Lohélya ne s’était pas réveillée avant 14h, ce jour-là. C’était un vendredi et elle avait décidé de ne pas aller en cours puisqu’elle n’en avait ni l’envie ni la force. Son réveil avait bien essayé de la tirer de sa torpeur à 7h du matin, mais sa gueule de bois due à la soirée de la veille à laquelle elle s’était rendue en eut raison. C’est ainsi qu’elle continua à dormir jusqu’en début d’après-midi, insensible à la lumière qui s’était infiltrée par les stores qu’elle avait oublié de baisser, ou au bruit de ses voisins de chambre qui répétaient constamment pour dieu sait quel concert en vue – heureusement que leur séjour à l’hôtel n’allait pas durer plus longtemps. En effet, elle ne s’était pas gênée pour leur demander quand est-ce qu’ils « comptaient déménager leur boucan ailleurs » - ce à quoi l’un d’entre eux avait joyeusement répondu qu’ils étaient en tournée et n’allaient pas rester là très longtemps (dieu merci). La belle s’était donc réveillée avec une sale migraine, et une tête de déterrée. Ses cheveux étaient partis dans tous les sens, elle était cernée jusqu’aux os et elle avait oublié de se démaquiller avant de s’écrouler sur son lit. Il lui fallut alors deux bonnes heures pour se remettre en état, pendant lesquelles elle s’éternisa sous la douche avant d’essorer ses cheveux à l’aide d’une serviette de bain – le sèche-cheveux, ce n’était pas vraiment son truc. Elle traîna ensuite dans sa chambre d’hôtel en peignoir, et comata devant l’écran plasma de sa télé jusqu’à presque se rendormir, zappant de chaîne en chaîne sans jamais rien trouver d’intéressant. Elle finit par décider de sortir, n’importe où, pourvu qu’elle arrête de s’ennuyer. Elle enfila alors des collants en dentelle, une petite robe grise qu’elle s’était débrouillée au dernier défilé de Lanvin et sa veste en cuir fétiche, avant de chausser les ankle boots qu’elle portait presque tout le temps et d’attraper son sac au vol. Elle ne prit pas la peine de se maquiller mais elle eut tout de même le temps d’arranger ses cheveux une dernière fois et de mettre ses Ray Ban sur le bout de son nez avant de claquer la porte derrière elle.

Il était à peine 19h lorsqu’elle quitta l’hôtel, après avoir vaguement souri au portier. Ca ne l’enchantait pas forcément : les boutiques allaient bientôt fermer, et de toutes manières, elle ne se sentait pas l’envie de faire les boutiques. Il y avait bien cette soirée à laquelle quelqu’un l’avait invitée – elle ne se rappelait que vaguement des traits dudit quelqu’un – mais elle se rappelait toutefois que cela ne commençait qu’à onze heures du soir. Or, le soleil n’avait même pas encore fini de se coucher. Elle décida alors de se rendre au Bull and Bear, un bar qu’elle avait pris l’habitude de fréquenter depuis qu’elle avait mis les pieds à New York. On ne lui avait encore jamais demandé sa carte d’identité, vu que la plupart de ses fréquentations étaient un brin plus âgées qu’elle, et qu’elle-même ne faisait pas réellement ses 19 ans – et dieu merci pour ça. La jeune fille héla donc un taxi, qui s’arrêta à deux centimètres d’elle et qui la déposa rapidement devant le bar en question, non sans avoir profité du trajet pour lui raconter sa vie de pauvre mexicain voulant gagner son pain afin de survivre et de faire survivre toute sa marmaille (elle s’était retenue de lui faire remarquer qu’il n’avait qu’à ne pas enfanter autant de monde s’il savait sa situation financière aussi misérable, mais elle n’avait pas envie d’avoir un chauffeur de taxi de plus sur la conscience, aussi régla-t-elle la course sans piper mot).

Le bar n’était ni vide, ni plein. Il était surtout occupé par des étudiants venant de sortir de cours, ou de jeunes hommes sophistiqués ayant enfin fini leur dure journée de travail – on les reconnaissait à leurs costumes Armani, et à leurs briefcases signés Louis Vuitton. La lumière était tamisée et plusieurs places au comptoir étaient libres. La jeune fille se dirigea donc vers l’une d’entre elles et commanda un Martini sec, sans olive, comme elle les appréciait. Le barman, qui la connaissait bien, lui sourit et lui apporta ça dans la minute. Lohélya se plongea alors dans ses réflexions, comme toujours lorsqu’elle se retrouvait à boire seule, et elle se retrouva rapidement face à des questions existentielles des plus dérangeantes. Elle s’empressa alors de les balayer de son esprit et but une gorgée de sa boisson ; puis elle croisa les jambes et sortit son portable, qui sonna au même moment.

(quiconque veut être la personne au bout du fil se ramène )