En une journée, Artémis avait vu sa vie être complètement chamboulée. Ca avait peut-être l’air un peu dramatique dit comme ça mais c’était véritablement comme ça que la blonde vivait les choses. Elle avait tout pour elle, elle était jolie, elle était riche et elle avait toujours eu tout ce qu’elle voulait. Et puis, son père avait été arrêté pour détournement de fonds, leurs comptes avaient été gelés et en un rien de temps, tout avait basculé. Et comme si tout ça n’était pas suffisant, elle avait eu un accident ce même jour. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même là-dessus, elle avait conduit vite, elle n’avait pas fait intention, elle était trop énervée, trop perdue et… c’était encore pire maintenant. Après avoir dormi pendant trois jours, la jeune femme s’était réveillée et avait été confronté à nouveau à la réalité qu’elle trouvait beaucoup trop dure à avaler. Elle avait eu un accident, un accident lourd de conséquences. Son regard se posa machinalement sur ses jambes. Les médecins ne savaient pas dire si elle pourrait remarcher un jour et c’était ce qu’elle avait du mal à digérer, encore plus que tout le reste. Elle pouvait supporter d’être ruinée et d’avoir à travailler, c’était dur déjà mais pas insurmontable. Des tas de gens vivaient pauvres après tout et elle n’était pas la plus à plaindre. Enfin Rosalie était là pour elle quoi. En revanche, ce qu’elle ne pouvait pas supporter c’était d’être pauvre et coincée dans une chaise roulante, elle trouvait que c’était beaucoup trop pour une seule personne. Elle n’avait pourtant pas été si mauvaise pour mériter ça. Enfin elle était loin d’être la personne la plus agréable au monde mais elle n’était pas si pire.

Elle se trouvait à présent à l’hôpital, dans la même chambre qu’Ezra. Elle avait put apprendre aussi que lui aussi avait eu un accident, au même moment qu’elle en fait et au même endroit. Pas difficile de faire le lien dans ce cas-là entre les deux accidents. Elle avait donc du ajouter un sentiment de culpabilité important à tout ce qui la perturbait déjà. Elle n’avait pas fait attention et non seulement elle s’était mise en danger mais elle avait aussi mis en danger les autres. La preuve en était bien là. Ezra était toujours dans le coma. Du moins c’est ce qu’elle pensait jusqu’à ce qu’elle pose son regard sur lui et voit qu’il était réveillée. Si elle se souvenait avoir mis du temps à connecter les données entre elle et à être capable de faire une phrase correcte à son réveil, Ezra, lui, se montra plus loquace. « Artémis qu’est ce qu’il se passe ? Comment je suis arrivée ici et dans cet état en plus ? Et toi, pourquoi tu es là ? » Trop loquace même. « Purée je ne comprends rien ! » Elle ne pouvait que comprendre ce qu’il ressentait en cet instant. Elle prit donc la peine de lui répondre. Même si elle ne savait pas grand-chose. « Tu as eu un accident… de voiture. Et euh, moi aussi. » finit-elle par dire d’un ton plat. Elle n’avait pas vraiment envie de s’étendre plus là-dessus. Elle n’avait pas plus d’informations le concernant de toute manière. Enfin si, peut-être une. « C’était il y a une semaine. » Oui, voilà, là maintenant, elle n’avait vraiment plus rien à ajouter. « Et ma fille, où est ma fille ? Où est Zara-Lynn ? » Là par contre, là-dessus, elle ne pouvait vraiment pas l’aider. Elle haussa vaguement les épaules et eut un air désolé. « Je ne sais pas ça par contre. » Elle devait appuyer sur le bouton d’appel pour une infirmière. N’importe laquelle d’entre elle serait sûrement plus en mesure de donner à Ezra les informations qu’il voulait et surtout, de dire à un médecin que le jeune homme s’était réveillé.

Artémis n’avait pas envie de parler du tout. Là, tout de suite, elle voulait juste se rendormir et ne pas se réveiller tant qu’Ezra n’aurait pas eu toutes les explications qu’il attendait. Parce que ce n’était pas à elle de lui donner ces explications, non ce n’était pas à elle ! C’est pour ça que la jeune femme voulut appeler les infirmières. C’était la meilleure chose à faire. En plus de ça, Ezra venait de se réveiller, il avait sûrement besoin de soin, de se faire ausculter par un médecin, enfin, autant de choses qu’elle n’était pas en mesure de lui apporter ni maintenant, ni jamais. « Ne crois pas que quelqu’un va venir j’ai débranché ce truc, j’avais comme l’impression qu’il y avait un problème en me réveillant et que tu voudrais appeler les infirmières plutôt que me parler directement et me dire la vérité… Mais moi je ne veux pas cela. » La jeune femme déglutit. Elle se moquait bien de ce dont il ne voulait pas, la seule chose qui l’importait là était ce qu’elle ne voulait pas. Et elle ne voulait surtout pas avoir à répondre à ses questions. Elle était fatiguée, très fatiguée et elle se sentait mal encore. « Je t’ai dis tout ce que t’avais à savoir… » dit-elle alors. « Je t’assure qu’il faudrait vraiment apprécier une infirmière maintenant. » Elle ne les aimait pas beaucoup les infirmières. Pas du tout en fait mais elle aurait été ravie d’en voir une pointer son nez là tout de suite.

Mais Ezra n’écoutait pas ce qu’elle disait, il se moquait bien de ses protestations et il reprit alors de plus belle avec ses questions. Il n’avait peut-être pas besoin de voir un médecin tout de suite finalement, il avait l’ai plutôt en forme quand même pour quelqu’un qui sortait du coma. « Passons sur Zara… L’accident, mais quel accident? Tu sais ce qu’il s’est passé pour moi ? Et toi tu as fait comment ? » La jeune femme le regarda un moment sans pour autant daigner lui répondre. C’était peut-être une bonne technique, ne pas lui répondre en espérant qu’il se lasse et qu’il finisse par se tourner vers quelqu’un d’autres devant son mutisme. Il appellerait peut-être une infirmière par lui-même comme ça. Elle devait pouvoir essayer de faire ça oui ! Rester silencieuse, ce n’était pas son truc mais pour une fois, elle pouvait bien faire un effort. Ca en valait la peine. « Artémis parle moi ! Dis moi ce que tu sais et ne m’épargne pas les détails si tu en as connaissance. Zara-Lynn et toi sont les deux seuls prénoms qui occupent ma mémoire alors aide moi s’il te plait. » La jeune femme fronça les sourcils. Elle n’avait pas besoin d’être médecin pour savoir que ça n’avait rien de normal. Elle soupira alors et secoua la tête. « Je ne sais pas je t’ai dis… Y’a eu un accident de voiture et puis c’est tout. » La jeune femme croisa alors le regard d’Ezra. « Ezra… je suis désolée. » finit-elle alors simplement par lâcher à mi-voix.

Artémis aimait bien Ezra. Vraiment. En temps normal, il faisait partie des rares personnes qu’elle était toujours ravie de voir. Parce qu’ils s’entendaient bien, parce qu’ils étaient pareils tous les deux et aussi parce qu’il était un des rares hommes à ne jamais la décevoir au lit. Oui, tout ça c’était autant de raisons qui faisait qu’elle aimait bien Ezra mais aujourd’hui, pour la première fois, elle n’était vraiment pas heureuse de le voir. Enfin non, ce n’était même pas ça, elle était très heureuse de le voir réveiller comme ça, ça voulait dire qu’il allait bien. Mais elle était agacée par son comportement et le fait qu’il voulait la forcer à parler ainsi. Elle savait ce qu’il convenait de faire maintenant et ce qu’il convenait, c’était de prévenir médecins et infirmière pour les avertir du fait que la belle au bois dormant était réveillée. « Je te promets que l’infirmière ne nous aidera pas et que je ne l’appellerais pas ! Ce n’est pas avec elle que je veux parler mais bien avec toi ! Je connais tous leurs processus et je te jure que je ne les supporterais pas une seconde dans cet état de léthargie totale ou tout est flou dans ma tête ! Tu dois m’aider, c’est toi qui doit le faire Artémis tu n’as pas le droit de ne pas le faire et de me laisser comme ça ! Je veux comprendre ce qu’il m’arrive mais aussi ce qu’il t’arrive, pourquoi tu es ici mais aussi pourquoi tu ne veux pas me parler alors qu’avant ce n’était pas le cas ! Et épargnes moi le refrain sur le fait que je parle trop si tu veux que je la ferme, parle moi ! » Et blablabla. Artémis soupira, il ne pouvait donc pas arrêter. Ne voyait-il pas à quel point il était égoïste d’agir de cette manière. Elle était fatiguée, vraiment très fatiguée et de mauvaise humeur. Elle n’avait surtout pas besoin qu’Ezra vienne en rajouter.

La jeune femme finit quand même par mentionner l’accident de voiture. En fait, c’était la deuxième fois qu’elle le faisait mais il ne semblait pas vraiment l’écouter. Il était tellement obnubilé par l’idée qu’elle ne lui disait pas tout qu’il n’était même pas capable de faire attention à ce qu’elle lui disait. Elle en rajouta ensuite en s’excusant. Elle était obligée de faire ça, elle était persuadée que tout était de sa faute. C’était sûrement la raison du comportement de la jeune femme d’ailleurs. Elle s’en voulait et ne voulait pas avoir à s’expliquer là-dessus. « Désolée? Désolée pour quoi? Un accident de voiture ? Pour moi l’accident de voiture ou pour toi ?» La jeune femme ne répondit rien mais il fallait croire que son silence voulait dire plus de choses que si elle s’était vraiment mise à parler. « Un accident de voiture tu veux dire par là un accident entre nous deux? Nous impliquant tous les deux ? » La jeune soupira. Encore. C’était définitivement ce qu’elle savait faire de mieux à cet instant. Puis, après plusieurs secondes de silence encore, elle reprit la parole. « Ouais, je crois. Enfin c’est ce qu’on m’a dit. Je ne faisais pas attention ok, j’étais préoccupée et…. » La jeune femme se tut. Et voilà, sa voiture avait fini droit dans l’autre. C’était aussi simple que ça. « C’est vraiment tout ce que je sais maintenant. » Elle avait vraiment tout dit là.

Voilà, Ezra pouvait bien être heureux, Artémis avait finit par vraiment tout lui dire de ce qu’elle savait. Elle n’avait pas eu trop de choix du reste, il s’était montré légèrement pénible (très légèrement). A tel point qu’elle avait presque regrettée qu’il se soit réveillé (juste pour ça). C’était un peu horrible de penser ça, Artémis en avait bien conscience mais elle n’avait jamais prétendue être une personne bien. Elle était plutôt horrible comme ça et elle le savait très bien. C’était bon de voir que certaines choses n’avaient pas changés avec l’accident. Elle n’avait plus d’argent, n’était plus en mesure de marcher mais elle avait toujours pour elle le fait d’être une peste égoïste. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes donc. En tout cas, les choses étaient là, elle avait maintenant parlé à Ezra de l’accident qui les avait concerné tous les deux. Elle se sentait tellement coupable à cause de ça. Le pire c’était quand même que si cela avait concerné n’importe quel inconnu, elle n’en aurait rien eu à faire mais là… c’était Ezra. Du coup, ça changeait tout. « Artémis tu … tu penses que tout est de ta faute ? Le feu de ton côté devait être au vert… Je me souviens maintenant de ce moment, mon feu était rouge… j’étais… j’étais ailleurs… je suis desolé c’est de ma faute ! » Artémis secoua la tête. Si elle était bien sûre d’une chose, c’était qu’Ezra n’était pas responsable de ça. Elle n’était pas non plus attentive à la route ce soir-là, pas du tout. Elle aurait dut mais elle était trop occupée à chercher un stupide mouchoir parce qu’elle était mal. La jeune femme serra les poings. Elle se rendit alors compte que ce geste pouvait être mal interpréter par Ezra et elle lui lança un sourire qui se voulait rassurant (elle n’était pas sûre d’avoir bien réussi quand même). « Tu n’as pas à t’excuser. » finit-elle par dire. « Je ne pense pas que c’est de ma faute, j’en suis sûre. » C’était différent quand même. « Je ne regardais pas, j’étais préoccupée et… » Elle avait faillit les tuer tous les deux. C’était aussi simple que ça. « Tu… pourquoi tu es encore là ? Qu’est ce que l’accident t’a causé ? » Artémis garda le silence un moment, elle n’avait pas envie de répondre à cette question. Si elle le disait, ça ne ferait que rendre les choses plus réelles. Elle ne voulait pas rendre les choses plus réelles même si elle savait que dans le fond ça ne changeait rien. « Je… Rien de grave. » finit-elle par lâcher en baissant les yeux. Elle n’avait plus envie de parler maintenant. Comme si elle avait lu dans ses pensées, une infirmière choisie justement ce moment-là pour arriver. Artémis était sauvée.

FIN