« Courir nu en plein milieu de Times Squares ? » s’exclama Derek, légèrement choqué par ce que lui demandait Phoenix, un ami qu’il avait rencontré à son club de sport et chez qui il passait la soirée avec un autre ami, Jan qui était ancien soldat (il avait tenu plus longtemps que lui sur le front) et qu’il avait rencontré à l’enterrement d’un camarade. Les trois se voyaient souvent et passaient des soirées chez l’un ou chez l’autre, avec des chips, des bières, des pizzas et du sport à la télé. Ils ne perdaient pas leur temps à parler, ils se contentaient de se passer les plats de nourritures et les cannettes. C’était sympa, calme, sans prises de tête. C’était parfait, en somme. Seulement, ce soir, ça n’avait pas semblé suffire à l’hôte de la soirée. Il avait sorti un jeu de cartes, éteint la télé et les avait forcé à jouer au poker. Derek avait perdu et il avait donc un défi à relever. Voilà comment il en était venu à se voir proposer d’aller courir nu dans les rues de New York. « T’as conscience que c’est l’endroit le plus fréquenté de New York, hein ? » Le blond éclata de rire puis hocha la tête. « Justement, c’est ce qui fait la beauté de la chose ! » Jan approuva en hochant la tête, certainement bien content de ne pas être à la place du brun. Derek leva les yeux au ciel. Où avait-il trouvé des amis pareils ? « Autre chose. Trouve-moi autre chose. » finit-il par demander d’un air autoritaire. Il aimait bien déconner mais ça c’était un peu trop. Il n’avait pas envie de voir ses parties intimes affichées sur les panneaux géants et encore moins sur internet. « Tu n’as vraiment aucun humour ! » répondit Phoenix en lui donnant une tape sur l’épaule. Le blond était un véritable adolescent alors qu’il était censé être mature et responsable. Visiblement, ces mots ne faisaient pas partie de son vocabulaire. « J’ai trouvé… » Il le regarda avec un si grand sourire qu’il eut peur de finir éventré. « On va aller en boite et tu vas nous récupérer le numéro de dix filles. Ça ne devrait pas être très difficile vu que tu ressembles à un dieu grec. »

Derek essayait de se frayer un chemin entre les personnes déjà présentes dans le bar. Ce n’était pas chose aisée étant donné qu’il y avait vraiment beaucoup de monde. C’était la première fois qu’il mettait les pieds ici et il se sentait mal à l’aise. Il n’aimait pas sortir comme ça, il n’aimait pas le monde, enfin ce qu’il n’aimait pas c’était surtout les fêtards toujours trop bruyants et sans gêne selon lui. Mais c’était un homme d’honneur, il avait un défi à relever et il allait le relever. Ça s’annonçait difficile quand même. Certes il pouvait compter sur son physique mais ce n’était pas vraiment son genre d’aller parler à une fille et de flirter avec elle ouvertement. Il ne savait pas faire. Quant à lui demander son numéro franco… Non. En plus, il devait le faire dix fois. Il joua des coudes et écrasa quelques pieds (il reçut quelques coups également) avant de pouvoir arriver au bar. Il chopa un tabouret qui venait de se libérer et s’y installa, attendant que Phoenix passent commande pour eux trois. Il fit la moue et soupira plusieurs fois en observant la piste de danse. Il y avait tellement de monde… A croire que tout le monde s’était donné rendez-vous spécialement ce jour-là parce qu’il venait et parce qu’il n’aimait pas ça. Jan remarqua sa mauvaise humeur et lui tapota l’épaule. « Fais pas cette tête, elles ne sont pas toutes si laides que ça ! » Derek haussa les épaules. « Tiens par exemple, la rousse là-bas, qui descend les escaliers, elle est pas mal du tout ! » Le brun regarda dans la direction que venait de pointer son ami et tomba sur Victoria. La rousse pas mal sur qui Jan venait de flasher était Victoria. Il resta interdit un petit instant. Jamais il n’aurait pensé la revoir un jour et encore moins ici, à New York. Son cœur se mit à battre la chamade, il paniquait. Est-ce qu’elle l’avait vu ? Il espérait que non. Il n’aurait pas la force de lui parler. La voix de Phoenix le ramena à la réalité. « Ça va vieux ? On dirait que t’as vu un fantôme. » demanda-t-il tout en le secouant. Il avait bel et bien vu un fantôme, un de son passé. Le blond lui tendit son verre de vodka. « C’est bon. » Derek prit sa boisson et se leva. « Je reviens, je dois aller prendre l’air. » annonça-t-il tout en essayant de se frayer à nouveau un chemin sur la piste. Il fallait qu’il sorte, il avait besoin d’air parce qu’il allait étouffer. Il but une longue rasade de sa boisson pour se redonner un peu de contenance et continua d’avancer. Il se fit bousculer de tous les côtés et finit par entre en collision avec quelqu’un d’autre. « Désolé je... » dit-il tout en se retournant. Victoria. C’était encore Victoria. S’il se demandait si elle l’avait vu, là, il avait sa réponse. Et s’il se demandait s’il allait pouvoir passer inaperçu c’était loupé. « Non. » souffla-t-il sans se laisser le temps de trop la regarder. Puis il commença à partir dans la direction opposée.

Derek étouffait. Il étouffait et il avait besoin de sortir de cette foutue boite de nuit immédiatement. Il avait tout de suite su que c’était une mauvaise idée, il n’avait pas eu envie de venir ici. Voilà pourquoi il détestait ce genre d’endroits : il pouvait y rencontrer complètement par hasard son ex qu’il aimait, avec qui tout allait bien mais qui l’avait trompé et lui avait affreusement mal. C’était la cerise sur le gâteau, la goutte d’eau qui faisait déborder le vase déjà trop plein. Pourquoi n’avait-il pas accepté d’aller courir nu sur Times Squares ? C’était surement plus agréable que ce qu’il ressentait en ce moment. Enfin, il ne savait même pas ce qu’il ressentait : de la colère, de la peur ? Tout était embrouillé dans son esprit, tout entrait en conflit et ça lui donnait mal à la tête. Il essayait de se frayer un chemin entre les danseurs et du user plusieurs fois de sa force pour passer. Les fêtards étaient envahissants et sourds par la même occasion. Il voyait la sortie comme un oasis, l’air frais du dehors comme le paradis. Il donna son verre à un mec qui passait à côté de lui, poussa la porte, et une fois dehors, inspira un grand coup. Il dû s’arrêter pour reprendre son souffle. Bon sang ce que ça faisait mal de revoir Victoria alors qu’il avait réussi à la chasser de ses pensées avec toutes les ondes négatives que le fait de penser à elle lui apportait. Ca faisait la revoir là, toujours aussi belle, alors qu’il ne s’y attendait pas.

Il finit par se remettre à marcher sans vraiment savoir où il allait, sans vraiment en avoir quelque chose à faire. Il voulait simplement s’en aller d’ici, rentrer chez lui, aller voir Cléa ou Maria, essayer d’oublier. Essayer de se dire que ce n’était pas vraiment arrivé, qu’elle n’était qu’une illusion ou qu’il l’avait simplement prise pour quelqu’un. Oui c’est ça, c’était quelqu’un d’autre. Cette idée ne tint pas longtemps dans son esprit et s’envola bien vite. Il était stupide de laisser entrainer par ses illusions : la rousse qu’il avait percutée était bel et bien Victoria. Il entendit alors des talons claquer sur le sol, bruits qui se rapprochaient inévitablement de lui. Son cœur se remit à battre la chamade. Il paniqua et se mit à avancer plus, sans oser se retourner. Et si là encore, c’était Victoria ? Et si elle le suivait et essayait de lui parler ? Il se trouvait ridicule, vraiment ridicule. Il ne regardait même pas où il allait et puis, pourquoi fuir ? Il était courageux pourtant ! Il devrait être capable de l’affronter. A bout de souffle et voyant que ça ne s’arrêterait pas, il se stoppa net et se laissant tomber contre un mur. Il prit son visage entre ses deux mains et le frotta. Il était fatigué. Il jura intérieurement, donna un coup dans l’air puis finit par se retourner pour découvrir que c’était bel et bien la jolie rousse qui l’avait suivie. Elle n’était pas très loin de lui, il n’aurait pas besoin de crier pour qu’elle l’entende. Il la fixa un instant puis se décida à faire le premier pas. « Pourquoi ? » Ce fut la seule chose qu’il réussit à dire. Pourquoi ? Pourquoi l’avait-elle trompée ? Pourquoi était-elle revenue à New York ? Pourquoi l’avait-elle suivie ? Il avait besoin de réponses à toutes ces questions pour avancer. « Qu’est-ce que tu veux, qu'est ce que tu cherches à faire ? »