Ce mardi était une belle journée. Le soleil, le ciel bleu, pas un seul nuage à l’horizon… Tous les éléments étaient réunis pour mettre Bonnie d’excellente humeur. Ces derniers temps, elle était souvent de bonne humeur. La grossesse avait un effet renversant sur elle et elle se voyait changée du tout au tout. La magie des hormones… Elle aimait cette sensation plus qu’elle ne l’aurait pensé. Ce n’était pas si mal finalement d’être agréable avec les gens, de temps en temps. Bon en parallèle, il y avait bien sûr certains matins où elle n’avait envie de voir personne et de rester allonger dans son lit tant elle se sentait nauséeuse et énorme. Cela ne faisait que trois mois, elle n’en avait pas fini si tout se passait bien. Qui dit premier trimestre terminé, forcément première écographie. Si elle ne comptait pas garder l’enfant, la jeune femme tenait à ce qu’il soit en forme et en bonne santé lorsque sa famille adoptive le récupèrerait. De toute façon elle n’avait pas d’autre choix que de se faire suivre régulièrement par un médecin, c’était une condition sine qua non à toutes les grossesses. Pour cette écographie, elle avait choisi une de ses meilleures amies pour l’accompagner. Sweva. Bonnie ne se voyait pas faire ça toute seule. Pablo lui avait promis d’être là, pour tout ce dont elle aurait besoin et ce, pendant les neufs mois à venir, voire après. Mais il avait une course, voilà pourquoi ce n’était pas lui qui était venu. Evidemment, elle s’était empressée de lui envoyer un message pour lui faire un compte rendu sitôt sortie du cabinet médical. Elle avait également hâte de lui montrer la photo de ce qui serait dans quelques mois, un enfant. C’était assez étrange en y réfléchissant. Aucun des deux ne voulait être parent et ne comptait garder l’enfant, mais la jeune femme était quand même assez fière. C’était une sensation toute drôle que d’être enceinte, et ce n’était pas si horrible que ça en fin de compte.

Quand elles sortirent de l’hôpital, il était presque seize heures. L’heure du gouter ! C’était parfait. Bonnie était une cliente régulière d’un glacier qui officiait dans Central Park, non loin du zoo. C’est tout naturellement à la péruvienne de lui en offrir une, déjà pour la remercier de l’avoir accompagnée dans un tel moment, mais aussi parce qu’elle en avait vraiment envie. Chocolat, fraise, chantilly, voilà de quoi était garnie sa petite coupelle en plastique. Après que Sweva fut munie de son « gouter » elle aussi, la jeune femme l’entraina vers un banc, sur lequel elle prit place en soupirant. Etre enceinte, c’était aussi fatiguant. Au bout d’une dizaine de minutes, après avoir fini sa coupe, Bonnie qui jusqu’à présent ne faisait qu’observer les passants silencieusement en profitant du soleil, aperçut quelque chose s’approcher d’elle et de son amie. Elle plissa les yeux pour mieux voir : surprise, c’était un singe ! Ou en tout cas, c’était quelque chose qui ressemblait énormément à un singe. Amusée, elle se mit à l’appeler. « Petit, petit ! Approche. » Il s’exécuta. Ce qu’il était mignon ! Il devait être encore jeune. En tout cas, Bonnie était contente, ce n’était pas tous les jours qu’on croisait un chimpanzé se promenant en toute banalité dans les rues de New York. Il avait dû s’échapper du zoo. Ces bêtes étaient quand même pas mal rusées. « Allez, approche encore. » dit-elle encore, alors qu’il arrivait presque à sa hauteur, comme s’il pouvait la comprendre. Quand il fut à ses pieds, elle tendit les bras et se pencha en avant pour l’attraper. Mais lui, il s’empara de la photo de l’échographie de Bonnie, et s’enfuit à toute vitesse, aussi vite qu’il était apparu. « Sale bête ! Reviens-ici !» Elle se leva et se lança à la poursuite du voleur. Vraiment, cette journée était spéciale. Et la situation était ridicule. Mais quand même, elle tenait à cette photographie ; elle ne voulait pas que la première image de son bébé termine pitoyablement mâchouillée par un primate, abandonnée elle ne savait où dans une cage ou dans un ruisseau.