J'ai connu de nombreux réveils compliqués dans ma vie, pour diverses raisons. La plupart sont liés à une trop grosse quantité d'alcool ingurgitée, pour être poli et d'autres ... d'autres sont plus rares, heureusement d'ailleurs. Ceux de la première catégorie sont plus fréquents. La gueule de bois, ça finit toujours par passer, mais pas les mauvaises nouvelles. Un matin je me suis réveillé et mes parents n'étaient plus ensemble, un autre je me suis réveillé et je n'avais plus de frère. C'est comme ça la vie. Ce matin en ouvrant les yeux, je sais que c'est un réveil compliqué mais heureusement, de la première catégorie. Après quelques secondes de planage total, je réalise que dans ma tête, c'est la grande fête, même s'il n'y a pas autant d'ambiance que d'habitude. Autant dire que pour revenir sur Terre, je mets aussi quelques secondes voire quelques minutes. Mon cerveau contient la brume caractéristique des lendemains de soirée trop arrosées. Tout est noir puis, alors que je me redresse dans mon lit vide -ce qui est déjà un très bon point pour le fait que ce soit mon lit et qu'il soit vide- puis, certaines bribes me reviennent à l'esprit. Ce n'était pas une soirée. J'ai été picoler tout seul dans un bar, comme le dernier des alcooliques dépressifs. Même pas une soirée quoi ! Peu à peu, mon cerveau remet les choses dans l'ordre. Le bar. Le barman. Les verres de tequila et de vodka que je me suis enfilé. Mais il y a quelque chose d'autre, quelque chose de différent. Un visage apparaît mais pour l'instant trop flou pour le distinguer. Mon esprit essaie cependant, comme un appareil photo essayant de faire la mise au point sur un point précis. Durant un instant, j'aurais pu jurer, en distinguant des cheveux clairs, que c'était Azylis, mais non. Assis dans mon lit, ce sont d'autres traits qui se matérialisent peu à peu. Ma tête est comme remplie de flash-back qui ... Attendez une minute ! Tout m'est revenu d'un coup, comme une masse qui vous tombe sur la tête. Comment ça j'ai raconté ma vie à une inconnue ? De ... quoi ? Certaines choses restent totalement floues mais je pense me souvenir du principal. Moi en train de m’apitoyer sur mon sors à une fille -canon au passage- tout en enchaînant les verres. Mais merde quoi ! Alec ! Honnêtement durant les premières minutes où je me suis rappelé, j'ai eu du mal à y croire. S'il y a bien une chose que je hais, c'est me confier à quelqu'un. M'ouvrir et rendre véritable tous mes maux par des paroles concrètes. Je déteste me sentir vulnérable face à une autre personne. Bien sûr, il y a eu quelques exceptions mais ça reste rare.

Je me suis pris la tête entre les mains. C'est pas possible d'être aussi con. Ça ne me ressemble pas du tout. J'ai jeté à ma chambre un regard circulaire avec une tête de déterré et puis le reste est revenu. Je l'ai invité à venir chez moi ... pour parler ? Pourquoi je l'ai invité à venir chez moi pour parler ? En plus ... Merde, c'est moi ou je ne lui ai même pas demandé son prénom ? Ma tête devient un bordel sans nom. Je ne comprends pas comment j'ai pu agir comme ça. Mon père s'il savait, aurait dit que j'avais agi comme un faible. Un Carter ne s'apitoie pas sur lui-même, il reste fort et affronte ses problèmes et blablabla. Après, c'est le trou noir. Je me revois franchir le seuil de mon appartement avec cette fille et plus rien. Ce qui voudrait dire que ... Je me suis levé d'un bon, enfilant un jean et un t-shirt. Apparemment, on n'a pas couché ensemble, c'est une première constatation. J'ai manqué de trébucher sur une chaussure au moment de me diriger vers la porte de ma chambre. Ca voudrait dire qu'elle est toujours ici. J'ai marché dans le couloir et en débouchant dans le salon, ai la confirmation de tout ce qui me revient en tête sur la soirée d'hier. Elle me regarde, tout juste réveillée apparemment. « Hey! Bien dormi ? » demande-t-elle comme si tout ça est normal. Là, je dois la regarder avec une tête de poisson rouge tellement j'ai du mal avec la situation. Je lui ai raconté ma vie. Putain ! Depuis quand je raconte ma vie à une inconnue ? « Euh ... on va dire ça ... » ai-je répondu peu convaincu. Okay, maintenant, va faire la conversation dans un moment pareil. Du grand n'importe quoi, franchement. Gêné, mon regard se veut fuyant. Le fait d'avoir fait ce que j'ai fait hier, me confier et tout ça, me donne l'impression d'être en état de faiblesse devant elle. « Pour hier ... » ai-je commencé lentement. « Je sais pas ce que j'ai eu ... J'ai dû te paraître vraiment pitoyable mais je peux te jurer que ça ne me ressemble pas du tout, vraiment ... Normalement je ne parle pas pendant trois plombes comme une fille. » Là, j'ai tout de suite réalisé mon erreur. « Enfin tu vois ce que je veux dire ... c'est juste que c'est pas mon truc de déballer ma vie ... d'habitude. » J'ai passé ma main dans mes cheveux histoire de m'occuper les mains. Si je me remets à parler sans arrêt pendant mes explications, elle va avoir du mal à me croire, mais à mon avis, c'est de toute façon trop tard pour se soucier de ça. Et puis j'ai réalisé quelque chose d'autre. Enfin deux autres choses. « Est ce que je t'ai demandé ton prénom ? Parce que je me souviens de certains trucs mais pas de tout. Et ... pardon de la brutalité mais, on a fait quoi cette nuit ? Je veux dire, on a vraiment que parlé ? »

Ce n'est pas le fait d'avoir une jolie fille sur mon canapé qui me met dans cet état. Ça je peux gérer et si tout avait été normal, ce n'est pas dans mon canapé qu'elle aurait dormi. Hum. Bon déjà si tout avait été "normal", on ne se serait peut-être même pas parlés, ce qui en revient à parler du vrai problème. Moi en train de jouer les dépressifs qui raconte sa vie et plaint au premier venu. Ça aurait très bien pu se passer avec le premier camionneur du coin ... même si je dois dire que le réveil aurait été beaucoup moins sympa. C'est juste que l'idée d'avoir dit des choses, des choses que je ne raconte même pas à mes potes les plus proches qui me perturbent. Impression d'avoir joué les pleureuses. Faible. J'ai été faible. Et le pire c'est que je ne sais plus exactement ce que j'ai pu déblatérer hier soir. J'ai des gros trous noirs qui découpent la veille en morceaux. La seconde chose est qu'elle semble trouver la situation très amusante suite à mes pseudo explications. « Ouais, je penses que ton taux d'alcoolémie, y est pour quelque chose. » dit-elle après avoir arrêté de rire. Ouais je dois avouer que mon orgueil a sérieusement morflé depuis que je suis sorti de mon lit. Elle n'a pas tort en même temps. Là encore, je ne sais plus exactement la quantité d'alcool que j'ai pu avaler mais pour me mettre dans cet état, ça a dû être quelque chose de sérieux. Normalement, j'ai Caleb et les autres qui sont avec moi dans ce genre de moment mais là, personne. A croire que j'ai voulu tout ça inconsciemment. Du coup je me suis dit que si elle prend ça avec le sourire, autant essayer de garder la face, même si j'ai des trous sur la soirée d'hier. En même temps si ça se trouve, ça fait longtemps que j'ai perdu la face devant elle ... raah, je suis vraiment pas habitué à ça. « Ce n'est pas désagréable pour une fois de ne pas avoir à parler de soi. » a-t-elle continué rapidement. Le coin de mes lèvres se sont étirées en un rictus. Autant dire que je regrette d'avoir trop forcé sur la boisson hier, si j'avais su ... Mais ça promet d'être intéressant. Elle se retrouve en position de force vu qu'elle doit savoir les trois quarts de ma vie, alors que j'ignore tout de la sienne. Va falloir faire quelque chose contre ça. Je détesterai que la situation reste ainsi. « Ouais, même si là je ne peux pas dire la même chose. » ai-je fini par dire avec tout de même un sourire.

Là, je me suis rappelé que je ne sais même pas son prénom. Du coup, je me retrouve comme un con à poser des questions à deux balles sur ça entre autre et pour être bien sûr de la façon dont la nuit s'est déroulée. Con c'est bien le mot du coup. « Et bien, non, au passage, je ne me souviens pas t'avoir demandé le tien, non plus. Je suis Naya. » répond l'intéressée. On avance. Et puis de toute façon je n'ai pas l'air de lui avoir donné mon prénom non plus. J'ai hoché la tête, bien décidé à ... enfin juste à faire oublier la soirée de la veille et cette nuit. Toujours appuyé contre le seuil de la porte, je l'ai regardé s'amuser de la situation. « Moi c'est Alec. » C'est vrai que nous dire nos prénoms après avoir en quelque sorte, passés la nuit ensemble peut paraître étrange mais c'est personnellement, nullement déconcertant. Je me suis avancé vers elle après m'être présenté pour lui serrer la main. J'essaie de me focaliser sur l'instant présent non celui qui a précédé mais sachant que ma mémoire me fait défaut, j'ai un peu de mal. Ma main, une fois retirée de la sienne fait un passage rapide dans mes cheveux. Peu importe ce que je lui ai dit, maintenant, faut faire avec. « Non, on a aussi fait l'amour comme des bêtes. » fait-elle quand je lui demande si on n'a fait que parler cette nuit. Son sourire malicieux ne laisse aucun doute sur sa réponse et malgré moi, je ris doucement pendant quelques secondes. Honnêtement c'est plutôt ce moment qui fait office de première rencontre pour moi, plutôt que celui du bar. Naya a l'air plutôt ... cool comme fille. Je la sens guetter ma réaction, comme si elle s'attendait à ce que je me confonde en excuses. Faut avouer qu'elle n'a pas rencontré le bon Alec, enfin celui que peu de monde connait. « Tu sais quoi, cette option me paraîtrait beaucoup plus plausible que l'autre ... » ai-je dit avec un sourire aussi malicieux que le sien. Parce que oui, ça ne me ressemble pas du tout de parler avec une inconnue toute la nuit quand on est dans mon appartement, faut être honnête sur ce coup là. Mais elle enchaîne rapidement, en disant ce à quoi je m'étais attendu. « Je blague. On a que parlé. » Malheureusement, oui c'est bien ce que je pensais. Pas que ... enfin peu importe. J'ai hoché la tête avec le coin de mes lèvres toujours un peu étirées. Ça a dû la faire marrer de m'entendre lui déballer ma vie pendant tout ce temps. Faut vraiment que je fasse gaffe quand je vais boire tout seul dans un bar. « Du coup j'espère que je ne t'ai arraché à personne cette nuit avec mes états d'âme. Copain, famille ... Tout ça. »