Aspen n’avait jamais été très « famille ». Elle avait toute une ribambelle de frères et sœurs pourtant. Ils étaient neuf en tout, Aspen était la petite dernière. Il aurait été normal qu’elle apprécie de se faire chouchouter, de faire des câlins à tout le monde, mais non, le seul dont elle était réellement proche était son jumeau Denver. Enfin… Ils ne s’étaient jamais fait de câlins ou lancés des petits mots affectueux comme des jumeaux fusionnels l’auraient fait. Ils étaient plutôt du genre à s’insulter gentiment et à se taper dessus pour manifester leur amour l’un pour l’autre. C’était son idée à elle de l’affection. Pour les autres membres de la famille, même ses parents, elle c’était encore différent. Elle passait son temps à les fuir et à se cacher pour ne pas avoir à se faire serrer trop fort dans des bras, ou se faire étouffer par des tas de baiser. Très peu pour elle. Aspen c’était ça, une petite fille assez solitaire, fuyant le plus possible tout contact humain. La seule exception c’était Denver. En grandissant, cela s’est quelque peu accentué. Elle n’avait pas de vrais amis à l’école – elle ne les trouvait pas assez dignes d’elle – et à ce jour, n’avait jamais eu de relations amoureuses. Une vraie nonne quoi. C’était comme ça jusqu’à peu. La jeune femme avait en effet pris la bonne résolution pour 2012 de devenir une personne un peu plus appréciable et avait également décidé de faire des efforts avec les autres êtres humains. Elle voulait s’ouvrir un peu plus aux autres, se faire des amis, vaincre sa « peur » des gestes affectueux. Elle avait plutôt bien commencé en passant un moment tendresse avec son grand frère Phoenix, qui avait le premier à avoir pu la prendre dans ses bras – avec son consentement – depuis des lustres. Elle avait depuis réitéré son succès avec Denver, Jackson et Paris. Madison, ce n’était pas trop la peine de compter dessus, Austin non plus, il n’était pas le genre câlins non plus.

Aujourd’hui, elle avait prévu de « s’attaquer » à Alaska. Alaska, sa merveilleuse grande sœur. Elles n’étaient pas réellement proches, elle n’avait jamais eu l’occasion d’apprendre à se connaitre… Aspen n’était pas bien vieille quand son ainée était partie danser en France, et elle n’avait par conséquent pas de nombreux souvenirs d’elle. Il était plus que temps de rattraper le temps perdu. Quelque part, dire que sa grande sœur était une super danseuse qui vivait en France l’avait toujours rendue fière. Elle suivait son évolution avec toute la famille dans leur ranch du Colorado. Profitant d’un peu de temps libre, la blonde décida d’aller surprendre la brune en pleines répétitions. Elle avait eu l’adresse grâce à Phoenix, et se faisait une joie de pouvoir partager un peu de temps avec sa sœur. Pas qu’elle en avait marre de ses frères – elle passait une bonne partie de son temps « familial » avec Denver et Phoenix, parfois Paris venait s’ajouter au groupe - ... Mais si, un peu. Ils se/la mettaient toujours dans des situations pas possibles…

Arrivée devant l’immeuble où Alaska faisait ses répétition, elle se figea quelques secondes. Elle ne savait pas si elle pouvait entrer… Elle ne voulait surtout pas la déranger. Elle attendit deux bonnes minutes, puis se trouvant stupide, décida d’entrer. Il n’y avait pas grand monde dans le hall. Elle put entendre de la musique, et vit une porte entrouverte. Elle se dirigea droit dessus, l’ouvrit légèrement, et passa la tête histoire de bien voir ce qui s’y passait. Elle ne put s’empêcher de sourire en voyant sa sœur danser. Elle ouvrit la bouche, admirative, puis se permit d’entrer dans la salle et se cala dans un coin, se faisant aussi petite qu’une souris, pour attendre que la brune ait fini.

De son coin, presque cachée, Aspen avait une vue imprenable sur la salle et sa grande sœur qui dansait. C’était beau à voir… Si elle n’y connaissait pas grand-chose, elle ressentait quand même quelques frissons de temps en temps, devant la beauté de la chose. Elle n’avait pas non plus eu beaucoup d’occasions de voir Alaska à l’œuvre, mais elle avait toujours su qu’elle était douée et que c’était toute sa vie, une grande partie du moins. Sinon, pourquoi serait-elle partie à Paris ? Pourquoi aurait-elle quitté les siens pour quelque chose qui n’était qu’un hobby ? C’était son rêve et elle avait la chance de pouvoir en vivre chaque jour. Les enfants McDaniels étaient régulièrement tenus au courant de l’avancée de leur ainée, de ses exploits. Les coupures de journaux trainaient partout sur les murs, tels des trophées de parents fiers de leur petite fille. Du coup, Aspen avait toujours eu pas mal d’admiration pour la brune. C’était la star de la famille, celle qui montrait que les McDaniels valaient quelque chose, qu’ils n’étaient pas que de pauvres ploucs enterrés au fin fond de leur Colorado. Là en tout cas, elle offrait une belle démonstration de son talent. Aspen pouvait presque ressentir les émotions qui se dégageaient des mouvements et des intentions de sa sœur. C’était beau. Et pourtant, la jeune femme n’était pas sensible à beaucoup de choses.

Alaska se stoppa brusquement, et alla vite éteindre la musique. Aspen se retourna donc, pour voir si quelque clochait. Mais non, il n’y avait qu’elle. Sa sœur semblait furieuse, enfin… agacée. Elle pouvait distinguer la tension dans sa voix. La jeune femme s’avança donc, sortant de sa demie-cachette. « Alaska ? C’est moi, Aspen. » Elle ne savait pas si elle devait l’attendre à sa place, ou si elle pouvait la rejoindre. Elle avait l’air de l’avoir vraiment dérangé et sur le coup, elle s’en voulut. Son but n’était pas de l’énerver, mais juste de lui faire une surprise, une gentille surprise. Aspen ne se démonta pas et se décida à avancer encore. « Je ne voulais pas te faire peur…. Vraiment désolée. » Sa surprise était réussie, c’était le cas de le dire. Mais dans le mauvais sens du terme réussir. Son ainée n’avait pas eu la réaction attendue. Il n’était pas trop tard pour que cela change en tout cas. Si les deux sœurs ne se connaissaient pas spécialement bien, elles étaient quand même sœur, et se voir l’une l’autre devait logiquement être synonyme de bon moment. Arrivée devant sa sœur, la benjamine de la famille leva les bras et les fit retomber pitoyablement le long de son corps, tout en s’écriant un « Surprise ! » un peu moins enjoué qu’il n’aurait dû l’être. « Tu danses magnifiquement bien… Enfin c’était… très beau. » acheva-t-elle par dire, une lueur de sincérité et d’admiration dans le regard.

Aspen était vraiment contente de se retrouver en face de sa sœur, qu’elle n’avait que trop peu vue jusqu’ici. Les seules fois, c’était à Noel. Et même là, elles ne s’étaient jamais vraiment parlé. Du coup, la jeune femme ne savait pas vraiment comment agir. Bien sûr, elle était contente de pouvoir passer un peu de temps avec son ainée, si tant est qu’elle ne soit pas occupée. Après tout, c’était la benjamine qui avait décidé seule de venir voir Alaska, et elle ne savait pas si celle-ci aurait du temps à lui accorder. Mais elle voulait vraiment rattraper le temps perdu. Elle ne put retenir un sourire lorsque sa sœur sauta de la scène pour arriver à sa rencontre. Quand celle-ci la serra dans ses bras pour lui dire bonjour, Aspen eut un petit moment d’hésitation avant de finalement l’enlacer à son tour. Ce n’était pas quelque chose dont elle avait l’habitude, même avec ses frères et sœurs dont elle était plus proche. En fait, si Denver ou Phoenix faisait ça, habituellement, elle ne se gênait pas pour leur foutre un bon coup de poing sur l’épaule pour leur faire comprendre qu’ils ne devaient plus jamais faire ça. Mais là c’était différent. C’était elle qui était venue, elle n’allait pas non plus repousser Alaska. « Je comprends... Enfin je suis un peu pareille… Mais vraiment désolée de t’avoir interrompue, surtout que je n’aurais pas été contre en voir un peu plus ! » Aspen avait toujours cet air désolé sur le visage. C’était peut-être le truc des McDaniels ça, être toujours un peu trop dans leur monde, avoir du mal à redescendre sur terre… Ils étaient tous assez spéciaux et c’était ce qui faisait leur charme.

Aspen laissa sa sœur la «dévisager » en ne disant rien. C’était logique, enfin, pour une fois elle se laissait faire. Sa sœur avait surement besoin de bien imprimer son visage et ses expressions dans son esprit, parce qu’après tout, elles ne se connaissaient pas. Bien sur la jeune femme n’avait pas besoin de ça, elle avait le visage de sa sœur qui trainait partout dans la maison. Ça avait été le seul et unique moyen pendant longtemps, pour les autres enfants de la famille, de connaitre leur star. « Toute la pression ? Comment ça ? Tu… Tu veux en parler ? » demanda Aspen, hésitante. Elles n’étaient peut-être pas suffisamment proches pour le moment pour tout se dire comme le feraient deux sœurs justement… proches. Chaque chose en son temps. « Je suis très contente aussi. Ca faisait un moment que je voulais passer mais je viens à peine de trouver le temps. J’espérais que tu puisses avoir un peu de temps pour moi et pas trop de travail. » La blonde lui rendit son sourire, puis conclut. « On a pas mal de choses à rattraper. »

Aspen en avait eu l’idée toute seule, il avait juste fallu qu’elle trouve le temps et le courage de la mettre en pratique. Mais ça y était là, elle était en plein dedans, elle s’était bougée, avait profité d’une après-midi sans révisions et elle était venue voir sa grande sœur Alaska, en surprise. Les deux jeunes femmes ne s’étaient jamais vraiment connues, l’ainée ayant mis les voiles peu de temps après la naissance de la plus jeune. Cette dernière n’en avait donc, pour ainsi, aucun souvenir, si ce n’est les photos et les articles de journal que leurs parents accrochaient au mur. Ruth et Edward ont toujours voulu que leurs plus petits connaissent leur grande sœur, ils voulaient qu’ils soient fiers d’elle, proches d’elle, qu’ils la connaissent comme s’ils s’étaient toujours connus. Comme ça, quand elle reviendrait, si elle reviendrait, les choses seraient sans doute plus faciles. Enfin, en théorie. En réalité c’était beaucoup moins simple que cela. Aspen par exemple se sentait plus intimidée par cette grande sœur star, et elle ne s’en sentait pas vraiment proche. Ce n’était pas avec des photos et des articles de journal qu’on créait des liens ! Du coup, elle avait pris l’initiative de se rapprocher de sa grande sœur de façon « normale » : en parlant, en sortant, en passant du temps avec elle tout simplement. Et là, il semblait qu’elle avait plutôt bien choisi son jour, Alaska s’entrainait toute seule et avait visiblement du temps à accorder à sa petite sœur, pour son plus grand bonheur.

« Finalement tu vois, on a des points communs, heureusement que tu es venue ! » Elles avaient commencé à discuter et voilà ce que la brune avait déduit de leur discussion. Aspen eut un large sourire. Alaska enchaina. « Il faudrait que tu viennes un soir, voir le spectacle, c'est beaucoup mieux que ce que je viens de faire ! » Nouveau sourire accompagné d’un vif hochement de tête. C’était une excellente idée, la jeune femme donnerait n’importe quoi pour voir ce dont sa grande sœur était capable, elle était partie loin d’eux pour ça après tout. « Ça me ferait plaisir de venir te voir, oui. » Une histoire de pression entra alors dans la conversation. Alaska avait la pression à cause de son spectacle, vraisemblablement. C’était le revers du succès et de la réussite. Il fallait toujours être au top. Un peu comme Aspen en fac de médecine et durant ses compétitions de natation en fait. « Ne t'inquiète pas, je me met beaucoup de pression mais je vais m'en sortir ! » Aspen lui lança un regard légèrement inquiet tout de même, elle savait que trop de pression ce n’était pas vraiment bon. « Je sais ce que c’est… Mais promets-moi que si tu as besoin de te changer les idées et de souffler un peu tu m’appelleras ! » La jeune femme serait contente de passer encore plus de temps avec sa sœur, surtout après cette « première rencontre » très bien engagée.

Alaska l’invita ensuite dans sa loge. La jeune femme la suivit et entra dans une très grande pièce où il ne manquait absolument rien : le miroir avec toutes ces lumières, les nombreux costumes, les canapés, le bar. C’était assez impressionnant. Aspen avança doucement, réalisant petit à petit que sa sœur était vraiment une « star ». « Je dois avouer que c’est assez impressionnant. » constata-t-elle. Puis elle continua son petit tour, fouillant un peu dans les costumes. Elle se laissa ensuite tomber dans un des canapés. « Alors, ça fait tout ça ? La célébrité, d’avoir son propre spectacle ? Raconte-moi. » La rousse voulait absolument tout savoir. Ses questions étaient peut-être un peu stupides mais si elle voulait être plus proche de sa sœur, elle devait comprendre pourquoi elle faisait ce qu’elle faisait, pourquoi sa passion était sa passion.