Ziggy était allongé au milieu de la piste de course, essayant par tous les moyens de reprendre un rythme cardiaque normal. Il allait mourir là, c’était sûr, baignant dans sa sueur, de la manière la plus honteuse qui soit. Respirant comme un bœuf en rut, il ferma les yeux, gémissant pour tenter d’arracher une once de pitié à la personne sans cœur qu’il l’accompagnait « Maria…aide moi… j’vais mourir… »

Deux heures plus tôt. Le brun se regarda dans le miroir un instant, il venait de ressortir de son armoire les affaires de sport qu’il portait quand il était encore au lycée, c’est un dire un short immonde rouge avec un tee-shirt un peu dégueu sur lequel était écrit le nom de son lycée, il avait renoncé au bandeau assorti, des gens avaient été en prison pour moins que ça. Bref, il lança un regard de dégout en se voyant, mais bon, il n’avait pas le choix, Maria avait insisté pour qu’il vienne avec elle au stade. Il n’allait tout de même pas y aller en jean ou pire encore en pyjama, non ?
Avant de partir, il lança une dizaine de téléchargement sur son ordinateur puis claqua la porte de son appartement, direction le stade de Brooklyn. Il avait dans l’idée de faire un peu de sport au début, genre trois minutes, puis de poser son derrière sur un banc pour regarder Maria s’entrainer, rien que de la regarder courir, ça le fatiguait déjà, mais s’il s’était attendu à ce qu’elle allait lui faire subir, il n’aurait jamais bougé ses fesses de son ordinateur.
Arrivant sur place, il n’eut pas à la chercher longtemps et la rejoignit sans attendre. « Si tu te moques, je retourne chez moi. » Ziggy savait très bien qu’elle avait envie de rire, en même temps, il était limite tout maigre, pâle comme un cul dans des fringues difformes, bref, il ne ressemblait pas à grand-chose. « Bon on fait quoi ? » Le brun savait que poser cette question était une erreur, après une réponse rapide de la jeune femme, le début de la torture commença.
Maria ne le lâchait pas d’une semelle, lui ordonnant alors de faire tout ce qu’elle faisait et Ziggy regardait les gradins avec envie, il voulait aller se rouler sous un banc, disparaitre de la vue de sa tortionnaire et se laisser mourir en paix.

« Mariaaaaaaaaaa… » Il se roula en boule par terre comme un gamin dans un supermarché qui fait une crise parce que sa mère ne veut pas lui acheter son jouet préféré « J’ai maaaaaaaal ! ». Voyant que cela ne faisait rien, il se redressa et la regarda droit dans les yeux avec un regard de tueur « Je te déteste. »

«Si tu te moques, je retourne chez moi. ». Ce fut les premiers mots prononcés par Ziggy lorsqu’il arriva à hauteur de Maria. Un petit sourire discret se dessina sur le visage de la jeune femme, qui l’épia de haut en bas puis de bas en haut. Elle se mordit la lèvre intérieurement pour s’empêcher de rire. Car oui, elle avait envie de rire. La tenue qu’arborait Ziggy était si… Pourtant, il n’était pas déguisé, non. Il était juste « en tenue » de sport. Un tee-shirt qui semblait avoir parcouru les années et un short bien trop grand et trop large pour lui. Ce dernier élément mettait en valeur (ou non, en fait là tout est relatif…) les jambes maigrichonnes et pâles du jeune homme. Il était si ridicule dans cet accoutrement. Comme il le lui avait si gentiment dit, Maria ne rit pas. Ou tout du moins, elle tenta de contenir son rire. Elle trouvait cela presque frustrant de ne pas pouvoir se moquer de lui, au moins une fois dans cette journée. Elle se contenta alors de lui lancer un petit sourire, ponctué par un clin d’œil rempli de malice. Il continua dans sa lancée lyrique, en lui demandant ce qu’ils allaient faire. Il semblait si impatient et enthousiaste de commencer. Maria roula les yeux. Sa question était en soi naïve, tout de même. Qu’est-ce qu’ils allaient faire ? Se poser au milieu du stade, cueillir des pâquerettes pour en faire des couronnes ? Rions un instant, mais reprenons vite notre sérieux. Ce qu’ils allaient faire ? Courir bien entendu, enfin s’entrainer. Exercices d’échauffement, tour de piste, chronométrage, etcétéra. Pourtant le sport n’était pas le truc de Ziggy, bien au contraire. Son truc à lui ? C’était les touches de clavier, les souris, baver devant un écran certainement et passer son temps, l’arrière-train vissé sur une chaise. L’opposé parfait de Maria-Paz. Elle, son truc, c’était courir, bouger, se défouler, ne pas rester en permanence figée. Ziggy et Maria, le Ying et le Yang. Le paresseux en compagnie de la tigresse. Le duo semblait improbable. Rapidement, Maria lui expliqua en quelques mots ce qu’ils allaient faire durant cette séance. Rien de bien compliquer en soi, courir. C’était déjà pas mal. Claquement de main, Maria encouragea alors son nouveau partenaire d’entrainement à la rejoindre sur la piste et à commencer à trottiner doucement.

Sans un mot, presque contraint de le faire, Ziggy, notre grand sportif (ironie) tenta de suivre le rythme donné de Maria. Evidemment, ce fut vain. Au début, elle voulut y croire. Qu’il y arriverait, à la suivre, qu’il jouerait le jeu (si on peut appeler cela un jeu), qu’il courait. Oui, oui, elle y avait cru. Mais ses espoirs infondés s’émiettèrent peu à peu à l’écoute des gémissements du sportif novice. Il avait sûrement dû battre le record de New-York (ou du monde, même) du nombre de fois que le prénom Maria a été mentionnée en un court intervalle de temps. Premièrement, elle avait décidé de jouer la carte de l’ignorance. Le laissant dans sa complainte solitaire. Dans sa petite tour, elle leva les yeux au ciel. Soupirant un fois de plus. Ziggy n’était pas sportif, c’était un fait. Entendant les plaintes à répétition du jeune homme, elle fut contrainte de faire demi-tour. Elle n’accéléra pas son rythme, mais ne le ralentit pas non plus. Elle s’approcha à lui enfin. « Je te déteste. » avait-il finit de lui dire. Elle s’arrêta devant lui, trottinant sur place. « C’est un mensonge cela ! » lui rétorqua-t-elle, lui dessinant son plus beau des sourires. « Bon, t’as décidé de faire le piquet là pendant toute l’heure ? Elle marqua une pause, lui lançant un petit regard amusé. Allez viens ! T’as même pas fait un tour complet, t’abuses sérieux ! ». Et sans un mot de plus, elle lui attrapa la main et le tira vers elle afin de le faire avancer. Elle se doutait bien que c’était une perte de temps vaine, mais elle n’allait tout de même pas baisser les bras pour si peu.