Ouvrir les yeux ne fut pas une tâche aisée. Ni agréable il faut dire. La luminosité trop vive dans la pièce pour les bestioles de mon espèce me fit grogner. J’ai toujours été doué pour exprimer mon mécontentement sans utiliser de mot. Encore une minute… On est six milliards d’Hommes sur la planète. Trouvez en moi un seul qui ne se soit jamais dis ça le matin. J’enfouissais mon visage dans mon oreiller difforrme en poussant un soupir digne d’un phoque. Hier j’avais bu de l’alcool. Un peu trop. Jamais raisonnable. Il fallait que je me lève. Il fallait beaucoup de chose. Mais je n’en faisais jamais le quart. Le réveil vint abattre mon histoire de poney rose dans mon rêve débile et mon semblant de sommeil lorsque j’entendis un groupe de rock beugler à la radio des paroles qui n’avait aucun sens proprement dit. Quelle idée stupide que de mettre la radio en mode alarme. Je hais la radio. Pourquoi j’ai fais un truc aussi stupide ? Je tendis la main vers la table de chevet sans me redresser pour autant, tâtonnant à la recherche de l’instrument de torture. Où était cette saloperie ? Le réveil. Objet à bannir de ma vie. Il faudra que j’y pense en rentrant des cours. Lassé je finis par me redresser, grommelant un injure à l’encontre du maudit appareil. On n’était pas copain. Ce n’était pas une grande nouvelle.

10 minutes et 37 secondes. C’est le temps qu’il me fallu pour prendre une douche qui effaça toutes traces de la veille. Quelle belle invention que l’eau chaude...Enfin. Quand elle est présente. Ce matin là elle était du genre inaccessible. Devais-je m’en prendre tout de suite à la grosse vache de voisine du dessous ou attendre ? Bonne question. Tellement bonne que j’eus même le temps de déjeuner avant de trouver une réponse : laisser tomber. La réveiller aux environ de 8h3o n’aurait eu sans doute pas grand effet. C’est toujours pareil avec les gens. Ils vous ennuient tout le temps mais il y a pas moyen de leur rendre la monnaie de leur pièce. Aujourd’hui, ça sera un fiasco. Enfin, moi je dis ça, je dis rien.

Je n’ai jamais apprécié les transports en commun et pourtant je les prenais. Trop de gens. Trop de visage. De regards. D’odeurs. De bruits. Je n’aime pas ça le matin quand je somnole encore. Suis-je pour autant dérangé psychologiquement ? Non. Je ne crois pas. En prenant le bus ce matin je me suis rendu compte combien le trajet pouvait paraître long. Asphalte. Immeuble. Feu rouge. Piétons. Immeuble. On ne peut pas dire que la vue puisse fascine quiconque. Je calai entre mes pieds le sac contenant mon ordinateur portable et posait ma tête contre la vitre, laissant défiler mes pensées sans tenter d’y mettre de l’ordre. Ce matin ressemble à tous les autres. J’ai pris un jean. Je l’ai enfilé. J’ai pris un t-shirt que j’aimais. Je l’ai enfilé. J’ai jeté un coup d’œil dans la glace et ai fais semblant de me coiffer. J’ai déjeuné. Je me suis lavé les dents. J’ai pris mon sac et je suis venu me poser à l’arrêt de bus sans me rendre compte du reste. Je suis monté dans le bus et me voilà. Chaque fois c’est pareil. Le bruit sourd de ma tête cognant la vitre se fit entendre et un vague douleur éphémère se manifesta sur mon front, à l’endroit qui avait tapé. J’allais pouvoir remercier le chauffeur et sa conduite peu orthodoxe pour la perte de neurones occasionnée. Je me réveillai brusquement, quittant mon état second. C’est parti pour faire mumuse.

J’exagère. Je le sais. Je l’ai toujours su. Mais cette fois-ci, encore plus que jamais. Ma montre m’indiquait à peine 8h36 du matin. Et pourtant j’étais là, devant chez Chrysalde. J’entrai chez lui sans prendre la peine de sonner. Il y a avait beaucoup de chance pour que je le tire du sommeil et je préfère le faire moi-même plutôt qu’une horrible sonnerie s’en charge à ma place. Et puis j’avais cette habitude de me sentir à moitié chez moi lorsque j’étais chez lui. J’ai doucement posé mon sac près du canapé après avoir retiré ma veste. Je me suis déchaussé aussi. J’aime rester silencieux. J’ai vite eu fait le tour de l’appartement, tout en sachant qu’il devait encore dormi. Je lui ai pris un verre de jus de fruit, tentant de retarder le moment où j’allais l’ennuyer. 9ho2. Ca suffira comme ça. Je me suis glissé dans sa chambre, refermant la porte derrière moi. J’étais aussi excité qu’un gosse le jour de noël. A croire que j’aime prendre les gens au réveil. Je me suis assis sur le bord de son lit, l’observant dans l’obscurité. Il allait m’en coller une si je le réveillais ? A voir.

_ Wake up Chrys…

La question ne se posait plus. Oui réveiller Chrysalde à pour conséquence de se prendre sa main dans la figure, et même si dans le fond je m’attendais à ce qu’il réagisse, je n’aurais jamais imaginé un jour me prendre une claque par lui. Je restais silencieux, le fixant entre l’incompréhension et le choc. Je ne savais plus quoi faire ni quoi dire. Je me sauve sans demander mon reste ou j’attends là en le regardant dans les yeux ? En fait il a agis avant que je ne trouve réponse. Il a voulu s’avancer et moi comme un idiot j’ai eu un mouvement de recul, sans aucun doute à cause de la sensation encore présente sur ma joue mais je savais que pourtant je n’avais rien à craindre d’un tel homme. C’est pour cette raison que je me suis corrigé, revenant à lui. J’aurai quasiment pu être son gosse à quelques années près. Et pourtant ça ne m’empêchait pas de l’apprécier grandement… Heureusement, je n’ai jamais revendiqué être sain d’esprit !

_Excuse moi Kenny! Je suis vraiment désolé!

T’en fais pas, songeais-je en affichant un timide sourire sans pour autant répondre. J’avais compris la leçon, je ne viendrais plus l’ennuyer le matin alors q’il a besoin de dormir. C’est de ma faute, pas de la sienne. J’aurais du attendre au fond du canapé, sagement, comme l’aurait fait un ami. Je l’ai regardé préparé des cafés puis s’asseoir alors que je restais debout. A sa question j’ai répondu par une moue enfantine, haussant doucement les épaules. Me fallait-il vraiment une raison pour venir le voir ? Quand à l’heure c’était comme ça. J’ai eu envie de venir dès le matin pour somnoler encore un peu avec lui, quitte à être fatigué en arrivant à son appartement. J’ai pris à mon tour un tabouret, prenant place à ses côtés. Je l’ai observé une seconde avant de poser ma tête contre son épaule, à moitié désorienté.

_ J’avais envie…

Je suis resté un instant comme ça avant de me redresser brusquement en songeant à une chose. Je voulais pas qu’il me mette dehors.

_ T’inquiète pas, j’ai pas cours !

Je l’ai souris, satisfait de lui annoncer ça. Il n’avait donc pas de soucis à se faire, je ne venais pas chez lui pour sécher ouvertement les cours. Je travaillai suffisamment pour m’en sortir. Cela aurait été stupide de sauter des heures de cours pour le fun alors que Chrysalde il y a pleins de moments où je peux venir le voir. J’ai doucement fais tourner la tasse avant de m’étirer. Pourquoi il s’était levé lui aussi…J’aurais très bien pu juste lui sourire au réveil et aller dormir dans son canapé, non ? A peu de chose près cela ne l’aurait peut être même pas dérangé !
Pour une quelconque personne extérieure, aurait pu avoir l’air louche. Un homme en boxer assis à son bar et un « gamin » habillé normalement assis à côté de lui. Enfin, on s’en fou il n’y a personne pour nous voir. Je dormais encore à moitié debout sinon j’aurais peut être essayé de « secouer » un peu Chrys mais non, pas pour l’instant…En plus, ça lui laissais à lui aussi un peu plus de temps pour se réveiller. Un seul truc me mettait maintenant mal à l’aise. Je ne pouvais pas m’empêcher de repenser à cette claque et au fait que je l’avais tiré du sommeil alors que je sais qu’il a un boulot érintant et qu’il a besoin de se reposer. Je me suis tourné vers lui, légèrement inquiet.

_ Tu m’en veux… ? J’aurais du venir plus tard ou ne pas venir dans ta chambre…C’est débile…

_ Kenny vas-y, je te rejoins promis!

Oh non. Tu vas me faire ce plan foireux que de m’envoyer me reposer tout seul et venir cinq minutes avant que je me réveille histoire de me faire croire que je dormais trop profondément pour réaliser qu’il était là. J’ai légèrement grimacé avant de sourire à son clin d’œil. Ca veut dire quoi ça ? Je préférais ne pas me faire d’idée mais à le regarder comme ça j’ai eu envie de rire. Après tout, s’il l’avait promis, j’avais confiance. Je l’ai regardé prendre ses cigarettes avec un léger sourire peint sur les lèvres avant de prendre la direction de sa chambre. Je connaissais sans doute cette pièce moins bien que les autres mais je n’avais pas franchement l’occasion de traîner là car après tout…Pour quoi faire ? J’ai d’abord retiré mon t-shirt en m’asseyant au bord de son lit, songeant à la situation. J’ai dix neuf ans et bon nombre de gens trouvent ma relation avec Chrysalde des plus ambiguës, et là j’étais dans sa chambre avec la vague intention de me reposer dans SON lit. J’ai secoué doucement la tête, amusé par la situation. J’ai enfin retiré mon jean pour dormir en boxer et ai balancé mes fringues dans un coin de pièce, jugeant que cela n’avait pas la moindre importance. Je me suis couché sous ses draps, prenant peu de place. Etrangement j’ai quasiment toujours été en confiance en sa présence. Dès les premiers jours je n’ai pas éprouvés de réticence bien que cela ne me ressemble pas. Il m’inspire une certaine quiétude quelque soit les situations. Le regard des autres n’a pas d’importance. Enfin qu’en parti. Je ne supporte l’idée qu’on puisse rabaisser ceux que j’aime. C’est peut être pour ça qu’avec Billie notre relation se dégrade. L’idée qu’elle puisse mal voir Chrys me dérange et me refroidit grandement. Comment pourrais-je encore serrer dans mes bras la fille qui s’acharne à ne pas être tendre envers l’homme qui me protège. Je sais ça peut paraître fou mais à choisir entre les deux, je choisis mon protecteur à ma petite amie. De toute façon c’est plus fort que moi, que je le veuille ou non j’agirais toujours de la sorte.

J’ai doucement soupiré en fermant les yeux, somnolant à moitié bien que je n’étais pas décidé à dormir réellement. Le simple fait d’être couché dans l’obscurité me reposait et pourtant un détail venait à me déranger. Ne pas être chez moi ne me dérangeait pas. Loin de là puisque je me sentais en partie chez moi en étant ici. C’était autre chose. Un détail matériel. C’était bête à dire mais c’était son odeur que je sentais présente dans ses draps. Je me suis redressé en position assise, intrigué que quelques bouts de tissus puissent sentir quelque chose. J’ai souris tout seul dans le noir en me disant que soit je nageais en plein délire, soit que Chrysalde était légèrement omni présent dans mon présent – chose qui ne m’aurait pas étonnée le moins du monde.

D’ailleurs. En parlant de lui, qu’est ce qu’il faisait ? Je me suis recouché sur le flanc, patient. Moi j’avais toute ma journée. Lui peut-être n’avait-il que quelques heures de répit avant de devoir aller travailler, chose qui ne me tentait guère. J’avais envie de rester avec lui-même si c’était pour ne rien faire et passer notre temps à parler de tout et rien devant un film débile de sciences fictions.

_ Chrysalde..., murmurais-je doucement, retombant dans la somnolence légère.

Je savais qu’il était là. Je l’avais senti bien avant qu’il ne s’allonge bien que je n’ai pas ouvert les yeux, restant encore un instant dans mon état de somnolence. Lorsqu’il a passé sa main dans mes cheveux, je n’ai pu m’empêcher de sourire doucement, légèrement dérouté bien qu’en soit ce geste n’a rien de troublant. Si ? Non. C’est moi et mes idées. Moi et mes lubies. Moi et mes rêveries. J’ai ouvert les yeux, pouvant à peine le discerner correctement à cause de la pénombre mais en venant me serrer contre lui je voyais bien son visage. Une fois de plus un léger sourire a étiré mes lèvres alors que je pouvais sentir sa respiration tellement j’avais la bonne –ou mauvaise ?- idée de me rapprocher de lui. J’ai posé une main sur son torse, gardant le silence. De toute façon je n’avais strictement rien à dire et ma gorge aurait refusé de m’obéir car derrière les apparences j’avais la crainte que Chrysalde ne me repousse et me mette dehors pour ne plus jamais me revoir. Ce n’était sans doute pas son genre mais je n’avais jamais cherché me trouver si près de lui d’une façon si ambiguë. Certes je suis trop affectif parfois mais aussi loin que remonte mes souvenirs, j’ai toujours gardé inconsciemment une distance normale avec lui. Comme ami, car après tout, si je le considère comme ami et que je cherche tant le contact, pourquoi je ne suis pas pareil avec Akshan ? La réponse est simple. Chrys n’est pas qu’un simple ami avec qui j’aime rire de rien et discuter de tout. Il est bien plus sans que pour autant je ne puisse l’avouer.

Je suis resté immobile pendant une longue minute pour ne pas dire deux, n’osant pas bouger – et puis j’étais trop bien contre lui pour me pousser et retourner dormir dans mon coin. C’était parfait. J’avais la chaleur et la présence du médecin ainsi que tout mon temps pour rester squatter chez lui sans rien faire d’utile. N’ayant pas cours j’étais parfaitement libre. En temps normal je serais peut être resté chez moi à réviser ou à discuter vainement sur msn mais à mon goût cela fait trop de temps que je n’étais pas venu ici et, de plus la chance, était avec moi puisqu’il n’était pas à l’hôpital et sa fille n’était pas chez lui d’après ce que je voyais.

Je ne sais pas ce qui m’a pris, ni ce qui m’a décidé et cela restera sans doute un mystère encore un moment mais j’ai rapproché mon visage du sien, franchissant les derniers centimètres pour l’embrasser doucement. Un simple baiser qu’on pourrait qualifier de chaste mais quand on prend en compte toute la situation, c’est plus grave que cela ne parait. Je venais prendre le risque de me faire envoyer promener, le risque de ne plus oser le regarder dans les yeux. Le risque de perdre Chrysalde. Un violent frisson a parcourut mon dos alors que je reculais la tête en me mordillant la lèvre inférieure. C’est ce qui s’appelle une impulsion. J’ai agis et maintenant je réfléchis alors que cela devrait être l’inverse.

_ Je…

Excuse moi, songeais-je. Ne dit-on pas jeunes et cons ? Ca me convient.