Halloween avait toujours été quelque chose de sacré pour Ziggy. Depuis qu’il était tout petit, il n’en avait raté aucun, le trente et un octobre, le blond était toujours déguisé et dans la rue, d’abord accompagné de sa mère, puis avec des amis, parfois au milieu d’inconnu et ce soir, ça serait en compagnie d’Hafsa. Lorsqu’elle avait sonné à sa porte, le jeune homme était en train de peaufiné son déguisement de chirurgien-zombie, il avait réussi à trouver le tenue complète grâce à l’un de ses amis qui bossait à General Hospital de la ville, de retour chez lui, il avait maculé le vêtement de faux sang, le déchirant à divers endroits et avait ensuite maquillé son corps à certains endroits ainsi que son visage pour ressembler à la créature dont il copiait le look. En allant ouvrir la porte, il lâcha un petit rire face à la réaction de son amie, ce petit sursaut qui montrait que son déguisement était on ne peut plus réussit. Ziggy n’y avait pas été de main morte, il aimait se déguiser et en rajouter des tonnes pour cette fête et donc, ne faisait rarement semblant, changer d’apparence était quelque chose d’important, revêtir une simple robe et mettre une perruque était quelque chose qu’il laissait aux mecs qui voulaient simplement faire rire les filles qu’ils accompagnaient. Il laissa Hafsa entrer, son déguisement à elle était un peu plus simple, une perruque blonde qui l’a rendait tout aussi jolie que d’ordinaire et le blond ne manqua pas de lui faire remarquer avant qu’il ne sorte sa palette de maquillage spéciale Halloween et qu’il le la transforme complètement. Après avoir bavardé un moment, il se mit à l’ouvrage, lui blanchissant d’abord le visage, puis assombrissant ses yeux, ajoutant un peu de rouge pour donner un certain effet. Bref, après une demi-heure à jouer avec les couleurs, le résultat était plus que correct et méconnaissable, sauf par lui évidement. « Je suis une bête. » dit-il alors en s’éloignant un peu d’elle pour admirer son travail, se la pétant un peu comme un peintre devant son tableau. « Tu peux aller voir dans la salle de bain, j’ai racheté un miroir. » Halloween approchant, il avait enfin décidé de le remplacer, normal en même temps, se préparer dans le reflet de son portable était vraiment pas pratique. « Je connais un bar sympa dans le Bronx, qui l’est encore plus ce soir, c’est tout décoré et tout le monde est déguisé, tu veux qu’on y aille ? » La réponse positive de son amie le fit sourire, a vrai dire, il n’avait pas prévu grand-chose ce soir et il ne savait pas trop quoi faire qui pourrait plaire à Hafsa, il savait qu’elle n’était pas du genre à participer à de grosses fêtes comme il pouvait y en avoir dans New York cette nuit et puis bon, ils étaient un peu trop vieux pour aller à la chasse aux bonbons. Et c’est ainsi qu’ils partirent tous deux en direction de ce fameux bar qui ne se trouvaient qu’à quelques rues de son appartement. « C’est pas ton premier Halloween quand même ? » lâcha-t-il après quelques minutes de marche, la question lui brûlait les lèvres depuis quelques temps, mais il n’avait pas osé poser la question, jusqu’à maintenant.
Hafsa avait longuement feuilleté une dizaine de prospectus avec toujours le même but, se trouver un déguisement. Soirée d’Halloween, oblige. C’était la première fois qu’elle allait célébrer cette ‘fête’ qui lui était étrangère jusqu’à aujourd’hui. Elle en avait vaguement entendu parler lorsqu’elle avait commencé à apprendre l’anglais, lorsqu’elle était encore là-bas… en Palestine. Halloween. Pour elle, c’était une fête pour les enfants qui allaient tous frapper aux portes pour réclamer des bonbons… Oui, c’était cela. Elle pensait que c’était une fête enfantine. Lorsque Ziggy l’invita à une soirée « Halloween », elle avait accepté un brin hésitant. Au fond, elle n’était guère étonnée que Ziggy fasse parti de ceux qui célébraient encore cette fête. Après tout, Hafsa le considérait comme un grand enfant. Mais en acceptant, elle en avait presqu’oubliait le détail unique de cette soirée : le déguisement. Elle avait donc gardé tous les prospectus qui remplissaient quotidiennement sa boîte à lettre, jusqu’à trouver enfin ce qu’elle allait porter. A vrai dire, aucun des costumes qu’elle avait pu trouver ne lui plaisaient guère… sorcière, vampire, zombie, citrouille… Elle avait fini par choisir l’une des tenues que l’une des ses vagues amies lui avait proposé. Elle n’avait d’ailleurs jamais réussi à mettre un nom à ce fameux déguisement. Elle était déguisé en … « costume sans nom ». Ce n’était pas mal après tout.
Vêtue alors de son costume, bustier rouge qui lui donnait cette impression d’étouffer, pantalon noir bien plus que moulant, le tout avec une paire de botte noire, elle partit en direction du domicile de son grand ami, Ziggy. Pour cette grande occasion, elle avait décidé de porter une perruque blonde, cachant alors ses cheveux bruns ténébreux. Devant la porte de l’appartement de Ziggy, elle toqua une fois et attendit sagement que son ami daigne lui ouvrir la porte. Aussitôt, le jeune homme ne put s’empêcher de lui faire une remarque sur son changement capillaire éphémère. Elle se contenta dés lors de le gratifier d’un sourire. « Et toi… tu es… assez ensanglanté. » lâcha-t-elle alors en faisant référence au costume du jeune homme. Après de bref échange, Ziggy sortit une grande palette de maquillage. Et sans attendre, il se mit à l’œuvre. Hafsa resta silencieusement, laissant l’artiste travailler. Artiste… elle s’attendait au pire à vrai dire. Lorsqu’il eut fini, il ne put s’empêcher de se compliquer, prenant une pose si fière. La jeune fille partit alors dans la salle de bain où un nouveau miroir avait été enfin installé. Elle fronça des sourcils en observant son reflet dans le miroir. C’était… moche quand même, songea-t-elle alors. Enfin, il fallait croire que le but d’Halloween était d’être le plus horrible possible. Elle revint alors dans le petit salon où Ziggy l’attendait. « Je connais un bar sympa dans le Bronx, qui l’est encore plus ce soir, c’est tout décoré et tout le monde est déguisé, tu veux qu’on y aille ? » demanda alors le jeune homme. Naïvement, Hafsa accepta. Elle ne savait pas trop si aller dans ce bar était une bonne idée ou non… La jeune fille sortait très rarement, surtout en soirée. C’était peut-être bien la première soirée à laquelle elle participerait depuis cette seconde rentrée universitaire à New-York. Les deux jeunes gens sortirent alors de l’immeuble et prirent la direction d’une rue. Hafsa ne savait pas trop où ils allaient, mais elle se doutait bien que Ziggy devait connaitre le chemin. « C’est pas ton premier Halloween quand même ? ». La nouvelle petite blonde leva la tête vers son ami, puis hocha la tête afin de dessiner un timide oui. Si… c’était bien son premier Halloween. Après tout, ce n’était pas dans son pays où l’on s’amuserait à se déguiser en monstres, ou en horribles créatures… Ils côtoyaient bien assez de monstres dans leur triste quotidien. Célébrer Halloween, cela ne faisait pas parti de sa culture. Célébrer Halloween, c’était un truc d’anglosaxons ça, pas d’arabes… Après de longues minutes de marche dans le froid, Hafsa prit la parole. « C’est encore loin ? » demanda-t-elle tout naïvement alors.
C’est quand elle hocha la tête pour lui répondre à sa question, qu’il se sentit un peu mal à l’aise. Il venait de lui prouver une fois de plus qu’il était stupide et qu’il ne réfléchissait pas avant de parler, mais il pouvait s’estimer heureux, pour une fois il n’avait pas eu le droit à ce regard qui voulait dire ‘je te juge’, ni au roulement des yeux qui suivait. Ziggy n’en rajouta pas plus sur le sujet d’Halloween, de peur de sortir encore une connerie, il ne voulait pas que la soirée commence sur une dispute et puis bon, Hafsa découvrirait bien par elle-même à quoi ressemblerait une nuit d’Halloween quand ils seraient arrivés. Les deux jeunes gens venaient de bifurquer sur la droite quand son amie lui demanda s’ils étaient bientôt arrivés, le blond regarda droit devant lui, s’il se souvenait bien du chemin, en dix minutes ils devraient atteindre le bar. « Plus que deux rues et on y sera. » lui répondit-il alors, un léger sourire sur les lèvres.
Le temps commençait à se rafraichir, et Ziggy fut bien content d’avoir mis un pull sous sa fausse tenue de médecin, en jetant un coup d’œil sur Hafsa, il se dit à lui-même qu’il allait surement devoir faire le gentleman et lui passer car vu la tenue qu’elle portait, la pauvre allait geler sur place. Des pas dans leur dos le fit sortir de ses pensées, un claquement sourd et régulier sur le sol lui fit tourner la tête et il remarqua une grande silhouette drapée de noir à quelques mètres d’eux. Un léger frisson remonta le long de l’échine de Ziggy. Il savait qu’Halloween était la fête des morts et que faire peur était la règle du jeu, mais là, ça foutait carrément la pétoche. Il se colla un peu plus à Hafsa et lui glissa dans l’oreille. « Soit je suis parano, soit on est vraiment suivit. » Il osa de nouveau un regard vers l’arrière, regardant cette personne tout en noir qui n’avait rien d’un type qui avait envie de faire la fête.
Peu après avoir pris la parole, elle s’emmitoufla un peu plus dans ce qui lui servait de veste. Rien de bien épais, une petite veste chinée dans la friperie du coin. On fait avec ce qu’on a, comme diraient certains. Elle leva rapidement le nez, en direction de ces façades sans vies qui les entouraient. Mais elle ne put guère laisser le temps à vaguer à quelques songes enfantins… Ziggy venait déjà de prendre la parole. Sûrement pour lui répondre. Répondre à sa question. « Plus que deux rues et on y sera. » lui dit-il alors. Hafsa se contenta d’hocher la tête. Deux rues et ils y seront… deux rues. Pas une de plus, pas une de moins. Le détail était précis. Puis le silence s’installa une nouvelle fois entre les deux jeunes gens. Le silence, prince d’une soirée éphémère. Le silence, le fidèle compagnon de n’importe qui. Le silence… chut, on l’écoute. Les deux gens s’enfoncèrent dans le froid automnal un peu plus. Plus les minutes passaient, plus il semblait faire froid selon la jeune fille. Le froid, elle n’aimait pas cela, elle. C’était sûrement pour cette raison qu’elle n’aimait pas l’hiver, surtout ici. A New-York. De la bouche d’Hafsa, une légère petite fumée s’échappait à chacune de ses expirations. Elle se demandait bien ce qu’elle faisait là. Là, dans ce froid, habillé d’une telle façon, à aller à une soirée. Une soirée… C’était un truc des jeunes de son âge apparemment, mais elle, ce n’était pas son truc à elle. Ou tout du moins, elle devait très certainement avoir une autre signification du terme « soirée » que ces petits américains chouchoutés par leur nation. Elle se demandait bien si c’était une bonne idée cette soirée. Non pas que la présence de Ziggy ne lui fasse pas plaisir. Non, ce n’était pas cela le problème… Le problème, c’était… ce froid, cette rue, cette nuit qui les plongeait un peu plus dans le noir, et cette crainte qu’ils les retrouvent. Eux, ces types sans nom, qui semblaient leur en vouloir. Il fallait oublier… oublier. Un grand mot. Comment peut-on oublier des faits, des gestes, des mots ? Ce n’était qu’une soirée, ce n’était qu’un soir. Jamais depuis ce fameux soir, elle ne les avait revus. Plus jamais entendu parlés d’eux… mais pourquoi ne referaient-ils pas leur apparition tels des revenants ? Halloween n’était pas la soirée des revenants, des morts vivants et autres créatures qui vous glaçaient le sang ? N’est-ce pas cela l’esprit d’Halloween ? A chacune de ses réflexions, elle sentit son cœur battre un peu plus fort. Sûrement de peur, de crainte, de terreur, de… tout. Lorsque la voix de Ziggy émana de la bouche du jeune homme, elle sursauta légèrement, tressaillant sur place. « Soit je suis parano, soit on est vraiment suivi. ». La petite Arabe leva la tête vers son ami, qui était plus grand qu’elle avouons-le. Puis elle fronça les sourcils… Suivis, avait-il dit. Être suivis. Hafsa prit une grande inspiration et se tourna de quelques degrés derrière. Elle pouvait en effet constater la présence d’un homme, habillé d’une manière bien distinguée. « Ca doit être un petit rigolo déguisé qui veut nous faire peur pour s’amuser ! » déclara-t-elle alors pour rassurer son ami, et pour se rassurer elle-même. Quelque chose au fond d’elle lui disait bien que ce quidam n’avait rien d’un petit rigolo, et qui avait encore moins l’attention de s’amuser. Mais Hafsa voulait chasser toutes ces idées là de sa tête. Elle voulait passer une bonne soirée… elle l’aurait voulu… « Après tout, ce n’est pas ça l’esprit d’Halloween ? ». Elle s’efforça d’adresser un sourire à Ziggy, et tenta de reprendre sa marche comme si de rien n’était.
Hafsa prit une grande inspiration, elle fit quelques pas. Elle sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale qui la glaça, au fur à mesure qu’elle entendait les bruits des pas de ce quidam d’approcher d’eux. Elle déglutit avec peine sa salive. Elle crut entendre une respiration forte saccadée, et quelques petits gémissements. Peut-être crut-elle rêver, ou plutôt cauchemarder. Peut-être n’était-ce que le fruit de son imagination. Peut-être. Elle l’espérait. Alors, terrorisée, la jeune fille attrapa la main de son ami et la serra le plus fort qu’elle le pouvait. Sûrement faisait-elle cela pour se rassurer. « On fait quoi là ? » vint-elle alors susurrer à l’oreille du blondinet.
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