Tout bien réfléchi, Lindsay avait eu une fausse bonne idée. Cette soirée était d’abord apparue comme une excellente idée à Nora. La jeune femme avait clairement besoin de se changer les idées avec tout ce qui se passait dans sa vie, besoin de rencontrer de nouvelles personnes, de se faire passer pour quelqu’un d’autre le temps de quelques instants. Alors sortir avec sa meilleure amie a une soirée où elle ne connaitrait quasiment personne était une perspective séduisante. Seulement voilà, Lindsay avait disparu depuis plusieurs dizaines de minutes maintenant, laissant l’anglaise absolument seule avec son verre vide. Elle soupçonnait sa meilleure amie de s’être éclipsée discrètement avec un des garçons qu’elles avaient rencontré un peu plus tôt alors qu’elle lui avait juré qu’elle ne la laisserait pas tomber. Faible créature qu’elle était tiens.

Nora alla se servir un nouveau, se frayant un chemin avec assez de peine entre toutes ces personnes qu’elle ne connaissait. Il y avait beaucoup de monde quand même, il était étonnant qu’elle n’ait encore pas trouvé quelqu’un à qui parler en dehors de Lindsay. Du coup, elle restait dans son coin, non loin du bar, à observer tout ce qui se passait autour d’elle. Elle regardait les gens parler et essayait de s’imaginer leur conversation en fonction de leurs expression par exemple, ou en essayant carrément de lire sur leurs lèvres. Ça pouvait être un bon entrainement et puis c’était une manière constructive de perdre son temps, c’était déjà ça de gagné. Elle aurait pu aller aborder quelqu’un, se mettre à lui parler de tout et de rien, se confier sur ses problèmes aussi, ou exprimer toute la colère qu’elle ressentait. C’était plus facile pour elle avec un inconnu qui n’aurait aucun a priori sur la situation, rien à gagner non plus en lui conseillant telle ou telle chose. Mais elle ne voulait déranger personne et s’imposer comme ça. La seule chose qu’elle pouvait faire c’était se plaindre sur le téléphone de son amie ou attendre qu’elle revienne pour qu’elles puissent partir et faire autre chose de plus intéressant.

Elle aurait pu simplement partir toute seule aussi. Abandonner Lindsay comme elle l’avait abandonnée elle mais si elle se doutait que la brune trouverait de la compagnie sans mal. Surtout qu’elle doutait qu’elle allait revenir un jour quoi, Elle avait surement oublié son existence et comme elle ne reviendrait pas sur terre avant un moment… La seule chose qui la poussait à attendre était qu’elle ne voulait pas retourner chez elle tout de suite. Il fallait vraiment qu’elle se prenne un appartement à elle seule. Son père avait les moyens de lui en offrir un, il pouvait bien faire ça pour elle, il avait quand même pas mal à se faire pardonner… Après, il avait déjà abordé le sujet plus d’une fois, et chaque fois ça avait fini en début de guerre mondiale, mais il voulait qu’elle et Alec vivent ensemble, comme le couple modèle qu’ils devaient former. Elle avait toujours refuse mais peut-être devait-elle lui faire croire qu’ils avaient fini par se décider à vivre ensemble… Elle n’aurait qu’à le mettre au courant pour qu’il joue le jeu et fasse comme si c’était le cas… Ainsi, elle aurait son appartement à elle seule et n’aurait pas à se battre plus que de raison avec son père. Ouais, c’était un plan excellent.

En attendant de pouvoir mettre son « plan » à exécution, il fallait qu’elle survive à cette soirée. Le quart d’heure joyeux était passé, à présent, elle était revenue au stade ennui. Elle se remit donc à observer la pièce et les personnes présentes. C’est là qu’elle tomba sur un visage familier, trop familier. Celui d’Alec. Comme par hasard. Quoi qu’elle fasse, ou qu’elle aille, cette histoire la suivait toujours. Et ce n’était vraiment pas le moment ! Elle soupira et se mit immédiatement en mouvement : elle n’avait pas franchement envie de lui parler et il ne fallait pas qu’il la voie. Elle repéra un jeune homme plutôt charmant, assis seul sur un canapé. Elle décida de prendre place à côté de lui. « On ne se connait pas je m’appelle Nora mais est-ce que tu peux faire comme si on était venu ensemble et qu’on passait une bonne soirée tous les deux ? J’essaye d’éviter quelqu’un. » Parce qu’il était évident que son « fiancé » allait finir par la repérer comme elle l’avait repéré. Peut-être qu’il n’allait pas venir la voir s’il voyait qu’elle était déjà en bonne compagnie. Peut-être qu’il ne serait pas venu la voir non plus si elle avait été seule et qu’il s’en fichait complètement, mais valait mieux prévenir que guérir. Le garçon accepta l’offre et se rapprocha même d’elle, sans oublier le bras derrière le dos sur le dossier du sofa pour parfaire le tableau.

Alec était là. Bon sang ! Quelles étaient les chances pour qu’ils se rendent tous les deux à la même soirée ? N’y avait-il donc pas assez de soirées étudiantes à New York pour qu’ils se retrouvent au même endroit ? Nora avait là une nouvelle raison de maudire Lindsay, comme s’il n’y en avait déjà pas assez. C’était elle qui l’avait trainée ici… Peut-être qu’elle savait qu’Alec serait là. Peut-être qu’elle voulait juste jouer avec elle, d’où son départ précipité avec un mec pour éviter de s’attirer les foudres de l’anglaise tout de suite… Oui, bon, l’américaine n’était sans doute pas aussi sadique, elle savait que ce n’était pas le moment de jouer avec les sentiments de la brune et elle n’allait pas risquer de se retrouver la tête arrachée. Nora n’était pas violente de nature mais elle pouvait le devenir si elle se retrouvait poussée à bout… Et honnêtement, ces derniers temps on aurait dit que quelqu’un s’amusait à la pousser à bout. Vraiment. Elle n’avait pas de répit, chaque jour quelque chose venait l’enfoncer un peu plus. Alors voir son « fiancé » ici alors qu’elle n’avait rien voulu d’autre que se changer les idées était la goutte d’eau qui menaçait de faire déborder le vase. Heureusement pour elle, le jeune homme ne l’avait pas vu. Enfin il ne semblait pas l’avoir vu, elle ne l’avait pas encore attrapé en train de la regarder. Le fait qu’il serait tout aussi content de la voir qu’elle était de le voir la rassurait. Un peu.

La jeune femme s’était trouvé un « bouclier ». Plutôt une victime en fait, elle ne lui avait pas vraiment laissé le choix. Si elle s’était sentie coupable de se l’accaparer au départ – qui sait, peut-être que sa petite copine allait débarquer d’un instant à l’autre et taper un scandale voire lui coller une jolie baffe, elle priait d’ailleurs pour que ce ne soit pas le cas, elle avait assez donné avec ce genre d’histoires – ce n’était plus tellement le cas à présent puisque le jeune homme n’agissait pas comme une victime. Au contraire, il semblait réellement ravi de la situation. Au moins ils n’auraient pas de mal à jouer la comédie si Alec les surprenait. L’homme passa même un bras derrière ses épaules, puis se rapprocha significativement d’elle. Il se prenait très bien au jeu… Un peu trop bien peut-être ? Elle s’efforçait de sourire pour jouer le jeu mais elle allait très vite se sentir mal à l’aise s’il se montrait de plus en plus entreprenant. C’était bien parti pour en tout cas. La jeune femme pesta encore intérieurement contre Lindsay tandis que son « rendez-vous » l’assommait de paroles. Elle se contentait d’hocher la tête de temps en temps. Finalement, elle aurait été mieux toute seule dans son coin ou pire, chez elle seule avec son père. Elle avait dû sacrément énerver les dieux du Karma pour qu’ils soient comme ça avec elle. « Tu m’excuses un instant ? » La jeune femme vida son verre et se leva dans le but d’aller s’en chercher un nouveau. Et s’éloigner de lui ne lui ferait pas trop de mal, elle commençait à avoir mal à la tête. Une fois en possession de sa boisson, elle se dégota un coin un peu à l’écart où elle pourrait pester tranquillement en attendant le retour de sa meilleure amie. Enfin c’était sans compter le mec de tout à l’heure – elle n’avait pas retenu son nom d’ailleurs – qui l’avait apparemment suivie. « Pourquoi tu restes toute seule ici ? Reviens faire la fête. » Nora sourit poliment tandis qu’il s’approchait d’elle. Elle secoua la tête. « J’ai un peu mal à la tête mais retourne t’asseoir, je te rejoins dans pas longtemps. » Il haussa alors les épaules et pris un air résigné. « Comme tu veux… Je peux aussi rester avec toi. On est aussi bien ici non ? J’ai senti qu’il se passait un truc là-bas, entre nous, tu vois. »L’anglaise pouffa. Un truc entre eux ? Et puis quoi encore ? « Je préfèrerais rester seule, si tu n’y vois pas d’inconvénients. » Il devenait un peu trop insistant là. Puis il n’avait plus l’air aussi amical qu’avant… Plus inquiétant peut-être ? « Je ne peux pas faire ça. J’en n’en ai pas envie. » Il se pencha vers elle tandis qu’elle essayait de se reculer – ce qui était impossible à cause du mur contre lequel elle se trouvait. Génial. Il déposa un baiser sur sa joue et alla de ce fait beaucoup trop loin. « Tu vois je n’ai rien contre les filles qui veulent se servir de moi. Mais il faut que je puisse me servir d’elles aussi en retour. » Non, là, c’était trop. Beaucoup trop pour elle. Elle tenta de le pousser une première mais comme il résistait elle décida de lui balancer son verre à la figure. Ceci eut pour effet de le faire reculer un peu. « Dégage ! » Il s’essuya la joue puis s’approcha une nouvelle fois d’elle. « Je crois pas non. »

Cet imbécile venait de la bloquer contre le mur. Il n’avait pas apprécié qu’elle l’arrose comme elle venait de le faire. Il avait presque un air menaçant en plus. Bon elle ne se voyait pas non plus finir dans différents sacs poubelles mais quand même… Elle avait vraiment manqué de jugement pour une fois, ça ne lui était jamais arrivé jusqu’ici. Enfin, si juste une fois il n’y a pas si longtemps que ça. Mais là encore, elle n’avait pas su interpréter les signes. A croire qu’elle avait un besoin inconscient de se mettre dans des situations plus ou moins dangereuses. Ca s’était bien terminé avec Koschei alors pourquoi pas avec lui ? Le blond était quand même bien plus inquiétant que lui qui paraissait presque pour un petit chiot inoffensif à côté. Ce qui la laissait quand même elle au statut de… fourmi. Une pauvre petite chose qu’on pouvait écraser facilement. Elle n’était pas vraiment habilitée à se défendre, elle n’avait pas énormément de force et tout ce qu’elle tenterait ne ferait que l’énerver encore plus. Occupée à réfléchir à ce qu’elle pourrait bien faire pour se sortir de ce mauvais pas, Nora n’avait pas remarqué que quelqu’un les avait rejoints. Et ce quelqu’un c’était Alec, précisément celui qu’elle voulait éviter à tout prix. Elle l’avait reconnu à sa voix. « Au cas-où tu serais trop con pour le comprendre je vais te répéter ce que la dame vient de te dire : elle t’a dit de DE-GA-GER ! » La jeune femme écarquilla les yeux, surprise du ton qu’il venait de prendre. Elle ne le connaissait pas aussi menaçant. Cela eut le mérite de faire reculer celui qui la coinçait. Il s’avançait vers Alec et la jeune femme put ressentir toute l’agressivité qui émanait de lui. Et d’eux deux en fait. Elle en profita néanmoins pour soupirer, soulagée que quelqu’un soit venu à rescousse, même s’il s’agissait de son « fiancé ». « Et toi t’es qui connard ? Son copain peut-être ? Je dégage si je veux ! » Et il s’approcha du blond encore plus. Nora se demanda l’espace d’un instant s’il allait le frapper. Est-ce qu’ils allaient en venir aux mains ? Est-ce qu’Alec allait se montrer plus stupide que lui et le frapper ? Elle espérait qu’il valait mieux que ça en fait… Enfin, non elle le savait. Mais quand même… Surtout que tout ça était de sa faute à la base, elle ne pensait pas que tout ça aurait dégénéré à ce point. Elle allait prendre beaucoup de plaisir à blâmer Lindsay pour tout ça. « Je suis pas son copain je suis son fiancé connard alors je le répète une dernière fois : CASSE-TOI ! Avant que je te démolisse ! » Nora voulut intervenir mais elle était en même temps bien trop soulagée de ne plus être le centre de l’attention du pauvre type. Alec était quand même plus en mesure d’utiliser ses poings qu’elle. Cela dit, cela la dérangeait quelque peu qu’il prétende être son fiancé que seule leur supposée relation était appelée comme ça. Ils ne parlaient jamais de l’un ou de l’autre comme de son ou sa fiancée. La jeune femme était donc en train d’assister au spectacle qui s’offrait à elle, silencieuse et un peu… choquée ? Remontée ? Elle n’avait pas vraiment le temps d’analyser ce qu’elle ressentait tant tout allait vite. Mais c’était étrange. Les tons haussèrent, les deux hommes firent étalage de leur masculinité, de leur force. Alec finit même par pousser l’élément dérangeant avec une telle violence qu’il aurait pu lui faire réellement mal. Ce n’était heureusement pas le cas puisqu’il prit la fuite sans demander son reste. Ce n’est qu’après que Carter se tourna vers elle, l’air inquiet. « Tu n’as rien ? » L’intéressée s’approcha, les bras croisés. Elle était perdue : elle aurait dû lui être reconnaissante de ce qu’il venait de faire et pourtant… non. C’était plus compliqué que ça. Peut-être un peu trop compliqué pour elle. « C’était quoi ça ? Je peux savoir pourquoi tu m’as suivie ? » Elle lui paraissait peut-être ingrate mais il n’avait pas non plus besoin d’en faire des tonnes, si ? « Tu te sens mieux maintenant que tu as joué au héros, c’est bon ? » C’était la frustration qui parlait. Les nerfs qui lâchaient aussi, sans doute. La soirée avait été longue et plutôt éprouvante sur la fin… Nora ne se reconnaissait pas en tout cas. Alec, ou en tout cas tout ce qui touchait à Alec et leurs fiançailles avaient le don de la mettre hors d’elle. « Ca va, c’est bon, il avait l’air plus menaçant qu’il ne l’était réellement. Tu peux partir maintenant, retourner à tes occupations. » Elle comptait bien rentrer elle, en tout cas.

Nora avait quand même eu beaucoup de chance. Si elle avait été encore moins prudente, il aurait pu lui arriver bien pire que de se faire coincer contre un mur dans une pièce reculée par rapport au lieu de la fête. Puis, s’il n’y avait pas eu Alec qu’elle avait cherché à éviter toute la soirée et qui l’avait donc quelque part poussée à « fuir » le mec l’aurait surement faire boire encore plus et aurait donc eu l’occasion de faire ce qu’il voulait d’elle. Qu’elle le veuille ou non, Alec semblait être le point central de son univers. A cause de cette histoire de mariage arrangé. C’était encore et toujours la même histoire, encore et toujours le même problème. Elle ne cessait de le croiser partout où elle allait, son père lui en parlait sans arrêt et il lui revenait toujours à l’esprit. Elle ne pouvait jamais être tranquille en somme. Cela s’annonçait même encore pire puisque son cher papa avait eu une idée « en or » selon lui, idée qui avait bien évidemment été approuvée par papa Carter : ils voulaient que les deux jeunes fiancés emménagent ensemble. Bien sûr, il n’en était pas question. Nora résisterait jusqu’à ce qu’ils lâchent l’affaire. Elle pouvait bien ne pas s’opposer aux fiançailles tout en sachant très bien qu’elle ne ferait rien qui puisse faire penser qu’Alec et elle formaient un couple réel et amoureux. Cela n’arriverait jamais et son père, ainsi que celui d’Alec, devrait s’y faire même si c’était mal engagé puisqu’il ne ratait pas une seule occasion pour remettre la question sur le tapis.

La jeune femme n’haïssait pas Alec pour autant. Ils étaient quand même amis à la base. Toute cette histoire avait un peu refroidi leur relation, notamment parce que Nora n’arrivait pas à s’opposer concrètement à son père, chose qu’elle pouvait également lui reprocher, mais ils arrivaient quand même à se soutenir. Ils étaient dans la même galère ensemble après tout et seuls eux pouvaient comprendre ce que l’autre traversait. Néanmoins, l’anglaise avait du mal à le voir tout le temps. C’était comme si leurs parents avaient passé un pacte avec Dieu – ou Satan, à ce stade tout était possible – pour qu’ils se retrouvent toujours au même endroit. Et c’était franchement pesant. Surtout en public… Les gens n’étaient pas sans savoir qu’ils étaient fiancés. Leur union programmée était connue et elle était lassée des questions qu’on lui posait pour savoir pourquoi elle n’était pas avec son fiancé ou pourquoi il avait été vu en compagnie d’une autre jeune femme, comment elle faisait pour faire face à des potentielles tromperies. Elle avait de plus en plus de mal à tout ignorer et comme elle en avait marre, cela se répercutait sur ses agissements : il lui arrivait d’être désagréable avec ses proches et surtout avec Alec quand elle le voyait.

C’est surement pour cette raison qu’elle avait aussi mal réagi lorsqu’il était venu la débarrasser du gros lourd qu’elle était pourtant allée trouver. Il aurait très bien pu ne rien faire et la laisser se débrouiller seule, ce qu’elle faisait ne la regardait pas après tout. Et pourtant, il était venu et lui avait sauvé la mise. La seule manière qu’elle avait trouvée pour le remercier avait donc été de ne pas lui être reconnaissante du tout. Elle avait même réagi plutôt violemment compte tenu de la générosité du jeune homme. « Quoi ? » Sa surprise était tout à fait compréhensible et légitime. Nora ne se reconnaissait même pas, elle avait agi sous le coup d’une pulsion et des nerfs qui retombaient surtout. Ce qui venait de se passer ce soir était la cerise sur l’énorme gâteau que représentait tous ses problèmes avec Alec depuis un an et il lui avait semblé normal qu’elle passe sa frustration sur lui. Il était la source quelque part et surtout le seul qu’elle avait sous la main pour le faire. Elle n’était pas méchante au fond, elle n’aimait pas être méchante. Mais voilà, elle venait quand même de l’envoyer balader et de le congédier, sans un merci. Ca non plus ça ne lui ressemblait pas du tout. « Wow okay ... Eh bah tu sais quoi, comme t'as l'air de préférer sa compagnie à la mienne je vais retourner le chercher pour lui dire qu'en fait, je lui donne le feu vert et qu'il peut te faire ce qu'il veut puisque tu gérais tellement bien la situation ! » Nora le fixa sans rien dire, les bras croisés. Elle bouillonnait intérieurement mais se retint de lui dire qu’il pouvait bien aller le chercher, qu’elle n’en avait absolument rien à faire et qu’elle saurait se débrouiller. Au fond, elle savait que ce n’était pas vrai et qu’elle n’avait pas envie de se retrouver une nouvelle fois face à lui. Elle réussit à sortir de sa léthargie au bout de quelques secondes pour le retenir en posant un bras sur le sien alors qu’il était en train de retourner vers la pièce principale. « Excuse-moi, je n’aurais pas dû te parler comme ça. Et j’aurais dû te remercier surtout. Alors… » Elle marqua une pause, sondant un court instant son regard. « Merci. Pour m’en avoir débarrassé et tout. » Bon, elle n’était pas encore très agréable mais c’était toujours ça. Elle était un peu plus encline à faire des efforts que quelques secondes plus tôt et à froid, elle commençait à réaliser qu’elle avait été horrible. « J’ai eu peur, d’accord ? Et te voir ici alors que j’avais envie de passer une soirée tranquille n’a pas arrangé les choses. Puis Lindsay qui m’a lâchement abandonné pour un mec qu’elle ne connaissait que depuis dix minutes… Enfin tu vois quoi, ça a été la goutte de trop. » Elle soupira puis haussa les épaules, baissant en quelque sorte les bras. Tout ça ne pouvait pas vraiment excuser son comportement et elle le savait. Ce qu’il lui dit ensuite tout en lui tournant le dos une nouvelle fois acheva de la faire culpabiliser. « Et crois-le ou non, t'es pas le centre du monde, Norwood et j'ai pas voulu jouer au héros, je voulais juste t'aider parce que contrairement à ce que tu crois, je ne suis pas totalement un connard. Donc désolé d'avoir voulu t'aider. » Elle n’attendit pas une secondes avant de se lancer à sa suite. « Alec, attends ! » Elle espérait vraiment qu’il allait s’arrêter parce qu’elle n’avait pas franchement envie de s’expliquer en public. Enfin en tout cas, elle n’était pas plus fière que tout à l’heure alors qu’elle se débattait pour repousser le gars. « Je n’ai jamais pensé que tu étais un connard. Tu es même tout le contraire, je sais par quoi tu passes et je n’ai aucun droit d’être si dure avec toi, mais comprends juste que j’en ai marre de tout ça. Il fallait que ma frustration sorte, c’est tombé sur toi et j’en suis désolée. » Elle ne pouvait pas lui dire grand-chose de plus et espérait juste qu’il veuille bien l’écouter et ne pas lui tenir rigueur de tout ça.

Une fois de plus, le but de la soirée ayant été de me changer les idées n'a pas vraiment fonctionné, une fois de plus. Le mec s'est tiré sans rien demander de plus alors que mes poings sont toujours aussi crispés, comme s'ils étaient encore prêts à l'action. Un an que cette situation dure, que je suis supposée être fiancée à Nora. Je me souviens encore du jour où mon paternel me l'a annoncé, c'était quelques jours après la mort de Julian, comme si mon père avait voulu à l'époque ... marquer des points après en avoir perdu avec la mort de son fils prodige. Je me demande qu'elle aurait été la réaction de mon frère s'il avait vu tout ça. Lui aurait su dire non contrairement à moi. Ça doit être ça notre problème principal avec Nora, ne pas réussir à dire non. J'ai beau dire ou plutôt croire que je m'oppose à mon père qu'elle ne le fait avec le sien ... Le résultat reste le même. Un an que nos fiançailles ont été annoncées et rien n'a changé depuis. Au départ, ça a nettement refroidi nos relations avec Nora. La voir me rappelait sans cesse que j'étais coincé ... Pourquoi je parle au passé ? C'est toujours le cas et ce, même si ça va mieux qu'au début. J'ai l'impression qu'à force, elle a fini par comprendre que tout ça c'est juste impossible. Je n'ai rien contre Nora sauf que ça rend notre relation actuelle tendue. Je n'ai pas de sentiments pour elle, je ... ne peux pas juste terminer ma vie à ses côtés de cette façon, non. Pourtant, je n'ai rien contre elle, à part que la voir me rappelle sans cesse tout ça, Nora reste quelqu'un de bien ... Enfin jusqu'à maintenant. Ça m'agace que les gens nous voient comme fiancés et qu'ils se permettent de me faire des remarques à chaque fois que je sors seul. De quoi je me mêle ? Comme si c'était pas assez compliqué comme ça. Bref, peu importe. J'ai pensé à nos récentes retrouvailles avec Azylis pour penser à autre chose.

Je ne suis pas intervenu pour jouer les héros. Enfin je savais qu'elle ne me sauterait pas dans les bras mais de là à ... Et forcément vu que j'ai tendance à partir au quart de tour dans ce genre de moment, j'ai vite senti la colère monter. J'aurais pu me dire qu'elle a eu peur, que ses nerfs sont en train de lâcher et que c'est donc normal qu'elles perdent un peu les pédales. Mais non, je n'ai pas eu envie de réagir calmement à tout ça. Réagir calmement et raisonnablement n'a jamais été mon truc. Donc en gros, vu que le fait que j'intervienne a l'air de la faire chier à ce point, je l'ai en gros, envoyée se faire foutre en lui disant que si elle veut, je peux aller rechercher l'autre connard et lui dire qu'en fait, y a pas de soucis. Qu'elle se démerde ! J'en ai marre de tout ça. J'entreprends de faire demi-tour pour rejoindre les autres là où la fête se déroule mais à ma surprise, Nora me retient. Je fais volte-face brusquement, ne sachant pas à quoi m'attendre. « Excuse-moi, je n’aurais pas dû te parler comme ça. Et j’aurais dû te remercier surtout. Alors… » finit-elle par dire. Attendant la suite tandis que je soutiens son regard, tous mes muscles restent crispés et ma bouche fermée. « Merci. Pour m’en avoir débarrassé et tout. » Des excuses et des remerciements. Ma colère retombe aussitôt, même si je ne fais que hocher la tête pour lui dire que c'est bon, y a pas de mal. J'allais pas laisser ce type lui faire quelque chose malgré notre relation actuellement. Donc c'est bon Alec, on se calme. C'est juste qu'entre l'autre là et la réaction de Nora ... ça me donne envie de me défouler sur quelque chose. « J’ai eu peur, d’accord ? Et te voir ici alors que j’avais envie de passer une soirée tranquille n’a pas arrangé les choses. Puis Lindsay qui m’a lâchement abandonné pour un mec qu’elle ne connaissait que depuis dix minutes… Enfin tu vois quoi, ça a été la goutte de trop. » continue-t-elle en soupirant. Sentant mes muscles se relâcher, je soupire à mon tour. Quand je pense que Nora et moi étions ce qu'on pourrait appeler des amis avant et maintenant ... maintenant je sais même plus ce qu'on est. Néanmoins, j'ai un sourire en coin quand elle évoque le but de sa soirée et sa copine Lindsay que j'ai pu croiser deux ou trois fois. « Je comprends ... J'étais venu dans le même but alors te voir ici a été un peu ... bizarre. » ai-je dit en haussant les épaules à mon tour.

La musique change du côté du salon, là où se trouve la fête. Je reconnais tout de suite les premières notes de Blurred Lines ( ) que ma soeur n'a pas arrêté d'écouter en boucle la dernière fois qu'elle est venue chez moi. Nora et moi sommes dans un endroit reculé, mais pas assez pour être vraiment tranquille. Deux filles, hilares, passent à côté de nous sans se poser de questions. Je reporte mon attention sur Nora en me disant que c'est vraiment étrange de la croiser ici et en même temps pas du tout. Après tout on vient du même monde. « Alec, attends ! » fait-elle quand je manque de partir à nouveau. Je m'arrête encore une fois. La frustration par rapport à ce qu'il vient de se passer ... finalement j'aurais dû cogner l'autre connard, ça m'aurait fait me sentir mieux. « Je n’ai jamais pensé que tu étais un connard. Tu es même tout le contraire, je sais par quoi tu passes et je n’ai aucun droit d’être si dure avec toi, mais comprends juste que j’en ai marre de tout ça. Il fallait que ma frustration sorte, c’est tombé sur toi et j’en suis désolée. » finit-elle par dire. La tension se relâche et j'abandonne l'idée de lui tourner le dos pour partir. Je soupire à nouveau. C'est vraiment foireux tout ça. On est tellement frustrés par ce qu'il se passe qu'on en vient à se gueuler dessus alors qu'on est tous les deux dans le même bateau. « Je crois qu'on est tous les deux frustrés par tout ça ... J'aurais pas dû m'énerver comme ça. Je crois qu'on a mal commencé la soirée tous les deux. » D'ailleurs, j'ai perdu toute envie de m'amuser tout d'un coup, j'ai plutôt envie de me tirer. « Tu veux pas qu'on aille prendre l'air sur le balcon ? J'ai besoin d'une clope je pense. » Sous-entendus, je crois qu'on sera plus tranquilles là-bas pour parler un peu. Et puis le fait que j'aie aussi vraiment besoin d'un clope.