Il s’agissait d’un énorme effort de la part de Vioryna que d’être absolument stoïque dans cette soirée remplie de requins de la pire espèce. Avait-elle vraiment le choix ? Plus les jours passaient, et plus elle s’apercevait qu’en fait un manque creusait un trou béant dans sa poitrine. Sa vengeance lui paraissait parfois lointaine lorsque ses yeux si sombres et puissants se perdaient dans l’océan clair de Sergueï, lui accordant les rares moments de douceur dont il était capable. La jeune russe prenait tout ceci comme un insigne honneur, sans s’apercevoir réellement que leur situation commune prenait un angle tout autre au fur et à mesure des jours. Jamais elle n’aurait pu pénétrer dans un gala de ce type auparavant, pas à moins de dissimuler complètement son identité et de créer une fausse invitation. Pourtant, alors qu’elle avait mis la plus belle robe de son armoire pour être parfaite, et qu’elle parvenait à converser sans mal avec de nombreux invités, elle sentait Sergueï lui échapper de façon proprement détestable. Sans même pouvoir s’en empêcher, elle jetait de petites œillades à son attention de façon on ne peut plus récurrente, tant et si bien qu’elle finit par calmer le sang tonnant contre ses tempes à l’aide d’une coupe de champagne qu’elle ingurgita cul sec. Malheureusement pour la jolie violoniste, c’est à ce moment précis qu’elle vit cette femme trop belle, bien plus âgée qu’elle et au charme diabolique emmener Sergueï dans son bureau, loin des regards hautement indiscrets de la petite sauterie organisée dont elle faisait elle-même partie. Vioryna se surprit à les suivre sans forcément avoir pour but premier d’intervenir, tendant l’oreille à la porte du fameux bureau alors que sa respiration devenait de plus en plus saccadée. Elle peinait à saisir tout ce qu’ils étaient en train de se dire mais les bribes de mots qu’elle captait firent bondir son palpitant à l’intérieur de sa poitrine généreuse et très bien mise en valeur dans cette magnifique robe d’un rouge bordeaux, courbant parfaitement ses formes féminines. Sans plus réfléchir, elle ouvrit la porte après avoir frappé de façon extrêmement faible. Son visage laissait échapper une impassibilité parfaite, doublée d’une noblesse parfaitement digne d’elle, alors qu’elle s’efforçait de trouver un bobard suffisamment crédible pour la faire calter vite fait de l’environnement de son boss bien aimé… « Toutes mes excuses pour mon intrusion Madame Mitchell, mais il semble que Monsieur Brandon ne s’en sorte pas avec son discours et ait besoin que vous ne soyez sa bouée de secours. Je ne fais que transmettre ses mots, Madame… »

Vioryna avait clairement joué de sa faiblesse, pourtant véritable, n’ayant cure des attaques verbales de cette traînée alors qu’elle se rhabillait en toute hâte pour quitter le bureau. La jeune russe referma la porte derrière elle, l’air soudainement nettement plus froid et désapprobateur. D’accord, elle n’était pas franchement bien placée pour lui faire une leçon, mais c’était néanmoins l’intention qui lui brûlait littéralement les lèvres. « Ah c’est comme ça, hein ? Et si je n’étais pas arrivée, alors quoi ? Tu l’aurais clairement allongée sur ton bureau et lui aurait donné ce qu’elle mérite juste pour le fun ? Je peine à comprendre… si ce genre de choses te manquait, pourquoi ne pas me le demander ? Je ne suis pas si stupide et inexpérimentée, je peux même très bien m’adapter si tu n’en doutais pas autant ! » Vioryna venait de s’approcher, le regard brillant, les bras croisés donnant à sa poitrine une allure proprement étourdissante. « Si j’allais voir ailleurs je n’aurais plus de tête et mon amant hypothétique non plus… pourquoi tu ne fais pas tout ça avec moi ? » La jolie violoniste s’était suffisamment avancée pour déposer sa main contre le torse de Sergueï, alors que leurs visages n’étaient plus qu’à quelques millimètres. Sa sincérité ne pouvait être remise en cause…

Vioryna avait oublié d’être idiote : si elle faisait un jour l’affront de ramener ne serait-ce que son meilleur ami Seriojah à une soirée comme celle-ci, exactement comme elle l’avait fait la nuit où Sergueï avait pris connaissance de son talent de musicienne, il était certain qu’elle ne survivrait pas plus d’une seconde au regard foudroyant qu’il lui lancerait. Elle ne donnerait pas cher de la vie de son ami de toujours non plus, d’ailleurs… mais jusqu’ici, la jeune russe avait fait un sans faute. Elle se donnait sans condition et ne perdait pas de vue son goût immodéré pour la musique, la possédant littéralement. Sa vengeance avait été éloignée quelques temps de son angle de vision, mais de temps à autre, celle-ci ne manquait pas de se rappeler à son bon souvenir. Ce soir, ce n’était hélas pas sa vengeance qui demeurait son problème épineux… mais plutôt le monde dans lequel son amant s’était fait une place. Beaucoup d’hommes l’avaient dévorée littéralement du regard et il lui avait fallut faire preuve d’une malice extrême pour ne se faire avoir par aucun d’entre eux. Mais sa jeunesse la desservait… la jolie violoniste n’avait pas conscience du but de Sergueï, et cette cécité passagère la mettait dans une rage folle. Une rébellion n’était pas la meilleure porte de secours mais pour l’heure, c’était bien la seule option qui lui restait. « Non, je ne suis pas qu’une chienne à qui on donne des ordres mais ne me demande pas de rester non plus dans un petit coin à attendre simplement que tu reviennes… à me languir de toi à chaque instant et à imaginer quel genre de femme peut s’accrocher à ta chemise ! Il n’y a que moi qui sache l’arracher de façon artistique, que moi. Je n’appartiens peut-être pas à ton monde, mais je ne suis pas idiote… je te l’ai déjà dit, je sais m’occuper de moi. Et si je ne me retenais pas, je m’occuperais également de cette sale femme au prénom qui empeste le trottoir à plein nez ! » Vioryna avait toujours été un véritable cratère en fusion sous une épaisse couche de glace. On ne percevait pas immédiatement son tempérament mais dès que l’on s’était brûlé en la touchant, difficile de s’en passer… ou de la contrôler. Ce fut sans doute la raison pour laquelle elle n’hésita pas à repousser Sergueï contre le mur proche, avec passion, non sans dévorer littéralement ses lèvres qu’il n’avait pas forcément décidé de lui offrir ce soir. Qu’importe… à ses yeux, il lui appartenait tout de même.

« Si tu passes par là, les hommes ne sont pas plus raffinés et pourtant, j’ai su m’en dépêtrer ! Pourquoi ne me fais-tu pas confiance, Sergueï ? » Là restait toute la question. Vioryna lui demandait énormément, parce qu’elle voulait le comprendre, faire partie de son monde, lui appartenir corps et âme. Il s’agissait d’une dangereuse ambition et nul n’en n’avait davantage conscience que Vioryna elle-même. « Si j’accepte tes conditions, l’exclusivité ne va que dans un sens… ces femmes peuvent t’atteindre et moi je reste en dehors, sur la touche, à attendre un signe de toi. » La jeune russe s’écarta brusquement en se mordillant la lèvre pour contenir ce sentiment de jalousie qui la dévorait entière et ne lui ressemblait pourtant en aucune manière. Depuis quand agissait-elle ainsi ?

Vioryna ne savait que trop bien ce que le mot « pouvoir » signifie. Mais il n’était pas question de le prouver à Sergueï. On ne savait plus qui avait le plus de pouvoir sur qui, étant donné que du haut de son talent la jeune russe n’avait encore rien tenté de précis contre le businessman aussi froid qu’un matin d’hiver. Elle était restée extraordinairement en retrait, à analyser presque froidement la situation sans se douter de son attachement de plus en plus conséquent pour cet homme ne pouvait pas lui apporter le bonheur qu’elle méritait pourtant. Il ne connaissait rien d’elle, au final, de toute évidence. Il n’avait pas conscience que récemment, elle avait fait la curieuse connaissance de sa véritable famille, et appris qu’elle avait une sœur jumelle du nom d’Ozalee. Cette vérité la chamboulait encore, à un point tel que son silence était la meilleure des protections. Tous deux ne demeuraient pas si différents, au final. Ils avaient mille raisons de rester en retrait et de ne pas se livrer entièrement… bien que Sergueï ait de toute évidence un contrôle et une maîtrise qu’elle n’aurait pas avant plusieurs années, du fait de son expérience. Il était dangereux, elle pouvait l’être aussi… elle choisissait simplement de ne pas l’être. « Tu parles comme si tu avais tous les éléments en main… mais peut-être as-tu peur pour rien, Sergueï. Je pense savoir de quoi tu es capable et pourtant, tu n’as pas fait preuve de la moindre cruauté envers moi. Oh je ne suis pas naïve au point de dire que tu me regretterais si je disparaissais. Ne suis-je pas qu’une simple paire de cuisses moi-même ? » L’espace d’un instant, le temps fut suspendu alors qu’il la surprenait à faire preuve d’une douceur qu’elle ne lui connaissait pas. Vioryna se sentit fondre délicatement, délicieusement, avant de ne devoir s’écarter pour reprendre son souffle. Elle ne chercha pas à se débattre et reprit possession de ses lèvres avec plus de douceur encore, lui intimant que le temps leur appartenait et qu’ils n’avaient de compte à rendre à personne… non personne. « Que veux-tu que je fasse ? Que je parte pour être certaine de ne pas m’attacher à toi, c’est ça réellement que tu veux ? Tu n’as qu’un mot à dire et je disparais. »

Vioryna s’écarta sans violence de l’emprise de Sergueï avant de pousser un léger soupir histoire de se reprendre. Elle espérait de toute son âme qu’il ne lui montrerait pas la porte avec un plaisir malsain dans le fond du regard, dans l’unique but de ne plus l’avoir en face de lui. Mais il n’était pas dit qu’elle ne se désillusionne pas. « Y consentirais-tu, vraiment ? Ou n’est-ce qu’une pirouette pour retourner plus rapidement à tes invités ? » Vioryna voulait lui proposer de venir au concert qu’elle comptait donner en tant que violon solo dans quelques jours… mais peut-être n’était-ce pas le bon moment pour cela.

Autant dire que Vioryna fut des plus surprises d’entendre une simple réplique négative alors qu’elle venait de lui offrir de disparaître comme dans un tour de passe-passe. Il s’agissait là d’une petite pirouette pour laquelle elle avait énormément de talent, mais son soulagement fut extrêmement intense alors que Sergueï l’intimait de rester là où elle se trouvait d’un seul mot. Elle était à deux doigts de lui offrir son plus beau sourire de la soirée au moment même où Beverley pénétra comme une furie dans le bureau, faisant d’un même temps sursauter la jeune russe qui lui lança un regard horrifié. Oh, elle ne l’effrayait pas une seconde… Vioryna était habituée à être considérée de petite écervelée sans importance, ce genre de qualificatif ne la blessait plus depuis très longtemps. A ceci près que cette fois, elle n’eut pas besoin de se défendre… l’homme d’affaires s’occupa de moucher cette morveuse à l’aide d’un ton résolument glacial, l’envoyant se faire fiche chez les Grecs en deux temps trois mouvements avant de fermer la porte à clef sous le regard ébahi de la jolie violoniste. Elle eut particulièrement du mal à déglutir alors qu’il venait de prononcer des mots auxquels elle peinait à croire… venait-il lui proposer d’officialiser ce qu’ils étaient en train de vivre ensemble ? Une brève émotion peupla les yeux profonds et sombres de Vioryna alors qu’elle n’hésita pas à s’avancer vers Sergueï, qu’elle ne craignait en aucune manière. Sans la forcer à la regarder, elle se glissa contre le dos de l’homme afin de l’entourer de ses bras frêles et aussi chaleureux qu’un cratère en fusion. « Tu me poses sincèrement la question ? Je ne pensais simplement pas que tel serait ton désir… j’en suis heureuse. » Aucune fioriture pour l’heure car elle sentait les muscles de Sergueï se tendre au fur et à mesure des secondes. Elle desserra son étreinte pour le contourner et se mettre à seulement quelques millimètres de lui, plongeant ses yeux dans les siens avec une douceur si extrême qu’elle s’en étonnait presque elle-même.

Délicatement, Vioryna caressa le visage de Sergueï du bout de ses doigts, comme pour faire sienne cette colère le dévorant tout entier. « Je dois donner un concert en tant que violoniste solo dans quatre jours. Me ferais-tu l’honneur d’être mon cavalier et mon point fixe dans l’assemblée ? » demanda-t-elle à son tour non sans lui offrir son sourire le plus franc et le plus charmeur. Il n’y avait aucune manipulation, plutôt un vrai désir de lui faire partager ce qui comptait le plus à ses yeux, à savoir sa musique. Mais cela ne l’empêcha pas de s’emparer des mains de Sergueï avant de les embrasser l’une après l’autre, tâchant d’apaiser cette rage bestiale qu’elle sentait grandir en lui, et particulièrement assoiffée. « Tes invités peuvent attendre… fais ce que tu veux de moi en récompense. » Puisqu’elle ne savait guère comment lui démontrer la haute émotion qu’elle ressentait, elle tâchait de se rapprocher de lui de cette manière avant de s’emparer furieusement de ses lèvres histoire qu’il n’ait pas l’envie de se retenir davantage.

Comme toujours, Vioryna peinait à savoir sur quel pied danser avec Sergueï. Il était tantôt froid, tantôt plus conciliant, mais il restait toujours à bonne distance de sa personne pour une raison qu’elle ne saisissait pas encore. Quoi qu’il en soit, elle demeura diablement docile tandis qu’il la faisait sienne d’une façon furieuse, violente, presque douloureuse pour sa personne. A chaque fois qu’il s’emparait de son corps frêle, celui-ci se tanguait et tentait vainement de résister à la force de son désir qui cette fois était presque brutal. La jeune russe ne ressentit d’ailleurs guère de plaisir cette fois, la douleur augmentant de seconde en seconde jusqu’à ce qu’il ne parvienne à ce point de non retour et ne s’apaiser entre ses cuisses, qui s’étaient montrées incapables de le contenir durant toute la durée de cet assaut insupportable. La respiration de Vioryna était saccadée, difficile, et son visage devenu extrêmement pâle. Pendant quelques secondes, elle ne fut pas en mesure de capter la question qu’il venait de lui poser, en s’inquiétant pourtant de sa santé et de son bien-être… un peu tardivement, sans doute. « Pardon ? » parvint-elle à articuler extrêmement péniblement. Les baisers qu’il se mit à déposer dans le creux de son cou apaisèrent la douleur vive qu’elle ressentait dans le bas de son ventre, qui se transformait déjà en crampes et la faisait légèrement grimacer. Bien sûr qu’il lui avait fait mal… Vioryna n’était pas quelqu’un d’une santé de fer, et si son tempérament était aussi mystérieux et implacable que l’océan, il n’en demeure pas moins que son corps peinait parfois à suivre la cadence. En l’occurrence, ce moment avait été une épreuve pour la jolie violoniste. « Ca ira… ne t’inquiètes pas je vais survivre » poursuivit-elle finalement avant de tenter un frêle sourire, fébrile mais bien présent, tandis qu’elle caressait légèrement sa joue. Elle tenta de se relever non sans mal, sa robe complètement dévastée, la laissant sans réellement de vêtement pour affronter le couloir qui pouvait être occupé à cause de la réception… « Il fallait que je te confie une chose, Sergueï. Je crois que je suis enc… » Par malchance, pour ne rien arranger, un importun la coupa en pleine confession extrêmement personnelle en frappant faiblement à la porte. Les invités de Sergueï l’attendaient toujours et s’impatientaient même… « Vas-y. Je vais me diriger vers ma chambre et attendrait sagement que tu n’aies fini. »

Quelque part, ce moment en solitaire, bien que tombant relativement mal, lui permit de reprendre son souffle et le contrôle de ses membres. Elle fut en mesure de se lever au bout de quelques longues minutes, afin d’appréhender le couloir que Sergueï avait dû vider d’un seul regard aimable numéro trente-trois bis. Hélas, lorsqu’elle arriva au niveau des escaliers, elle n’eut pas le temps de se rendre compte de ce qui se passait qu’elle fut poussée violemment et tomba tel un verre en cristal avant de s’échouer des mètres plus bas dans un vacarme terrible. Vioryna avait les yeux clos, sa robe déchirée recouvrait son corps, mais l’on pouvait malheureusement voir une traînée de sang s’écouler de son corps meurtri. La jeune russe ne le savait pas encore, mais en plus de risquer de mourir, elle risquait la vie de quelqu’un d’autre dans cette équation morbide… sans même savoir que la responsable de ce gâchis n’était autre que Beverley.

Vioryna était restée de nombreuses heures inconscientes, à l’image du choc important subit ainsi que de son hémorragie l’ayant portée aux frontières de la mort. Mais plutôt que de la laisser voguer sur l’une des deux rives du Styx, le destin s’était joué de son malheur et avait fait en sorte qu’elle ne finisse pas ouvrir les yeux… afin de ne mieux prendre cette gigantesque gifle métaphorique donnée par nul autre que Sergueï. Au départ, tandis que ses idées se mélangeaient toutes et qu’elle avait bien du mal à discerner la réalité du rêve, ou plutôt du cauchemar, la jeune russe cligna des yeux à de nombreuses reprises, l’émotion la submergeant littéralement face aux hormones n’ayant pas encore cessé de se frayer un chemin dans ses veines. La froideur, le détachement et même la méchanceté gratuite dont il faisait preuve lui glaça littéralement le sang, provoquant ses larmes sans même qu’elle n’ait le moindre contrôle sur celles-ci. Vioryna pleurait à chaudes larmes, ne cherchant même pas à se contenir jusqu’à ce que ses doigts ne s’arrêtent sur un cadre dont elle connaissait chacun des détails, jusqu’à sa taille approximative pour l’avoir regardé un nombre incalculable de fois. Celui-ci contenait une photo d’elle et de sa sœur, toutes deux souriantes, au temps fabuleux où Sofya était encore en vie et où la jolie violoniste n’était pas contrainte de mentir sur son identité. Elle comprenait mieux pourquoi Sergueï mettait tout en œuvre pour se détacher violemment d’elle, cherchant sûrement à la blesser au passage face à toute la haine qu’il devait probablement ressentir à son égard. « Mon plan, hein… je ne vois pas exactement quel plan j’ai mis en place en neuf mois mais peut-être vas-tu pouvoir m’éclairer, Monsieur je pense tout savoir sur tout ? » Vioryna peinait déjà à garder les yeux ouverts, et pourtant elle n’avait pas la moindre once de colère dans le son de sa voix. Celle-ci était plutôt… comme elle, brisée.

« Peut-être devrais-je te féliciter pour savoir être aussi émotif qu’une pierre. Mais en attendant, si au départ mon intention était effectivement de venger la vie de ma sœur, que tu m’as arrachée, je n’ai pas mis en place le moindre plan pour te nuire, alors que crois-moi… j’aurais pu te causer plus de tort qu’une armée de tes fidèles serviteurs. Tu sais, ceux qui font disparaître soudainement les gens et mettent en place tes plans machiavéliques ! Finalement, je te plains Sergueï… tu es tellement aveugle à toute humanité que tu ne connaîtras jamais la chaleur humaine, la compassion, ou même l’amour. Je ne suis même pas sûre que tu aies aimé ton jumeau, en fin de compte. Oh je sais… tu pourrais me faire regretter mes paroles mais je ne pense pas avoir tort. Et de toute évidence, il n’est pas grand-chose que j’ai à perdre. » Vioryna grimaça de façon prononcée face à la douleur violente qu’elle s’était mise à ressentir et qui donna une force plus vive à l’écoulement de ses larmes. Vraiment, aujourd’hui, la jolie violoniste pensait avoir réellement tout perdu… et plus encore que ce à quoi elle s’attendait à cause de ses sentiments maudits. « Je n’ai pas de regret parce que je n’ai rien fait de mal. Inutile de me payer mon séjour, je me débrouillerai… je ne souhaite pas tarir ton image d’homme sans pitié ! » Malgré ses mots empoisonnés, la jeune russe laissait apparaître une évidente fragilité, qui s’exprimait dans le ton de sa voix, le fond de ses yeux ainsi que dans le tremblement de ses membres. Il y avait bien longtemps qu’elle ne pouvait plus feindre face à Sergueï… pour son plus grand malheur.