Cela faisait déjà quelques semaines que j’avais emménagé chez Sephora et que nous attendions un bébé. Le moins que l’on puisse dire, c’était que j’étais totalement largué. Je n’avais jamais eu à m’occuper d’enfant. En réalité, je n’avais jamais fréquenté un seul enfant de toute ma vie alors comment diable allais-je pouvoir en élever un ? C’est en me plaignant à mon meilleur ami Javier que ce dernier avait saisi l’occasion. « Tu sais, ce n’est pas si compliqué que ça d’élever un enfant. Regarde, depuis que j’ai Katniss dans ma vie, tout me semble moins dur. Elle a redonné un second souffle à ma vie mon ami et je suis sûr que ton bébé fera de même avec la tienne » m’avait-il dit alors que nous buvions une bière dans un bar de Manhattan. Puis, au fil de la soirée, pour une raison dont je ne saisissais toujours pas les tenants et les aboutissants, je proposais à Javier de me laisser garder sa fille une après-midi pour voir si je serais capable. D’abord réticent de me confier son petit trésor, il accepta avec un sourire énigmatique. « Tu es sûr ? Tu sais que Katniss n’est pas comme les autres enfants.. Je n’aimerai pas te dégouter de la paternité ! » avait-il ris avant de changer brusquement de sujet comme s’il craignait que je prenne le temps de la réflexion et que je ne décide de faire machine arrière.

Trois jours passèrent avant qu’il ne m’appelle en catastrophe. La nourrice de sa fille était tombée malade et il devait absolument prendre son service auprès d’un diplomate français en visite à New York. Etant à la maison à ne rien faire, j’avais accepté. De tout de manière, c’était une expérience qui ne pouvait que m’être bénéfique dans le fond. Du moins, c’était ce que je pensais jusqu’à ce que j’ouvre la porte de l’appartement et que je tombe sur une gamine de onze ans et son père totalement pressé. « Merci mon ami, je te revaudrais ça ! Surtout ne la laisse pas approcher de ton ordinateur et encore moins de ton grille-pain. Katniss pour une fois, tiens-toi tranquille… Gabriel n’a pas… enfin sois sage ma chérie » termine-t-il avant de se pencher pour embrasser sa fille et de filer aussi vite qu’il n’était arrivé. Alors, nous fîmes seuls à l’entrée de mon appartement. Qu’est-ce que je devais dire ? Faire ? Aucune idée. « Bon.. » commençais-je après m’être raclé la gorge. « Entre » poursuivais-je tout en m’effaçant pour la laisser entrer dans l’appartement de Sephora qui était le mien désormais. « Donne-moi ton manteau, je vais l’accrocher dans le placard » dis-je en tendant la main. J’étais brusque, bourru mais j’étais ainsi et surtout, j’étais intimidé par cette gamine qui me regardait comme si elle lisait en moi.

Avec l’impression de m’être fait avoir dans l’histoire, je fis entrer la gamine avec l’air d’un condamné à mort. Cela fonctionnait à quoi les gosses dans son genre ? J’étais sensé faire quoi ? La mettre devant un épisode de Bob l’Eponge tout en analysant ses réactions ?! Malheureusement, d’après mes diverses conversations avec Javier, sa terreur comme il l’appelait avec tendresse, était une bombe sur patte. Des fois, j’avais vraiment des idées à la con ! Bon pas de panique, Sephora devrait revenir dans deux petites heures et durant ce temps, il me fallait juste la surveiller et l’empêcher de retourner l’appartement. Allez London, tu peux le faire ! Elle t’arrive à peine à la taille, c’est une gamine, tu peux gérer ça… Tu as survécu au Taliban, tu peux survivre à la fille de Del Toro non ?! A voir son regard buté, j’avais de sérieux doutes. Je lui proposais donc de prendre son manteau mais cette dernière me tint tête avec effronterie. Je fis mine de rester calme mais elle n’allait pas devoir me chauffer car ce n’était pas devant un dessin animé que j’allais la coller mais devant une retranscription de la guerre au Rwanda et pas la version édulcorée pour le grand public ! J’allais te la calmer la gamine mais l’idée d’affronter Javier me fit déchanter. Il serait suffisamment con pour me casser la gueule et à ce jeu-là, bien que je savais boxer, je ne faisais pas le poids. Pourquoi avais-je accepté déjà ?! Ah oui, pour me familiariser avec les gnomes.

Finalement, elle me tendit son menton et je la laissais pour aller le pendre dans le placard avant de revenir vers elle, l’air encore plus renfrogné qu’il y a quelques minutes. Le silence s’imposa alors dans l’appartement alors qu’elle faisait appartement le tour du propriétaire. Bon bon… J’avais une terreur dans l’appartement et je devais y faire face. J’avais vécu la guerre, j’allais survivre à ça. J’étais tellement occupé à m’auto-persuader que les deux heures passeraient vite que je ne pris pas garde qu’elle m’avait posé une question. Elle dû s’en rendre compte car elle la reposa. Un gâteau ? Elle me prenait pour la bonne femme de la pub avec ses yaourts ? « Je ne sais pas faire la cuisine mais Sephora doit avoir une tonne de gâteau dans un placard. Tu veux boire quelque chose avec ? » Lui demandais-je bourru tout en la poussant vers la cuisine sans oser la toucher de peur de la casser. Je lui montrais un siège pour s’asseoir et déposait trois boîtes de gâteaux devant elle ainsi qu’une bouteille de jus d’orange, de coca et une autre d’eau. Voilà elle pouvait goûter maintenant non ? « Mange. » lui ordonnais-je avec ma douceur habituelle.

Pas gentil ? Oui peut-être. J’avais pour habitude de vivre en solitaire et je ne savais déjà pas y faire avec les femmes alors avec les enfants ?! La dernière fois que je m’étais disputé avec Sephora, il avait fallu qu’un collègue me donne un tuyau car jamais au grand jamais, je me serais imaginé que les femmes aimaient les chocolats et les fleurs. Durant des années, j’avais eu comme quotidien la violence, la peur, la guerre. Bref, rien de romantique en vue. Alors m’occuper d’un enfant qui plus est surdoué, c’était presque mission impossible. Heureusement Javier m’avait donné quelques pistes et puis j’étais assez intelligent pour lire dans le regard de l’ennemi. Voilà, si je voulais m’en sortir, je devais considérer cette gnome comme un ennemi. Bon, que désirait-elle ? Un gâteau. Simple comme bonjour, je lui fis un assortiment de ce qu’aimait Sephora. Je me pris bien sûr un vent. Elle voulait un vrai, un qui sorte du four et elle voulait bien m’apprendre à en faire un. « Ce n’est pas plutôt le boulot d’une mère ça ? » marmonnais-je peu convaincu par le fait de devenir un pâtissier dans l’âme. J’étais aussi doué derrière un four que pour les relations sociales, c’est peu dire. « Je crois pas que tous les pères soient comme le tiens. Javier a un estomac à la place du cerveau sans vouloir te vexer petite » ajoutais-je en haussant les épaules. Son père était aussi gourmand que moi mais autant me couper une main que de le lui avouer. Pourtant, une petite voix me souffla que Sephora apprécierait peut-être un bon gâteau en revenant à la maison. Arf voilà que j’étais tiraillé. « Bon, si ça peut te faire plaisir, tu vas me montrer comment faire un gâteau et crois-moi, on ne quittera pas la pièce avant que le gâteau ne soit fait » l’avertis-je car je ne pouvais pas la surveiller elle et surveiller la cuisson du gâteau. « Bois ton jus de fruit ! » lui ordonnais-je avant de quitter la pièce et de revenir avec mon ordinateur portable où internet affichait une page avec une recette de cuisine « Tu crois que tu serais capable de faire ce genre de gâteau ? Ma f… Sephora aime ça » soupirais-je. J’avais failli dire ma femme aime ça mais je venais de me rappeler que cette dernière avait refusé ma demande en mariage. Du moins, pour le moment d’après ses mots.

Bon comment faisait-on un gâteau ?! Aucune idée. En règle générale, quand je voulais une pâtisserie, je savais vers qui me tourner : Sephora. Oui, de temps en temps je pouvais me montrer comme un gamin mais à l’instar de mon ami Javier, mon estomac était très gourmand. D’ailleurs, à chaque fois qu’on se faisait un restaurant pour parler de tout et de rien, la note était salée. Il faut dire qu’à nous deux, nous mangions pour au moins six personnes. Heureusement que nous aimions le sport sinon, je n’ose pas imaginer nos silhouettes. Bon ok, je n’étais pas de ses hommes qui sont narcissiques au point de se regarder le nombril trois fois par jours mais je tenais à ma forme. Celle-ci m’avait tiré de pas mal d’ennuis et puis, quand on a une belle femme comme Sephora dans ses bras, il faut faire le nécessaire. Bordel, depuis quand je pense comme un magazine féminin à la con ? Me demandais-je en secouant la tête. Décidément, devenir père m’a fait changer sur bien des points. Le premier étant ma vigilance. J’étais tellement absorbé par le contenu des placards que j’ai mis du temps à comprendre la provenance du bruit de course et d’une porte qu’on claque. « Bordel espèce de morveuse » jurais-je tout en me lançant à sa poursuite dans l’escalier mais il était déjà trop tard, elle avait fermé la porte à clé. « Katniss ouvre cette foutue porte maintenant ! » grognais-je tel un ours déchainé en fusillant la pauvre porte. « Katniss, ouvre je te l’ordonne » repris-je sur le même ton mais la gnome maléfique n’avait aucune envie d’ouvrir cette foutue porte.

Je m’éloignais donc de la porte et décocha mon téléphone portable. « Javier Del Toro » fit une voix grave au bout du fil. « Putain Javier tu m’avais pas dit qu’elle était possédée ta gamine !! » assénais-je en rajoutant une bordée de juron de mon cru. A l’autre bout du fil, je sentais bien que mon meilleur ami se retenait de ne pas rigoler « qu’a-t-elle encore fait ma terreur ? » me demanda-t-il avec un sérieux bien trop louche. « Elle m’a piqué mon ordi et s’est enfermée dans ma salle de bain après m’avoir forcé à faire un gâteau » m’indignais-je comme un gamin. Bien sûr, Javier éclata de rire et se racla la gorge peu après pour me répondre « Ecoute, je ne peux pas t’aider pour le moment, mon client va bientôt sortir de réunion mais tu vas t’en sortir, j’en suis sûr ! » . A peine avait-il dit cela qu’il raccrochait. Ok. J’allais tuer les Del Toro ! Et pour l’heure, j’allais commencer par la fille.

Ni une ni deux, je fonçais chercher un tournevis et sans faire de bruit, je commençais à faire sauter la poignée de la porte. Si elle croyait m’avoir, elle avait frappé à la mauvaise porte. En moins de deux minutes, j’ouvrais la porte. « Toi et moi, on va causer ! » grognais-je avant de l’attraper et de la mettre comme un vulgaire sac à patate sur mon épaule puis je redescendis jusqu’à au salon où je la jetais à moitié sur le canapé en veillant bien à ne pas l’avoir blessée. « Bien. Maintenant que j’ai toute ton attention, on va parler un peu des règles en vigueur dans cet appartement. J’ai maté ton père il y a huit ans, ce n’est pas le modèle réduit qui va me faire peur. Règle n°1 : Je commande, tu obéis… Règle n°2 […] » et ainsi commença la longue liste des règles…

Katniss me faisait réellement penser à la gamine dans l’exorciste ! Elle était possédée, il n’y avait aucun doute là-dessus ce qui me faisait penser que Javier devait l’être aussi à moins qu’elle n’ait simplement hérité de son père. Non, je préférais de loin la version de l’exorciste qu’à une bête réflexion sur l’hérédité génétique sinon mon futur gosse était mal barré dans la vie. Je n’osais même pas imaginer que dans quelques mois, j’aurais moi aussi une mini Sephora ou un mini-moi dans cet appartement. Peut-être pouvais-je encore demander à ma thérapeute des médocs histoire de voir la vie en rose. Heureusement que j’en avais pas sous la main car moi je te la droguais la mini Del Toro. Enfin, seulement en pensée car je n’avais toujours pas envie que son père me refasse le portrait même s’il devait bien se marrer le crevard à cet instant précis. Je comprenais mieux pourquoi il avait autant insisté sur le fait de me demander si j’étais sûr de mon choix quant à me proposer en tant que baby-sitter. Tout s’éclairait : sa fille était possédée. Un mini S.E.A.L. en action tout comme son père. J’étais perdu. Peut-être devrais-je simplement laisser un testament pour Sephora à moins que je ne la ligote sur une chaise en attendant que le temps s’écoule lentement. Il ne faudrait pas que j’oublie le bâillon.

J’en étais là dans mes réflexions quand la terreur sur patte vint se coller à moi pour un câlin. Euh. J’étais sensé faire quoi maintenant ? Maladroitement, je lui tapotais le dos « Hum. Oui. » Répondis-je en rougissant un peu. Je n’étais franchement pas habitué à ce genre de contact avec les gosses aussi l’attrapais-je sous les aisselles pour la grimper au niveau de mon regard. Vu de l’extérieur cela pouvait être cocasse : un grand blond costaud en train de porter une gamine à bout de bras devant lui « Pas d’entourloupe ? Sinon je t’attache à une chaise jusqu’à ce que ton père revienne te chercher » la menaçais-je avant d’aller vers la cuisine, la portant toujours de cette drôle de façon comme si je craignais qu’elle allait m'exploser entre les mains. Je la déposais alors sur le sol de la cuisine : « Faut faire quoi pour ce gâteau ? » marmonnais-je tout en me jurant de tuer quiconque qui irait colporter le bruit que Gabriel London se faisait mener le bout du nez par une gamine.

Nous étions à nouveau dans cette cuisine maudite pour faire un gâteau dont je n’avais aucune idée de comment le faire et encore moins des ingrédients. Je n’osais même pas songer qu’il me serait facile de savoir en allant chercher le portable dans la salle de bain mais avec la junkie sur patte, il valait mieux se montrer prudent. « Il faut 100gr de farine, 4 œufs, 140 g de sucre en poudre, un demi sachet de levure chimique, un sachet de sucre vanillé pour le goût, un verre de lait, 140 g de beurre et SURTOUT 200gr de chocolat » me répondit-elle comme si elle me récitait l’alphabet. Bon sang, c’était ce cuistot français Cyril Lignac en mode possédée et de junkie du hackage. Elle commençait sincèrement à me foutre les boules cette gamine. Comment faisait son père ? J’avais l’impression d’avoir un QI d’une huitre à côté d’elle simplement parce que je ne savais pas la recette d’un pauvre gâteau au chocolat. « Euh ok. » répondis-je simplement tout en me demandant où je pourrais trouver tous ses ingrédients dont déjà, je me souvenais plus à part le chocolat car étant gourmand, c’était bien la seule chose qui m’intéressait là-dedans. La petite ne se démonta pas et commença à fouiller dans les placards tandis que je restais un peu comme un con au milieu de la cuisine. « Tu lèches le saladier que si j’ai le droit à la cuillère ! » proposais-je. « ma mère faisait les gâteaux comme personne et je faisais toujours la glue quand elle en préparait un » me confiais-je à mon tour. Je ne parlais jamais de ma famille pour la simple et unique raison que je me sentais orphelin. Ma mère était à présent morte sans que nous ayons pu nous revoir depuis mon départ de la maison familiale et mon père était mort pour moi. Point barre, fin de l’histoire. Le saladier ? Ah oui, je crois que Sephora les rangeait par là. Ouvrant le premier placard de droite, je sortis alors deux saladiers, un gros et un moyen : « lequel il te faut ? » lui demandais-je avant de lui tendre le bon et de ranger l’autre. Peu après, je m’approchais d’elle pour superviser les travaux car je ne savais pas trop quoi faire d’autre. « Tu sais faire de la chantilly ? Tu m’en fais et je t’accorde une heure d’ordi. Deal ? » . Ok, c’était mal. C’était même très mal mais un gâteau au chocolat avec de la chantilly était un de mes péchés mignon. Toutefois, je me rendais compte que je marchandais avec une gosse et pire, que je me faisais office de dealer en lui agitant la perspective de se prendre sa dose de PC. « Bien sûr, ça restera entre nous ! »

Je ne pus m’empêcher de laisser un sourire fleurir sur mes lèvres. Cette petite était un cas qui pouvait être attachant, un peu comme son père mais en version mini et féminine. Je lui souhaitais donc bon courage pour son adolescence, il allait devoir sortir le fusil à pompe, le bracelet électronique et tout le matos qui allait avec. Néanmoins mon sourire se fana aussitôt quand elle me posa innocemment la question sur ma mère. Je suspendis tout geste prêt à attaquer avant de me souvenir que ce n’était qu’une gamine et qu’elle ne faisait rien de mal. Alors, refrénant mes instincts les plus sauvages, je grognais quelque chose du genre « elle est morte il y a des années » tout en lui montrant les deux saladiers, j’allais ranger l’autre quand elle me proposa de faire une sorte de concours où son père serait le gouteur. Qu’avait fait Javier pour mériter un tel sort ? Ok, il l’avait privé d’ordinateur mais de là à en vouloir à sa vie, c’était quand même hard d’après moi. « Tu sais, tu ne devrais pas en vouloir autant à ton père gamine » marmonnais-je en haussant les épaules et en prenant l’autre saladier pour moi. Décidément, elle m’aurait tout fait faire la gnome ! Malgré moi, je jouais le jeu pour lui faire plaisir et puis au pire, je pourrais me venger du père par la même occasion. Je tentais donc de me souvenir de la recette, jetant quelques coups d’œil à la gamine pour voir ce qu’elle faisait : oui copier c’est pas bien surtout sur une gamine mais bon, c’est pas comme si elle m’avait laissé le choix.

La seule chose que je lui demandais, c’était de me faire de la chantilly car je comptais bien manger du gâteau : le sien. La dernière fois que j’avais fait la cuisine, Javier avait fini avec la tourista aux urgences. Depuis ce jour, à chaque fois que je l’invitais à diner, il me demandait dans quel restaurant je comptais l’amener. Je crains fort qu’il ne veuille retenter le coup avec un gâteau mais bon, il ne pouvait rien refuser à son petit monstre comme il avait tendance à l’appeler. Celle-ci accepta dans la foulée et je compris que le mot ordinateur devait être le sésame à bien des choses pour elle. Tant mieux, j’avais trouvé un moyen de communiquer avec elle : à coup de récompense électronique. « Ok la chantilly compte pas ! Et oui, elle en mettait toujours car elle savait que j’adorais ça. Et toi, c’est quoi le truc que tu adores le plus ? A part faire tourner ton père en bourrique et les ordinateurs ? » Lui demandais-je tout en prenant de la farine, du lait, du beurre et en mettant tout en vrac dans mon saladier pour commencer à mélanger.

Sans trop savoir quoi faire, je tapotais la tête de la gamine à côté de moi dans un signe évident de réconfort. Je n’étais pas habitué à faire preuve de tendresse envers les enfants. J’avais déjà du mal avec Sephora alors une naine que je ne connaissais à peine… Autant me demander la lune mais je connaissais déjà son histoire grâce à Javier qui ne tarissait pas de parler de sa fille, la prunelle de ses yeux. Je me demandais si je serais ainsi avec mon propre enfant. Peut-être bien. Pour l’heure, c’était trop flou. Qui sait, à l’échographie, je verrais peut-être enfin les choses avec plus de concret. Pour l’heure, je faisais du baby-sitting ou plutôt je jouais aux apprentis pâtissiers. « Peut-être oui. » lui répondis-je simplement pour lui faire plaisir. Je n’imaginais pas ma mère fait amie amie avec une stripteaseuse mais bon, qui sait, avec les années, elle avait peut-être changé ! Des fois, elle me manquait réellement et des fois, je me souvenais qu’elle restait passive quand mon père me passait à tabac. Alors pour changer les idées à la fille de l’exorciste, je lui posais une simple question et la réponse arriva dans la foulée : le chocolat. « Tu es bien la fille de ton père ! Agite une table de chocolat devant les yeux de ton père et crois-moi, tu as intérêt à lui filer si tu ne veux pas te retrouver avec une balle entre les deux yeux. Quand je l’ai rencontré, c’était un jeune chien fou tu sais depuis il s’est assagit mais ça lui arrive de redevenir le gamin qu’il était à cause du chocolat » lui révélais-je tout en pensant : tiens prends ça Javier ! Vengeance quand tu nous tiens. « D’ailleurs, si tu veux l’embêter, pique lui les réserves de chocolat qu’il cache dans le tiroir de sa table de nuit ! continuais-je tout en essayant de dissimuler mon sourire sadique. Javier n’avait pas fini de souffrir car je comptais bien donner à la gamine plein d’idées tordues.

Attrapant le lait, j’en versais une grande rasade dans le saladier pour continuer mon gâteau ou plutôt ma bombe quand elle se pencha vers mon saladier. « C’est pas censé faire ça ? » lui demandais-je avec l’air d’un type qui a tous les malheurs du monde sur les épaules. J’étais vraiment naze en cuisine ! « Ton père va choper un mal de ventre ignoble s’il goûte ça, t’es au courant ? ajoutais-je tout en lui indiquant mon pauvre saladier.

Dire que j’étais étonné était un euphémisme : Javier partageant ses chocolats ! Crevard, il n’avait jamais voulu partager avec moi. Oh il allait m’entendre avec sa soi-disant règle : le chocolat c’est intime, ça ne se partage pas. Tu parles, il devait payer sa fille à coup de chocolats pour avoir la paix. Bon je devais reconnaître qu’elle n’était pas si terrible une fois qu’on avait passé l’étape de « je force la porte de ma propre salle de bain pour la déloger » . Katniss coula un regard dans ma direction et je lui répondis simplement « Pour t’aimer, il t’aime. Il ne fait que parler de toi gamine. Il arrête jamais » bougonnais-je même sur la fin. C’est que des fois, j’aimerai parler d’autre chose que de couche, d’enfants et je ne sais quoi s’y rapportant. Je n’étais pas très pressé d’être père mais j’allais devoir y passer car il était hors de question que d’abandonner Sephora à son sort. Je n’étais pas ce genre de mec et puis dieu me le pardonnerait-il ? Des fois je m’étonnais encore de croire en l’existence du créateur à croire que le lavage de cerveau de mon paternel avait été plus réussi que prévu. Rien que de penser à lui, me mettait en rogne et je ne pris même pas garde que je rajoutais du sel et non du sucre à ma préparation. Je soupirais quant à ma pâte grumeuse que je n’osais même pas goûter et la gamine non plus vu sa moue. Je soupirais. Il allait vraiment falloir que je demande à Sephora de me montrer comment faire la cuisine. Heureusement pour moi, Katniss décida d’un repli stratégique en me proposant de mettre fin au jeu. « Ouais c’est plus prudent » soupirais-je en regardant ma mixture puis celle de la naine. Oui, c’était définitivement plus prudent. « Termine ton gâteau, j’ai envie d’en manger » lui demandais-je enfin lui ordonnais-je de mon ton bourru auquel elle avait l’air de s’être habituée. Finalement, elle n’était pas si désagréable à garder. Je pouvais m’en sortir sans aide du moins si je lui donnais un rail de windows 8. C’est fou quand même à quel point, elle était droguée d’ordinateur. Je me marrais quand Javier me parlait de ça mais maintenant, je serais beaucoup plus enclin à compatir. Le pauvre, ce n’était pas facile de sevrer quelqu’un d’une drogue. Le temps qu’elle se décide donc de trouver ce qu’elle voulait comme gage, je me servis un verre de jus. Après tout, il était là sur la table, attendant qu’on vienne le siffler toutefois, je n’avais pas prévu sa demande si bien que j’en recrachais ma gorgée, toussant pour me reprendre. « Pardon ?? Tu veux venir ici tous les vendredis ?? » repris-je abruptement avant d’essuyer rapidement les dégâts que je venais de causer. « C’est pas que je veuille pas d’un gnome dans les pattes mais qu’est-ce que tu veux que je fasse de toi tous les vendredis… Pas sûr que ton père soit d’accord » tentais-je pour éviter de la vexer ou de la blesser. Non, deux heures ça passait mais toutes les semaines.. Elle allait me dégouter des gâteaux à vie.

Abandonné avec nos préparations à gâteau dans la cuisine, je me passais une main sur ma nuque devenue raide. J’avais blessé la gamine. Je le savais. Et je m’en voulais énormément. Je n’étais pas doué avec les adultes alors avec les gosses ? C’était pire. Cent fois même. S’en vouloir ne résoudrait rien, je devais me faire pardonner et montrer à la gamine que je l’appréciais bien malgré son addiction aux cartes mères et autres processeurs. Toutefois, je n’avais personne pour me conseiller, j’étais en total roue libre ce qui m’effrayait grandement. Après tout, je savais quoi faire en cas de colère mais je n’étais pas qualifier pour la détresse et la tristesse. La dernière fois que je m’étais disputé avec Sephora, j’avais du demander à un collègue la marche à suivre. C’était pathétique, c’était tout moi. Quittant la cuisine, je cherchais la gamine dans tout l’appartement avant de la retrouver devant la porte d’entrée tel un chiot abandonné par son maître. Elle attendait son père dignement mais on sentait toute sa tristesse sur ses frêles épaules. Malgré elle, elle me faisait penser au gamin que j’étais à toujours attendre un mot gentil, un encouragement de mon père. Je n’avais jamais eu beaucoup d’amis dans le passé. De véritables amis. Quoi que je fasse, j’avais toujours été seul avant que Javier n’entre dans ma vie. En quelque sorte, il l’avait sauvé au moment même où je ne pensais plus rien valoir. Son amitié m’avait sauvé oui et voilà que sa fille le faisait elle aussi bien malgré elle. A croire que les Del Toro étaient nés dans l’unique but de pourrir ma vie avec leurs bons sentiments, leur façon de me regarder comme si j’étais quelqu’un de bien quoi que je fasse quoi que je dise. Et cette gamine en toute confiance m’avait seulement demandé de passer du temps avec moi car elle devait se sentir seule, comme moi. Je me promis de toucher deux trois mots à son père à ce sujet. Il était temps qu’il fasse plus attention à elle et qu’il arrête de la voir comme une surdouée. Avant toute chose, c’était une gamine qui réclamait juste sa part de bonheur. Je m’approchais donc silencieusement d’elle avant de m’accroupir à ses côtés : « Le vendredi ça me va. Ecoute je ne suis pas doué avec les gosses ni même avec les gens en général. Je suis un peu un ours grognon qui a du mal à changer ses habitudes. Alors si tu veux passer à la maison, ça ne me dérange pas loin de là. On pourra faire ce que tu aimes bien faire et si tu veux je pourrais même t’amener dans les archives du Times. C’est plein de journaux poussiéreux mais c’est une vraie caverne à histoire que tu ne trouveras jamais sur internet. Qu’est-ce que t’en pense gamine ? ça te dirait ? » lui demandais-je avant de la soulever comme un vulgaire sac à patate « Mais en attendant, tu m’avais promis un gâteau alors tu bouderas chez ton père si ça te chante mais moi je veux mon goûter ! »

Une nouvelle fois la gamine me prenait au dépourvu. Je l’avais blessé et elle semblait m’avoir pardonné comme par miracle, comme si rien n’était arrivé. Cela me laissait perplexe car soit elle avait fait le tour du bocal et tel un poisson rouge, elle avait carrément oublié toute cette histoire, soit c’était l’étrange innocence des enfants. Quoi qu’il en soit, je me sentais légèrement con mais je lui tapotais rapidement le dos même si le geste devenait peu à peu assuré. Apparemment la gamine, en plus d’être possédée par un démon quelconque, d’être une hackeuse en culotte courte, elle était également une descendante directe des koalas. Bah si j’avais réussi à lui faire oublier sa tristesse, c’était pas plus mal. Je ne pus m’empêcher de lui donner une claque sur la fesse quand elle m’appela papa ours. Quelque chose me disait que ce surnom allait me rester mais si elle avait l’audace de le dire à son père, j’étais un homme mort. Ou plutôt, elle allait être orpheline car connaissant Javier, il allait me charrier durant des années et des années avec ça. « Fais gaffe que le papa ours t’accroche pas au porte manteau gamine » grognais-je sans être en colère. Disons que c’était plus pour la faire rire qu’autre chose. N’empêche c’était étrange d’interagir avec une enfant. Troublant mais agréable. Elle ne me jugeait pas, elle ne cherchait rien d’autre que mon affection et si je faisais une connerie, elle oubliait si je faisais en sorte de me faire pardonner. Dommage que le monde des adultes soient beaucoup moins tolérants ou généreux. Au fond de moi, j’avais totalement craqué pour elle mais le reconnaitre serait lui donner une arme et vu la chose que je portais, il valait mieux être prudent.

C’est donc dans une ambiance beaucoup plus sereine que nous terminions le gâteau avant de le déguster sur le canapé. Pour l’occuper, je me mis à lui raconter quelques anecdotes de mes divers voyages, édulcorant certains passages choquants puis, je lui parlais de mes dernières vacances dans le Colorado. Dieu que cela commençait à remonter déjà. « Et toi gamine, tu aimerais partir où en vacances ? Ou plutôt mieux, décris moi ce que sont les vacances rêvées pour toi ! » Lui demandais-je histoire d’en apprendre plus sur elle et puis qui sait, j’allais peut-être pouvoir revendre à prix d’or ces informations au père ! Il n’y avait pas de petits bénéfices dans la vie et puis quand je pouvais emmerder Javier, je ne me gênais jamais. En regardant la gamine me raconter par le menu ses vacances rêvées, je me surpris à penser que la vie pouvait être douce à nouveau. J’avais une petite-amie qui attendait notre premier enfant, je réussissais à nouveau à écrire des articles et mes cauchemars s’espaçaient. Peut-être était-ce cela le bonheur. Durant le temps qu'il nous restait, je fis en sorte de lui faire oublier ce malheureux incident et je fus presque déçu quand Javier sonna à la porte pour récupérer sa fille. Finalement j'avais réellement pris plaisir à la garder et il me tardait déjà d'être à vendredi prochain.