Se dépasser. C’est ce que Norah avait retenu de ses différentes discussions avec des jeunes femmes, avec des jeunes homes, avec des gens qu’elle avait trouvé de plutôt bons conseils en général. Elle devait donc aller plus loin, elle devait se laisser aller, baisser la garde, et faire des choses qu’elle n’avait encore jamais fait. Ce soir la demoiselle n’avait pas à aller servir au starbucks, elle n’avait pas non plus à aller garder des enfants ce qu’elle faisait souvent lorsqu’elle ne travaillait pas d’ordinaire et elle n’avait pas non plus à se lever le lendemain matin puisqu’elle ne travaillait pas. Elle avait donc une seule chose à faire : mettre en pratique les conseils des personnes qu’elle avait rencontrées. Le but pour Norah lorsqu’elle était donc rentrée chez elle avait été de se trouver une tenue potable pour sortir. Après plusieurs minutes d’hésitation devant sa penderie la jolie brune avait opté pour un pantalon en imitation de cuir et un petit haut aux manches trois quarts avec quelques paillettes sur le haut au niveau des épaules. C’était très bien comme ca, elle en était persuadée et il ne restait plus qu’à compléter sa tenue par un touche de maquillage. La brunette n’avait pas l’habitude de beaucoup se maquiller mais pour l’occasion elle mit un far à paupière discret de couleur doré, elle mit un coup de mascara et de crayon, laissa ses cheveux tomber en cascade sur ses épaules et le tout était fait… Des petites chaussures noires à talon et le tour était joué. La jeune femme ne perdit donc pas plus de temps chez elle. Elle enfila une veste et pris son sac pour se diriger vers un bar branché qu’on lui avait indiqué. Une fois entrée elle s’installa à une petite table pas trop éclairée et commanda une boisson alcoolisée, de la vodka, en précisant bien qu’il fallait mieux mettre beaucoup de pomme. La brunette n’était pas très à l’aise ici tout simplement car elle était plutôt seule au milieu de plusieurs hommes, en qui elle n’avait pas du tout confiance, et qui buvaient, il pouvait donc se passer tout un tas de choses… Elle ôta rapidement cette idée de sa tête et se concentra sur son verre tout en regardant l’agitation autour d’elle. L’ambiance était bonne certes mais elle n’était pas du tout dedans pour le moment puisque personne de ce milieu ne l’entrainait dedans. Elle resta donc là à attendre, un grand sourire aux lèvres qui ne voulait dire qu’une chose : je recherche la compagnie, je ne suis pas un chien enragé, je ne mords pas. Pour le moment cette stratégie ne marchait pas mais Norah n’en voyait pas d’autre alors elle s’obstina.
La tentation, il n’y avait rien de mieux pour tester et mettre à l’épreuve sa volonté de fer. Du moins c’est ainsi que je voyais mon combat contre l’alcool. Neuf mois que j’étais libre et neuf mois que j’étais sobre. En réalité, cela faisait cinq ans et neuf mois car je n’avais bu aucune goutte d’alcool durant mon séjour en prison. Toutefois, depuis que j’étais sorti, j’avais eu plusieurs fois l’occasion de retomber. D’ailleurs c’était pour cela que j’avais fini par prendre un job de barman dans un bar. Me tester, éprouver mes limites pour toujours les surpasser. J’étais ainsi dans la vie, je ne me contentais jamais de rien. Il me fallait toujours plus. Néanmoins depuis quelques temps j’étais fatigué. J’avais dû me battre pour m’imposer dans le milieu aisé mais aussi à la tête de l’empire hôtelier de mon père. Ce n’était pas évident : ancien tolard, fils d’une prostituée bref, je ne cadrais pas réellement avec l’image d’un héritier modèle mais j’avais la rage collée au ventre. Alors, j’avais bossé, j’avais appris tout ce qu’il me fallait apprendre et j’avais gagné le respect de mes employés même si j’avais dû être impitoyable. Certains médias m’appelaient le grand méchant loup. Cela me faisait sourire surtout quand ils me prêtaient toujours un peu plus de liaisons. Certes, j’accumulais les maîtresses mais que pouvais-je y faire ? Vivre en moine ? Très peu pour moi, j’aimais trop les courbes féminines pour cela. Le problème était que je ne pouvais pas coucher deux fois avec la même femme : une fois passée dans mes draps, celle-ci perdait tout intérêt. J’avais beau essayer, cela ne venait pas même si j’avais passé la meilleure nuit de sexe de ma vie. Personnellement cela ne me gênait pas. Du moins avant d’avoir rencontré ma sainte ni touche qui était une véritable tentation, pire que l’alcool. Alors, préférais-je garder mes distances et noyer mes problèmes dans… Ah non, même ça je ne pouvais pas. Finalement, je n’étais pas si loin que ça d’une vie monacale.
« Arrêtez-vous là ! J’ai envie de boire quelque chose » demandais-je à mon chauffeur qui me lança un coup d’œil réprobateur dans le rétroviseur. « Je ne compte pas boire d’alcool » soupirais-je en levant les yeux en l’air. Depuis quelques temps, lui aussi avait changé de comportement, se révélant pire qu’une mère poule. Etait-ce au chèque que je lui avais laissé pour sa famille ? Peut-être quoiqu’il en soit, il se conduisait presque en ami chose dont je n’avais plus l’habitude mais j’appréciais. « Je vous le promet ? » plaisantais-je et il s’arrêta devant un bar branché. Passer la soirée dans un endroit avec du monde qui ne me connaissait pas (à moins d’être accro à la presse people). Bref, j’entrais dans cet antre de la tentation pour un ancien alcoolique comme moi, choisissant une place assez reculée. C’est là que je la vis telle un agneau au milieu de loups. Un très bel agneau mais qui semblait un brin perdu. Encore une sainte ni touche qui voulait se prouver qu’elle pouvait jouer à la grande ? Je m’interrogeais rapidement : devais-je l’aborder ou au contraire la voir se démerder ? Je choisis de l’aider dans ma grande bonté d’âme. « Ce n’est pas en regardant les personnes avec l’air de dire qu’ils sont tous des psychopathes qu’ils viendront s’asseoir à votre table miss » lui dis-je avec un sourire ma foi très ironique.
Norah n’avait pas vu qu’on l’approchait, pas du tout même et sa réaction lorsque le jeune homme lui adressa la parole le montra bien puisqu’elle sursauta. Elle serait surement tombée de son tabouret si elle n’avait pas été assise sur une banquette assez large mais heureusement ce n’était pas le cas. Elle était surprise qu’on vienne lui parler car depuis qu’elle était là personne ne l’avait approché et elle avait tellement peu confiance en elle qu’elle ne voyait pas qu’elle était l’intérêt pour celui qui viendrait la voir, de lui parler. Elle était timide, elle était une fille banale, normale, rien de très folichon et le jeune homme qui venait de s’assoir près d’elle allait rapidement le comprendre car en plus de cela, elle ne savait même pas si elle avait assez d’humour et de chose à raconter pour intéresser une personne plus de cinq minutes comme elle le faisait au starbucks… En bref, même si plusieurs personnes l’aidaient à changer sur elle-même, Norah restait un petit agneau et il y avait encore de boulot à faire. « La preuve que si ça marche vous êtes là… Mais peut être aussi que je voulais que les gens ressentent ça pour ne pas être embêtée vous ne croyez pas ? » Norah préférait être directe mais au fond d’elle, elle ne voulait pas cela. Elle ne voulait pas passer sa soirée seule autrement elle ne serait pas là c’était sur, elle serait restée enfermée chez elle. Cependant, une chose l’intriguait et avant de faire fuir son seul compagnon de la soirée, elle préféra lui demander. « Vous pouvez me dire ce qui vous a incité à venir près de moi ? » Elle n’avait pas l’habitude de connaitre ce genre de situation alors elle voulait quand même savoir ce que le jeune homme pouvait avoir dans la tête pour venir près d’elle… Peut être qu’elle plaisait… Oui peut être elle l’avait déjà un peu vu avec Casey mais peut être que le brun lui confirmerait… C’était difficile pour elle d’accepter, difficile de se dire qu’elle pouvait plaire et ne pas être juste un objet pour un homme même si au fond, plaire à un homme s’était coucher avec lui et se réveiller seul le lendemain !
« Vous ne vous êtes pas dit que vous faisiez une proie rêvée ? Timide, peu assurée, une parole gentille et vous croquez dans la main même du grand méchant loup ? » La taquinais-je tout en dardant sur elle un regard sérieux. Cela faisait longtemps que je n’avais pas abordé une femme sans raison dans un bar. Depuis trois semaines environ, je ne faisais que travailler, participer à des soirées de charité plus barbantes les unes que les autres si bien que je n’avais pas mis une femme dans mon lit depuis le même laps de temps. Un record pour moi qui enchainait les conquêtes comme un homme d’affaires enchaine les contrats. D’ailleurs, dernièrement, j’avais été approché par un homme d’affaires russes qui désirait discuter d’un contrat pour notre chaine d’hôtel dans son pays natal. L’homme ne me donnait guère confiance et j’avais mandaté des collaborateurs pour faire une enquête à son sujet. Dans les affaires, il valait mieux être prudent et surtout, j’avais pour habitude d’écouter que mon instinct. C’est ce même instinct qui m’avait soufflé que cette femme n’était pas une habituée des bars à moins qu’elle soit une grande actrice. Là, je lui décernais l’oscar de la meilleure actrice car elle m’aurait bien bluffé sur le coup. D’ailleurs celle-ci me demanda ce qui m’avait attiré dans sa direction. Pouvais-je sincèrement lui répondre que c’était sa plastique et son air perdu ? Je n’étais pas sûr qu’elle le prenne bien et je ne me sentais guère d’humeur à draguer cette femme. Aussi, si j’y réfléchissais bien, je crois que c’est cette vulnérabilité que j’avais senti en elle qui m’avait poussé à la rejoindre. Je n’étais pas le genre d’hommes à voler au secours de la veuve et de l’orphelin mais ce soir, je n’avais pas envie d’être seul. Peut-être qu’à tout bien y réfléchir, j’avais simplement désiré une compagnie agréable et que j’avais supposé qu’elle pouvait me l’apporter. « Disons que vous sembliez attendre que quelqu’un vous remarque et que je n’avais pas envie de rester seul dans mon coin. Cette raison vous suffira-t-elle mademoiselle… » Laissais-je ma phrase en suspens pour l’inviter à se présenter. Autant savoir à qui je m’adressais bien que dans le fond, ce n’était pas important. Elle pouvait s’appeler Jacqueline, Barbara ou je ne sais quel prénom, il y avait peu de chance que je le retienne ou qu’il soit vrai. Après tout, une femme restait une femme même si elle avait l’air aussi innocente que l’agneau venant de naitre.
La brunette écouta le jeune homme avec attention même si s’était assez dur de bien entendre tout ce qu’il lui disait avec ce bruit. Il n’avait pas tort, elle était une proie idéale et chaque mec mal intentionné pourrait profiter d’elle parce qu’elle était assez naïve pour manger dans la main du premier jeune homme qui lui parlait gentiment comme c’était le cas actuellement. C’était nul de sa part mais Norah ne savait pas encore vraiment comment agir dans ce genre de situation et comme elle était avant tout là pour faire des rencontres, elle devait bien se laisser approcher un minimum même si elle savait très bien qu’elle était une proie facile et qu’il fallait donc qu’elle fasse d’autant plus attention pour ne pas tomber dans un mauvais piège. « Je ne mange pas dans la main de n’importe qui… Malgré ce que je peux dire ou laisser penser, je me méfie de tout ce qui tourne autour de moi… » Norah le rassura, elle n’était pas folle, elle savait très bien ce qu’il se passait à New York, elle ne pensait pas que c’était simplement une jolie petit ville tranquille et si elle laissait penser cela c’était juste une erreur de jugement. En effet, si la demoiselle n’avait pas un minimum analysé la société, elle ne serait pas là seule. Mais heureusement, grâce à son poste de serveuse au café, elle avait pu sonder le genre de population qu’était la population américaine et elle pensait savoir réagir un minimum en fonction de cela car elle n’était plus aussi farouche et timide qu’à son arrivée sur le sol américain. « La raison me suffit mais détrompez-vous ! Je n’attends pas spécialement qu’on me remarque, je me demande simplement comment on fait pour s’insérer dans ce genre de monde, dans ce genre de soirée car je n’en ai fréquenté que très peu ! Alors dans un sens oui j’espère qu’on va venir vers moi pour m’embringuer dans quelque chose et que je puisse m’intégrer et qu’on se dise plus on est de fou plus on rit… Mais je ne veux surtout pas qu’on me remarque pour moi… » Oh oui Norah ne voulait pas qu’on la remarque pour son physique et qu’on devienne assez lourd pour la draguer comme un fou à en devenir lourd mais elle voulait bien se faire des amis et découvrir autrement qu’en venant ici accompagnée, le milieu de la nuit même si les bars n’étaient pas fréquentables que la nuit ! « Enfin j’espère que vous n’êtes pas trop déçu du déplacement et que vous ne regrettez pas de ne pas avoir préféré passer votre soirée seul ! » La jeune femme ne savait pas du tout comment faire mais en fait elle voulait juste en savoir plus sur l’image qu’elle pouvait renvoyer et ce qu’elle pourrait faire de mieux pour s’intégrer même si elle savait bien que se mettre seule dans un coin du bar n’était pas quelque chose à faire.
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