AARON & SORA

❝ toujours assumer les conséquences de ses actes ! ❞

Le visage quasiment enfoui tout entier sous la couverture, son regard fixait le réveil à sa droite. Elle regardait les minutes défiler avec une extrême lenteur sans même chercher à sortir du petit cocon chaud dans lequel elle se trouvait. Pour la première fois depuis longtemps elle avait très mal dormi. Son esprit avait été embrouillé par les images de ce qui s’était passé la veille, des images qui refusaient de la laisser tranquille et surtout de lui permettre de dormir d’un sommeil réparateur. Elle se sentait déjà épuisée alors que ce n’était que le matin. Ce n’était pas un épuisement à en avoir mal partout, mais ce n’était toutefois pas loin. La simple perspective de devoir repousser sa couverture et de devoir sortir du lit la fatiguait encore plus si bien qu’elle n’avait rien trouvé de mieux que de fixer le réveil numérique dont les chiffres couleur ocre défilaient avec lenteur depuis près d’une heure. Ce qu’il y avait de bien à vivre seule dans son appartement était sans aucun doute le fait qu’il n’y avait personne pour venir voir si elle dormait ou si elle jouait simplement sur la fainéantise, ce qui était largement son cas ce matin-là. Pourtant, la guatémaltèque savait que, tôt ou tard, elle serait dans l’obligation de s’extirper hors du lit, elle devait encore aller à l’une de ses consultations avec sa psychologue.

Si Sora avait fini par s’y habituer avec le temps, voire même apprécier le fait de se confier à une parfaite inconnue, à présent la simple idée de rejoindre ne serait-ce que la salle d’attente du cabinet lui nouait l’estomac. Il était fort probable qu’il y soit … c’était même certain et la jeune femme ignorait si elle aurait le courage d’affronter le regard de l’anglais, ce regard gris électrique qui avait tendance à lui faire perdre tous ses moyens, surtout la veille. Une soupire s’échappa de ses fines narines sans qu’elle ne détourne ou ne fasse le moindre mouvement pour autant. De toute manière elle n’avait pas d’autre choix que de s’y rendre. Sora avait besoin de cette thérapie après tout ce qu’elle avait vécu en si peu de temps. Elle était jeune et pourtant elle était passée par bien des épreuves qui l’avaient fragilisée bien qu’elle l’ait toujours été un peu. Finalement, lorsqu’elle eut trouvé de quoi rassembler tout son courage, la guatémaltèque repoussa la couverture vers le pied de son lit et sortit de ce dernier pour se traîner jusqu’à la cuisine. Une fois dans cette pièce, elle s’empressa de préparer un rapide petit-déjeuner se résumant à un grand verre de jus de pomme et un bol de céréales, avalant le tout adossée à l’évier de la cuisine, le regard perdu dans le vide et ses pensées ne tournant qu’autour d’une seule chose : ça crainte de le voir. Ceci fait, et toute la vaisselle utilisée mise dans l’évier, la seconde pièce qu’elle gagna fut la salle de bain et, se moquant d’arriver en retard, Sora prit tout son temps une fois sous l’eau chaud, son front en appuie sur le carrelage frais de la douche.

Toutefois, à ses yeux, le temps passa malgré tout bien vite et se retrouvant en serviette devant son armoire, une petite moue prit place sur son visage tandis que son choix semblait difficile face à tous ces vêtements. En grande adoratrice des robes et jupes, Sora évitait tout de même d’en mettre trop étant donné les températures basses qui avaient pris place en ville. Ainsi, malgré le soleil qui semblait régner dans le ciel, la jeune femme préféra ne pas se laisser piéger et attrapa un jean slim, un tee-shirt assez banal et un gros pull qu’elle s’empressa d’enfiler avant de s’occuper soigneusement de ses cheveux blonds. Mannequin ou non, la demoiselle avait toujours aimé le fait de prendre soin d’elle et il fallait avouer que lorsqu’elle se trouvait dans une situation de stress c’était en partie ce qui l’était à se calmer. Manteau sur le dos, bonnet en laine noire sur la tête, bottines aux pieds et sac à l’épaule, Sora s’assura de ne rien oublier et quitta son appartement pour le cabinet de sa psychologue, non sans faire un détour par un Starbuck. Sur place, elle fut ravie de voir qu’Aaron semblait être en consultation et elle prit place sur l’une des chaises en fixant le bout de ses bottines et ce également lorsque l’anglais sortit tandis qu’elle s’empressa de rentrer dans le bureau en priant pour qu’il parte.

Comme bien souvent, sa consultation fut assez rapide bien que la guatémaltèque s’efforça de parler puisque ça semblait lui faire du bien. Sortant donc après moins d’une heure avec sa psychologue, elle ne put que se sentir soulagée de voir qu’Aaron n’avait pas cherché à l’attendre et elle s’engagea en direction des escaliers jusqu’à s’arrêter brusquement et faire demi-tour pour prendre un ascenseur en le voyant. Pourquoi fallait-il qu’il insiste autant ? Elle n’avait rien contre lui, rien contre ce qu’il avait fait la veille, mais Sora ne pouvait s’empêcher de ressentir la sensation que ce n’était qu’un jeu … jeu auquel elle ne souhaitait pas jouer. Toutefois, Aaron fut bien plus rapide qu’elle et la bloqua avant qu’elle n’atteigne l’ascenseur, l’entraînant ensuite dans un couloir, faisant barrage à l’aide de ses bras. « A quoi tu joues Sora ? » Sans oser poser les yeux sur l’anglais, Sora tenta de se dégager, mais sans succès. « Laisse-moi passer … s’il te plait. » Demanda-t-elle sans même le regarder. Elle connaissait que trop bien l’emprise qu’un simple regard pouvait avoir sur elle et elle ne voulait pas perdre ses forces qui lui permettaient de résister. Cependant, elle était assez maligne pour comprendre qu’il ne la laisserait pas partir, pas comme ça, si bien qu’elle due se faire violence pour lever les yeux vers lui en pinçant ses lèvres. « Justement, à rien … je ne veux pas être un jouet, d’accord ? J’ai assez souffert et je n’ai pas besoin d’en rajouter. » Le second soupire de la matinée lui échappa tandis que son regard semblait à présent s’accrocher à celui du jeune homme afin de prouver qu’elle était sincère et qu’elle était loin de vouloir être un amusement pour un homme.

Que voulait-elle ? C’était la première question qui lui était venue en tête lorsqu’elle avait quitté la soirée de Richard et qu’elle avait eu bien plus de temps que nécessaire pour réfléchir seule. Que souhaitait-elle ? Cesser de profiter de son existence aussi jeune qu’elle pouvait l’être ou, au contraire, en profiter ? Elle avait la vie devant elle et pourtant par bien des choses elle laissait supposer ne vouloir qu’une vie rangée alors qu’elle était pourtant si jeune. Elle s’était mariée à tout juste dix-neuf ans et elle était devenue veuve à vingt ans. Elle vivait dans le monde des adultes alors qu’elle venait à peine d’y entrer et que par bien des aspects elle avait tout le caractère d’une enfant. Elle était bien trop douce et émotive pour être totalement une femme et elle savait qu’elle ne le serait jamais complètement. Elle avait cette tendance à vivre parfois dans sa bulle, à refuser d’affronter le monde réel, un monde bien trop violent pour une jeune femme comme elle. La guatémaltèque savait que sa sensibilité et sa vision du monde avaient tendance à pousser les autres à bien trop la protéger et même si par moment elle l’appréciait, le plus souvent elle rêvait tout de même de mener sa vie comme bon lui semblait. Cependant, elle incapable de savoir ce qu’elle voulait réellement depuis la veille. Tout le temps qu’elle avait eu pour réfléchir ne semblait pas lui suffire et à présent qu’elle se devait d’affronter les conséquences de ce qui s’était déroulé la veille, Sora peinait à savoir comment réagir.

Sa première envie avait été de vouloir le fuir, ce qu’elle avait tenté de faire au mieux sans compter sur l’entêtement d’Aaron. Même lorsqu’il l’avait bloqué, lorsqu’il l’avait empêché de passer, elle avait voulu le fuir même si ce ne fut que par le biais du contact visuel avant de céder. Sa réponse ne la satisfaisait pas, mais elle ne parvenait pas à réfléchir convenablement, bien trop captivée par le regard de l’anglais qui une fois de plus la rendait toute chose. « Je ne sais pas à quoi tu joues et je ne sais pas à quoi je veux jouer, je ne sais même pas si je veux jouer mais puisque toi tu ne veux que du sérieux alors vas-y… Pars… C’est bon je ne te suivrais pas ! Je ne sais pas ce que je veux avec toi ! Toi non plus d’ailleurs je l’ai senti hier et je le vois encore dans tes yeux mais puisque tu veux être la demoiselle bien trop sérieuse pour ton âge qui veut un bel avenir promis devant elle pour passer du bon temps avec quelqu’un alors je ne suis pas la bonne personne. » Le regard de la guatémaltèque semblait sonder celui d’Aaron. Elle voulait parvenir à savoir s’il disait vrai ou si, vraiment, il jouait avec elle. Au final, l’un comme l’autre ignorait ce qu’ils souhaitaient réellement. La seule chose dont ils avaient conscience était le fait qu’ils étaient irrémédiablement attirés l’un par l’autre depuis la soirée et que les simples baisers qu’ils avaient pu s’échanger ne semblaient ni satisfaire Aaron ni même Sora. La jeune femme le regarda dans le silence le plus total, hésitant un instant à réellement partir pour finalement faire le choix de rester devant lui et contre le mur.

Elle le regarda tandis que quelques minutes s’écoulèrent et sans crier gare l’anglais s’approcha une nouvelle fois pour capturer ses lèvres. Le baiser qu’il lui donna eu la même intensité que celui qu’il lui avait déjà donné la veille mais avec une certaine pointe de réserve que Sora n’eut aucun mal à déceler juste avant qu’il n’éloigne doucement son visage. « C’était juste pour te rappeler ce que tu loupes là tout de suite maintenant en pensant trop loin… » Sans trop savoir pourquoi, la guatémaltèque ne put empêcher un léger sourire d’étirer le coin de ses lèvres. Son regard ne se décrocha pas de celui d’Aaron et après plusieurs secondes d’hésitation, la jeune femme s’approcha à son tour de l’anglais. Elle posa doucement sa main sur la nuque du jeune homme et après avoir béni le fait de porter des talons elle l’embrassa à son tour avec bien plus de confiance que la veille ou que lui-même lorsqu’il lui avait donné un baiser juste avant. Sora continua son geste en l’attirant un peu plus contre elle pour finalement séparer leurs lèvres lorsque l’air lui manqua. Humectant les siennes, son regard s’ancra à nouveau dans celui d’Aaron tandis qu’un sourire malicieux apparaissait. « Laisse-moi te prouver que je suis capable de ne pas être sérieuse. » Glissa-t-elle doucement s’en trop s’éloigner de lui. Elle allait le regretter, elle pouvait déjà le sentir au fond d’elle, mais la jeune femme s’en moquait … tout du moins sur le moment. Aaron avait raison, en plus de manquer quelque chose, elle risquait de devenir trop sérieuse pour son âge et Sora le refusait, pas si elle avait l’opportunité de vivre comme n’importe quelle jeune femme de vingt ans.

Que veux-tu petite fille ? Cette question résonnait encore et encore dans son esprit. Que voulait-elle vraiment ? Une question qui la rongeait à présent qu'elle se sentait plus perdue que jamais. Elle était jeune, elle avait la vie devant elle malgré ces deux fois où elle avait bien manqué de finir six pieds sous terre. Elle était supposée avoir tout le temps de vivre diverses expériences, d'être heureuse et même de souffrir et pourtant elle ne savait pas ce qu'elle désirait réellement. La guatémaltèque était éperdument éprise du beau brésilien qui faisait battre son cœur plus vite que jamais à chaque fois qu'ils se trouvaient ensemble, cependant il avait été clair que leur histoire n'en était pas réellement une. Lui l'indomptable Don Juan ne pouvait s'éprendre de la pauvre petite fille fragile qu'elle était, Sora s'était fait une raison mais elle était pourtant incapable de se laisser aller avec d'autres hommes comme Danjel pouvait le faire avec d'autres femmes. Alors, que voulait-elle réellement ? Vivre, sans nulle doute et sans savoir pourquoi la demoiselle parvint à se convaincre que si elle voulait aller au bout de ce désir elle se devait de céder à la pulsion qui l'avait gagné la veille, mais qu'elle avait refoulé, cette même pulsion qui s'emparait à nouveau d'elle mais également d'Aaron. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qui avait changé entre eux, toutefois elle savait que tout son être semblait le désirer subitement. Ce n'était pas de l'amour, juste du désir, un désir par lequel elle se laissa envelopper et qui la poussa à ne pas repousser l'anglais lorsqu'il l'embrassa de plus bel.

Non, Sora se laissa faire et se surpris même à apprécier d'autant plus ce contact entre eux et tandis qu'elle sentait l'une des mains d'Aaron se perdre sous son haut, elle le força à s'approcher d'autant plus d'elle alors qu'un frisson la secoua légèrement. Mais alors qu'elle laissait voir à quel point elle était prête à n'être qu'un jouet, à se laisser aller, ce fut Aaron qui céda le premier et sépara leurs lèvres pour plonger son regard dans celui de la guatémaltèque dont le souffle était court. « Tu es vraiment sûr de vouloir être cette Sora là ? C’est la Aaron sage qui te demande cela, tant qu’il est encore là ce qui risque de ne pas durer… » Sora le regarda en silence en passant le bout de sa langue sur ses lèvres. Était-elle certaine de vouloir être cette Sora là ? Elle n'en avait pas la moindre idée, mais comment était-elle supposée le savoir si elle ne tentait rien ? « Parce que j’ai envie de toi, tout de suite, maintenant… Même si un recoin de couloir ou une cage d’escalier est sûrement moins confortable que le jardin d’herbe auquel tu aurais eu le droit hier. » Alors comme ça il avait eu envie d'elle depuis la veille ? Malgré elle, Sora ne put contenir le petit sourire qui étira doucement le coin de ses lèvres. Elle était fière d'elle, fière de savoir qu'un homme pouvait avoir envie d'elle malgré ses airs fragiles. En silence, la jeune femme se pinça les lèvres sans quitter Aaron des yeux, puis, sans crier gare, elle approcha son visage de celui de l'anglais en feignant l'incertitude et captura ses lèvres dans un baiser bien plus profond avant de se séparer une nouvelle fois de lui lorsque l'air commença à lui manquer. « Cette envie est réciproque. » Se contenta-t-elle de répondre avant de repartir à l'assaut de ses lèvres. Puis, tandis que ses mains – en ayant assez de l'inactivité – partir sous le haut de l'anglais, les lèvres de la guatémaltèque partir s'aventurer dans le cou d'Aaron tandis qu'elle commençait à mourir de chaud.