Tic, tac, tic, tac. Lulani clôt les paupières et détourna aussitôt la tête à l’opposé de l’horloge murale en poussant un long soupir comme si la vue de cet objet lui apparaissait soudain comme répugnante. Elle avait l’impression d’avoir passé toute une vie à observer le mouvement lent et régulier des aiguilles, à entendre le bruit amplifié du mécanisme de l’horlogerie qui résonnait dans sa tête comme un compte à rebours entêtant. L’attente était un véritable supplice, en particulier après le départ de Mia et Daniel dont la présence avait été plus que bénéfique au cours de la soirée. Les agents postés à l’entrée – quant à eux – n’avaient pas fait grand-chose pour calmer l’impatience qui la gagnait. Par désespoir de cause, Lulani avait envoyé un sms à son ex-mari qui eut le don de l’apaiser et même de lui arracher un sourire en ces temps difficiles. Elle avait peur. Peur de perdre l’un d’eux ou tous les deux. Elle ne le supporterait pas. Après son dernier sms, la philippine resta plusieurs minutes à tapoter le téléphone contre ses lèvres d’un air impatient, essayant de contrôler son envie irrépressible de lui répondre, puis finalement, Lulani décida de s’occuper l’esprit. L’inactivité n’avait jamais fait bon ménage chez elle, en particulier dans un moment comme celui-ci.

Cela faisait maintenant des heures - entre un détour dans la chambre de Mason pour s’assurer qu’il s’y trouvait toujours – que Lulani avait jeté son dévolu sur le dessin, s’installant sur son bureau où trônaient quelques photos de famille pour y griffonner de manière totalement distraite. Son œuvre avait rapidement pris la forme du paysage où elle avait l’habitude de se réfugier lorsqu’elle était jeune, son petit coin de paradis comme elle le surnommait et cette petite fille qu’elle avait dessiné au bord de la falaise ce n’était pas Toyiah, mais bien elle. Lulani prit le dessin entre ses mains et le contempla avec douleur. Elle rêvait d’y retourner. C’était l’endroit où elle avait emmené Matthew le lendemain de l’éruption et où elle avait pu observer les dernières cendres du volcan qui lui avait pris ses parents, mais c’était aussi le seul endroit où elle sentait leur présence autour d’elle, l’endroit d’où elle puisait force et courage. Aujourd’hui, l’angoisse était à son comble : le soleil allait bientôt se lever et toujours aucune nouvelle de sa fille et de son ex-mari. Aux vues des circonstances et de l’enrôlement de Francis il lui était tout bonnement impossible de garder une once d’optimisme. Soupir. En plus d’être affamée, Lulani était complètement épuisée comme en attestait son visage anormalement pâle creusé par une fatigue qui faisait ressortir veines et tranchées de cernes. Parfois, son cœur s’endormait et ses yeux se fermaient d’eux-mêmes l’emportant ainsi sur son combat intérieur pour rester éveillée, mais le moindre bruit suspect lui arrachait un violent sursaut. C’est justement ce qui se produisit lorsqu’elle entendit le déclic de la porte d’entrée.

Lula quitta le bureau sur lequel elle s’était installée pour dessiner sans prendre la peine d’en éteindre la lampe, puis resserrant les pans de son peignoir avant de se poster près de l’entrée, curieuse de voir qui mettait les pieds dans sa demeure. L’intrus alluma la lumière, l’obligeant à placer sa main devant son visage pour s’en protéger les yeux et il ne lui fallut qu’un quart de secondes pour les identifier. Matthew se tenait juste là, sur le pas de la porte qu’elle avait cru ne jamais le voir franchir de nouveau avec Toyiah endormie tout contre lui. Lulani poussa un énorme soupir de soulagement en fermant les yeux quelques instants et ses épaules relâchèrent toute la pression qui pesait sur celles-ci. Après avoir détaillé Toyiah, le regard de Lulani se posa tout naturellement sur Matthew et constata qu’il était blessé ce qui lui fit automatiquement froncer les sourcils d’inquiétude. Inutile de préciser qu’elle avait été morte de peur, son visage parlait pour elle ! Après cette rapide observation, la jeune femme s’approcha d’eux sans plus attendre, calant son corps entre le flan de Matthew et le corps de Toyiah pour les étreindre tous les deux. Jamais sa fille ne lui avait semblé aussi fragile ; endormie, le visage sale et ravagé par les larmes qui avaient creusé des sillons sur ses joues.

Lulani leva une main peu assurée et se mordilla la lèvre ; elle mourrait d’envie de la toucher, de la prendre tout contre elle, de la réveiller pour s’assurer qu’elle était intacte, mais l’enfant dormait si profondément que Lula n’eut pas le cœur à la réveiller au risque de gâcher ce joli tableau, alors la philippine se contenta de l’embrasser sur la joue en passant une main rassurante dans ses cheveux. Au bout de quelques secondes, son regard rendu brillant par le soulagement chercha celui de Matthew et y resta ancrer un moment, cherchant les bons mots, en vain. Il semblait éreinté et il y avait de quoi après tout ce qu’il avait enduré aujourd’hui : affronter son frère et son propre père pour sauver la vie de sa fille et respecter la promesse qu’il avait faite à son ex-femme... Lulani poussa un soupir résigné et céda, incapable de résister plus longtemps après la peur qu'elle avait éprouvé de ne plus jamais le revoir. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour l’embrasser spontanément sur le coin de ses lèvres avant de se remettre sur ses pieds avec un sourire à la fois sincère et gêné peint sur le visage. « Merci... Elle n’est pas blessée ? » s’enquit-elle dans un murmure. Lorsqu’elle prit conscience que c’était la première fois qu’il mettait les pieds chez eux, la jeune femme s’écarta légèrement pour le laisser entrer.

De toute sa vie, Matthew n'avait pas le souvenir d'avoir vécu une pire journée que celle-ci : sa fille avait été enlevée par son père, il avait appris que son frère était de mèche, que sa mère avait disparu de la surface du globe, il avait dû faire face à la détresse de la mère de son enfant, la même que celle que lui-même avait ressenti, il avait confronté son père... l'avait mis KO, pour le principe... Oui, cette journée avait été particulièrement difficile.

Et pourtant, il en sortait vainqueur. Complètement vissé à Toyiah depuis l'instant où elle avait sauté de l'ambulance pour se loger dans ses bras, Matthew semblait avoir oublié tous les autres soucis qui en restaient : son frère, apparemment à l'hôpital, qu'il ne comptait pas aller voir avant le lendemain, son père avec qui il n'avait définitivement pas fini de rendre ses compte, sa mère qui s'ajoutait à l'équation... Non, plus rien d'autre ne comptait que de sentir sa progéniture contre lui, en sécurité. Toute la journée, il s'était retrouvé haletant et impuissant, incapable de protéger sa fille correctement et soumis au joug de son père - maintenant qu'il avait obtenu gain de cause et qu'il avait récupéré Toyiah, il ne voulait plus que la ramener chez elle et veiller sur elle pour le restant de ses jours, juste au cas où. Et après une longue marche de procédures et s'être assuré que Leroy - le seul en qui il avait réellement & totalement confiance - accompagnerait Nikolas jusqu'à la cellule où il passerait la nuit et probablement un bon nombre de suivantes, il avait enfin pu monter dans une voiture et y caser sa princesse, complètement épuisée par sa journée. Maintenant, il devait tenir sa dernière promesse, et la ramener à sa mère.

Durant tout le chemin, Matthew ne cessa de jeter des regards à la frêle silhouette qui s'endormait doucement à côté de lui, comme pour s'assurer qu'elle ne disparaissait pas : il allait sûrement avoir ce traumatisme un bon moment ! A cet instant, il lui était tellement dévoué qu'elle aurait bien pu lui demander un poney qu'il l'aurait emmené en choisir un sur le champ. Tout, tout pour sa fille. Après des années passées loin d'elle, il avait cru être capable de la protéger - il avait désormais une vision plus large de toute l'affaire, des menaces qui planaient sur sa famille, et si il s'était fait avoir une fois, ça ne se reproduirait pas. Il ne laisserait pas une telle histoire se reproduire, même si cette fois il devait tuer son père ou... son frère pour les protéger.

Lorsqu'il arriva devant la maison que Lulani s'était procurée en arrivant à New York, Matthew remarqua immédiatement que les lumières étaient éteintes : bon ou mauvais signe ? Sa bonne humeur provoquée par la proximité de Toyiah s'érafla légèrement, mais il fut vite rassuré : dès qu'il sortit de son véhicule, un agent vint à sa rencontre et le débriefa rapidement. Lulani et Mason étaient à l'intérieur, ils dormaient probablement, quoiqu'il en soit la maison était silencieuse et chaque accès était aussi gardé que l'était la Maison Blanche en période de troubles. Par précaution, Matthew soutint cette protection malgré l'arrestation de son père : si il était le cerveau de l'opération, il avait encore beaucoup de bras dehors prêts à accomplir leur mission. Remerciant finalement l'agent, il contourna la voiture pour en ouvrir la portière passager. A grand renfort de contorsions, l'américano-grec réussit à caser sa fille contre lui et à refermer la porte, verrouillant l'engin et s'engageant immédiatement en direction de chez Lulani. Il sentit les petits bras de sa fille s'enrouler autour de son cou pour s'y agripper, sans qu'elle ne se réveille, et le sourire qui avait pris place sur ses lèvres une fois qu'il avait séché ses larmes de soulagement de retrouver sa fille reprit sa place pour illuminer son visage & son humeur.

Lulani dormait-elle ? Vu l'heure, c'était probable, mais il la connaissait assez pour savoir que compte tenu de la situation, elle serait incapable de fermer l’œil. Avec une infime précaution - pour ne pas réveiller sa fille -, Matthew ouvrit et poussa doucement la porte d'entrée de la maison où il n'avait encore jamais mis les pieds, cherchant par conséquent un bon moment l'interrupteur qui lui permettrait de discerner quelque chose de cette entrée dont il ignorait les obstacles. Il lui sembla bien entendre une autre porte s'ouvrir à l'intérieur, mais ce ne fut que lorsqu'il eut allumé la lumière qu'il distingua clairement la silhouette de Lulani à quelques pas de lui, éblouie par l'éclairage soudain. Bien vite, la jeune femme vint les rejoindre, absorbée dans la contemplation de Toyiah comme il l'avait été un peu plus tôt. Sans desserrer son étreinte, Matthew observa la philippine retrouver sa fille, la touchant et l'embrassant sans oser la réveiller. Elle se tourna ensuite vers lui, et lorsque leurs regards se croisèrent il ne put que lui adresser un faible sourire : mission accomplie. Dans son geste, il sentit de nouveau sa mâchoire le lancer : il n'avait même pas pris le temps de se regarder dans un miroir et si les ambulanciers l'avaient débarbouillé, il avait refusé la majorité des soins qu'ils lui proposaient, voulant en finir au plus vite et rejoindre Greenwich Village.

Et puis, sans qu'il s'y attende, Lulani se mit sur la pointe des pieds et, sans crier gare, posa ses lèvres au coin de celles de Matthew. Ce fut un demi-baiser bref, et la philippine retomba rapidement sur ses pieds alors que le jeune homme, complètement déstabilisé, mais il répondit tout de même au sourire qu'elle lui adressa, glissant au passage un regard interrogatif et perturbé sur les lèvres de son ex-femme. « Merci... Elle n’est pas blessée ? » S'humectant les lèvres en reprenant contact avec la réalité, Matthew secoua doucement la tête en souriant et resserra son étreinte sur sa fille avant de lui répondre dans un souffle. « Non, quelques égratignures tout au plus. » la rassura-t-il avant de reprendre. « Je pense qu'elle a surtout besoin d'une grosse nuit de sommeil... sa chambre ? » lui demanda-t-il finalement.

Pardon la fin est ultra baclée mais sinon j'allais jamais finir

Dois refaire le post ptdr

Matthew était complètement perturbé par le semi-baiser que lui avait offert Lulani, mais il préféra se concentrer sur Toyiah en remarquant la gêne de la jeune femme. Il demanda donc à rejoindre la chambre de la petite pour la coucher convenablement, et suivit son ex-femme jusqu'au lit de leur fille, où il la déposa avec attention, laissant Lulani retrouver Toyiah en la dévêtissant. Il se contenta de les observer avec nostalgie et fierté, satisfait d'être seulement capable d'assister à une telle scène. Lorsque Lulani enfouit son visage dans ses mains, cependant, il avança d'un pas pour poser sa main sur son épaule, ressentant le besoin de la soutenir : n'était-ce pas ce qu'ils faisaient depuis le début de ce cauchemar ? Cette dernière lui laissa bientôt la place aux côtés de sa fille et Matthew, seul avec elle, prit un long moment pour la regarder dormir. Au bout d'un instant, il se mordit la lèvre inférieure : Lulani l'autoriserait-elle à rester là un moment ? Sincèrement, il s'estimait incapable de quitter Toyiah, ou de retourner dans son appartement constellé du sang de ses collègues. Et Walter, comment allait-il ? Avait-il survécu, avait-il été opéré, avait-il seulement tenu jusque là ? Soudainement inquiet à ce propos, le jeune homme caressa les cheveux de sa fille avant de déposer un long baiser sur son front. En sortant, il ne put se résigner à fermer totalement la porte, "au cas où". Retournant dans l'entrée et pénétrant dans ce qu'il devina être le salon, le jeune homme sortit son portable de sa poche et composa rapidement le numéro de l'un de ses coéquipiers qu'il savait à l'hôpital. Il fut soulagé d'apprendre que l'état du vieil homme était encourageant, moins de savoir que son frère, en revanche, avait été très secoué. Quoiqu'il en soit, un garde était posté devant sa chambre et ils doutaient qu'il se réveille avant un bon moment [lol le choc quand il va recevoir le sms x)].

L'agent eut à peine le temps de raccrocher que Lulani pénétrait dans la pièce, le faisant se retourner. Son regard et son soupir inquiet l'intrigua de nouveau. « J'ai promis à Mason qu'il te verrait à son réveil, mais pas comme ça. Assieds-toi, je vais chercher ce qu’il faut. » lui dit-elle en joignant le geste à la parole, le faisant s'exécuter après qu'il lui ai adressé un sourire mi-flatté, mi-amusé, comme si elle avait été sa supérieure. En même temps, elle avait probablement raison, il ne devait pas être beau à voir avec tout ce par quoi son frère lui avait fait passer. Il lui avait détruit la mâchoire en le frappant en traître, et avait meurtri ses côtes et son visage lors de leur face à face : ce n'était pas les retrouvailles fraternelles que Matthew avait imaginé ! « Tiens, j’ai même pris un petit remontant. » reprit Lulani en revenant avec une trousse de secours et deux bières, provoquant un sourire coupé par une grimace de douleur chez son ex-mari. Les décapsulant grâce à la table basse qui se trouvait devant eux, comme il avait vu son oncle le faire des dizaines de fois avant qu'il ne commence l'un de ses discours sur sa nièce et son mari, elle ne tarda pas à lui en tendre en mentionnant l'utilité de la table basse dans ce genre de situations. « Très pratique les meubles d’Ikéa. Un vrai casse-tête à monter, mais très pratique... » Matthew ne répondit que d'un sourire, il comprenait parfaitement ce qu'essayait de faire la jeune femme et se devait de lui accorder du crédit : elle voulait détendre l'atmosphère, et ils avaient bien besoin de se détendre après la journée qu'ils venaient de passer. Buvant une longue gorgée de son breuvage, il la posa finalement sur la dite table basse et se laissa faire pendant que Lulani s'occupait de soigner les blessures qui ornaient son visage.

La jeune femme était concentrée, et Matthew se demanda un instant si elle remarquait le regard qu'il lui lançait : il la dévorait des yeux, était incapable de les détourner alors qu'elle semblait analyser chaque parcelle de son visage pour en retirer le sang et en désinfecter les plaies. Comme à chaque fois qu'il prenait réellement le temps de détailler la jeune femme, il constatait sa beauté : il comprenait sans mal, dix ans plus tard, avec quelle facilité Lulani l'avait charmé. Il l'avait toujours trouvée jolie, depuis leur plus tendre enfance, et lorsqu'ils avaient été mariés, il s'était parfois fait la réflexion qu'il n'arrivait pas à croire que c'était avec lui qu'elle était, avec lui qu'elle était mariée et avait, à ses yeux, les plus beaux enfants du monde. Et maintenant, c'était qu'elle n'était plus avec lui qu'il n'arrivait plus à croire : il avait eu tout ce dont un homme pouvait rêver, un travail qui lui plaisait, une femme aimante et adorable, des enfants parfaits, et maintenant... Maintenant, tout semblait tenter de s'agencer maladroitement pour continuer de coexister. Et pourtant, aujourd'hui, il pouvait presque dire avoir eu l'impression que Lulani était toujours sa femme, qu'ils étaient redevenus une famille le temps de quelques heures, dans la façon qu'ils avaient eu de se soutenir mutuellement par rapport à leur fille. « C’est ton père qui t’as fait ça ? Est-ce qu’il… » reprit la jeune femme au bout d'un long silence paisible qui fit du bien à Matthew. Un léger sourire triste prit place sur son visage et il détourna les yeux, à la fois pris au vif dans ses pensées et dévasté par la réponse qu'il s'apprêtait à donner à la question que lui avait posé la philippine. « Non, ça... C'est Francis. Il y est pas allé de main morte... Et moi non plus. » souffla-t-il, revoyant le choc de leur confrontation avec discernement : ces images resteraient à jamais gravées dans son esprit, le jour où il avait failli tuer son frère et son père. Aussitôt, il voulait se dire qu'il avait fait ça pour protéger Toyiah, mais ça ne suffisait pas à anéantir la colère et la tristesse que lui inspirait la situation. « Mon père... C'est plutôt moi qui lui ai fait son compte. » reprit-il avec un sourire teinté d'amertume, fronçant légèrement les sourcils sans hésiter beaucoup avant de continuer. « Pendant un instant... J'ai vraiment cru que j'allais le tuer. Je l'avais en joue, et ça aurait été facile de l'abattre, de lui tirer une balle dans la tête, le coeur ou les poumons... » avoua-t-il sur un ton légèrement absent. Il n'avait pas peur de dire ça à Lula, elle lui faisait confiance, et si il ne lui en parlait pas à elle, à qui en parlerait-il ? Lulani était celle qui le connaissait depuis le plus longtemps, et avec le plus d'exactitude. Elle comprenait toute l'histoire avec Nikolas, et elle pouvait aussi imaginer parfaitement ce qu'il avait ressenti aujourd'hui, en ayant le bourreau - et patriarche - de sa famille à portée de tir. « Au lieu de ça, il doit être dans une cellule à Langley, préparant déjà sa sortie. » souffla-t-il finalement, plutôt pessimiste. A vrai dire, les preuves contre Nikolas étaient accablantes, maintenant que la CIA l'avait, tout le monde voudrait mettre son grain de sel pour étoffer son dossier, et il ne doutait pas que, jugé, il en prendrait plein la tête. Seulement, il savait aussi que Nikolas était puissant, et qu'il avait de très puissants alliés. Et sa mère disparue... Non, cette histoire était loin d'être terminée. « Francis m'a dit aussi que ma mère était partie, qu'elle avait disparu... Mais ça pourrait très bien être mon père, ça ne m'étonnerait même pas... » dit-il avant de retrouver le silence, ayant soudain l'impression d'en dire trop et d'accabler Lulani de plus de ses problèmes alors que la jeune femme se remettait tout juste de l'enlèvement de sa fille.

Lulani n’était pas infirmière, mais elle mettait beaucoup de cœur à l’ouvrage : elle était à la fois minutieuse et douce, veillant à ne pas réveiller certaines douleurs comme sa mâchoire qui semblait l’élancer au point de rendre le simple fait de sourire douloureux. Cela lui permettait en outre de s’occuper l’esprit pour ne plus penser à la manière un peu trop chaleureuse qu’elle avait eu de l’accueillir. Durant ce temps, la jeune femme put sentir le regard de Matthew braqué sur elle. Il la détaillait. Elle était curieuse de savoir ce qu’il pensait à cet instant précis. Peut-être se questionnait-il sur ce geste inattendu ou le comportement de son ex-femme qui, malgré l’agréable sensation provoquée et le regret inexistant, se trouvait quelque peu gênée par la situation ? Elle avait agi de son propre chef, avec la spontanéité et la maladresse qui lui était propre et que Matthew avait connu quelques années plus tôt lorsque les Vryzakis étaient sur le départ d’une nouvelle vie en dehors des Philippines. Lulani ne put s’empêcher de voir cela comme le signe d’un amour toujours présent et c’était d’autant plus vrai qu’elle en ressentait de nouveau les effets à commencer par ses joues légèrement rosies, cette manie de se pincer les lèvres comme pour y graver le souvenir de la douceur des siennes et maintenant qu’elle avait retrouvé ce petit plaisir, Lulani se surprenait même à être avide de plus, en particulier après l’horrible journée qu’ils avaient passé. La philippine voulait retrouver son refuge habituel : ce cocon d’amour et de sécurité qu’elle n’avait plus éprouvé depuis bien longtemps. Trois années de déni, à prétendre être une personne combattive et indépendante, mais Matthew lui manquait et le fait de s’être installée à New York n’avait guère arrangé les choses puisqu’il subsistait toujours certaines barrières dont une qui avait les traits d’une jolie brune. Son esprit était tellement embué par la fatigue qu’elle en oubliait complètement Alaska, la danseuse et petite-amie actuelle de son ex-mari qu’elle avait croisé par hasard dans un ascenseur.

Finalement, la gêne eut raison du silence ambiant puisqu’elle obligea la philippine à prendre la parole pour aborder un sujet aussi sérieux que douloureux pour Matthew. « Non, ça… C’est Francis. Il n’y ait pas allé de main morte… Et moi non plus. ». Lulani afficha une mine navrée et croisa brièvement son regard, le soutenant quelque peu pour lui faire comprendre que s’il avait besoin de parler, elle l’écouterait avec attention. « Mon père… C’est plutôt moi qui lui ai fait son compte. ». Cette fois-ci, la jeune femme fronça légèrement les sourcils, intriguée par ce sous-entendu. Quelle que soit la technique qu’avait utilisé Matthew pour mettre son père hors d’état de nuire, Lulani ne le jugerait pas. Sûrement pas après tout ce qu’ils avaient traversé à cause de lui. Nikolas l’avait toujours intimidé, mais suite aux récents évènements, cette sensation s’était transformée en une crainte parfaitement justifiée. « Pendant un instant… J’ai vraiment cru que j’allais le tuer. Je l’avais en joue, et ça aurait été facile de l’abattre, de lui tirer une balle dans la tête, le cœur ou les poumons. Au lieu de ça, il doit être dans une cellule à Langley, préparant déjà sa sortie. ». Lulani nota l’air absent de Matthew pendant que celui-ci contait son récit et ne put s’empêcher d’en éprouver un pincement au cœur. Cette situation lui rappelait étrangement son retour du service militaire peu de temps avant sa demande en mariage ; comme aujourd’hui, Matthew s’en était tiré avec des blessures aussi physiques que psychologique. Se tenir là, près de lui, à le soigner en l’écoutant parler, donnait l’impression à la jeune femme d’être revenue des années en arrière. Elle termina d’apposer les derniers pansements et instinctivement sa main se posa sur le dos de celle de son ex-mari dans un geste de réconfort. « Mais tu ne l’as pas fait et même s’il nous terrorise, je suis contente de la situation. Tout ce que je préfère retenir de cette journée éprouvante, c’est que tu as respecté ta promesse en revenant avec Toyiah et qu'il séjourne en prison. » souligna-t-elle d’un ton doux, faisant implicitement comprendre qu’elle était fière de lui sur ce point parce qu’il ne s’était pas abaissé au niveau de son pitoyable père. Elle rangea soigneusement le matériel, séparant ce qui devait être désinfecté de ce qui devait être jeté. « Et aussi que notre fille a tapé dans l’œil de Daniel, le petit frère de Mia… » sourit-elle, à la fois amusée et attendrie.

« Francis m’a dit que ma mère était partie, qu’elle avait disparu… Mais ça pourrait très bien être mon père, ça ne m’étonnerait même pas. ». Les sourcils de Lulani se froncèrent de nouveau et une mine songeuse s’installa sur son visage, montrant clairement qu’elle ne croyait pas non plus à la fuite de Jenny. « A vrai dire moi non plus. Ton père n’est pas facile à vivre, mais ce n’est pas le genre de Jenny de disparaître comme ça. Et après tout ce qu’elle a fait pour ses enfants, Francis devrait le savoir ! » lança-t-elle avec une pointe d’agacement perceptible de la voix, sûrement parce qu’elle était aussi devenue une mère de famille et qu’elle n’avait aucun mal à se mettre dans la peau de Jenny , mais aussi parce qu’elle désapprouvait totalement le comportement de Francis. Jenny ? Partir sans ses enfants ? Ça, jamais ! Elle avait déjà prouver par le passé qu'elle était capable de quitter un endroit par amour, chose que Lula avait été incapable de faire. Se reconnectant à la réalité, la jeune femme reprit. « Enfin chaque chose en son temps : maintenant que ton père est sous les verrous, on la retrouvera, j’en suis sûre. ». ‘On’, cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait plus utilisé ce terme et curieusement, elle en éprouva un léger frisson. Elle voyait bien que Matthew n'avait pas cherché à argumenter plus que cela, sûrement fatigué de tout ce qui lui tombait dessus en ce moment aussi se justifia-t-elle. « Désolée d’avoir abordé le sujet, je vois bien que ça te perturbe et c’est bien la dernière chose dont nous avons besoin après une journée comme celle-ci. On en rediscutera plus tard si tu éprouves le besoin d'en parler. Pour l’instant… profitons du calme. » lâcha-t-elle dans un soupir de contentement avant de boire une gorgée de sa propre boisson.

Le calme retomba quelques instants, seulement troublé par de légers bruits ambiants. Elle but une nouvelle gorgée et reposa le verre sur la table, puis posa son coude sur le dossier du fauteuil avant d’y poser sa tête, à présent face à Matthew. Maintenant que la crainte était passée et qu’elle se sentait en sécurité, Lula sentait le sommeil la gagner, mais s’obstinait à lutter. Malgré toute la bonne volonté du monde, elle ne put s’empêcher d’étouffer un bâillement derrière sa main et de se frotter les yeux comme Mason et Toyiah le faisaient lorsqu’ils étaient sur le point de rejoindre Morphée. Elle esquissa un sourire innocent, puis se mordit légèrement la lèvre comme lorsqu’elle s’apprêtait à formuler une demande ou dans le cas présent, une invitation. « Au fait, tu peux rester si tu veux. J’irais dormir avec Toyiah comme ça tu pourras prendre ma chambre. » dit-elle. Ses yeux se posèrent rapidement sur la porte de ladite chambre avant de glisser sur les lèvres de Matthew pour remonter sur son visage, se sentant régresser à l’époque de l’adolescence où tout n’était encore que signaux et jeu de regards entre eux. Perturbée, Lulani enchaîna aussitôt. « C’est la moindre des choses après que tu nous ais hébergé pendant tout ce temps d’autant plus que ton appartement n’est pas habitable pour l’instant et puis, je pense que ça nous soulagerait de te savoir ici. » ajouta-t-elle dans un débit de paroles qui l’étonnait elle-même. Lulani s’infligea une claque mentale : elle n’avait pas pu s’empêcher de se justifier à un tel point que son ‘invitation’ ressemblait plus à une ‘obligation’ à présent. Après tout, à part l’hôtel où pouvait-il aller ? … Chez Alaska, peut-être ? Se souvenant de la jeune femme et s’apercevant de sa bêtise, Lulani afficha une petite moue et ferma les yeux quelques instants pour se corriger. « Sauf si bien sûr tu as d’autres projets. » répliqua-t-elle à la manière d'une enfant qui venait de faire la gaffe du siècle. Lulani Kaleko, tu es une idiote.

Matthew s'en voulait un peu de se confier ainsi à Lulani. Dans d'autres conditions, si elle avait toujours été sa femme par exemple, il aurait trouvé ça légitime et même positif qu'il lui parle d'avoir eu envie de tuer son père et d'avoir battu son frère presque à mort. Mais là, il avait juste l'impression de l'accabler un peu plus de problèmes qu'elle n'avait pas demandé. Si ça n'avait pas été pour lui, jamais Lulani aurait eu à craindre pour sa vie, celle de ses enfants ou de son oncle & tuteur Kidlat-Kitkat [bon, eh, laisse-moi kiffer !]. C'était sa faute si elle avait bien cru perdre sa fille aujourd'hui, si elle s'était retrouvée au milieu de tirs, et il ne faisait qu'aggraver la situation en parlant de tout ce qui faisait que cette histoire n'était pas terminée. « Mais tu ne l’as pas fait et même s’il nous terrorise, je suis contente de la situation. Tout ce que je préfère retenir de cette journée éprouvante, c’est que tu as respecté ta promesse en revenant avec Toyiah et qu'il séjourne en prison. » lui répondit pourtant Lulani, se voulant rassurante. Son ton doux rassura Matthew et il ne put pencher au court échange de sms qui avait eu lieu entre eux pendant que l'agent attendait Leroy & les renforts qu'il lui avait demandé devant la maison où Toyiah était retenue prisonnière. Un sourire naquit dans ses lèvres, mais se fana aussitôt. « Et aussi que notre fille a tapé dans l’œil de Daniel, le petit frère de Mia… » « Quoi ? » Soudainement, les sourcils de Matthew s'étaient froncés et son attention avait été détournée sur cette histoire. « Qui, le gamin qui était avec Mia tout à l'heure ? » demanda-t-il méfiant, sachant parfaitement de qui parlait Lulani et le mettant déjà dans son viseur jusqu'à la fin de sa vie. Sa fille venait d'être enlevée, hors de question que quiconque ne pose la main sur elle pour les dix années à venir.

La conversation revint bien vite - poussée une nouvelle fois par Matthew, qui ne semblait finalement pas s'en empêcher et avait clairement avoir besoin de partager ses nouvelles inquiétudes. « A vrai dire moi non plus. Ton père n’est pas facile à vivre, mais ce n’est pas le genre de Jenny de disparaître comme ça. Et après tout ce qu’elle a fait pour ses enfants, Francis devrait le savoir ! » Matthew se contenta d'un léger sourire agrémenté d'un "hm hm" pensif. Il ne savait pas vraiment ce que Francis savait, il ne pouvait plus rien dire de son frère, qu'il avait découvert disciple de son père avant qu'il ne cède le lieu où se retrouvait détenue Toyiah. Cela voulait donc dire que son allégeance à Nikolas avait des limites... Leur mère en faisait-elle partie ? « Enfin chaque chose en son temps : maintenant que ton père est sous les verrous, on la retrouvera, j’en suis sûre. » Encore une fois, Lulani était rassurante : elle n'avait absolument aucune idée de ce dont elle parlait, elle n'avait aucune ébauche de plan, même pas une information, et pourtant au ton de sa voix, Matthew fut assuré qu'elle avait raison et qu'effectivement, ils allaient bientôt retrouver sa mère, elle allait peut-être même venir taper à leur porte dans la journée. « Désolée d’avoir abordé le sujet, je vois bien que ça te perturbe et c’est bien la dernière chose dont nous avons besoin après une journée comme celle-ci. On en rediscutera plus tard si tu éprouves le besoin d'en parler. Pour l’instant… profitons du calme. » Et alors que Lulani buvait une gorgée de bière, il se rendit compte de tout ce qu'il avait manqué, de tout ce qui lui manquait et de tout ce qu'il avait partiellement retrouvé depuis que Lulani & les enfants étaient venus vivre chez lui pour tenter d'empêcher - vainement - que Nikolas s'en prenne à eux. La présence de la philippine, ses conseils, son soutien, étaient des perles qu'il avait laissé se perdre dans l'océan des années plus tôt, comme un idiot. Il se disait fort, se croyait fort, et pourtant il avait l'impression de n'avoir rien été sans la jeune femme, sans le contrepoids qu'elle faisait dans sa vie et la mesure qu'elle lui apportait. Plus que pour l'archéologie, ou pour faire tomber son père, ou pour ses enfants, c'était pour Lulani et leur mariage qu'il aurait dû se battre. Les éloigner avait-il réellement mis Lula, Toyiah & Mason en sécurité ? Il semblait que non, vu la surveillance dont ils avaient fait l'objet et l'enlèvement dont ils avaient été victimes plus tôt dans la journée.

« Au fait, tu peux rester si tu veux. J’irais dormir avec Toyiah comme ça tu pourras prendre ma chambre. » reprit subitement Lulani, sortant brusquement Matthew de ses pensées et lui arrachant un sourire gêné, autant pour avoir été coupé dans de telles pensées que pour son invitation. « C’est la moindre des choses après que tu nous ais hébergé pendant tout ce temps d’autant plus que ton appartement n’est pas habitable pour l’instant et puis, je pense que ça nous soulagerait de te savoir ici. » Il n'hésita cependant pas à hocher la tête : c'était ce qu'il avait attendu, il n'allait clairement pas refuser une telle occasion de rester près de sa fille cette nuit. « Sauf si bien sûr tu as d’autres projets. » Restant interdit un instant, Matthew fronça les sourcils. D'autres projets ? Il n'y avait que Toyiah ce soir, elle avait besoin de lui, de sa protection, et il n'avait confiance en plus personne d'autre pour la protéger. Et si Nikolas s'enfuyait ? Et si Francis changeait d'avis & voulait la récupérer ? Et si, tout simplement, les mexicains voulaient finir leur travail ? A ce moment-là, il faudrait quelqu'un prêt à tuer et être tué pour elle, et il n'y avait personne de plus prêt que Matthew. « Quoi ? Non, non, bien sûr que non ! A vrai dire... Merci. » Il baissa les yeux un instant mais les releva très vite, conscient qu'elle devait absolument comprendre ce qu'il ressentait & que c'était pour cette raison qu'elle allait dormir avec Toyiah. « J'ai besoin d'être... dans le coin. Je pense que si tu m'avais pas invité, je serais resté dans la voiture, devant. » Un léger sourire prit place sur ses lèvres, comme de ceux qu'il avait eu lorsqu'il avait posé ses premiers regards sur ses enfants, et il haussa la tête, lui-même ému de ressentir de nouveau cette sensation d'avoir un bébé à protéger. « Je peux pas la laisser... pas maintenant. Alors le canapé sera parfait. » Oui, un bébé qu'il avait sauvé, lui, et qu'il n'était pas prêt d'abandonner avant un bon moment. Soudainement, un profond bonheur & un sentiment de fierté naquirent en lui et son sourire s'élargit : sa fille était à la maison.

La journée avait été si éprouvante que Lulani ne savait même plus quoi penser et où donner de la tête ; son esprit lui donnait l’impression d’être un puzzle géant dont les pièces sont éparpillées partout à terre. Quel autre projet pouvait-il avoir que de passer du temps avec ses enfants ? La philippine avait regretté ses paroles dès qu’elles avaient été prononcées et la mine qu’afficha Matthew ne fit qu’accroître ce sentiment. « Quoi ? Non, non, bien sûr que non ! A vrai dire… merci » lui répondit Matthew. Étrangement, Lulani afficha immédiatement une mine beaucoup plus rassurée et acquiesça d’un signe de tête approbateur et soulagée avant que les commissures de ses lèvres ne s’étirent en un petit sourire creusant deux fossettes aux creux de ses joues. Elle n’était pas seulement contente qu’il accepte, non, ça allait bien au-delà si l’on se fiait à l’agréable pression qui entourait son cœur et à cette sensation de ne manquer de rien, d’être enfin chez elle. « J’ai besoin d’être… dans le coin. Je pense que si tu ne m’avais pas invité, je serais resté dans la voiture, devant. ». Face à cet aveu, Lulani était prête à pouffer de rire en lui disait que c’était absolument ridicule dans le sens où elle ne l’aurait pas mis à la porte, mais la jeune femme préféra s’abstenir en se souvenant que c’était ce qu’elle avait fait trois ans plus tôt. Elle l’avait mis à la porte, ni plus, ni moins. Ce souvenir amer la perturba quelque peu, mais Lulani trouva la force de sourire une fois, trouvant son geste aussi désespéré que touchant. Elle le comprenait tout à fait puisque si les rôles avaient été inversés, la jeune femme aurait sûrement campé devant la porte pour être sûre que tout allait bien et c’était parfaitement légitime. Car aujourd'hui, Lulani avait enfin compris la définition d'un véritable foyer : peu importe l'endroit ou le pays dans lequel on vit du moment que l'on est avec les personnes qu'on aime, une philosophie qui aurait pu sauver son mariage si elle l'avait adopté plus tôt.

« Je peux pas la laisser… pas maintenant. Alors le canapé sera parfait. ». L’idée que Matthew dorme dans le canapé ne l’enchantait pas trop pour la simple et bonne raison que lorsqu’il avait hébergé la petite troupe, Lulani avait eue droit à sa propre chambre, mais son appartement était beaucoup plus modeste que le loft de l’agent, il y avait donc moins d’espace. Qui plus est, elle avait peur qu’il ne puisse pas récupérer convenablement de ses blessures et de sa journée dans un canapé qui ne lui semblait pas conçu pour y passer la nuit et dans salon où il y aurait du remue-ménage dès le réveil de leur fils, cependant, Matthew avait l’air sûr de lui. « Bien... Dans ce cas, je vais te chercher ce qu’il faut, je reviens. » dit-elle en se levant pour gagner sa chambre pour prendre couverture et l’un de ses oreillers, puis en faisant un détour par la salle de bain pour y ranger le matériel qu’elle avait utilisé pour le soigner.

Elle revint quelques minutes plus tard, les bras chargés et posa le tout au bord du canapé avant de se laisser choir de nouveau à côté de Matthew. « Voilà ! Je te préviens tout de suite : tu risques d’être réveillé de bonne heure soit par les dessins-animés de ton fils, soit par l’odeur de cupcakes. Il tient absolument à en faire avec moi pour Walter. » dit-elle en pouffant légèrement. En effet, Mason adorait aider sa mère lorsqu'elle cuisinait alors parfois, la jeune femme lui donnait quelques petites tâches à réaliser comme peser les ingrédients... Si Lulani se montrait aussi hospitalière c'est que Matthew l’avait été pendant ces derniers-mois. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, sers-toi. ». Le silence retomba lourdement et beaucoup trop vite pour la philippine qui avait besoin d’entretenir la conversation pour détourner ses pensées du demi-baiser qu’elle aurait bien voulu approfondir. Elle se pinça les lèvres et tapota ses cuisses de ses mains et se tourna vers Matthew en déduisant qu’il était temps pour elle de le laisser s’endormir et d’en faire autant. « Eh bien… Bonne nuit. » lui sourit-elle, le regard plongé dans le sien. Elle mettait trop de temps à réagir, beaucoup trop de temps. Lulani était tout bonnement incapable de décoller ses fesses du canapé, ancrée dans l’océan de ses yeux bleus comme au bon vieux temps. Son regard avait été l’une des premières choses qui l’avait faite craquer chez Matthew, il avait de grands yeux bleus alors que la communauté philippine avait plutôt les yeux marron ou vert. Son attitude aussi : elle se souvenait de lui à l’adolescence, il jouait les gros durs, mais devenait étrangement docile à son contact, c’est comme ça qu’elle en avait déduit son attirance et en jouait parfois. La jeune femme papillonna pour retrouver ses esprits et se contenta de tapoter maladroitement le dos de sa main plutôt de se risquer à un baiser sur la joue : contact trop rapproché qui restait de dériver comme quelques minutes plus tôt, puis commença à se lever pour gagner sa chambre.

Matthew savait qu'il devrait avoir mal, qu'il devrait souffrir des blessures et autres plaies de la journée, mais il se sentait étonnamment bien. Psychologiquement, il ne pouvait penser qu'à sa petite fille qui dormait, en sécurité, dans sa grande couverture. Il devait veiller sur elle, et sur le reste de sa petite famille, c'était un besoin viscéral qu'il ressentait et il semblait que son ex-femme l'avait bien compris. « Bien... Dans ce cas, je vais te chercher ce qu’il faut, je reviens. » Chuchotant un « Merci » sincère, le jeune homme n'osa cependant pas se lever pour l'aider : après tout, il était ici chez elle, il ne savait même pas où se trouvaient les draps et il connaissait Lulani très indépendante et têtue lorsqu'elle le voulait. Pendant que la jeune femme était partie trouver de quoi lui faire un lit de fortune, Matthew put brièvement parcourir le salon des yeux d'un air absent. Maintenant qu'il était entouré par le calme et le souvenir de Lulani imprégné dans tout le canapé qui portait son odeur, il ne pouvait plus penser qu'à ce bref demi-baiser qu'elle lui avait offert lorsqu'il était entré dans son appartement. Il se doutait bien que Lulani n'avait cédé qu'à une pulsion, mais pour le coup, il n'en revenait toujours pas. Plus de trois ans... Depuis qu'il avait quitté leur maison de Palapag, depuis la dernière fois où il avait pu goûter à ses lèvres. Est-ce qu'elle se rendait compte de son geste ? Elle devait forcément savoir qu'il avait & aurait toujours des sentiments pour la mère de ses enfants, était-elle consciente du chamboulement qu'elle avait provoqué dans son esprit ? Et elle, qu'en pensait-elle ? Trop de questions qui commençaient à lui donner mal à la tête, à l'image de tout ce qu'avait été leur relation depuis leur divorce.

La philippine revint bien vite pour couper Matthew dans ses pensées obscures. « Voilà ! Je te préviens tout de suite : tu risques d’être réveillé de bonne heure soit par les dessins-animés de ton fils, soit par l’odeur de cupcakes. Il tient absolument à en faire avec moi pour Walter. » Souriant à la mention de son fidèle majordome, l'américano-grec hocha d'abord la tête avant de répondre. « Il sera ravi, j'en suis sûr. » En soi, il était touché de voir que son fils tenait à soutenir le vieil homme qui avait presque donné sa vie pour sa mère. Matthew aussi lui en était éternellement reconnaissant, et il s'humecta les lèvres avant de demander, avec ce regard dont son fils avait hérité. « Je pourrais y aller avec vous ? Enfin, je dois y aller de toute façon donc... » demanda-t-il : après tout, avec tout ce qu'ils venaient de vivre, il serait absurde qu'ils aillent au même endroit séparément, surtout s'ils avaient le même point de départ. Il imaginait déjà le regard gêné de Walter lorsqu'il verrait ce que Lulani & Mason auraient fait pour lui. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, sers-toi. » reprit-elle encore, faisant une nouvelle fois hocher la tête. C'était tellement étrange ! Quand Lulani était venue vivre chez lui, il avait tout fait pour la mettre à l'aise et la faire se sentir chez elle, et maintenant qu'elle faisait la même chose avec lui, il était incapable d'être totalement à l'aise. « Eh bien… Bonne nuit. » lui dit-elle finalement, apparemment hésitante, coupant Matthew de court. Quoi, elle partait déjà ? Pourtant, la jeune femme ne bougea pas. Au contraire, elle plongea son regard dans le sien, lui coupant le souffle et le laissant haletant pendant de longues secondes en attendant de voir ce qu'elle ferait. L'embrasserait-elle encore ? Il pouvait difficilement le deviner, et de toute façon Lulani avait toujours eu le don de la surprendre lorsqu'il s'y attendait le moins.

Elle tapota finalement le dos de sa main avant de se lever pour se diriger vers sa chambre, et Matthew mit un petit moment avant de réagir. C'était à son tour d'être impulsif. S'il ne faisait rien, que se passerait-il demain ? Il ne s'était pas senti aussi proche de Lulani depuis qu'il était parti pour Abou Simbel, plus de trois ans auparavant. Aujourd'hui, il l'avait de nouveau connue comme la femme qui avait été la sienne, et ce baiser... n'avait presque rien été dans les faits, mais il avait complètement chamboulé les convictions de Matthew. N'étais-ce pas comme ça qu'elle l'avait eu, douze ans auparavant, en lui volant un baiser, s'infiltrant dans son esprit constamment pendant toute l'année à venir, et celles qui avaient d'ailleurs suivi ? Et aujourd'hui, il aurait pu la perdre. Si Walter ne s'était pas trouvé sur le chemin de la balle, celle-ci aurait pu atteindre Lulani. Qu'auraient fait ses enfants sans elle ? Et lui, que serait-il devenu ?

En un instant, il s'était redressé et avait franchi les pas qui la séparaient de son ex-femme en ne prononçant qu'un « Lula... » censé la retenir. Sans se laisser le temps de réfléchir, sans lui laisser le temps de réagir non plus, seulement guidé par son instinct et ses désirs, il enroula ses doigts autour du bras de Lulani pour lui faire faire volte-face. Tant de choses pouvaient tellement tourner mal ! Lulani pouvait parfaitement le rejeter, lui foutre une baffe, pour ce qu'il s'apprêtait à faire il le mériterait sûrement. Et si elle refusait de lui reparler après ça, et si elle lui retirait ses enfants ? Son regard se plongea dans ceux de la philippine et il y retrouva la lueur qu'il se souvenait y avoir vu des centaines de fois lorsqu'ils avaient été ensemble ; et il n'hésita plus. Glissant sa main sur la mâchoire de Lulani pour la soulever avant d'y poser sa paume, il franchit l'espace qui séparait leurs visages pour sceller leurs lèvres. Ce n'était pas un baiser volé, un demi-baiser, un baiser de remerciement, mais pour un premier vrai baiser depuis trois ans, et probablement à cause de sa peur de la réaction de Lulani, il fut plus tendre que sauvage.

« Il sera ravi, j’en suis sûr. ». Pour toute réponse, Lulani haussa les épaules en affichant un air modeste. Pour elle, c’était la moindre des choses et encore, elle trouvait cela un peu ‘léger’ pour quelqu’un qui lui avait sauvé la vie, mais s’il y avait bien une chose que Walter avait acquise c’était son éternelle reconnaissance. Lors de son séjour chez Matthew, Lulani s’était prise de sympathie pour le vieil homme. Il était drôle, ouvert et particulièrement prévenant, elle comprenait sans mal pourquoi les enfants l’adoraient. « Je pourrais y aller avec vous ? Enfin, je dois y aller de toute façon donc… ». La jeune femme baissa légèrement la tête sur le côté et esquissa un petit sourire amusé en constatant que Matthew affichait la même moue convaincante de Mason. « Oui, bien sûr. » assura-t-elle en acquiesçant d’un petit mouvement de tête pour appuyer ses propos. A vrai dire, elle n’avait pas imaginé les choses autrement, mais elle n’avait pas osé le lui proposer ; c’était comme s’ils s’apprivoisaient de nouveau. Lulani ne savait pas plus se comporter face à son ex-mari que Matthew avec son ex-femme ! Ils se conduisaient comme les deux adolescents qu’ils étaient autrefois, reproduisant presque la même scène sauf que cette fois-ci, Lulani ne cherchait pas à attirer Matthew dans ses filets dont il semblait être toujours prisonnier, mais elle cherchait à s’en éloigner pour regagner le confort de sa chambre où - à défaut de dormir - elle réfléchirait sûrement à son geste et à la nature des sentiments qu’elle éprouvait pour son ex-mari. Pour Lulani, ils étaient divorcés et elle n’avait plus le droit de ressentir autant de désir et pourtant, c’était le cas. On lui avait menti sur le divorce : un bout de papier ne résout rien.

« Lula… ». Stoppée dans le fil de ses pensées, la jeune femme se contenta de répondre par un « Hm ? » interrogatif et s’apprêtait à faire volte-face lorsqu’elle sentit la main de Matthew agripper son bras pour l’aider dans sa démarche. Les paupières mi-closes, l’air hébétée qui l’obligea à cligner des yeux pour se reconnecter, son regard croisa celui de son ex-mari et elle su que quelque chose se tramait, quelque chose qui ne dépendait que de ce jeu de regards et de l’étincelle qui brillait dans ses yeux. Bientôt, Lulani sentit la main de Matthew se poser sur sa mâchoire pour lui faire redresser doucement la tête et elle put sentir un feu naître dans sa poitrine tandis qu’à contrario, elle fut parcourut d’un frisson. Et finalement après trois ans d’abstinence, ses lèvres étaient de nouveau prisonnières de celles de Matthew et ce simple contact provoqua une véritable lutte intérieure chez Lulani que l’agent devait sans doute ressentir. Un seul baiser avait suffit à faire voler en éclats trois années de deuil et ainsi à lui faire prendre conscience qu’elle l’aimait encore comme au premier jour. Face à cette révélation accentuée par le fait qu’elle avait bien failli le perdre, la barrière céda une bonne fois pour toute. Ses muscles se décontractèrent, la main qui était posée sur son épaule pour le repousser glissa finalement sur sa nuque tandis qu’elle se collait un peu plus contre lui et sa réponse se fit plus franche, mais tout aussi tendre. Le silence qui les entouraient à présent n’avaient plus rien de gênant, il était aussi agréable qu’un cocon uniquement interrompu par ses soupirs de contentement et de petits chuchotis. Forcés de se séparer par manque d’oxygène, Lulani se sentit rougir et titilla les lèvres de Matthew du bout de son nez comme pour l’inviter à recommencer avec un petit sourire à la fois timide et malicieux. Face à son temps de réaction beaucoup trop long pour la jeune femme de nature impatiente, Lula lui vola de petits baisers qu’elle dévia avec douceur le long de sa mâchoire endolorie.

Des dizaines de raisons auraient pu, auraient dû empêcher Matthew d'embrasser Lulani. Depuis leur dernier baiser, trois ans auparavant, tellement de choses avaient évolué ! Et encore quelques mois auparavant, Matthew ne voyait plus son ex-femme restée à Palapag & à qui il ne parlait pratiquement plus. Comment en était-il arrivé à penser qu'il pourrait l'embrasser, là, maintenant ? Il avait toujours eu la sensation que Lulani s'était sacrifiée pour lui : toute leur vie, elle avait concédé à Matthew l'armée, l'archéologie, sa famille, et même sa patrie de naissance. Elle avait dû subir l'absence de Matthew avant leur divorce, pire encore, elle avait dû faire face à son honteuse tromperie. Et il se croyait capable d'aller jusqu'à unir leurs lèvres de nouveau ? Pourtant, il avait l'impression de n'avoir jamais rien fait de bien pour elle : il lui avait fait un enfant avant même qu'elle termine le lycée, l'avait laissée gérer seule ses enfants lorsqu'il était parti faire son service militaire & sur les terrains archéologiques, il l'avait mise en danger pendant des années par rapport à leur père, il avait même failli la faire tuer le jour-même. Depuis qu'elle l'avait laissé pénétrer dans sa vie, à travers le premier baiser qu'elle lui avait volé, il n'avait fait que l'anéantir. Il était un poison pour elle, loin de ce calme, cette sécurité & ce bonheur qu'elle méritait.

Et pourtant, il le voulait. A chaque fois qu'il avait croisé son regard ces derniers mois, qu'il avait senti son parfum, qu'il avait goûté l'un de ses plats, qu'elle l'avait vu bichonner l'un de leurs deux enfants, il avait voulu abattre ce mur en béton qui s'était construit entre eux. Depuis qu'elle lui avait fait la surprise à l'aéroport, en fait, il tentait de se convaincre que Lulani n'était venue habiter à New York que pour ses enfants. Et il l'avait tellement cherché ! C'était d'un égoïsme fou, mais il avait profité de chaque instant avec elle, chaque moment qui leur rappelle Palapag & la vie simple & heureuse qu'ils y menaient. Mason malade, le triste anniversaire du désastre du mont Pinatubo... Tout ça n'avait été que pour voler un nouveau sourire, une nouvelle parole de cette ex-femme qu'il avait longtemps pensée disparue pour toujours. Malgré tout, rien ne le poussait à agir maintenant, dans l'instant, alors pourquoi ? Leur situation, sa situation était compliquée : il y avait Alaska, avec qui il avait entamé une relation peu avant l'arrivée de Lula à New York, qui ne méritait pas une telle offense, et leurs enfants qui dormaient à quelques murs de là et à qui il ne pouvait pas imposer de nouvelles turbulences familiales alors qu'ils prenaient tout juste leurs marques dans leur nouvel environnement.

Lorsque ses lèvres entrèrent en contact avec celles de son ex-femme, Matthew n'eut plus le loisir de penser à tout ça. Si Lulani avait voulu le repousser, c'était comme si elle avait été arrêtée dans son geste, aussi électrisée par le baiser qu'il l'était. La main qui avait voulu retenir la jeune femme glissa jusqu'à sa taille et il l'attira contre elle alors qu'elle-même venait instinctivement, plaçant une main dans sa nuque qui provoqua des frissons dans tout son dos. Même s'il avait voulu, il n'aurait pas pu s'arrêter maintenant, et ses bras finirent même par entourer entièrement la silhouette de Lula pour la serrer contre lui, ignorant la douleur qui titillait ses côtes en se délectant de l'instant. Et lorsque leurs lèvres se séparèrent finalement, leurs poumons à la recherche d'un peu d'air, une seule idée vint à l'esprit de l'agent : plus. Il ferma les paupières un instant, se demandant s'il était capable de reprendre ses esprits, mais les baisers papillon de Lula l'arrêtèrent instantanément et, en un instant, il s'emparait de nouveau de ses lèvres.

Cette fois-ci, le baiser était plus profond, plus passionné, plus empli de frustration aussi. Lulani consentante, plus rien ne le poussait à se retenir, et ses muscles vinrent serrer encore Lula contre lui avec la ferme intention de ne pas la laisser s'en échapper. Sa tendresse lui avait tellement manqué ! Il redécouvrait ses formes, le goût de ses baisers, la douceur de sa peau. Dans un grognement, le jeune homme glissa ses mains derrières les cuisses de son ex-femme pour la porter, mais il n'en arrêta pas le baiser pour autant et, un peu à l'aveugle, il se dirigea vers le premier support plat qu'il trouva : une table. Y posant Lulani, il s'infiltra entre ses jambes & pendant qu'une de ses mains pressait possessivement sa taille, l'autre vint se loger dans son cou et d'un geste, Matthew releva le visage de la jeune femme pour s'attaquer à son tour à sa mâchoire, glissant finalement dans son cou pour le couvrir de baisers.

Suite à l’adultère de son mari, la jeune femme n’avait pas vraiment laissé de chance aux autres hommes et en règle générale, ses rencontres ne dépassaient jamais le stade de l’invitation à boire un café ou à dîner au restaurant. En voyant que Lulani leur opposait une résistance farouche, ils en avaient rapidement déduit qu'être célibataire ne voulait pas forcément dire accessible ! Elle se souvenait encore des vaines tentatives de l’oncle Kid pour la pousser dans les bras d’hommes respectables et de leurs longues discussions sur le sujet. Mais avec le rapprochement géographique récent, Lulani avait compris que ses réticences à rencontrer d’autres hommes n’étaient pas le fruit d’un manque de confiance ou d’une volonté de préserver ses enfants, mais bien l’expression d’un espoir profondément enfouie ; celui de récupérer Matthew. Lula ne l’avait compris que lorsqu’elle avait fait une rencontre bouleversante d’Alaska et même si elle avait voulu avoir l’air aussi détaché que devait avoir une jeune femme divorcée face à sa nouvelle conquête, Lulani n’avait pas pu s’empêcher d’exposer ce qu’avait été sa vie parfaite à Palapag avec Matthew et leurs enfants. Elle avait été égoïste et possessive, à l’instar des personnes voulant défendre leur bien, un comportement tout à fait humain ; ils n’étaient peut-être plus mariés, cependant Lulani comprenait enfin qu’elle serait toujours la femme d’un seul homme. Pourtant ce dernier avait souvent manqué à l’appel au cours de leur mariage, mais il avait sacrifié tellement de choses pour fonder une famille avec Lula que cette dernière s’était montrée conciliante en se disant que si elle n’était pas tombée enceinte à 16 ans alors peut-être que Matthew ne lui serait jamais revenu.

Partagée entre sa conscience et le désir, Lulani ne savait plus quoi penser de la situation actuelle. Ce qui se passait actuellement entre eux n’était pas anodin – sûrement pas après trois ans de contact froid – mais la jeune femme savait que tout ceci était provoqué par la peur panique éprouvée plus tôt dans la journée, le dénouement heureux qu’elle avait connu ainsi que ce baiser spontané et maladroit qui était venu percuter le coin des lèvres de Matthew cependant, même en le sachant et étant prise dans la magie de l’instant, Lulani savourait cet échange sans éprouver une once de culpabilité, de honte ou de colère. La jeune femme était dans sa bulle, elle en oubliait presque que les enfants pouvaient les surprendre et en déduire que leurs parents se remettaient ensemble, mais là, Lulani était plus sur le court terme : elle le désirait ce soir et les conséquences attendraient le petit matin. Lorsqu’il reprit l’assaut de ses lèvres pour un baiser beaucoup plus intense, Lulani put sentir la frustration de l’agent et ne put s’empêcher de sourire contre ses lèvres, les mordillant doucement. Bientôt, l’étreinte de Matthew se fit plus franche, ne lui laissant plus aucune échappatoire, mais Lulani n’avait pas l’intention de partir : c’était de ça dont elle avait besoin. Elle sentit les muscles de Matthew se contracter davantage, comme pour lui donner un avant-goût de la musculature plus développée qu’autrefois qui se cachait sous son haut, renforçant ainsi son sentiment de sécurité et son besoin de l’explorer de nouveau, de le redécouvrir et se le réapproprier (xD). Contrairement à Matthew, la jeune femme était moins franche, peut-être parce que c’était la première fois depuis trois ans qu’elle prenait enfin le temps d’écouter ses désirs à cause d’un blocage principalement causé par l’adultère de Matthew ou parce que – contrairement à celui de son ex-mari – son corps à elle n’avait (à son sens) pas changé alors elle craignait de le décevoir ou de ne pas lui suffire. Malgré sa taille de guêpe et ses formes harmonieuses, Lulani portait toujours les marques de ses précédentes grossesses et se questionnait souvent sur ce qui avait poussé l’américano-grec à aller voir ailleurs. Isabel, Alaska… Qu’avaient-elles de plus ? C'était une question obsédante qu'elle se devait de garder pour elle. Cependant, petit à petit, ses sens s’éveillaient et les gestes lui revenaient tout naturellement sans qu’elle ait forcément besoin de se poser d’autres questions. Elle avait chaud, mais frissonnait de plaisir. Toutes les fibres de son corps étaient réceptives à l’étreinte de Matthew, sa peau stimulée par le moindre touché, le moindre effleurement subtil. Bien que pressés l’un contre l’autre, Lulani voulait le sentir plus proche et comme s’il avait entendu le fil de ses pensées, les mains de Matthew glissèrent derrière ses cuisses. Comprenant la manœuvre un peu trop tardivement Lulani entoura de ses bras les épaules de son ex-mari en poussant un hoquet de surprise qui se transforma en un gémissement étouffé contre leurs lèvres scellées.

Elle se laissa transporter, puis déposée sur la table la plus proche qui à défaut d’être confortable lui permettait d’être à la hauteur de Matthew. Lulani enroula instinctivement ses jambes autour de lui, posant l’une de ses mains sur celle qui avait empoigné agréablement et fermement sa taille. A présent que son ex-mari s’attaquait à son cou, s’en était fini ! Il pouvait faire ce qu’il voulait d’elle, surtout parce qu’étant son ancien amant Matthew n’aurait aucun mal à retrouver sa zone érogène dont il s’approchait déjà dangereusement. Il ne lui en fallait pas plus à Lulani pour pencher sa tête sur le côté et pour placer ses cheveux de l’autre côté, lui offrant volontiers son cou en lui laissant le champ libre. Lulani ferma les yeux, appréciant chacun de ses baisers qui laissaient leur marque brulante. Haletante, la jeune femme passa ses doigts fins dans les cheveux de Matthew pour mieux l’attirer contre elle en lui massant le cuir chevelu avec une infinie douceur, puis cala sa tête près de son oreille, là où il pouvait sentir son souffle chaud, sa respiration saccadée et ses petits gémissements de contentement, s’autorisant même à en titiller le lobe. Au bout d'un moment, Lulani se pencha en arrière, levant la tête pour l'autoriser à aller plus loin. Lassées de ses cheveux, les mains de Lulani partirent à la découverte de son dos, le touchant à travers le haut de Matthew qui la frustrait davantage. C’est avec un subtil mouvement du bassin et en desserrant l’étreinte de ses jambes, la jeune femme lui fit comprendre de s’écarter légèrement afin d’ôter le premier rempart en tissu, mais avant de le faire, elle le lui demanda silencieusement par un simple regard désireux faisant la navette entre son vêtement et ses yeux bleus tout en mordant légèrement sa lèvre inférieure, hésitante.

Matthew était dans un autre monde : un monde où il n'y avait que Lulani & lui, leurs deux corps pressés l'un contre l'autre. Il était aussi surpris : après tout ce par quoi ils étaient passé, Matthew pensait - et Lulani en aurait eu un droit tout à fait légitime - que jamais celle-ci ne voudrait lui reparler, & voila où ils en étaient rendus aujourd'hui ! Et pourtant, la retrouver lui faisait tellement de bien ! Il avait l'impression de n'avoir cessé de redessiner ses courbes d'après ses souvenirs ces trois dernières années, d'avoir cherché dans les femmes qui avaient partagé son lit son ex-femme qu'il avait brisé & qui lui manquait tant. Il désirait Lula, c'était le cas depuis qu'il était adolescent & encore aujourd'hui, ses gestes et son propre corps étaient les témoins du fait qu'il vouait un culte à celui de Lulani : c'était celui qu'il avait serré contre lui la nuit pendant des années, celui qui avait porté ses enfants, et ça... ça, c'était irremplaçable, et terriblement désirable. Embrasser Lulani comme il le faisait, c'était comme rentrer à la maison et avoir l'impression qu'il n'y avait aucun autre endroit sur Terre qui vaille la peine. C'était tellement plus qu'un simple désir physique ! Lulani n'était pas n'importe qui - c'était elle. La façon qu'ils avaient toujours eu de se comprendre et de se compléter, la vie qu'ils avaient eu avant que la famille Vryzakis n'amène la CIA dans leur vie, Matthew ne croyait pas au destin mais si deux personnes étaient destinées, alors c'était eux. Il se demandait comment il avait pu abandonner la bataille aussi facilement, trop respectueux pour briser le souhait de Lulani de le savoir loin d'elle. Il avait fui, espérant la protéger et lui épargner plus de souffrance... Et finalement, il se disait qu'il aurait dû se battre, refuser l'offre de la CIA et planter une tante devant leur petite maison de Palapag. Si il n'avait pas été animé par ce désir fou de rendre la monnaie de sa pièce à son père, c'est sûrement ce qu'il aurait fait, la motivation ne lui aurait pas manqué - mais il avait baissé les bras et opiné à toutes les conditions de la philippine. Il avait été fou de croire qu'il vivait depuis qu'ils s'étaient quittés : il survivait à peine. Son oxygène, c'était ça : sa femme & ses enfants, sa famille, celle qu'il avait choisie douze ans auparavant sans hésiter un seul instant.

Encastré entre les jambes de Lulani, l'embrassant sauvagement en ne se retenant pas de redécouvrir son corps de ses mains, s'aventurant sous son haut pour caresser sa peau douce qui à elle seule lui rappela les couchers de soleil sur le Pacifique, Matthew avait l'impression d'être un adolescent bravant l'interdit. Bientôt, il retrouva ses marques, jouant des faiblesses de la jeune femme qu'il n'avait jamais oublié & aventurant ses lèvres dans son cou pour le couvrir de baisers, le mordillant avec douceur et souriant contre sa peau en la sentant frissonner. Il aurait pu continuer ainsi longtemps si la jeune femme ne lui avait pas doucement fait signe de s'écarter légèrement, juste assez pour pouvoir retirer son haut. Leurs regards se rencontrèrent & Matthew y resta suspendu un instant, complètement émerveillé. Elle lui fit rapidement comprendre que son vêtement était de trop et un petit sourire en coin vint prendre place sur les lèvres de Matthew qui, facilitant leur travail, aida Lulani à retirer son tee-shirt. Ses côtes le lancèrent une nouvelle fois, plus fort que précédemment, mais il était encore une fois tellement assoiffé d'un nouveau baiser de son ex-femme qu'il n'y prêta pas attention. Estimant qu'une chose n'allait pas sans l'autre, il lia ses lèvres à celles de Lulani mais s'en écarta un instant plus tard, le souffle court et les doigts agrippés au bas de son haut [et là tu SENS l'heure qu'il est '-' le haut de Lula, d'ailleurs, just saying x)], remontant celui-ci pour le faire passer par-dessus la tête de la philippine, comme elle l'avait fait avec lui.

Oui, son souffle était bien trop court : il mettait ça sous le coup de la situation, de son excitation. Lulani mettait son esprit sens dessus dessous, il n'était pas étonnant qu'elle en fasse de même avec son corps. Ses mains tremblaient, mais ça pouvait aussi très bien être dû à sa proximité avec son ex-femme. Une fois leurs vêtements à terre, Matthew repartit à la conquête du cou de la philippine et s'aventura sur son épaule, en retraçant la ligne avec ses doigts pour laisser ses lèvres prendre le relais et faire glisser la bretelle du soutien-gorge de la jeune femme. Et puis vint la toux ; il ne put pas la contenir plus de quelques secondes, et il dut s'écarter pour placer sa main devant sa bouche en suffoquant, pris par surprise. Sa gorge se fit rapidement brûlante et il crut s'étouffer, s'écartant encore un peu avant de cracher un flot de sang qui se logea dans le creux de sa main. Surpris et en souffrance, il toussota en observant le sang dans sa main et releva un regard inquiet à Lulani, comme s'il était subitement réveillé d'un délicieux rêve par une terrible réalité. Son regard se fit flou et il secoua la tête, ses yeux s'arrêtant sur son corps. Sur tout son flanc, sa peau avait viré au bleu, teinté de rouge, et maintenant qu'il n'était plus absorbé dans son baiser, il sentait sa cage thoracique compressée comme s'il se retrouvait subitement à mille pieds sous l'eau. Il voulut s'éloigner comme si ça pouvait lui permettre de mieux voir, mais ses jambes défaillirent sans qu'il ne comprenne pourquoi et il s'écroula au sol, les yeux mi-clos et un flot de sang dans la gorge l'empêchant de respirer.

Lulani avait passé la majeure partie de la journée à compter les secondes et maintenant, elle n’avait plus la moindre notion du temps, ignorant même jusqu’à l’heure qu’il pouvait être. Tandis que les lèvres de Matthew s’aventuraient un peu partout sur son cou à la peau déjà brûlante, la philippine n’éprouva plus aucun doute et toutes ses interrogations s’envolèrent pour se concentrer uniquement sur une toute autre tâche : rendre ce moment aussi parfait et inoubliable que leur première fois. Quand on y réfléchissait, c’était plus ou moins ça : la première fois d’une possible seconde chance... Lulani n’en avait pas la moindre idée. Elle se focalisait uniquement sur l’instant présent, sans même songer à la surprise du lendemain lorsqu’ils se réveilleraient nus et enlacés dans le même lit ou encore à l’inévitable discussion qu’il en résulterait. Pourtant, elle sentait que son ex-mari en avait tout autant besoin qu’elle, ne serait-ce que par ses baisers qui n’étaient pas sans rappeler leur vie passé à Palapag. C’était un mélange de sauvagerie et de tendresse qui la rendait totalement dépendante, avide de plus. Tandis que Matthew passait ses mains sous son haut pour effleurer sa peau en lui arrachant de nouveaux frissons, Lulani serra un peu plus ses jambes autour de son ex-mari avec la même possessivité que lui lorsqu’il avait agrippé sa taille. Elle n’avait aucun doute quant au fait que l’américano-grec la connaissait par cœur, puisqu’il savait exactement quelle partie de son cou il lui fallait titiller pour que Lula réagisse. Son léger mordillement ainsi que son souffle chaud à l’endroit où la jeune femme était particulièrement chatouilleuse lui arracha un petit rire tandis que, par réflexe, elle pencha la tête de son côté pour tenter de lui en bloquer l’accès. Matthew sembla s’en amuser parce qu'elle put sentit les commissures de ses lèvres se retrousser légèrement contre sa peau. Finalement, la jeune femme le repoussa légèrement afin de lui demander la permission silencieuse de commencer à le dévêtir et, comme au bon vieux temps, son ex-mari n’eut aucun mal à interpréter le regard qu’elle lui lançait. Lulani fut frappée par le sourire en coin qu’il afficha, mais ne s’y attarda pas davantage, bien trop pressée de toucher son corps. Avec l’aide de Matthew, Lula le débarrassa de son haut et ses mains glissèrent aussitôt sur sa peau, l’effleurant tel une aveugle cherchant à graver une image dans sa mémoire. Son exploration fut coupée par l’agent qui l’embrassa de nouveau, Lulani –bien trop occupée avec sa mémoire tactile– y répondit distraitement, mais l’aida tout de même à ôter son propre vêtement avant de repartir à l'assaut de son corps.

Elle fut agréablement surprise de constater que Matthew n’avait pas chaumé pendant trois ans, sa silhouette était encore mieux sculptée qu’auparavant. Ses souvenirs étant maintenant ‘faussés’, Lulani avait l’impression de devoir tout réapprendre de lui alors que le jeune homme n’éprouvait aucune difficulté de son côté. Notant le souffle court et les mains tremblantes de son ex-mari, la philippine esquissa un sourire empli de fierté, manifestement ravie de réussir à le mettre dans cet état après tant d’années et lui soumit de nouveau son cou, poussant un long soupir de bien-être. Lulani ne resta pas inactive pour autant, ses mains glissèrent sensuellement sur le torse de Matthew et s’éternisèrent sur de nouvelles cicatrices dont quelques-unes à portée de ses lèvres ; elle fondit alors sur celles-ci et y déposa de tendres baisers comme si elle voulait le guérir, le délivrer d’un combat qui aurait dû être le leur et non entièrement le sien. Sa bretelle de soutien-gorge était à peine descendue lorsque Matthew fut pris d’une quinte de toux qui les coupèrent dans leur élan et forcèrent son ex-mari à s’écarter brutalement. L’agréable tension qui régnait dans la pièce s’estompa dès lors que Lulani comprit la gravité de la situation, fronçant légèrement les sourcils comme lorsque l’un de ses enfants tombait malade, la jeune femme l’observa, affichant un visage impuissant et remit correctement la bretelle de son sous-vêtement avant de descendre de la table. « Qu’est-ce que tu as ? » demanda-t-elle, se rapprochant de lui tandis qu’il s’éloignait. Soudain, une nouvelle quinte de toux – plus violente, cette fois-ci – lui fit cracher un peu de ce liquide rouge et poisseux qu’elle n’avait cessé de voir toute la journée durant et qui la répugnait. A la vue de l’hémoglobine et de son odeur ferrique sur sa paume, Lulani poussa un hoquet de surprise et franchit aussitôt les quelques pas qui les séparaient pour prendre sa main dans la sienne afin d'en analyser le contenu. En relevant la tête, elle suivit le regard de Matthew et à la vue de son corps meurtri son cœur loupa un ou deux battements. Lulani plaqua sa main contre sa bouche, les yeux ronds comme des billes. « Matt !? » commença-t-elle. Cependant, la réponse ne vint jamais. Au lieu de ça, les jambes de Matthew se dérobèrent sous son poids et il s’effondra au sol à moitié comateux. « Matt ! » hurla-t-elle, rompant ainsi le calme ambiant et alertant sans doute les agents figés devant la porte. La respiration haletante, Lulani remit son haut et s’agenouilla auprès de lui en passant une main sur sa joue pour la tapoter. « Reste conscient... Tu m'as promis... » le supplia-t-elle, sa voix déformée par l’inquiétude. Toujours aucune réponse, mais même dans l’état de panique général, la jeune femme eut le réflexe de pratiquer les premiers gestes comme elle l’avait fait pour Walter quelques heures plus tôt en se servant de sa ceinture comme d’un garrot. Elle plaça donc Matthew sur le côté non blessé pour qu’il ne s’étouffe pas avec son propre sang, puis accourut jusqu’au salon et s’empara du téléphone pour composer le 911. Une fois l’appel passé, Lula ouvrit la porte d’entrée et prévint aussitôt ses collègues de l’arrivée imminente des urgences, l’un d’entre eux entra même pour lui prêter main forte et la rassurer. Elle s’empara du plaid qui était resté sur le divan et recouvrit son ex-mari encore torse-nu, se moquant de ce que son collègue pouvait bien penser, mais avec l’étendue de la blessure ainsi que l'endroit où elle se trouvait, il ne s’en formalisa pas. Les secours arrivèrent rapidement et Matthew fut aussitôt embarqué. Être au chevet de son ex-mari souffrant ou à celui de ses enfants ? Lulani était complètement tiraillée entre ces deux choix, à un tel point qu’elle se mit à pleurer. Ledit collègue – celui qui l’avait trouvé errante dans la rue – revint vers la jeune femme et pressa de nouveau son épaule dans un geste réconfortant. « Restez auprès de vos enfants, ils auront besoin d’être rassurée à leur réveil. Je vais suivre l’ambulance et je vous tiendrais informée de son état une fois là-bas, soyez-en sûre. Vous pourrez venir le voir dans la matinée avec Toyiah et Mason, d’accord ? ». Après un moment d’hésitation, Lulani finit par acquiescer d’un signe de tête ; c’était la meilleure chose à faire pour elle, pour ses enfants et pour Matthew. Bientôt, la jeune femme se retrouva comme au point de départ : seule dans son modeste appartement à se ronger le frein.

Incapable de dormir, Lulani s’occupa du mieux qu’elle le put en gardant son téléphone portable à portée de main. Elle avait commencé par effacer les traces de sang, puis – par envie de s’occuper l’esprit pour ne pas s’endormir plus que par soucis de maniaquerie – la jeune femme nettoya l’appartement de fond en comble et lorsqu’elle eut terminée, se rendit compte que le soleil s’était levé en même temps que Mason. Elle attendit que Toyiah soit également réveillée pour la câliner comme elle n'avait pas pu le faire la veille, elle essaya d'ouvrir le dialogue, mais la petite fut un véritable petit soldat et au lieu de ça, Lula fut contrainte de leur expliquer ce qui était arrivé à Matthew. Il fut décidé d'un commun accord qu'ils iraient rendre visite à leur père ainsi qu'à Walter et chacun y mit du sien. Après leur toilette, Lulani improvisa un atelier cupcake avec son fils tandis que la petite fille s’était installée sur le bureau de Lula pour y dessiner à son tour, arrachant un petit sourire à la mère de famille. En fin de matinée, le collègue de Matthew lui téléphona comme promis pour l’informer que son ex-mari était à présent sortie du bloc, qu’il dormait encore et que les visites lui étaient enfin autorisées. Sans plus attendre, la petite troupe quitta l’appartement, prête à rejoindre l’hôpital le plus proche où le patriarche de la famille, Francis ainsi que Walter avaient été transportés en urgence, mais l’un des agents qui avait pris la relève les stoppèrent. Elle les avait presque oublié ceux là. « Vous avez l’air épuisé, laissez-moi vous y conduire. ». Devant le fait accompli, Lula ne put que se rendre à l’évidence et sentit que ses muscles étaient effectivement très cotonneux. Elle opina du chef en le gratifiant d’un sourire, puis monta à bord de son 4x4. La voiture eut à peine le temps de se garer que Mason détacha sa ceinture à toute hâte et descendit pour gagner le hall d’entrée avant même que Lulani ait eu le temps de dire quoi que ce soit pour l’en empêcher. Bien vite, elle le rattrapa, Toyiah sur ses talons et lorsque les portes coulissèrent pour les laisser entrer, la jeune femme jeta un coup d’œil circulaire à la recherche de son fils qu’elle trouva en grande discussion avec la réceptionniste. « Bonjour toi, que fais-tu ici tout seul ? Tes parents ne t’accompagnent pas ? » le questionna-t-elle, se penchant légèrement au-dessus de son bureau pour dévisager l’enfant. « J’ai 6 ans et demi, je ne suis plus un bébé ! Je viens voir mon papa. Mr Matthew Vryzakis. V.R.Y.Z.A.K.I.S. Il est dans quelle chambre, s'il vous plait ?» demanda-t-il de son regard de Chat Potté et d’un air si adulte que Lulani ne put s’empêcher de sourire malgré la gravité de la situation, le trouvant adorable. La réceptionniste associa la philippine à l’enfant, lui sourit et finit par lui dire le numéro de la chambre. La petite famille s’engouffra dans l’ascenseur - un exploit pour la jeune femme qui en avait une peur bleue depuis qu’elle était restée coincée dans celui d’une clinique de Palapag alors qu’elle était enceinte de Mason - mais Lulani se sentant incapable de gravir les escaliers.

Quelques instants plus tard, ils progressaient dans le couloir de l’étage concerné, cherchant le numéro de porte que leur avait gentiment indiqué la réceptionniste, puis entrèrent dans la chambre sans faire de bruit. Matthew était toujours endormi et relié à des tentacules de perfusions et d’appareils de toutes sortes ; électro-cardiogramme, bouteille d’oxygène... Pour Lulani, Toyiah et Mason, cette vision fut un véritable choc à un tel point qu’elle se demandait s’il n’aurait pas été plus sage d’épargner cette vue à ses enfants. Ils ne l'avaient jamais connu aussi malade, Matthew avait toujours été le roc de la famille, le militaire, celui qu'ils considéraient aujourd'hui encore - et particulièrement aujourd'hui - comme un héros. « Papa… » murmura Toyiah, complètement brisée. Lulani passa une main dans ses cheveux en guise de réconfort et tous prirent place au chevet du chef de famille. Tandis que la philippine s’installait dans le fauteuil, Toyiah et Mason s’installèrent de l’autre côté, se partageant une chaise et allumèrent la télévision sur une chaîne de dessins-animés qu’ils regardèrent le plus calmement du monde. Les larmes aux yeux, Lulani observa Matthew et lui adressa un sourire douloureux qu’il ne pouvait pas voir en pensant à ce qu’elle lui avait dit la veille ; il allait être réveillé comme elle le lui avait promis - par l’odeur des cupcakes et le bruit des dessins-animés de son fils - sauf qu'il était alité dans un lit d'hôpital et non dans son appartement de Greenwich Village. La jeune femme continua de livrer bataille contre Morphée, voulant que le regard de Matthew croise le doux sourire de la philippine, comme ils l’avaient implicitement et initialement 'prévu', mais Lulani était tellement épuisée que son teint était livide, bien loin du visage radieux qu'il lui avait toujours connu à son réveil. Doucement, l'asiatique commençait à rendre les armes, sentant ses paupières se faire de plus en plus lourdes. Elle eut tout juste le temps de sentir que son fils l’embrassait sur la joue en la recouvrant de son petit manteau comme elle le faisait souvent avec lui. Les rôles étaient à présent inversés, les enfants prenant soin de leurs parents. « Dors, maman. » murmura-t-il. « On veille sur papa. » renchérit doucement sa fille… et bordée par ses enfants, Lula finit par s’endormir la tête posée sur sa main et les sourcils froncés jusque dans son sommeil.

Matthew n'avait plus vraiment conscience de rien : il était allongé sur le côté, dans le salon de son ex-femme, mais son esprit était beaucoup plus loin que ça. Le sang n'avait plus de goût dans sa bouche, ses oreilles ne captaient plus un bruit et ses paupières restaient irrémédiablement closes.

En sommeil, dans le coma ? Il l'ignorait, et n'y accordait pas vraiment d'importance. Son esprit lui jouait des tours, le transposait tantôt au milieu d'un embargo au Moyen-Orient, tantôt devant des hiéroglyphes dansants à Abou Simbel. Il revoyait les vagues de Palapag, les monuments athéniens près desquels il avait révisé ses examens à l'adolescence, la base où il avait fait ses armes, la plage où il avait solennellement offert son âme à sa femme, ce volcan près duquel il avait pris l'habitude d'aller chaque année avec elle & leurs enfants, le sable égyptien qui s'infiltrait partout, le premier regard que lui avait adressé sa fille à sa naissance, le dernier que lui avait adressé sa mère, la course poursuite dans Pékin lors d'une mission avec Leroy, celle à Tokyo à la recherche de la même personne, la dernière partie de football américain de son fils, le mot que Walter avait laissé à son intention en lui ramenant sa lessive, les moustiques tropicaux...

Le guet-apens. Il faisait une chaleur étouffante dans le pick-up qui filait sur une plaine du désert d'Afghanistan. Fenêtres grandes ouvertes, le véhicule se faufilait entre les pierres en secouant ses sept passagers, dont le casque militaire vacillait à chaque grosse secousse. Armé sur le toit, il possédait également trois drapeaux flottant au vent : celui de la Grèce, celui de l'ISAF pour lequel ils étaient engagés et un drapeau blanc - ils ne faisaient que passer, trois des soldats s'étaient vus accorder une permission & les autres avaient un débriefing à assurer à la base centrale. A l'intérieur, ils s'insultaient grassement en mélangeant les langues grecque, perse et anglaise : l'ambiance était bonne enfant, mais Matthew n'était pas vraiment inclu dans la conversation. Le regard rivé vers l'horizon, il ne pouvait penser qu'à sa permission, et son départ imminent pour Palapag où il allait pouvoir assister sa future femme pour son dernier mois de grossesse. Il avait tellement hâte de voir sa petite fille ! Toyiah, ce serait son nom. Toyiah Vryzakis, le mélange parfait de leurs deux êtres. Elle aurait sûrement la douceur des cheveux de sa mère, mais le caractère obstiné de son père ! Elle serait intelligente, ça c'était certain, et elle vivrait heureuse & épanouie, il y travaillerait dur ! Après tout, c'était aussi pour elle qu'il s'était engagé dans l'armée, pour l'argent & les dédommagements ! Ses compagnons d'armes respectaient son silence & comprenaient son engouement, il avait attendu cette permission des mois, trimant comme un dingue pour se faire bien voir par les hauts gradés. Désormais, il était récompensé, et personne ne douta qu'il le méritait amplement. Et soudainement, blackout. Une explosion, des tirs, du sang...

Sursaut. Matthew avait eu l'impression de bouger tout son corps, mais seul son petit doigt s'était légèrement levé avant de retomber mollement, inerte. Le noir était de nouveau complet, et il se demanda un instant si ses compagnons avaient survécu, avant de se souvenir de les avoir déjà presque tous enterrés. Alors d'où venait cette douleur qui le lancinait ? Une fois qu'il en prit conscience, il se rendit compte que c'était justement ça qui l'avait tiré de son tumultueux sommeil. « ... mais si, je te dis qu'il a bougé ! » entendit-il chuchoter près de lui. Mason... Ce dernier devait être en train d'analyser son visage au centimètre près - il sentit du mouvement près de lui & un souffle vint effleurer sa joue. « Papa ? » Toyiah. Matthew aurait voulu lui répondre, mais il s'en trouva d'abord incapable. « Tu vois, il dort encore. Tu dis vraiment n'importe... » Sa main bougea encore : cette fois, la petite philippine le remarqua et en eut le souffle coupé. « Tu vois ! Je te l'avais bien dit ! » commença à argumenter son frère. Toyiah ne sembla même pas vouloir argumenter, et à la place, agrippa la main de son père.

Un instant plus tard, il réussissait à ouvrir les yeux. La lumière fit papillonner ses paupières un instant mais lorsque son regard se tourna vers ses enfants, il se concentra et laissa échapper un sourire. Trop fatigué pour lever la tête, il cligna des yeux et serra légèrement la main de sa fille qu'il tenait. Sentant un poids sur son autre main, il réussit à tourner la tête pour tomber sur la silhouette endormie de Lulani.

Il referma les yeux, et petit à petit les pièces du puzzle se reconstituèrent dans son esprit, allant de l'enlèvement de Toyiah à l'interruption des "retrouvailles" entre Lulani & lui en passant par la bagarre contre Francis & l'influence de Leroy concernant le sort de Nikolas. Il s'abstint de soupirer, craignant pour ses côtes et ses poumons, et rouvrit finalement les yeux en rassemblant ses forces. « Hey... » chuchota-t-il à l'intention de ses enfants, levant la main pour caresser la joue de sa fille, ne pouvant pas atteindre les cheveux de son fils à cause des fils qui reliaient son bras à une machine. « Il faut réveiller maman ! » s'exclama Mason, pourtant toujours en chuchotant. Pour se faire, Matthew bougea la main qu'elle avait sous elle avec douceur, de toute façon incapable de faire plus.

Durant les premières minutes d’endormissement, Lulani avait repoussé Morphée comme elle avait voulu repousser Matthew, cependant comme avec lui son combat avait été vain et elle avait fini par s’endormir dans une position très inconfortable. La philippine était épuisée autant physiquement que mentalement et voir son ex-mari dans un lit d’hôpital n’arrangeait pas les choses ; surtout après ce qui s’était passé et ce qui aurait pu se passer entre eux car maintenant que son mur de protection avait cédé, Lulani se laissait submerger par un tsunami d’émotions dévastatrices et contradictoires. Elle en était au point où elle craignait autant leur discussion inévitable que d’apprendre qu’il ne se réveillerait pas, le mieux aurait presque été qu’un choc post-traumatique ne lui efface ce passage de la mémoire et qu’il ne se souvienne plus de la façon dont elle lui avait si facilement cédé alors qu’il y avait tellement de choses qui auraient dû l’en empêcher, mais le pire c’était que Lulani avait bonne conscience malgré tout. Pour l’heure, la jeune femme dormait d’un sommeil de plomb sans même capter les sons ambiants, les murmures de ses enfants ou le réveil de Matthew. Lorsqu’elle sentit le léger mouvement de son ex-mari visant à la réveiller, Lulani ouvrit les yeux de moitié et détourna aussitôt la tête pour se rendormir, mais l’odeur caractéristique de l’hôpital chatouilla ses narines et la jeune femme se redressa péniblement. Cheveux en bataille, paupières lourdes et empreinte du drap sur la joue, la philippine semblait encore plus fatiguée que lorsqu’elle avait rendu les armes, arrachée brutalement de son cycle de sommeil. Petit à petit, son corps se réveillait en même temps que la douleur de ses muscles ankylosés. Son regard perdu balaya la chambre d’hôpital avant que son esprit ne se reconnecte enfin à la réalité. Lorsqu'elle croisa les yeux verts de Toyiah, Lulani passa aussitôt une main sur son visage dans l’espoir que ce simple geste la rendrait fraîche et disponible, puis finit par étouffer un bâillement qui se termina en un sourire rassurant en voyant Mason s’approcher. « Papa s’est réveillé. » chuchota-t-il.

Cette simple phrase sembla fonctionner aussi bien qu’une bonne tasse de café ; son regard paru soudain bien plus éveillé que quelques secondes auparavant et elle se tourna vers lui tout en se réinstallant convenablement dans son fauteuil. Elle chercha les prunelles bleues de Matthew et finit par lui adresser un sourire endormi, inquiet et navré. « Hi… Comment tu te sens ? » demanda-t-elle d’une voix légèrement pâteuse. Par réflexe, la jeune femme jeta un coup d’œil au monitoring qui affichait ses constantes, mais ne chercha même pas à les déchiffrer. Elle finit par se redresser péniblement et pressa le bouton de la téléalarme pour prévenir le personnel médical de son réveil. Même s’il n’était pas en très grande forme et qu’elle doutait sincèrement que leur conversation aurait lieu maintenant, Lulani craignait de se retrouver seule face à lui et de ne savoir quoi lui dire. Heureusement que ses enfants étaient là… Enfin… « Maman, j’ai soif. Je peux aller nous chercher quelque chose au distributeur ? ». Lulani acquiesça, décroisa les jambes en se penchant pour attraper son sac et en tira un porte-monnaie qu’elle lui tendit. Polie, Toyiah demanda à tout le monde s’ils voulaient quelque chose et quitta la chambre avec Mason pour le hall d’entrée où se trouvait le distributeur. Le silence retomba bien vite dans la pièce seulement entrecoupé par le bruit des appareils et le goutte-à-goutte des perfusions, Lulani afficha un petit sourire et passa nerveusement une main dans son cou, priant presque pour qu’un médecin brise ce moment. Elle finit par se décider à le faire et attrapa l’un des paquets qu’ils avaient emporté avec eux. « Je te l’avais bien dit que tu serais réveillé par l’odeur des cupcakes et les dessins animés. » lui sourit-elle en le posant sur la table amovible. Lulani joua avec ses mains, massant inconsciemment son annulaire gauche de son pouce tandis que sa jambe tressautait nerveusement. « Ils en mettent du temps… » marmonna-t-elle la gorge nouée par l'angoisse du verdict (celui du docteur ou celui de Matthew ?), commençant déjà à perdre patience.

Matthew avait l'impression que sa tête était retenue dans un étau, et bien qu'il eut ouvert les yeux, ses paupières restèrent lourdes : on l'avait sûrement bourré de médicaments lorsqu'on l'avait opéré. Bien qu'il sache qui il était, où il était, avec qui & pourquoi il était là, il restait dans un vague brouillard et ses membres étaient encore engourdis. « Papa s’est réveillé. » avertit Mason lorsque Lulani sembla enfin émerger de son sommeil. Immédiatement, son ex-femme se redressa pour tourner la tête vers lui & il put vite voir son visage fatigué, son regard également encore endormi et son sourire navré. « Hi… Comment tu te sens ? » lui demanda-t-elle rapidement, épuisée mais inquiète.

Il ne fallait pas se mentir : Matthew semblait être plutôt mal en point, & il ne pouvait pas s'en cacher. Cependant, il ne mentit pas en lui répondant. « Je sens pas grand chose, à vrai dire... » déclara-t-il avec une pointe d'humour, grimaçant en tentant de se redresser pour finalement retomber mollement contre son coussin, déjà fatigué par son effort et sentant ses côtes le lancer lorsqu'il esquissait un quelconque mouvement. « Maman, j’ai soif. Je peux aller nous chercher quelque chose au distributeur ? » les interrompit encore Mason - Matthew laissa sa mère régler les détails en fermant les paupières et ne les rouvrit que pour voir ses enfants disparaître en refermant la porte de la chambre derrière eux, main dans la main pour ne pas se perdre.

Le silence retomba bien vite dans la pièce & étrangement, Matthew l'apprécia : il était tellement fatigué qu'il pourrait bien se rendormir, là, si seulement il ne savait pas qu'un médecin viendrait le réveiller d'un instant à l'autre. Après un moment qu'il ne sut quantifier, Lulani reprit la parole. « Je te l’avais bien dit que tu serais réveillé par l’odeur des cupcakes et les dessins animés. » L'allusion fit sourire l'agent qui rouvrit les yeux en sentant l'odeur des cupcakes que Lulani agitait sous son nez. Seulement, aussi appétissant semblais-ce être, ça ne faillit que lui provoquer un haut le coeur. Il incita donc la jeune femme à poser le sac un peu plus loin, et il écarta légèrement la table. « On verra plus tard, je me sens pas d'avaler quoique ce soit... » souffla-t-il avant de s'attarder sur le symbole. « Mais merci... » reprit-il en souriant faiblement.

Alors que Lulani semblait stressée, mal à l'aise & impatiente, Matthew appréciait ce silence & la simple présence de son ex-femme ; même les bips ambiants ne le perturbaient pas le moins du monde. Comment avait-il pu se traîner aussi longtemps avant de tousser & de tomber dans les vapes ? Il avait encore du mal à tout réaliser, mais il était tout de même pleinement conscient de la chance qu'il avait d'être toujours en vie. « Ils en mettent du temps… » reprit Lula, désireuse de briser ce silence qu'elle trouvait sûrement gênant. Evidemment, il devinait aisément ce qui la rendait si nerveuse, mais il ne se décida d'abord pas à aborder le sujet : en plus de trouver ça purement amusant, il était trop fatigué pour entrer tout de suite dans un grand débat. Ils étaient vivants, c'était tout ce qui importait. « Vous avez été voir Walter ? » lui demanda-t-il sur le ton de la conversation, parfaitement conscient que ce n'était pas ce à quoi elle s'attendait mais tout de même intéressé de savoir comment se portait son majordome.

Bien qu’il ait été blessé au cours de son service militaire, c’était la première fois que Lulani le voyait alité dans un lit d’hôpital et ses traits prouvaient à eux seuls combien cette situation inédite la touchait. « Je sens pas grand-chose, à vrai dire… ». La jeune femme afficha un petit sourire qui se transforma en une grimace de compassion lorsqu’elle le vit essayer vainement de se redresser. « Il faut dire qu’ils n’ont pas lésiné sur les perfusions, ton fils te surnomme Dr Octopus maintenant. ». Ah, Mason et ses références télévisuelles… Quelque part, Lulani se félicitait d’avoir été auprès de lui à ce moment-là, d’avoir réagi en conséquence et ainsi d’avoir épargné un tel spectacle à ses enfants déjà fragilisés par l’enlèvement de Toyiah. Si elle n’avait pas été là, comment l’aurait-elle retrouvé au petit matin ? A moitié mort dans le canapé du salon ? Elle ravala le nœud qui se formait dans sa gorge et jeta un rapide coup d’œil aux perfusions pour s’assurer que les poches étaient toujours remplies, même si ce n’était pas son job. Après un dernier regard à ses enfants, souriant de les voir quitter la chambre main dans la main, Lulani se tourna de nouveau vers Matthew en se demandant s’il s’était senti faiblir la veille, s’il s’était blessé en la portant ou si elle l’avait blessé en le serrant tout contre elle, mais ses interrogations n’obtiendraient sûrement pas réponses. « On verra plus tard, je me sens pas d’avaler quoique ce soit… Mais merci… ». Lulani opina du chef et écarta immédiatement la boîte. Elle comprenait parfaitement : il venait à peine de se réveiller et peinait à se redresser sur le lit, ça reflétait assez bien son état actuel.

« Vous avez été voir Walter ? » s’enquit aussitôt l’agent. Pour toute réponse, Lulani secoua la tête de gauche à droite. « Nous sommes simplement passés devant sa chambre, mais il dormait et les enfants avaient besoin de te voir… en particulier Toyiah. ». Elle marqua une petite pause, se retenant d’ajouter qu’elle aussi avait eu besoin d’être à son chevet, mais cela se voyait tellement sur les traits de son visage marqués par l’inquiétude que Lulani n’avait même pas besoin de le dire à voix haute. « On a prévu de lui rendre visite juste après, mais je te donnerais de ses nouvelles aussitôt et ensuite j’irais faire un tour à ton appartement avec ton collègue pour te prendre quelques affaires. D’ailleurs si tu as besoin que je te ramène quelque chose en particulier… ». Elle semblait avoir tout planifié et à s’entendre parler, Lulani avait vraiment l’impression d’être toujours l’épouse qui veille sur son mari. Ce n’était plus son rôle, mais c’était plus fort qu’elle car lorsqu’ils étaient mariés, elle se plaisait à dire que Matthew était comme un troisième enfant par moment et c'était peut-être aussi pour cela qu'elle caressait inconsciemment son annulaire dépourvu d'alliance. La philippine ne pensait pas remettre les pieds à Civic Center aussi vite alors que le sang avait à peine eut le temps de coaguler sur les murs, mais c’était aussi pour cette raison qu’elle s’y rendait avec un agent de la C.I.A outre le fait que l’endroit était toujours une scène de crime. Ce silence. « Tu… Est-ce que tu avais déjà mal avant de perdre connaissance ? » osa-t-elle finalement, la tête légèrement inclinée pour mieux le voir.

« Il faut dire qu’ils n’ont pas lésiné sur les perfusions, ton fils te surnomme Dr Octopus maintenant. » plaisanta son ex-femme en faisant allusion à la multitude de fils qui sortaient de ses bras pour aller se perdre dans les machines autour de lui. Jetant un regard à celles-ci, Matthew dut admettre que Lulani n'exagérait pas lorsqu'elle disait que les médecins y étaient allés à coeur joie pour planter son corps de tubes où filtraient des fluides inconnus. « Au moins, il trouve de quoi en rire... C'est le plus important. » dit-il sagement, acceptant ce surnom avec plaisir puisqu'il savait que c'était la façon que son fils avait de digérer le fait qu'il avait failli perdre sa mère, sa soeur et son père dans l'espace d'un journée.

Petit à petit, Matthew se réhabituait à la réalité, comme si les médicaments qu'on lui avait donné avait encore un dur effet sur lui. Il lutta même contre le sommeil lorsque ses enfants quittèrent la pièce. Pourtant, quelque chose lui disait qu'il n'était pas l'heure du repos : il avait besoin de savoir comment se portait le monde, surtout au lendemain d'une journée aussi difficile que celle qu'ils avaient vécu autour de l'enlèvement de Toyiah. Il demanda donc des nouvelles de Walter, n'osant pas aborder le sujet sûrement douloureux que représenterait Francis & le reste des troupes. « Nous sommes simplement passés devant sa chambre, mais il dormait et les enfants avaient besoin de te voir… en particulier Toyiah. » l'informa Lulani avant de reprendre avec attention. « On a prévu de lui rendre visite juste après, mais je te donnerais de ses nouvelles aussitôt et ensuite j’irais faire un tour à ton appartement avec ton collègue pour te prendre quelques affaires. D’ailleurs si tu as besoin que je te ramène quelque chose en particulier… » Matthew fut d'abord touché de l'attention de la jeune femme, qui semblait décidée à prendre les choses en main comme elle avait si souvent eu l'habitude de le faire. Mais bien vite, une autre préoccupation occupa son esprit & il ne tarda pas à en faire part à la philippine. « T'es pas obligée de retourner là-bas, Lula... Je demanderais à Lee d'aller me prendre quelques trucs, ne serais-ce qu'hier tu voulais pas y retourner... » souffla-t-il, à son tour attentionné. Après tout, son coéquipier pouvait bien faire ça pour lui, il pouvait bien comprendre que Lula n'était pas à l'aise dans l'appartement où elle avait failli perdre la vie, où tant d'autres l'avaient perdue & où sa fille lui avait été sauvagement enlevée. « Mais tu peux repasser... Avec plaisir. » reprit-il encore, pour se justifier : loin de lui l'idée de l'écarter de Civic Center pour se débarrasser d'elle, bien au contraire. En trois ans de travail à la CIA, il s'était rarement réveillé autrement que tout seul, et l'attention qu'avait Lulani à son égard était un cadeau pour lequel il serait bien resté alité un peu plus longtemps.

« Tu… Est-ce que tu avais déjà mal avant de perdre connaissance ? » lui demanda encore la jeune femme, provoquant un léger sourire de la part de son ex-mari ; les images de la veille se mirent à tourner dans son esprit. « Je ressentais une gêne, mais j'avais pas vraiment mal, non. » déclara-t-il, sincère, pas sûr de se souvenir de ce qu'il avait vraiment ressenti à ce niveau-là, trop préoccupé par l'action dans laquelle il s'était lancée. « Et puis, j'avais l'esprit plutôt occupé, j'aurais pu me rendre compte de rien. » avoua-t-il encore, légèrement gêné. Lorsqu'elle avait effleuré ses lèvres, lorsqu'il l'avait embrassée, ils n'avaient pas pensé à la suite que ça aurait, & sûrement pas que Matthew finisse par agoniser sur le sol du salon. « On devrait... en parler. Enfin, si tu veux. Pas maintenant, je suis vraiment dans le coaltar mais... plus tard ? » osa-t-il finalement, interrompue par une sonnerie de téléphone.

Matthew prit le temps d’observer toutes les perfusions auxquelles il était relié comme s’il en prenait conscience seulement maintenant. « Au moins, il trouve de quoi en rire… C’est le plus important. ». Lulani acquiesça d’un signe de tête et ses lèvres s’étirèrent en un maigre sourire. Mason avait toujours été un petit garçon sensible, mais fort à la fois et qui faisait toujours preuve d’un optimisme impressionnant. Voir son père dans un tel état l’avait secoué et revêtir une telle attitude était un moyen de se ‘protéger’, de rassurer son entourage en leur faisant croire que tout allait bien pour lui, de leur mettre un peu de baume au cœur en faisant ce genre d’allusions, cependant Lulani n’était pas dupe et savait très bien qu’il était dévasté de le savoir dans un lit d’hôpital. Il n’avait pas été habitué à le voir dans cet état, Matthew ayant quitté l’armée bien avant sa naissance pour les sites archéologiques où il ne courrait à priori aucun danger, si ce n’était celle de la tentation. Lorsque la jeune femme lui expliqua qu’elle avait l’intention de se rendre dans son appartement pour y récupérer quelques affaires, Matthew sembla hésiter. « T’es pas obligée de retourner là-bas, Lula… Je demanderais à Lee d’aller me prendre quelques trucs, ne serais-ce qu’hier tu voulais pas y retourner… Mais tu peux repasser… Avec plaisir. ». En guise de réponse, Lula lui sourit franchement avant que celui-ci ne se fane et qu’elle n’affiche un air pensif. « Je ne compte pas vivre dans la peur... » dit-elle, reprenant mot pour mot ce qu’elle avait dit lors de son premier pèlerinage à Pinatubo. Elle avait beau y avoir perdu ses parents, Lula se rendait souvent près du volcan sous prétexte qu’elle s’y sentait plus forte et ça avait fonctionné. Son sourire revint rapidement lorsque Matthew l’invita à repasser pour lui rendre visite. « Je repasserai… Avec plaisir. » répondit-elle avec une petite fossette au coin des lèvres, sentant de nouveau cette étrange complicité.

« Je ressentais une gêne, mais j’avais pas vraiment mal, non. Et puis, j’avais l’esprit plutôt occupé, j’aurais pu me rendre compte de rien. ». Si elle avait écouté le début de sa phrase avec inquiétude, Lula dû faire un sacré effort pour cacher son trouble. Son regard s’adoucit davantage et un petit sourire vint se loger sur ses lèvres bien malgré elle… Lula tenta de l’effacer à grands renforts de grimaces cependant, le sang afflua avec vigueur jusqu’à ses joues. « On devrait… en parler. Enfin, si tu veux. Pas maintenant, je suis vraiment dans le coaltar mais… plus tard ? ». Cette simple phrase l’aida grandement à reprendre une attitude un peu plus neutre. « Plus tard, d’accord. » répondit-elle, prouvant ainsi qu’elle était ouverte à la discussion. La sonnerie de son téléphone portable se mit à retentir dans la pièce et Lula attrapa aussitôt son sac, farfouillant à l’intérieur avant d’en tirer l’objet dont elle observa l’écran en fronçant les sourcils. Oncle Kid. « Désolée, je dois vraiment le prendre. » s’excusa-t-elle. C’est justement le moment que choisit Mason & Toyiah pour revenir avec les mains chargées de boissons et friandises, affichant une moue angélique face au regard réprobateur de leur mère.

L’appel dura vingt minutes. Son oncle lui demandait de recueillir Tinga pour quelques semaines, juste le temps pour lui de faire une escale en Australie pour les besoins de son travail. Lulani hésita un instant parce qu’elle craignait que la conjoncture actuelle ne mette la petite fille en danger, mais elle se souvint que l’oncle Kid avait déjà été mis sous surveillance. Ici, Tinga serait protégée par la CIA au même titre que ses enfants et cette pensée suffit à la convaincre. Lorsqu’elle raccrocha, Lula revint dans la chambre avec un grand sourire sur les lèvres. « Devinez qui va venir nous voir ? » lança-t-elle, mystérieuse. Les enfants haussèrent les épaules et Lulani finit par le leur dire. « Tinga va venir passer quelques semaines chez nous, oncle Kid part en voyage d’affaire. » « Cool ! » lança Mason, aussi enthousiaste que sa sœur de voir une tête familière leur rendre visite. Ils restèrent encore un moment auprès de Matthew, mais le voyant s’endormir, Lula décréta qu’il était temps pour eux de partir. « Embrassez votre père, on va le laisser se reposer et rendre visite à Walter. ». Les enfants s’exécutèrent aussitôt, Toyiah s’éternisant même dans les bras de Matthew plus que d’habitude et Lula se contenta d’un sourire creusant ses fossettes comme lorsqu’elle était adolescente. « Salut… Reposes-toi bien. ».

Matthew n'était pas rassuré de savoir que son ex-femme allait retourner là où, la veille, elle avait failli se faire tuer. Ce n'était pourtant pas tellement pour sa vie qu'il craignait : Nikolas derrière les barreaux, son bras droit "Elijah" (il avait encore du mal à se dire que son frère n'était plus le Francis qu'il avait connu) affaibli, il faudrait du temps à ses affaires pour se réorganiser. C'était surtout d'un point de vue psychologique que Matthew s"inquiétait. Il se souvenait très bien de Lulani, lorsqu'il l'avait retrouvée dans les toilettes du café devant chez lui, encore sous le choc & complètement désemparée - à ce moment-là, elle ne voulait pour rien au monde retourner sur les lieux de l'incident... Même si Lula semblait sûre d'elle (et elle lui avait déjà prouvé sa force maintes fois, même quand il était particulièrement sceptique) Matthew ne pouvait pas s'imaginer de voir le traumatisme qui pourrait se cacher derrière tout ça. « Je ne compte pas vivre dans la peur... » l'assura pourtant Lulani lorsque Matthew lui fit part de ses doutes, et il ne voulut pas insister : si elle l'avait décidé, alors elle savait sûrement ce qu'elle faisait - et puis, si quelque chose tournait mal, il se chargerait cette fois-ci vraiment personnellement de la sécurité & du bien-être de son ex-femme. « Je repasserai… Avec plaisir. » reprit-elle lorsqu'il le lui proposa. La fossette qui se creusa sur sa joue lui rappela le soleil juvénile de Palapag & le jeune homme se trouva ainsi incapable de penser clairement à avoir une discussion sur ce qu'ils avaient vécu la veille juste avant que le grec ne s'effondre. Ce fut au tour de Lulani de ne pas insister. « Plus tard, d’accord. » déclara-t-elle simplement au moment où son téléphone sonnait. « Désolée, je dois vraiment le prendre. »

Au moment où Lulani quittait la pièce, Mason & Toyiah déballaient leurs achats sur le lit de Matthew, commençant déjà à choisir les bonbons qu'ils préféraient pour les manger en premier. Toyiah lui demanda si il avait goûté ce qu'ils lui avaient préparé, et Mason entra dans un grand discours racontant la préparation cuisinière dans laquelle il avait été un parfait petit assistant. Tout en l'écoutant, Matthew ne pouvait cependant s'empêcher de lancer de temps à autres un regard vers l'extérieur, où il voyait parfois son ex-femme passer rapidement, son téléphone vissé à son oreille. Il était content qu'elle soit là, qu'elle l'ai été depuis son réveil : après-coup, il se rendit compte de ce qu'il avait fallu à la jeune femme pour mettre de côté ce qui était arrivé la veille, juste pour pouvoir prendre soin du jeune homme. Et pourtant, ils allaient devoir en parler ! Matthew était ravi que ce ne soit pas maintenant, cependant : il avait encore l'esprit en compote, & il ne savait pas vraiment quelle position adopter à propos de ça.

A peine à l'instant où Mason finissait sa longue histoire, Lulani pénétra de nouveau dans la chambre de l'agent, tout sourire. « Devinez qui va venir nous voir ? Tinga va venir passer quelques semaines chez nous, oncle Kid part en voyage d’affaire. » « Cool ! » s'étaient exclamé ses enfants. Un sourire prit également place sur les lèvres de Matthew, qui pour sa part n'avait pas revu la petite fille - qui à l'époque n'était encore qu'un bébé - depuis des années. « Embrassez votre père, on va le laisser se reposer et rendre visite à Walter. » Mason vint immédiatement se réfugier dans les bras de son père & Matthew le gratifia d'un baiser sur le sommet du crâne - Toyiah suivit & enserra de ses petits bras le cou de Matthew, qui la serra aussi longtemps qu'elle en fit de même : & dire que la veille, il avait failli la perdre ! Plus jamais. « Salut… Reposes-toi bien. » dit simplement Lula en lui souriant alors que Toyiah ne voulait définitivement pas quitter ses bras. La petite fille se décida enfin & sauta sur ses pieds pour se diriger, excitée à l'idée de retrouver Walter, vers l'extérieur de la chambre. « Fais attention à toi... & merci. » répondit-il avant que toute la troupe ne sorte de sa chambre, lui accordant un repos dont il avait probablement beaucoup besoin.

TO BE

CONTINUED