoire ; quand on lui avait proposé de donner des cours dans plusieurs universités new-yorkaises afin de parfaire sa couverture, il n'avait pas hésité une seule seconde avant d'accepter. Ce n'était pas l'eldorado, il s'ennuyait, il avait une sainte horreur des corrections de copies et apparemment, ses élèves aussi puisqu'il notait probablement très sévèrement leurs devoirs, mais ça restait de l'histoire. Il en parlait, partageait avec les rares passionnés disséminés dans ses amphithéâtres ses connaissances, son expérience, et c'était déjà beaucoup.

Matthew observa avec amusement la petite scène que lui offrait Alaska, ne répondant pas à ses questions et se contentant de sourire en secouant la tête pour la voir se débattre avec ses différentes affaires qu'elle ne semblait pas arriver à enfiler. « Si tu veux me voir dans un état encore plus lamentable, n'hésite pas à me servir un autre verre ! » Matthew ne put s'empêcher de laisser échapper un léger rire et se leva de sa chaise pour s'emparer du manteau de la jeune femme et y glisser ses bras pour le mettre sur ses épaules en tenant le sac de la jeune femme entre ses doigts. Il laissa courir ses doigts sur ses épaules un instant avant de prendre la parole. « L'alcool semble te donner la mémoire courte. » dit-il simplement, sa joue collé contre la chevelure de la jeune femme, avant qu'il ne s'écarte pour aller dire deux mots au barman. Ce dernier hocha la tête et Matthew revint vers Alaska, posant une main dans le bas de son dos pour la guider vers l'extérieur.

Ils ne restèrent pas longtemps dans le froid et, quelques pas plus loin, Matthew sortit ses clefs de sa poche pour ouvrir la porte du hall de son immeuble. Il déposa deux lettres qui se trouvaient dans sa veste dans le tiroir de son homme à tout faire et appela l'ascenseur. Une fois dans celui-ci, il appuya sur le bouton du dernier étage et, alors que les portes se refermaient sur eux, il reporta son attention sur la jeune brune à côté de lui, lui adressant un léger sourire avant de se tourner vers elle et de remplir le petit espace qui les séparait. Sa main vint se loger sous son menton, relevant la tête de la jeune femme, et il n'hésita pas avant de sceller leurs lèvres. Son bras libre vint enrouler la taille d'Alaska et il approfondit le baiser sur une impulsion, par pure envie. Le dernier étage arriva trop vite à son goût et il se sépara de la jeune femme seulement pour l'entraîner dans le couloir et ouvrir la seule porte de l'étage. Oui, ça payait bien d'être dans la sécurité, pensa-t-il. « Ne fais pas attention au bazar. » dit-il en la laissant entrer en premier, apercevant déjà les jouets qui jonchaient le sol du salon.

« Je ne sais pas trop, parce que c'est facile, bien payé, et puis New York c'est pas si mal. Rien comparé aux plages sur lesquelles je passais mon temps quand j'étais gosse, mais pas si mal. » Alaska n'avait retenu qu'un seul mot dans cette phrase qui commençait à être un peu trop longue pour qu'elle puisse la comprendre totalement : plage. C'est pourquoi elle s'imagina de grandes étendues de sable blanc et fin qui craquaient sous ses orteils, une mer turquoise qui n'attendait qu'elle et qui rêvait, elle en était sûre, que la jeune femme s'y jette sans hésitation. Alaska posa son menton sur son poing et laissa échapper une exclamation admirative. « Oh la plage ! Ça fait tellement longtemps que j'ai pas vu la mer... Pourquoi je suis pas restée en Australie, hein ? » demanda-t-elle, un peu à elle-même. Elle continua de rêvasser, songeant à quel serait son quotidien aujourd'hui si elle vivait sur la côte australienne. Brusquement, elle releva sa tête et, très sérieuse, demanda à Matt « Et si je devenais... pêcheuse ?! Bon, bien sûr, je ne sais pas pêcher... et enlever les arrêtes ce genre de truc me dégoûte un peu mais... J'pourrais aller à la plage tous les jours ! Quoique... y a des sacrés vagues là-bas... des requins aussi... » Au fur et à mesure qu'elle énumérait tout ce qu'elle pourrait trouver en Australie, sa voix baissa d'un ton, comme si elle venait de se rendre compte que ce n'était pas une si bonne idée que cela... Elle fit la grimace avant d'ajouter « Y a un mec une fois, il a pris la mer avec son truc là... sa planche. On a retrouvé un de ses bras deux jours plus tard, balancé par l'océan. À croire que Poséidon en avait assez... » Elle frissonna rien que d'y repenser. Elle fit la moue, ce n'était décidément pas une bonne idée, l'Australie.

Une fois debout, Matt l'aida à mettre son manteau et Alaska le gratifia d'un sourire reconnaissant. Ce traître de vêtement ne voulait pas venir tout seul. « L'alcool semble te donner la mémoire courte. » Alaska frissonna mais pas comme tout à l'heure. Autant elle ressentait un dégoût, autant maintenant c'était une sorte de jubilation. Finalement, cette soirée n'allait peut-être pas si mal se finir... La jeune américaine se contenta de lui envoyer un des derniers sourires potables qu'elle avait en magasin. Elle avait beau n'avoir aucune tolérance à l'alcool, sa mémoire fonctionnait toujours. Ils sortirent du bar, ou plutôt, Matt escorta Alaska qui n'aurait peut-être pas trouvé la sortie toute seule, qui sait ? Ils marchèrent un peu pendant qu'elle tenta de retrouver contenance en inspirant de grandes goulées d'air, en vain. Dès qu'ils furent entrés dans l'immeuble, elle n'était plus sûre de ses actes et paroles. L'ascenseur arriva. Une fois dedans, le jeune homme profita de l'espace exigu pour l'embrasser. Alaska n'y mit aucune réticence jusqu'à ce qu'elle sépare leurs lèvres pour émettre une légère objection « Tu profites de la faiblesse d'une femme face à l'alcool, c'est moche. » Avant de l'embrasser à nouveau. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et Alaska laissa échapper un faible soupir de dépit. Déjà ? Si court ? Elle se laissa faire quand il l'entraîna avec lui dans son appartement tout en commentant « Dommage, J'l'aimais bien cet ascenseur... » Et puis elle découvrit enfin l'appartement, celui où elle avait sonné peu avant. Malgré son avertissement de ne pas prêter attention au désordre, Alaska ne put s'empêcher de remarquer la grandeur de son logement. Elle laissa échapper un léger sifflement. « Waw. J'm'attendais pas à ce genre-là d'appartement. Ça doit bien faire... deux ou trois fois mon appart ! » Puis elle écarta les bras comme pour toucher les murs et s'exclama en riant « Tu vois, ça, chez moi je peux le faire ! »

« Tu profites de la faiblesse d'une femme face à l'alcool, c'est moche. » Matthew se contenta de lever les yeux au ciel mais ne s'arrêta pour autant. Il n'était vraiment pas de ce genre là et préférait rire de la remarque d'une Alaska sur qui les effets de l'alcool semblaient de plus en plus se ressentir. Non, il savait qu'au-delà de l'alcool, Alaska n'avait pas envie de le repousser, sinon elle l'aurait fait dès le début. Elle était plus qu'une prise de la soirée, il n'en avait d'ailleurs presque jamais. Les femmes n'étaient pas des objets, il avait été élevé par une femme formidable, en avait épousé une autre, les respectait comme tout autre. En plus de ça, être père d'une petite fille qui se prenait déjà parfois pour une femme le sensibilisait à ces problèmes qui arriveraient à la petite sûrement bien trop tôt à son goût.

Il se laissa aller à regarder le spectacle qu'offrait Alaska dans son appartement, les bras croisés sur son torse, et lâcha un léger rire avant de s'approcher de nouveau d'elle. « Waw. J'm'attendais pas à ce genre-là d'appartement. Ça doit bien faire... deux ou trois fois mon appart ! Tu vois, ça, chez moi je peux le faire ! » Il reprit le manteau de la jeune femme pour le lui retirer et le posa dans l'entrée avant de l'inviter à le suivre dans le salon qui offrait une vue panoramique sur la baie. Il écarta les obstacles sur son chemin pour guider Alaska et lui indiqua le fauteuil avant de prendre la parole. « Mets-toi à l'aise, je t'apporte quelque chose. » lui dit-il avant de retirer son manteau et de pénétrer dans la cuisine adjacente, posant son manteau sur le bar en saisissant un verre, le remplissant d'eau et en prenant, dans sa trousse à pharmacie, de quoi prévoir une gueule de bois qu'il imaginait destructrice. Il revint rapidement dans le salon et posa le verre devant Alaska en lui tendant le cachet. « Tiens, c'est pour ta tête, tu me remercieras demain. » lui dit-il avec un sourire avant de s'occuper à éclaircir un peu le sol en rangeant les jouets ici et là. Lorsqu'il revint vers la jeune femme, leur environnement était presque clean. « Voila, c'est mieux comme ça. » déclara-t-il avant de se mettre derrière le canapé pour s'y accouder de telle sorte que sa tête arrive à la hauteur de celle d'Alaska, tout près d'elle. « Tu veux autre chose ? » lui demanda-t-il finalement avant de lier ses doigts et de relever la tête pour regarder autour de lui. « Un tour du propriétaire, peut-être ? » reprit-il en tendant l'une de ses mains paume vers le ciel, prêt à la guider dans sa demeure.

Tout mini