L’enfant avait escaladé avec peine un grand rocher où elle s’assit dessus. De là, où elle était, elle avait un large panorama sur la petite ferme de sa mère, Dell Perez. De là, elle pouvait apercevoir les quelques lamas dans leur prairie, d’autres encore dans leurs stabulations, bien trop fainéants pour mettre le nez dehors. D’un autre côté du paysage qui s’offrait à elle, elle pouvait observer longuement une partie du petit village encore endormi. Encore endormi, oui. Il devait être huit heures ou neuf heures du matin. Maria n’était pas certaine de l’heure exacte. Pourtant elle avait sa montre au bout de son poignet, mais elle ne savait pas très bien lire l’heure. Elle l’avait appris à l’école, c’était certain, mais elle se trompait toujours entre les aiguilles. Crédule enfant, diriez-vous. Cela faisait un long moment qu’elle était assise ici. Alors dans un élan de spontanéité, elle sauta afin de retrouver la terre ferme. Malheureusement, à sa réception, elle trébucha et ses petits genoux dévêtus cognèrent contre le sol rocailleux. « Aïe ! » dit-elle en grimaçant et tentant de se relever. Puis elle se pencha vers ses deux rotules, les observa attentivement. Ce n’est pas trop grave, pouvait-elle se dire à elle-même. Ce n’était pas trop grave, juste quelques égratignures. Elle frotta avec le revers de sa manche, l’un de ses genoux ensanglanté et reprit sa marche. Comme si de rien n’était. Après tout, ce n’était pas une petite chute qui allait arrêter notre enfant. Le sourire au bout des lèvres, elle tira légèrement son bermuda afin de cacher les plaies. Mais à chacun de ses pas, l’habit remontait. Elle haussa les épaules, pensant bien que ce n’était pas très grave si elle se faisait gronder par sa mère. Ce n’était pas de sa faute après tout si elle avait chuté. C’était la faute de ses cailloux ! Maria se mit alors à courir à vive allure. A vive allure en direction de la ferme de sa chère mère. Bien entendu, elle n’allait pas rentrer à la maison. Il était bien trop tôt pour cela. Et dans sa course folle, elle s’arrêta près de l’enclos où quelques lamas étaient présents. Essoufflée, elle tenta de retrouver un rythme cardiaque normal. Après quoi, elle grimpa sur la barrière d’entrée du petit parc. Les bêtes la regardèrent toutes. « Vous en avez pas marre d’être enfermés ? » leur demanda la petite fille. « Bien sûr que si. Je suis sure que vous en avez marre et que vous voulez tous vous échapper d’ici ! Vous avez bien raison… » continua la petite fille, avant de se taire. Puis c’est alors qu’elle eut une idée. Crédule ingénieuse idée. « Et si je vous ouvrais ? Bah oui, comme cela, vous pourriez aller n’importe où vous le voulez et vous seriez libre ! LIBRE vous entendez ! » s’exclama la petite fille, levant les bras vers le yeux. Et c’est à cet instant précis qu’une voix, peu aimable, retentit. Cela devait être sa mère qui allait être sur le point de la rouspéter, mais non… « Hein ? » grommela la petite fille.

La voix lui répétait de ne pas faire cela. Cela : elle parlait sûrement du fait que la jeune Maria souhaitait ouvrir l’enclos de ces pauvres lamas. L’enfant secoua énergiquement la tête comme pour nier tout ordre de cette inconnue. Oui, un inconnu au féminin. Car cette voix était celle d’une femme, d’une jeune femme sûrement. Maria ne reconnut pas au premier abord qui cela pouvait bien être. Ce n’était ni la voix de sa mère, ni celle de sa marraine, ni même un ouvrier de la ferme. Cette voix ajouta même que c’était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée même. Qui était-elle pour juger l’idée de cette enfant ? Sans répondre, elle descendit de la barrière et elle fit quelques pas vers l’entrée de l’enclos. Une fois, prête à libérer les lamas, elle daigna enfin se tourner vers cette voix. Cette voix féminine. Une femme blonde se trouvait juste derrière elle. C’était donc elle cette fameuse voix mystérieuse. Maria, le sourire au bout des lèvres, la regarda émerveillée avant de prendre la parole. « Pfeuh. Je me fiche de ce que tu peux dire. Je fais ce que je veux de toute façon ! ». L’air dédaigneux, elle se retourna face aux lamas et s’apprêta enfin à leur ouvrir. Une nouvelle fois, la femme prit la parole. Maria s’en fichait bien de ce qu’elle pouvait bien penser, ou bien même dire. Elle s’en fichait royalement. « De toute façon, tu ne pourras pas me punir, Lys. T’es pas ma mère ! » répliqua l’enfant arrogante. Lys, c’était le prénom de cette femme. Elle ne la connaissait que depuis qu’elle était à New-York, très récemment… lorsqu’elle avait vingt-trois ans. C’était étrange comme situation. Bien trop étrange pour être vrai. Mais cela, ça semblait bien être le cadet des soucis de la petite Maria. Cette dernière d’ailleurs venait tout juste d’ouvrir aux lamas. Bien entendu, contre l’avis de la jeune femme qui semblait vouloir l’empêcher de faire une bêtise. Bêtise, c’était bien un concept d’adulte ça. Bêtise. Maria s’écria de joie lorsque les premiers lamas partirent au galop dans la plaine montagneuse. Rieuse, elle encouragea les plus chétifs à faire de même. Une fois que tous étaient libres, qu’ils s’étaient tous échappés de cet enclos, elle se mit à courir derrière eux. Tirant la langue par la même occasion à la jeune femme qui continuait de la suivre. Cette dernière lui répétait à tue-tête que c’était mal ce qu’elle était entrain de faire, très mal et blabla. Un nombre de phrases que la jeune insouciante n’écouta guère.

Un rire cristallin s’échappa de la bouche de la petite fille. Elle riait comme jamais. Elle admirait avec joie le spectacle qui s’offrait à elle. Tous ces lamas qui galopaient dans la prairie montagnarde. Elle avait voulu immortaliser ce moment. Sûrement avec une photographie, mais elle n’avait pas d’appareil sur elle. Il aurait fallu qu’elle le pique à sa mère, ou à sa marraine, Heïa. Tant pis. Puis la grande blonde reprit la parole, pour lui rabacher toujours la même chose. « Bah j’irai la chercher ta mère si ce n’est que ça hein. ». Ah non, ce n’était pas ce qu’elle venait de lui dire… surprenant. Les paroles de Lys sonnaient comme une menace. Menace qui était sûrement sensée terroriser la petite fille. Sensée… Maria semblait être téméraire ou alors, Lys n’était pas crédible dans le rôle de la grande méchante. Elle ria alors de plus bel face à la jeune femme qui venait de parler. Tant pis si elle le disait à Dell, sa mère. Tant pis, oui. Alors, elle hocha les épaules afin de lui montrer son indifférence. « Dis, tu n’aurais pas un appareil photo ? » lui demanda-t-elle alors. Totalement indifférente des propos terrorisants pour un enfant de Lys. Elle savait qu’elle ne le ferait pas de toute façon. Lys ignorait qui était la mère de la petite. Sûrement irait-elle le dire à la première femme qu’elle croisera et qu’elle osera prendre pour la mère de la tribu Perez. C’était même sûre cela… Mais cela était le cadet des soucis de Maria. Elle, ce qui lui importait le plus, c’était les lamas et de les savoir heureux. Heureux et libres.

Elle les regarda avec une certaine admiration. Dans une vie antérieure, elle avait dû être un lama. C’était une chose certaine. Elle riait de nouveau. Elle était heureuse. Heureuse de sa bonne action. Bien entendu, c’était sans compter sur Lys pour gâcher sa joie. « Maintenant, tu n’as plus qu’à tous les rentrer. » venait-elle de lui dire. La petite leva les yeux au ciel bleu. Quel rabat-joie cette fille, n’empêche, songea alors la petite fille. « Pfeuh. Fais-le toi, puisque tu sais si bien parler ! » rétorqua-t-elle, la mine boudeuse et les bras croisés. C’est alors qu’un lama s’approcha de la petite, et vint la sentir. Aussitôt, elle le caressa et reposa un regard sur Lys qui ne semblait pas à l’aise à l’idée d’avoir un lama à ses côtés. « J’ai une idée ! Et si on les montait ? » demanda alors la petite fille. Chevaucher des lamas, quelle charmante idée…