« Ah, t’as du bol Léo, au moins t’es pas obligé d’aller te faire chier à demander pardon à ta frangine ! » s’exclama Sullivan avec une boîte entre les mains où était inscrit le prénom de sa sœur et contenant un chaton qu’il venait d’acheter dans une animalerie. Il ne fallait pas croire que le bourru néo-zélandais ne gagatifiait jamais : la preuve, il faisait un monologue à son pauvre chien depuis qu’ils étaient rentrés de promenade et il était probable que si l’animal avait pu parler, il se serait empressé de lui dire de se la fermer pour le laisser pioncer. En tous les cas, c’est après ledit monologue que Sullivan prit son courage à deux mains et s’en alla jusqu’à l’appartement de sa sœur, où il s’attendait à se prendre casseroles, coussins et tout ce qui allait passer sous la main d’Az dans la tronche. Après tout, malgré le petit interlude à l’hôpital, ils ne s’étaient pas causé depuis des lustres et le jeune homme en était pleinement responsable. C’était sûrement ça le pire. « Ouais ça va c’est moi et avant que tu gueules, cadeau de pardon » lâcha Sullivan sans douceur tout en lui remettant doucement la boîte entre les mains. Libre à elle de l’ouvrir mais il s’apprêtait tout de même à la rattraper au cas où elle voudrait lui envoyer dans la tête : pauvre chaton sinon ! « La forme ? » Okay, c’était une approche bidon mais c’est tout ce qu’il avait en magasin pour l’instant, à plus forte raison alors qu’elle ne l’avait pas encore laissé rentrer.

« J’ai une tronche à t’amener une bombe sérieusement ? » lâcha-t-il sans douceur, la poussant à sa manière à ouvrir cette foutue boîte et ainsi à lui éviter d’être plus ridicule qu’il n’avait déjà l’impression de l’être. Il ne fallait pas croire, Sullivan restait particulièrement attachés aux apparences et demeurer sur ce foutu pallier sans pouvoir espérer entrer… très peu pour lui, surtout en sachant ce que contenait sa boîte justement. « A me faire pardonner ? Je ne vois pas de quoi tu parles ! » mentit-il tout en pénétrant à l’intérieur de l’appartement de sa cadette sitôt qu’elle lui eut permis d’entrer. « Franchement, je ne vois pas en quel honneur je pourrais faire peur à ta foutue voisine alors que je t’apporte un chaton… y’a pas marqué « tortionnaire » ou « serial killer » sur mon frère normalement ! Normalement je dis bien… ravi qu’il te plaise, en tout cas. Je me suis dit qu’il te ferait un brin de compagnie. » En vérité il se sentait coupable de beaucoup de choses et pour espérer rendre leur conversation bercée par de meilleures augures, il s’était dit qu’un cadeau ne serait pas trop. Hors de question de faire dans le présent bateau en lui offrant de la lingerie par exemple, il voulait quelque chose qui reste et qui lui fasse vraiment plaisir… surtout de la part de son frère. « T’es pas mal installée en fait ! » nota-t-il, ne sachant que dire ou que faire pour éviter de laisser sentir son malaise pourtant très virulent à ce moment précis.

Aouch. Mauvaise façon de démarrer car si Sullivan était parfaitement au courant du fait qu’il ait caché de nombreuses choses à sa sœur, Az n’était pas en reste niveau cachotteries. « Tu veux jouer à ce jeu là, vraiment Az ? Tu veux que je te fasse un récap de tout ce que tu m’as également caché et de la raison pour laquelle j’ai tenu silence radio ? Tu t’es barrée je te ferais remarquer… je ne t’ai pas chassée même si je me suis conduit comme un connard ce soir là, je le reconnais volontiers. J’ai été opéré en solo et toi t’as voulu te sevrer en solo, alors j’ai tendance à dire match nul balle au centre chez les Novak. » Le néo-zélandais éprouva un petit soupir tandis qu’il n’avait pas parlé avec méchanceté ou virulence, mais avait simplement fait en sorte qu’elle comprenne qu’elle n’était pas la seule à en avoir chié pendant ces quelques derniers mois, bien au contraire. Il n’irait pas jusqu’à s’en plaindre puisque ce serait mal venu de sa part, mais il valait mieux ne pas le titiller sur le sujet et chercher à aller de l’avant pour une fois. « Mon paternel est venu te voir ? Oh bigre… tu l’as envoyé chier j’espère ? Tous des vendus à la solde de la maternelle Novak, y’en a pas un pour relever l’autre ! Mais ta voisine, c’est juste parce qu’elle est jalouse, ça doit être inoccupé depuis un moment dans sa petite caverne personnelle si tu me suis ! » s’exclama-t-il avant d’éclater de rire face à sa propre connerie. « Je veux bien boire ce que ton bon cœur m’offrira. »

« C’était déjà noté que tu ne l’avais pas encore dit, bibiche ! » Ah que cela lui plaisait de l’emmerder à nouveau et surtout de lui sortir LE surnom que sa frangine détestait le plus sur cette bonne planète. Mais ledit surnom venait de lui alors forcément, cela ne pouvait qu’être foncièrement différent. « Hein qu’il est sexy ton frangin sur ses deux guibolles, surtout qu’en prime il a été choisi par notre cher Président pour faire partie de son état major ! » trinqua-t-il volontiers avant de ne poser son verre et de serrer sa frangine dans ses bras, juste quelques instants. Sullivan n’était pas homme à dire à voix haute combien Az lui avait manqué mais il ne lui prouvait implicitement, ce qui était toujours ça. Il ne fallait pas qu’elle s’attende à beaucoup plus, mais elle était tellement habituée à avoir moins qu’elle s’en contenterait certainement. « Je ne fais pas dans le détournement de mineur puisqu’elle a la majorité sexuelle, bécasse ! Et puis elle a plus de couilles que bien d’autres nénettes que je me suis tapé, tu peux me croire. C’est ce qui t’explique que je me sois laissé passer la corde au cou… et donc, beau-frère ? Donne moi son nom et son adresse que j’aille lui rendre une visite, comme tu ne t’es pas privé de le faire avec Sera ! J’aime que l’on soit sur un même pied d’égalité, ma biche ! »

« Mais si le surnom t’a manqué, c’est juste inconscient voilà tout ! » lança Sullivan, complètement hilare et non sans boire plusieurs gorgées d’à filée du verre que sa sœur lui avait précédemment servi. « A ma plus grande surprise, Lou l’adore. Direct elle lui a demandé si elle était sa nouvelle maman ! Je t’avoue que ça m’a fait bizarre au début, parce que je n’imaginais pas quelqu’un d’autre que Jane dans le rôle de la mère de Lou… mais Sera se démerde bien, je suis le premier à le reconnaître. Tu ne l’as pas encore vue avec Lou, enfin pas plus de cinq minutes mais je pense qu’elle peut encore t’étonner. Rien que le fait qu’elle ne t’ait pas fait mauvaise impression, c’est un signe non ? T’es tellement un bouledogue que j’ai limite envie d’applaudir, rends-toi compte ! » Jusqu’ici, Sullivan n’avait jamais demandé à sa sœur si elle voulait fonder une famille de son côté et pour l’instant, il s’en défendait. Pas envie qu’elle ne lui massacre la virilité non plus, ça pouvait servir ! « En plus tu sors avec ton boss ? Tu pouvais toujours me jeter la pierre avec l’âge de Sera ! Mais cela dit je te félicite sœurette, étudiante en art… et ça te botte ? Et après les cours du soir, c’est quoi la prochaine étape ? Tu vas passer les examens d’entrée j’imagine ? Comme quoi, les Novak sont définitivement imbattables, CQFD… »

« Ouais mais un joli petit cul, tu n’y dis pas non, c’est criminel ! Suis sûr que c’est écrit dans la Bible ! » s’exclama volontairement Sullivan tout en se souvenant des quelques tournées de bars particulièrement accompagnées qu’il avait bien pu faire en compagnie de son poto unique et préféré : j’ai nommé Dillon bien sûr ! Az n’avait jamais compris leur façon de fonctionner à ces deux là mais il n’y avait rien à comprendre à vrai dire. Ils agissaient en ne tenant justement en compte que les informations provenant de leurs seconds cerveaux respectifs. « T’adorais veiller sur mon cul à moi de toute façon, tout comme j’aimais veiller sur le tien parce que faut pas croire, j’ai dézingué quelques tronches moi-même mais oui, je vais l’épouser. Que veux-tu, je suis un Novak donc surprenant à la base, CQFD ! Elle est effectivement en cloque mais tu sais bien que je ne suis pas du genre à m’engager que pour ça. Y’a autre chose. » Bon là, si sa sœur ne le frappait pas pour ne pas l’avoir tenue au courant de ça non plus, il aurait gagné sa journée. Mais juste pour la beauté de la chose, il s’arma d’une poêle juste histoire de se protéger, parce qu’on sait jamais, et qu’il connaissait trop bien sa sœur pour savoir qu’elle finirait par répliquer d’une façon ou d’une autre. « Tu veux que je te file un coup de main pour tes cours ? » reprit-il avant même que de lui donner des infos sur sa propre vie. Cela lui paraissait plus important, à vrai dire. « Me fais pas cet air de cocker triste, je te donnerai toutes les réponses que tu veux après ! »

« Rhaaa mais quelle violence, t’es pire que moi ! » râla subitement Sullivan parce que ce n’est pas comme si Seraphina était enceinte de quinze mois non plus… surtout que ce n’était pas possible en prime. Il soupira une nouvelle fois avant que sa petite sœur ne s’adoucisse un brin, comme à chaque fois qu’elle râlait après lui : cela faisait l’effet d’un soufflé qui retombait aussitôt car malgré tout ce qu’elle pouvait bien en dire, Az avait un cœur de guimauve, le néo-zélandais l’avait toujours dit et ce qu’il voyait aujourd’hui ne faisait que le conforter dans cette idée. « Et tu pouvais pas le dire en premier au lieu de m’insulter ? J’te jure cette frangine, vaut mieux t’avoir en photo, t’es moins violente ! Pas que je sache en tout cas pour les soucis de santé mais sincèrement je ne pense pas, elle est gymnaste quasi pro. Mais si je dois être complètement honnête à cent pour cent… j’ai hâte qu’elle accouche et absolument pas hâte en même temps » se confia-t-il d’un air légèrement plus fermé que précédemment. L’épisode Jane l’avait marqué nettement plus qu’il ne le disait et il n’avait aucune envie que Sera reproduise le même schéma, il ne le supporterait pas. « Je pense que si tu veux copiner avec Sera, c’est un bon début non ? Je suis sûr qu’elle t’aidera et puis si t’es a marre de la voir je pourrais toujours reprendre le relai, ça te va ? Maintenant pose tes questions qu’on en finisse avec l’interrogatoire !! »

Sullivan ne manqua pas de hausser les épaules aussitôt, comme s’il ne paniquait pas du tout en fait et que le soldat en lui parlait non stop, sans qu’il n’y ait aucune trace de peur dans son regard. « Bah, bien sûr, elle est en pleine santé ! » reprit-elle d’un air fier pour éviter de s’étendre sur ce sujet sinon effectivement, il risquait d’avoir du mal et probablement de craquer d’un même temps. D’autant que sa sœur ne manqua pas de titiller sa curiosité en lui parlant de quelque chose qu’elle souhaitait lui apporter prochainement avant de n’avoir absolument toute son attention tandis qu’elle s’exprimait à propos d’un dossier censé faire pencher la balance en sa faveur au prochain round du procès qu’il intentait contre sa mère pour récupérer la garde de sa fille Lou. Il feuilleta rapidement ledit dossier avec un air particulièrement sérieux, sans dire un mot dans un premier temps. Effectivement, avec ce qu’il voyait, à moins que le juge soit complètement vendu, c’était impossible que sa fille ne retourne pas avec lui en deux coups de cuillère à pot. « Oh ce n’est pas mon genre de te questionner pour avoir ta source, tu te rends compte que j’attends qu’une faille comme ça me pète au nez depuis des mois pour enfin lui faire mordre la poussière ? » Sullivan éclata littéralement de rire avant de soulever Az pour la faire longuement tournoyer dans les airs, surtout qu’elle ne pouvait pas le rendre plus heureux qu’en cet instant. D’ordinaire elle n’aimait pas qu’on la touche mais quelque chose disait au néo-zélandais que sa sœur ferait une petite exception juste pour lui, juste aujourd’hui.

« Toi aussi tu m’as manqué crétine finie ! » maugréa-t-il tout en conservant Az dans ses bras, profitant d’une étreinte qu’ils avaient autant méritée l’un que l’autre bien que sa frangine soit définitivement en tête du classement, surtout avec ce dossier qu’elle venait de lui remettre dans les mains. Avec ça, impossible que ne de pas récupérer Lou, à moins de tomber sur un vendu, un aveugle, ou un mélange des deux. « Sauf que maintenant c’est en bonne voie pour que je récupère la puce alors tu vas aussi penser à toi, arrêter de me moucher le nez alors que c’est moi l’aîné et accepter que ce soit un peu ton salopard de frérot qui prenne la relève. Je sais, ça vend pas forcément du rêve en boîte mais tu peux te dire que tu auras toujours une épaule sur laquelle te reposer, même quand tu as juste envie d’un simple câlin. Tu sais à quel point je suis friand de ce genre de connerie même si je le crie pas à voix haute ! Alors tu vas respirer un bon coup, on va fêter ma future victoire sur notre méphistophélique mère et trinquer à ta future victoire sur tes études… ce n’est pas négociable ! » Autant dire qu’à la surprise générale, le reste de la soirée se passa de façon légère, presque placée sous le signe de la confession tant les deux enfants Novak se confiaient mutuellement sur leurs vies respectives. Et dieu sait qu’il y avait du boulot à ce niveau.

TOPIC FINITO **