La journée avait été particulièrement remplie. Entre ses cours de sciences politiques et relations internationales à Columbia, Apollinaria trouvait le moyen de caser ses entraînements de cheerleader. Elle était la capitaine et se devait d'assister à chaque séance. Malgré tout, ça ne faisait pas assez de sport pour la jeune femme alors elle se levait tous les matins plus tôt afin de courir autour du lac de Central Park. Cette journée n'avait pas dérogé à la règle et elle s'était levée tôt, avait couru avant de se préparer pour ses cours qui s'étaient finis assez tard. Elle savait que le temps serait court pour préparer à manger pour son invitée du soir mais finalement, ça l'arrangeait bien. Elle ne savait absolument pas cuisiner et c'était bien un de ses principaux défauts. Elle n'avait jamais eu besoin d'apprendre, on lui préparait toujours, que ce soit quand elle habitait chez ses parents adoptifs ou maintenant encore. Le seul moment où elle avait pu mesurer l'ampleur de ses dégâts culinaires c'était quand elle avait emménagé avec Alexandr. Ils avaient choisi de ne pas avoir de protection et de cuisinier. La seule chose sur laquelle elle n'avait pas tergiversé c'était dans l'absolue défense de renvoyer la femme de ménage. Elle n'avait jamais fait le ménage de sa vie et ce n'était pas là que ça allait commencer. Aujourd'hui encore, elle avait une femme de chambre qui lui préparait ses repas, excepté son petit-déjeuner car elle avait compris que prendre une pomme dans une corbeille ne nécessitait pas spécialement une aide particulière, et qui faisait également le ménage. Ne demandez pas à la jeune princesse où se trouvait quoique ce soit de ménager, même un balai est un concept inconnu pour elle et ça lui allait parfaitement. Elle avait donc choisi de ne pas faire à manger -histoire que ça soit mangeable- et c'est Carmen qui avait préparé le repas. A vrai dire, elle ignorait même ce qu'elle avait prévu mais savait que ça serait excellent, comme tout ce qu'elle préparait.

Tandis qu'elle se changeait après son entraînement de cheerleader, Apollinaria envoya un message à son invitée, sa belle-soeur. A vrai dire, Nora était bien plus que sa belle-soeur mais, dans les faits c'était la réalité. Ni l'une ni l'autre n'avait jamais eu de soeur et avait trouvé dans l'autre une écoute et une complicité familiale. Nora était plus jeune et Apollinaria se considérait comme la grande soeur qui devait aider et montrer un peu le chemin. Elle ne voulait pas qu'elle fasse des erreurs et des mauvais choix comme elle a vu bien des têtes couronnées le faire quand elles ont quitté leur campagne et découvert New-York. Cette ville pouvait être dangereuse pour qui ne savait pas comment la manier. Malgré tout, la jeune brune n'aimait pas particulièrement NY, elle ne s'y sentait pas chez elle. C'était trop grand, trop bruyant avec trop de gens qui n'étaient pas des plus sympathiques tous les jours. Finalement, Luxembourg avait beau être sa ville d'adoption car elle est née à Odessa en Ukraine, c'était également sa ville de coeur et là où elle se sentait chez elle. Il y avait tous ses souvenirs, les bons comme les mauvais et toute sa famille, même Alexandr y était enterré...

Apollinaria se dépêcha de rentrer chez elle tout en sachant pertinemment que Nora serait en retard, comme d'habitude. Elle prit alors le temps de prendre une nouvelle douche, celle de l'université lui paraissant un peu suspecte, et se changea afin d'être présentable bien qu'elle sache que Nora ne lui en voudrait pas si elle est se montrait en survêtement. Ca lui paraitrait juste... étrange. La jeune femme était toujours bien apprêtée, jamais trop et toujours dans le ton qu'il fallait. Alors qu'elle avait enfilé une robe et mettait ses chaussures, elle entendit une voix dans l'entrée de l'appartement. "Oui, oui! Je sais je suis en retard! Excuse moi!" La jeune princesse esquissa un sourire avant de descendre quelques marches de son duplex pour voir Nora se débarrasser de ses affaires, en parfaite locataire des lieux. D'un air malicieux, elle s'exclama à travers la rambarde « Tu vois, j'avais prévu encore plus de retard que ça, je ne suis même pas prête ! » Elle remonta les quelques marches avant d'attraper son autre chaussure à talon et de descendre les marches pour saluer sa belle-soeur. Elle attacha ses chaussures et s'approcha de Nora avant de lui faire la bise. « Ca va ? Tu as faim ? » demanda-t-elle.

Nora était une des rares personnes avec qui elle se permettait d'être complètement naturelle et de se montrer pas vraiment prête. C'était suffisamment peu fréquent pour le souligner. Après tout, elles auraient très bien pu se détester comme Nathan et Apollinaria l'avaient fait, bien que ça soit un peu particulier de ce côté-là, mais non, elles s'étaient tout de suite bien entendues. Dans un premier temps, quand elle venait au château pour voir Alexandr alors que rien n'était officialisé entre eux deux, elle croisait peu souvent sa jeune soeur mais quand cela arrivait, c'était toujours courtois. Après tout, Nora était plus jeune de quelques années et Apollinaria ne voyait pas ce qu'elle avait en commun avec elle. Mais, avec le temps, elles s'étaient progressivement rapprochées au point que des fois, la jeune princesse venait voir Nora et pas Alexandr ce qui l'amusait beaucoup. Elle trouvait extrêmement drôle de répondre à Alexandr "Non, je ne peux pas ce soir, je vois Nora" quand il lui demandait s'ils pouvaient se voir. Maintenant que les choses étaient différentes, elles avaient gardé un lien fort qui les lieraient probablement pour longtemps encore, et encore plus si cette histoire de mariage arrangé ne s'arrangeait pas très vite. Mais elle n'en était pas là et ne voulait certainement pas y penser. Tout ce qu'elle voyait c'est qu'elle recevait ce soir celle qu'elle considérait comme sa petite soeur et que ça lui faisait très plaisir d'entendre des nouvelles de celle qu'elle connaissait depuis presque le berceau.

Apollinaria, grand sourire aux lèvres fit la bise à Nora pendant que celle-ci répondait à sa question, visiblement ravie d'être là aussi "Oui, ça va! Et toi? Rien de nouveau à me raconter?" La jeune femme lui lança un regard du genre "tu crois que je ne te vois pas venir ?". Elle avait vu Nathan quelques jours auparavant et il lui avait dit que Nora avait très mal pris cette histoire de mariage, ce qui pouvait aisément se comprendre, surtout de la part d'une jeune fille aussi jeune. Elle se contenta alors de lui répondre d'un air malicieux « Ne commence pas comme ça jeune fille ! » Elle n'avait absolument pas envie de parler de ça mais savait qu'il allait bien falloir un jour ou l'autre que ça vienne sur le tapis. Bien sûr, elle se doutait que Nora voudrait des explications, surtout après avoir parlé à Nathan. Chacun son tour ! Finalement, son invitée se mit à humer l'air et à déclarer "Un peu que j'ai faim! Carmen a encore fait des merveilles j'en suis sûre!" Apollinaria éclata de rire. Elle n'avait pas fait long feu son histoire de "j'ai préparé toute seule mon repas"... Malgré tout, elle sermonna en riant sa jeune invitée « On avait dit que tu ferais semblant de croire que j'étais devenue un cordon bleu en un claquement de doigt ! » Puis elle se dirigea vers la cuisine afin de voir ce que Carment avait préparé parce que ça sentait vraiment très bon. Elle trouva sur le plan de travail ce qui ressemblait très certainement à des feuilletés aux champignons avant d'ouvrir le four et d'y trouver du magret de canard agrémentés de figues et d'épices. Elle hocha la tête en signe d'acquiescement pendant que Nora la complimentait "J'adore tes chaussures!". Elle la gratifia du sourire qu'elle réservait habituellement aux compliments de ce genre-là. « Merci. ». Avant de pouvoir enchaîner sur un autre sujet, Nora pris les devants en donnant tout de suite la couleur "Alors par quoi on commence? La bouffe, mon été en détail et non censuré ou bien ton futur mariage avec Nathan?" La jeune brune eut un petit sourire, rassurée de voir que Nora n'avait pas changé en un été et qu'elle était toujours bien la même, le même charme naturel et le même manque de langue de bois avec elle. Apollinaria fit semblant de réfléchir avant de jeter un coup d'oeil sur le minuteur « Huum, il semblerait qu'il reste encore un peu de temps avant de passer à table alors... Mais soyons claires tout de suite, il n'est pas question que ce "mariage" ait lieu. Que ça soit dit. » posa-t-elle en singeant les guillemets autour de mariage.

Apollinaria regardait le plat qu'elle était en train de déposer sur la table avec un sourire de satisfaction. Carmen savait quand même très bien faire la cuisine et elle lui sauvait complètement la vie. Elle ne faisait pas souvent les courses mais elle était rentrée suffisamment de fois dans un supermarché pour voir des boîtes en conserve où ils vantaient les mérites d'un porc au caramel, de petits pois carottes ou que sais-je encore. Rien que l'idée de se nourrir de ce genre de choses la faisait frémir. Bien sûr, elle omettait la, certes petite mais existante tout de même, partie où elle était une pauvre orpheline recueillie par un orphelinat ukrainien et où elle ne mangeait certainement pas à sa faim. Elle ne s'en rappelait que très peu et ça lui allait parfaitement, elle comptait oublier complètement ce passage de son histoire, surtout depuis qu'elle avait essayé d'en connaître plus. Grand mal lui avait pris puisqu'elle avait rencontré un des kidnappers de ses parents alors qu'elle n'était qu'un bébé en gestation dans le ventre de sa mère. Et ça avait eu des conséquences désastreuses qu'elle n'avait pas envie de remettre sur la table. Donc, oui, elle avait beaucoup de chance d'avoir une aussi bonne et fidèle cuisinière. Elle pensait à tout cela tout en regardant le plat mais se dépêcha de chasser de son esprit d'aussi ternes et tristes idées. Elle ne voulait pas penser à cela, et surtout devant sa belle-soeur qui était là pour passer une bonne soirée. Bien qu'elle le montre étrangement en ne posant que des questions sur le "mariage" entre elle et Nathan, ce qui n'était pas pour mettre la jeune Luxembourgeoise dans de bonnes conditions.

Nora ne régit même pas à l'ironie lancée par la phrase de la jeune femme et se contenta de répondre "Oui… ça m'a l'air parfait." Un instant, Apollinaria se demanda si elle avait pu dire quelque chose qui aurait pu la blesser, ce qui n'était en autant cas son intention. Elle appréciait énormément Nora et s'il y avait bien une personne avec qui elle faisait attention à ne pas être blessante, c'est bien avec elle. Au contraire d'avec Nathan, elles s'étaient toujours bien entendues et ça durait encore, ce qui était très important aux yeux de la jeune princesse. Apollinaria prit une bouchée dans son assiette tandis que Nora déclarait, soudainement beaucoup plus entraînante, comme à son habitude "Oh, il faut que je te parle d'une idée de projet que j'ai… J'aimerais avoir ton avis." La brunette hocha la tête et la pria de continuer « Vas-y, je t'écoute ! » Sans se douter nullement de quoi il pouvait s'agir mais heureuse qu'elle ait quelque chose à lui confier ainsi, elle ouvrit grand les oreilles. "Je crois que je vais me lancer et créer une association. Je me suis pas mal renseignée dernièrement et je crois que j'ai vraiment envie de passer à un autre niveau que celui de la simple ambassadrice. J'ai vraiment envie de vivre l'expérience de A à Z tu vois, pas de juste être présente pour les journalistes ou simplement pour distribuer de l'argent, je veux m'investir et donner de mon temps." Elle hocha une nouvelle fois la tête tout en tempérant immédiatement son engouement et sa volonté juvénile. « C'est une excellente idée mais je crois que tu es un peu jeune. Je veux dire qu'il n'y a pas d'âge pour vouloir aider les autres mais que tu risques de recevoir des critiques au vu de ton âge. Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénients et je pourrais t'aider si tu le souhaites, mais il faut savoir qu'il y a une grande différence entre ambassadrice et créer complètement une toute nouvelle association... » Apollinaria avala une gorgée d'eau tandis que Nora expliquait plus en détail en quoi son projet constituait. "Je pensais à une association pour les petites filles qui n'ont pas accès à une éducation descente parce qu'elles doivent travailler ou même rester chez elle pour aider leur mère…" Apollinaria approuvait complètement. S'étant elle-même beaucoup engagée après la mort de son mari dans des oeuvres humanitaires, elle connaissait un peu des conditions des femmes pour les avoir vues, notamment en Afrique. « C'est sûr qu'il y a du travail à accomplir dans ce milieu ! Après, ce n'est qu'une proposition mais... c'est difficile de parvenir à avoir une bonne visibilité dans un milieu que tu ne côtoies guère alors qu'il serait plus aisé de commencer par te faire un réseau au Luxembourg en aidant les Luxembourgeois eux-mêmes. Dans un premier temps. » proposa alors la princesse.