Ana et sa moto, c’était une grande histoire d’amour. Sa plus belle histoire d’amour. Son engin était son bébé, elle y tenait et en prenait soin comme on prendrait soin d’un enfant, d’un petit animal, d’un bijou de valeur. Eh bien pour la jeune femme, c’était exactement ça. Elle lui avait été offerte par son père Luke dès qu’elle avait eu l’âge de conduire un tel véhicule. Son plus beau cadeau d’anniversaire. C’était lui qui lui avait appris à conduire, à faire attention, qui l’avait emmené faire ses plus longues promenades et qui lui avait montré les plus beaux coins près de New York et Londres grâce à cette passion commune. Il lui avait aussi offert son premier casque, bref, il lui avait présenté cet univers qu’elle aimait particulièrement, le seul qui lui permettait de s’évader et de sentir bien.
Elle partait souvent sur sa moto et conduisait sans trop savoir où elle allait. Elle se laissait juste guider par son instinct, son envie sur le moment, les évènements qui se produisaient autour d’elle. Et bien souvent, elle atterrissait dans des endroits qui lui était encore inconnus (chose tout à fait possible dans une ville telle que New York). C’était un de ses passe-temps favoris quand elle n’était pas à l’Awesome. Elle avait repris la gérance de l’établissement ouvert par sa mère et son oncle un peu avant sa naissance. C’était son héritage et d’une certaine manière, elle était attachée à l’endroit.
C’est justement là qu’elle se rendait en ce début d’après-midi. Il y a avait du soleil et du vent et il ne faisait pas spécialement chaud, mais c’était un temps quand même agréable. Comme à son habitude, elle profitait de l’adrénaline que lui apportaient ses trajets en moto et ne faisait qu’à moitié attention à ce qui se passait sur la route avec elle. Heureusement, jusqu’ici, ça ne lui avait jamais porté préjudice. Elle s’était toujours arrêtée aux feux rouges, n’avait jamais foncé dans un poteau et n’avait jamais percuté aucun piéton ou véhicule. Enfin jamais jusqu’à maintenant en fait.
Tout s’était passé très vite, elle n’avait pas vu le vélo arriver en face d’elle. Quelle idée aussi de rouler dans le sens inverse de la circulation ! Clairement, elle n’était pas en faute. Ou peut-être qu’elle aurait pu faire plus attention mais ça elle ne le reconnaitrait pas. Enfin. Tout ce qu’elle savait était qu’elle était allongée au sol, que son jean était déchiré, son genou écorché, et que sa moto, son bébé, était couchée sur le bitume. Elle n’avait pas perdu conscience et ne devait pas avoir de blessures trop graves. Elle avait juste un peu mal au poignet mais ce n’était pas ça qui l’alarmait le plus. Ana se releva d’une traite et son expression devint plus grave. « Oh mon dieu… Pitié, faites que tu n’aies rien ! » gémit-elle en se dirigeant vers sa moto. « J’espère pour vous qu’elle n’a pas d’éraflure ou de dommage plus grave hein ! » ajouta-t-elle à l’attention du cycliste qu’elle venait de renverser.
Il faisait du vélo dans la montagneuuh, il faisait du vélooooo dans la montagneuh, il faisait du vélo, il faisait du vélo... et en fait, c'était pas dans la montagne. Et oui, il chantait cette chanson depuis qu'il était sorti de son appartement, il ne savait ni pourquoi, ni comment c'était arrivé dans sa tête mais soit, il faisait avec, puis ça le mettait de bonne humeur de chantonner, fredonner et bouger la tête en rythme. Il n'avait pas vraiment besoin de plus pour être heureux, John se contentait souvent de peu, il était vite heureux et les gens le traitaient souvent d'imbécile heureux à cause de ça. Il continuait de rouler paisiblement afin d'arriver au boulot, il avait mis son nouveau casque de protection de couleur verte avec les tortues ninja dessinée dessus. Elles avaient trop la classe et il avait le sentiment de pouvoir tout faire. Même prendre une route à contre sens, ce n'était pas comme s'il se mettait au milieu, tout le monde pouvait le voir venir et il ne prenait pas tant de place. Enfin, c'était ce qu'il pensait jusqu'à ce qu'il se fasse faucher et parte tête la première sur le bitume. Il se redressa sonné et la joue en sang, il porta sa main à sa joue afin de se palper mais il remarqua qu'il saignait abondamment. Il détestait le sang. Il détourna le regard pour voir que c'était une femme qui l'avait si violemment fauchée... il grimaça et porta d'une main tremblante sa main à sa joue et il grimaça aussi tôt. Bobo. Il se dirigea vers son vélo mais le vit tordu... foutu. Il prit aussi tôt un air triste et dit un amen sans grande conviction, son vélo était désormais bon pour le paradis des vélos, parce qu'il avait été gentil tout le long de sa vie, il méritait au moins le paradis, c'était la moindre des choses. « Oh mon dieu… Pitié, faites que tu n’aies rien ! » John ouvrit la bouche pour répondre à l'étrangère avant de remarquer qu'elle ne s'adressait pas à lui mais à la moto. C'était un peu blessant et vexant quelque part. « J’espère pour vous qu’elle n’a pas d’éraflure ou de dommage plus grave hein ! » il croisa les bras à sa taille. « C'est vous qui m'avez foncée dedans ! » lui rappela alors le jeune homme en bougeant ses doigts ensanglantés, ils bougeaient tous, preuve qu'ils n'étaient pas cassé, c'était déjà ça de bien. Il enleva alors son casque également endommagé et il sentit aussi tôt que la tête lui tournait. Il dut s'appuyer contre une voiture afin de garder l'équilibre et il sentit un mal de tête immense lui vriller le crâne. Il pâlit mais resta stoïque, ça lui était arrivé une fois... on lui avait dit que depuis sa survie inespéré dans un tsunami, il avait gardé quelques séquelles dont une fragilité un peu plus importante de la tête. Il déglutit et s'appuya un peu plus sur la voiture avant qu'elle ne se mette à faire un bruit monstre quand l'alarme se déclencha. « C'est pas moi, j'ai pas fait exprès ! » s'écria alors John en posant ses deux mains sur ses oreilles. Il décida de s'asseoir, plus bougé, c'était un bon plan. Peut-être qu'il allait finir par se transformer en statue, comme dans le Bossus de Notre-Dame. Il regarda alors l'autre femme avec un regard un peu coupable, elle n'était peut-être pas très sympathique, mais lui l'était. « ça va vous ? Vous n'avez rien ? » demanda-t-il le même air coupable imprimé sur son visage. Il supposait que c'était quand même un peu de sa faute... il aurait mieux fait de faire le long tour, tant pis s'il perdait 5 minutes de temps.
Naturellement, la première chose qui traversa l’esprit d’Ana, avant de s’occuper de ses propres blessures ou de celles de la personne qu’elle avait renversé, fut de vérifier l’état de sa moto. C’était la chose plus importante à ses yeux. Elle ne s’était pas encore effondrée de toute façon, cela voulait surement dire qu’elle n’avait rien de grave. Elle n’avait pas mal, elle n’avait pas de sang sur elle. Son blouson en cuir était un peu râpé et elle aurait surement besoin de s’offrir un nouveau jean mais c’était franchement accessoire. Quant au jeune homme au vélo qui avait débarqué de nulle part devant elle, elle n’y pensa qu’après s’être assuré que son bébé n’avait rien. En fait, elle se rappela son existence simplement pour l’incriminer. La jeune femme remis sa moto dans le bon sens et la posa sur sa béquille après l’avoir poussée sur le trottoir. Manquerait plus qu’une voiture ne lui rentre dedans ou ne l’écrase ! Elle regardait le jeune homme avec un air furieux sur le visage. Elle remarqua bien qu’il n’avait pas l’air dans son assiette et qu’il avait du sang sur lui, mais elle décida de n’y accorder aucune importance pour le moment. Quand quelque chose ne lui plaisait pas ou quand on touchait à quelque chose ou quelqu’un qu’elle aimait tout particulièrement, elle pouvait être une vraie peau de vache, une vraie sorcière. Elle pouvait très vite devenir le pire cauchemar des gens qui se la mettaient à dos. « C'est vous qui m'avez foncée dedans ! » Ah, et puis quoi encore ?! La réaction de la jeune femme ne se fit pas attendre. « Vous vous foutez de moi, hein ? C’est vous qui rouliez en sens inverse. A moins que tous les conducteurs ce soient trompés. Tous en même temps. » Elle le regarda comme s’il était stupide. Elle détestait la mauvaise foi : elle ne lui aurait pas foncé dedans et ne l’aurait pas renversé s’il avait roulé dans le bon sens. Alors qu’elle s’était mise à examiner sa moto avec plus de minutie, une alarme de voiture se déclencha et l’empêcha de mener sa tâche à bien. Visiblement, c’était le jeune homme qui l’avait déclenché en s’appuyant contre une voiture. Ce type était un vrai boulet. « C'est pas moi, j'ai pas fait exprès ! » La jeune femme le regarda s’asseoir en haussant les sourcils. Il avait clairement un problème… C’était de sa faute à elle s’il agissait comme ça ou quoi ? Un instant, son côté généreux et sympathique repris le dessus. Il n’avait pas l’air bien du tout… Puis sa moto n’avait pas l’air abimée ou rayée, elle pouvait sans doute arrêter d’être désagréable avec lui. Surtout qu’il avait l’air beaucoup plus mal en point qu’elle et qu’elle n’avait plus aucune raison de lui en vouloir. Elle s’approcha de lui mais il se mit à parler avant qu’elle ne puisse en placer une. « ça va vous ? Vous n'avez rien ? » C’était assez déconcertant. Il devait être un homme bon car il réussissait à faire abstraction de son comportant à son encontre. Ana se mordit la lèvre. « Ça va, ne vous en faites pas. Mais, vous ? Comment allez-vous ? Vous n’avez pas l’air bien… Votre comportement avec la voiture, et tout ça… » Elle lui tendit la main pour l’aider à se relever. « Désolée de vous avoir agressé juste après vous avoir renversé, vous n’aviez visiblement pas besoin de ça. » Elle haussa les épaules. « Je tiens juste énormément à ma moto. » C’était peut-être stupide mais bon, c’était comme ça. « Vous voulez que je vous emmène à l’hôpital ? »
John n'avait pas spécialement l'habitude des gens. Enfin, si, il parlait souvent aux gens, mais en général, il n'avait pas des conversations suivies. Il parlait d'une chose, puis changeait fondamentalement de sujet, il n'arrivait jamais à tenir une conversation jusqu'au bout, c'est pour ça qu'en fin de compte, les gens finissaient toujours par un peu se lasser de lui et son côté... exubérant et affligeant. Il ne leur en voulait pas, c'était plus une constatation qu'un reproche à vrai dire. Cela dit, cette femme semblait très énervée par ses propos et c'était presque une première pour lui. Comme on le savait un peu déglingué du cerveau, on lui reprochait très peu de choses. « Vous vous foutez de moi, hein ? C’est vous qui rouliez en sens inverse. A moins que tous les conducteurs ce soient trompés. Tous en même temps. » il grimaça avant de rougir, elle marquait un point la charogne. « Je voulais aller plus vite au boulot... » avoua-t-il d'une voix un peu penaude. Il ne le ferait plus, il se le jura. Pour lui parce qu'il en avait marre d'être cassé, et en la mémoire de son vélo, c'était la moindre des choses !
Cela dit, il finit par arrêter de faire l'idiot quand il remarqua qu'il était loin de se sentir bien et que des vertiges un peu trop violant le secouaient, il n'aimait pas vraiment ce qu'il lui arrivait. Il tentait de respirer profondément et de parler pour se concentrer sur autre chose, c'était une solution non ? Et la seule chose qui pouvait le distraire de son mal être était la jeune femme à moto. Il lui demanda si elle allait bien, mais il n'était pas sûr que sa question soit bien accueillie... elle était un peu agressive... et juste au moment où il pensa ça, elle revint vers lui, il se recroquevilla légèrement, il n'avait pas envie de se faire gronder encore une fois... « Ça va, ne vous en faites pas. Mais, vous ? Comment allez-vous ? Vous n’avez pas l’air bien… Votre comportement avec la voiture, et tout ça… » il secoua la main devant son visage. « C'est le genre de choses qui arrivent quand on se fait faucher » annonça-t-il simplement avec un petit sourire sur les lèvres. « Désolée de vous avoir agressé juste après vous avoir renversé, vous n’aviez visiblement pas besoin de ça. Je tiens juste énormément à ma moto. » John la regarda quelques secondes un peu surpris, c'était vrai qu'elle semblait beaucoup tenir à son engin, il observa la moto quelques secondes avant de reporter son attention sur la jeune femme. « Si elle a une valeur sentimentale, il n'y a aucun soucis pour moi » finit-il par décréter avec un sourire un peu penaud. « Vous voulez que je vous emmène à l’hôpital ? » il gémit aussi tôt avant de regarder son inconnue de façon un peu désespéré. « Non, non, s'il vous plait... plus l'hôpital, je vais juste y aller, ça va aller ! » dit-il avant de tituber en faisant quelques pas avant de finalement se rasseoir, il était épuisé, il avait fait 5 pas, c'était peut-être mauvais signe, il grimaça avant de fermer les yeux quelques secondes. « Okay, ça va pas très bien, donc on va parler, parler c'est cool. Je suis John Doe, vous ? » finit-il par demander rapidement en la regardant de façon inquiète dans le regard. Oui, il avait peur pour son état, mais non, il n'était toujours pas décidé à aller se soigner à l'hôpital !
La conscience d’Ana avait repris le dessus. Elle reprenait toujours le dessus sur son côté capricieux - petite princesse qui obtenait tout ce qu’elle voulait, qui avait toujours raison et qui ne supportait pas les contrariétés. Quand elle le voulait, elle savait être vraiment horrible et désagréable, mais ça ne durait jamais vraiment longtemps. Merci maman. La jeune femme s’était donc mis en tête d’aller aider le jeune homme qu’elle venait de faucher. Contrairement à elle ou à sa moto, il avait l’air vraiment mal en point. Il avait l’air d’un petit animal blessé et sans défense et elle ne pouvait pas rester de marbre devant une telle vision. Elle était donc allée le voir pour voir si elle pouvait faire quelque chose pour lui. « C'est le genre de choses qui arrivent quand on se fait faucher »Elle s’excusa immédiatement. Elle aurait dû faire plus attention… Même si c’était lui qui était en faute au départ, la route ne lui appartenait et elle courait autant de risques que les autres. Il semblait cependant ne pas tellement lui en vouloir. Il ne l’avait pas envoyé sur les roses quand elle était venue le voir comme elle l’aurait sans doute fait si elle avait été à sa place. Elle n’aurait pas apprécié passer après une moto. D’ailleurs, son argument pouvait sembler plutôt maigre étant donné qu’une moto pouvait toujours se remplacer, alors qu’une vie humaine, non. « Si elle a une valeur sentimentale, il n'y a aucun soucis pour moi » Elle secoua la tête puis se mordit la lèvre. Oui, sa moto avait une grande valeur sentimentale pour elle. C’était sa première moto, celle que Luke lui avait offert. Si elle commençait à se faire vieille, elle ne pensait pas s’en séparer pour le moment. Elle roulait quand même encore bien. « Oui mais… Ce n’est pas une excuse pour mon comportement. » Elle sourit encore une fois, sourire qui devait signifier qu’elle était désolée. Ana lui proposa ensuite de l’emmener à l’hôpital. C’était la moindre des choses après tout… Elle pouvait l’accompagner en taxi parce que la moto n’était sans doute pas le moyen de transport le plus conseillé vu son état. « Non, non, s'il vous plait... plus l'hôpital, je vais juste y aller, ça va aller ! » La jeune femme fronça les sourcils. De nouveau, l’inconnu avait l’air d’un petit animal faible. Il avait vraiment peur, peur au point de risquer d’avoir des dommages dus à ses blessures qu’il ne voulait pas soigner. Il essaya de marcher pour lui prouver qu’il allait bien mais elle le vit flancher et revenir s’assoir après quelques pas seulement. « Ca n’a pas l’air d’aller très bien pourtant… » « Okay, ça va pas très bien, donc on va parler, parler c'est cool. Je suis John Doe, vous ? » répliqua-t-il immédiatement. Ana hocha la tête rapidement, un peu déconcertée. Et inquiète aussi. Elle prit donc place à côté de lui. « Parlons alors. Enchantée, John. Moi c’est Anastasia mais tout le monde m’appelle Ana et honnêtement je préfère ça. Oh, je vous rassure tout de suite, renverser les gens avec ma moto n’est pas un de mes passe-temps. Je le fais juste quand je m’ennuie un peu. » dit-elle en essayant de détendre un peu l’atmosphère. Elle s’arrêta de parler un instant pour l’observer, il n’avait toujours pas l’air dans son assiette. « Vous êtes sûr de ne pas vouloir aller à l’hôpital ? Vous n’avez pas intérêt à mourir dans mes bras hein ! Ma cousine est médecin, je peux peut-être l’appeler ? Vous n’aurez même pas besoin d’aller à l’hôpital. »
John se sentait incroyablement fatigué. Il aurait bien aimé dormir. Mais dormir dans la rue n'était pas un bon plan. Parce qu'il n'était pas sans abri. Et parce qu'il avait peur de se faire marcher dessus. Après, la jeune femme allait à tous les coups encore plus s'inquiéter pour lui, et le stress qui émanait d'elle finissait par se répercuter sur lui. Il était un peu plus nerveux qu'au début mais tentait de garder le contrôle et de rester zen, il était passé par pire, si ça se mettait, c'était juste une petite crise de tension, il avait eu incroyablement peur, c'était pas tous les jours qu'on valdinguait par delà son vélo après tout. Quoiqu'il en soit, John sentait bien que la jeune femme s'en voulait de son comportement un peu plus tôt, s'était inscrit partout sur son visage qu'elle se mordait les doigts de s'être montré si désagréable et John tentait au mieux de la faire se sentir mieux... mais il avait le sentiment confus qu'au lieu de réussir cette mission, il aggravait l'état de culpabilité de la jeune femme. « Oui mais… Ce n’est pas une excuse pour mon comportement. » John lui toucha du bout des doigts la main, il avait toujours été très tactile depuis qu'il s'était réveillé de son coma mais il ne pouvait pas non plus prendre une parfaite inconnue dans ses bras. Du moins, on lui avait dit de tenter de limiter ce geste un maximum. « On va dire que c'était sous le coup de l'émotion ? » proposa-t-il alors simplement.
Cependant, son état n'allait pas en s'améliorant et la jeune femme insistait pour l'amener à l'hôpital. John ne voulait pas, il en avait assez des examens, il voulait juste aller au boulot, puis rentrer chez lui et dormir durant 24h au moins. Oh oui, ce programme-là le tentait drôlement. Mais pas l'hôpital ! Jamais l'hôpital ! « Ca n’a pas l’air d’aller très bien pourtant… » Mais John voulait résister, c'était une fucking tortue ninja ! Il pouvait le faire. Mais il devait penser à autre chose que la douleur, il devait se concentrer sur n'importe quoi d'autres. C'est pour ça qu'il se mit à parler avec son inconnue, il avait besoin de se concentrer sur sa voix pour ne plus penser à son mal. « Parlons alors. Enchantée, John. Moi c’est Anastasia mais tout le monde m’appelle Ana et honnêtement je préfère ça. Oh, je vous rassure tout de suite, renverser les gens avec ma moto n’est pas un de mes passe-temps. Je le fais juste quand je m’ennuie un peu. » John se mit à rigoler avant que son rire ne se mue en éternuement. « C'est très beau comme prénom. » finit par dire John avec un sourire. Puis il se rappela de la fin de la phrase d'Ana et il se mit à réfléchir quelques instants. « Oh... et donc, vous êtes cascadeuse ? » finit-il par demander. Il avait toujours un peu de mal avec l'ironie et tout ça. Son esprit simplifiait toujours beaucoup les choses après tout. « Vous êtes sûr de ne pas vouloir aller à l’hôpital ? Vous n’avez pas intérêt à mourir dans mes bras hein ! Ma cousine est médecin, je peux peut-être l’appeler ? Vous n’aurez même pas besoin d’aller à l’hôpital. » John secoua toujours la tête de façon négative. « Je sais que je ne dois pas faire un bel effet là tout de suite. Mais je suis plus résistant que ça en fait. Je suis un survivant. Une sorte de tortue ninja. C'est juste que j'ai oublié de manger ma pizza ce matin donc je suis un peu flagada » finit-il par dire avec un sourire doux sur les lèvres. Son regard se posa alors sur la jeune femme avant de dévier sur la moto, c'était tout de même rare de voir une femme rouler ce genre d'engin. « C'est votre première moto ? » finit-il par demander, un peu trop curieux sans doute mais elle avait eu l'air de tellement y tenir que ça avait fini par l'intriguer.
Ana avait rejoint son inconnu assis sur le bord du trottoir. Sa mission était à présent de se racheter parce que sa conscience allait la rappeler à l’ordre rapidement si elle ne le faisait pas. Surtout que l’homme ressemblait fortement à un petit oiseau blessé et Ana ne résistait jamais aux petits animaux. Après lui avoir présenté ses excuses, il ne semblait toujours pas lui en vouloir, lui trouvant encore des excuses. « On va dire que c'était sous le coup de l'émotion ? » La jeune femme se mordit la lèvre. Le coup de l’émotion… Non en réalité c’était simplement parce qu’elle était une peste arrogante et capricieuse la plupart du temps et que c’était souvent cette facette de sa personnalité qui apparaissait en premier aux inconnus. Emotion ou non, elle agissait comme un monstre lorsqu’elle était contrariée. « Oui, on a qu’à dire ça… » Elle nota le fait qu’il ait effleuré sa main avec ses doigts. Elle sourit à ce geste, touchée par la retenue qu’il avait, comme s’il ne s’autorisait pas à la toucher complètement, comme s’il avait peur de la gêner. Cependant, elle ne s’autorisa pas à le toucher non plus. Elle aurait pu lui prendre la main ou carrément le prendre dans ses bras, mais elle ne voulait pas que cela paraisse inapproprié ou le gêner encore plus.
Le jeune homme lui assura ensuite qu’il allait bien, et tenta même de le lui prouver en se levant. Seulement, il ne tint pas plus de quelques secondes et revint presque aussitôt s’assoir à côté d’elle. Il n’aimait pas les hôpitaux apparemment, et refusait de s’y rendre. Ana pensa qu’il y avait vécu une expérience traumatisante – n’était-ce pas le cas de toutes ces expériences ? – et que c’était pour cette raison qu’il essayait de faire illusion. Seulement, son apparence physique, malgré tous ses efforts, parlait pour lui. La jeune femme le souligna d’ailleurs et il continua de repousser le sujet. Il préférait parler : ils se présentèrent donc succinctement tous les deux. « C'est très beau comme prénom. » Ana hocha la tête, flattée. Ce n’était pas elle qui l’avait choisi et pourtant elle le trouvait parfait. Elle le trouvait très beau également, sa mère avait fait preuve d’une grande clairvoyance en le choisissant. « Oh... et donc, vous êtes cascadeuse ? » La jeune femme éclata immédiatement de rire. Elle ne se moquait pas, loin de là, c’était juste qu’on ne la lui avait jamais faite, celle-là. Puis elle n’y avait jamais pensé non plus. Elle aurait très bien pu être cascadeuse en fait : elle adorait les sensations fortes, l’adrénaline, le risque… Maintenant qu’elle s’occupait de l’Awesome elle n’avait pas le temps de s’y essayer mais elle y penserait quand elle serait lassée et qu’elle désirerait changer. « Non, je ne suis pas cascadeuse, quoique ça me plairait beaucoup. En fait je suis mannequin occasionnellement, sinon je m’occupe d’une boite de nuit. » Peut-être qu’elle pouvait lui payer un verre pour commencer à se faire pardonner. « Et vous, vous faites quoi ? »
Comme il semblait aller de plus en plus mal, Ana lui proposa de l’emmener voir Rosalie. Elle pourrait surement faire quelque chose pour lui et il n’aurait pas aller à l’hôpital. C’était un bon compromis quand même. Seulement, il refusa une nouvelle fois. « Je sais que je ne dois pas faire un bel effet là tout de suite. Mais je suis plus résistant que ça en fait. Je suis un survivant. Une sorte de tortue ninja. C'est juste que j'ai oublié de manger ma pizza ce matin donc je suis un peu flagada » Elle le regarda, intriguée. Une tortue-ninja ? Elle adorait les tortues-ninja. Elle sourit. Elle aimait son esprit qui semblait un peu… décalée. Il était adorable en tout cas et elle s’en voulait plus que jamais d’avoir été si désagréable avec lui. Il ne méritait clairement pas d’être traité ainsi. En tout cas, tout commençait à prendre place dans son esprit : s’il était un survivant, il devait être passé par pas mal d’épreuves traumatisantes, et surement un très long séjour à l’hôpital. « Un survivant ? Comment ça ? » Elle adorait les histoires et ne doutait pas que celle de John soit très intéressante. Elle commençait d’ailleurs à douter du fait que John Doe soit son véritable nom.« Vous voulez bien me raconter ? Et vous vous appelez vraiment John Doe ? » Elle espérait ne pas être trop… curieuse et invasive. Mais elle était vraiment curieuse pour le coup. En tout cas, quoi qu’il lui réponde, elle ne lui en voudrait pas de se taire. Elle avait juste envie de le prendre dans ses bras. « C'est votre première moto ? » Il dériva sur un nouveau sujet. Ana regarda sa moto, un large sourire aux lèvres. Elle ne pouvait s’empêcher de penser à Luke en voyant le véhicule. « Oui. Je l’ai eu pour mes seize ans. C’est mon père qui me l’a offert et elle ne m’a jamais lâché. J’y tiens beaucoup. »
« Oui, on a qu’à dire ça… » juste à l'entendre parler, on aurait dit qu'on venait de lui écraser son chat. Fin, non, quand même pas, elle aurait sans doute été triste et elle aurait pleuré et John n'était vraiment pas doué devant une femme qui pleurait, il avait tendance à ne pas savoir quoi faire et il se finissait aussi à pleurer juste pour tenter d'avoir une réaction, mais en général, ça entrainait plus de confusion puisqu'il pleurait juste parce que la personne en face de lui pleurait. En fait, la jeune femme ressemblait juste à une sorte de coupable. Sauf que c'était ridicule, il n'était ni mort, ni blessé (fin, si, ça un peu quand même mais bon), il allait s'en remettre. Doucement. Sans doute pas aujourd'hui mais bon, il ne pouvait pas tout avoir non plus. Enfin, John fit comme il le faisait d'habitude lorsqu'il voyait quelqu'un de maussade en face de lui, il tentait de lui changer les idées. Alors c'est ce qu'il fit avec Ana, il lui parla un peu, lui demanda ce qu'elle faisait, enfin, en quelque sorte. Lorsqu'il lui demanda si elle était cascadeuse, elle éclata de rire. Il se mit à rigoler aussi de façon un peu perplexe, il ne comprenait pas mais il le faisait quand même, il détestait être laissé de côté. « Non, je ne suis pas cascadeuse, quoique ça me plairait beaucoup. En fait je suis mannequin occasionnellement, sinon je m’occupe d’une boite de nuit. » John la regarda de façon surprise, elle accumulait donc les postes. « C'est vrai que vous êtes très belle, vous avez bien choisi votre métier. » commenta alors John en toute sincérité, de toute façon, il était juste incapable de mentir. « Et vous, vous faites quoi ? » John se gratta quelques secondes la joue avant de faire une petite moue. « Je bosse sur Youtube... enfin, je poste des vidéos et des gens regardent... et je suis aussi animateur à la télé depuis peu... » finit-il par avouer avec un peu de gêne, il détestait parler de ce boulot, parce qu'il ne voulait pas qu'on croit qu'il se vantait ou au contraire faisait comme si ce n'était rien. ça demandait du temps, mais il aimait bien faire ce qu'il faisait donc ça restait... facile à son sens.
Mais comme John ne se sentait pas au mieux et qu'il pâlissait à vue d'oeil, il était conscient qu'il devait s'occuper un maximum l'esprit afin de ne pas... perdre le fil et risquer de s'évanouir en pleine rue, il parlait avec Ana pour garder son esprit concentrer. Il lui avoua être un survivant, même si comme à son habitude, il rajouta quelques conneries bien à lui à côté. « Un survivant ? Comment ça ? Vous voulez bien me raconter ? Et vous vous appelez vraiment John Doe ? » John la regarda quelques secondes tout en clignant des yeux. Tant de questions. Il eut un petit sourire timide avant de répondre. « Je ne connais pas mon vrai prénom... un jour, enfin, l'année dernière, je me suis réveillé au Japon, sans aucun souvenir de ma vie. On m'a dit que j'ai survécu à un tsunami, que les médecins m'ont cru mort un moment et que je suis resté quelques jours dans le coma dans un état critique. Enfin, je dis ça, mais j'ai toujours pas ce sentiment d'être celui à qui tout ça est arrivé. Je répète ce qu'on m'a dit... après ça, j'ai juste mené une vie normale... et je n'ai jamais voulu me donner de nouveau nom parce que... je sais pas... j'ai pas envie d'être une fausse identité ? » dit-il d'une voix un peu tendue, il avait raconté cette histoire tant de fois qu'elle lui semblait vie en un sens. Elle était tellement folle qu'au début, les gens étaient persuadés qu'il mentait. Quoiqu'il en soit, John détestait tourner les histoires autour de lui, surtout celle-là, alors il reparla de la moto, il ne lui avait pas fallut longtemps pour comprendre l'attachement que la jeune femme avait pour son engin. « Oui. Je l’ai eu pour mes seize ans. C’est mon père qui me l’a offert et elle ne m’a jamais lâché. J’y tiens beaucoup. » « Vous semblez proche de votre père, vous avez de la chance » finit par dire John d'une voix calme. Il sentait son coeur battre très lentement. Mauvais, sa tension devait être au plus bas. Il tentait de garder les yeux ouvert mais il sentait que la lutte devenait de plus en plus difficile « Finalement, je pense que vous pouvez appeler une ambulance... » finit-il par décréter. « Est-ce que ça vous dérange si je dépose ma tête sur votre épaule quelques secondes, je suis un peu fatigué. Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas mourir et ce n'est pas de votre faute. Je suis un type très maladroit de nature » finit-il par souffler du bout des lèvres. Sa voix lui semblait venir de si loin en cet instant.
« C'est vrai que vous êtes très belle, vous avez bien choisi votre métier. » John ne semblait pas avoir peur de dire les choses. Il avait cette sincérité qui émanait de lui… C’était assez touchant et drôle à la fois, parce que plus tôt Ana aurait juré qu’il se retenait d’entrer en contact physique avec elle. Pourtant, il n’hésitait pas à dire tout ce qu’il pensait au fur et à mesure qu’elle lui donnait des informations sur elle. Elle sourit et apprécia vraiment le compliment. Elle avait l’habitude qu’on lui dise de telles choses, mais là ça n’avait pas le même impact que d’habitude. Il ne disait pas ça juste parce qu’il la trouvait « bonne » et qu’il voulait « se la faire ». C’était pur et sincère. « Oui enfin ça ne me plait pas tant que ça. Je le fais principalement pour l’argent. » Avoua-t-elle sans aucune gêne. Si elle n’avait pas été repérée plus jeune, elle aurait surement au beaucoup de mal à trouver autre chose : elle ne voulait pas compter que sur l’argent de ses parents et les études ce n’était pas vraiment fait pour elle. Elle haussa les épaules, s’intéressant à présent à ce que lui faisait. « Je bosse sur Youtube... enfin, je poste des vidéos et des gens regardent... et je suis aussi animateur à la télé depuis peu... » C’était assez impressionnant. Et déjà plus intéressant que ce qu’elle faisait. « Ca a l’air génial. Honnêtement. Ça vous plait ?» Plusieurs questions lui brûlaient les lèvres du genre « Des vidéos sur quoi ? Quel genre d’émission ? » Mais elle ne voulait pas l’assommer alors s’arrêta là.
Ils continuèrent de parler. Ana s’y donna à corps joie : elle devait l’occuper pour ne pas qu’il s’effondre sur elle ou pire, sur le trottoir. Il avait la tête qui semblait assez mal en point comme ça… Il lui raconta qu’il était un survivant et tout de suite, du fait de sa curiosité presque maladive, elle ne put s’empêcher de lui poser tout un tas de questions pour en savoir plus. Il sembla d’ailleurs un peu déconcerté et prit un instant avant de lui répondre. « Je ne connais pas mon vrai prénom... un jour, enfin, l'année dernière, je me suis réveillé au Japon, sans aucun souvenir de ma vie. On m'a dit que j'ai survécu à un tsunami, que les médecins m'ont cru mort un moment et que je suis resté quelques jours dans le coma dans un état critique. Enfin, je dis ça, mais j'ai toujours pas ce sentiment d'être celui à qui tout ça est arrivé. Je répète ce qu'on m'a dit... après ça, j'ai juste mené une vie normale... et je n'ai jamais voulu me donner de nouveau nom parce que... je sais pas... j'ai pas envie d'être une fausse identité ? » Ana l’écouta attentivement… Ca alors. Elle essaya de se mettre à sa place un instant… Elle n’arriva pas à s’imaginer repartir de zéro, oublier toute sa famille, ses amis, tous ses souvenirs, même son prénom… Non c’était juste horrible et déprimant. Il avait vraiment du courage et du mérite. Elle resta sans voix un instant, ne sachant pas trop quoi répondre. Elle n’avait pas envie de paraitre stupide ou de lui répéter une banalité qu’il devait sans doute écouter chaque jour. « D’où votre réticence à aller à l’hôpital… » Elle ne savait pas si elle pouvait se permettre de lui poser encore plus de questions, comme s’il avait essayé de chercher sa famille, s’il le vivait bien ou non, des tucs du genre. « John est un joli prénom aussi, il vous va bien. »
Ils avancèrent dans la conversation et celle-ci avait désormais comme sujet la moto de la jeune femme. Elle expliqua brièvement pourquoi elle y tenait tant. « Vous semblez proche de votre père, vous avez de la chance. » Elle hocha la tête avec un sourire timide. Elle était extrêmement proche de Luke, oui. Elle ne pouvait pas passer une journée sans l’avoir au téléphone et elle l’aimait tout autant qu’elle aimait sa mère. Il avait tant faire pour elle… Là encore, elle se demanda ce qu’il en était pour lui, s’il avait essayé de rechercher son père à lui, sa mère… Il la tira de ses pensées et elle reporta immédiatement son attention sur lui. « Finalement, je pense que vous pouvez appeler une ambulance... » Ana sortit immédiatement son téléphone, détaillant en même temps les traits du jeune homme : ils étaient tirés, on aurait dit qu’il allait s’évanouir d’un instant à l’autre. Et il était vraiment pâle aussi, c’était très inquiétant. Elle passa immédiatement un appel aux urgences et indiqua leur position du mieux qu’elle le put. Après quoi, John s’adressa de nouveau à elle. « Est-ce que ça vous dérange si je dépose ma tête sur votre épaule quelques secondes, je suis un peu fatigué. Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas mourir et ce n'est pas de votre faute. Je suis un type très maladroit de nature » Elle secoua la tête. « Je vous en prie, si je peux vous aider… Du moment que vous restez conscient et qu’on continue de parler, tout me va. » Elle sourit et le laissa poser sa tête sur son épaule. Quelques instants plus tard, une ambulance arriva et se gara juste devant eux.
John manquait parfois d'une case "réflexion", en général, il ne pensait pas, il disait tout ce qui lui passait par l'esprit de façon spontanée, parfois les gens trouvaient ça drôle, d'autres fois beaucoup moins, comme la fois où il avait dit à une mère que non, son enfant n'était pas beau du tout et qu'il était du genre face tordue et plutôt immonde. Il avait faillit se faire frapper, il l'aurait été d'ailleurs si dans un réflexe de tortue ninja il ne s'était pas écarté à temps. Et aujourd'hui ne faisait pas exception à la règle lorsqu'il dit à Anastasia qu'elle était belle. C'était juste sincère et ça venait du coeur. « Oui enfin ça ne me plait pas tant que ça. Je le fais principalement pour l’argent. » John haussa les épaules. « L'argent c'est le but premier de beaucoup de gens... » et c'était vrai, il en avait fait les frais. Quelques dizaines de personnes avaient affirmés faire partie de sa famille dans le seul but de voir la couleur de l'argent qu'il avait accumulé grâce à Youtube. Ce fut à son tour d'expliquer ce qu'il faisait, en deux trois mots, il raconta la chose. « Ca a l’air génial. Honnêtement. Ça vous plait ?» il se passa une main sur la joue un peu gêné. « Oui. Enfin, je ne sais faire que ça donc bon... puis je dois juste être "moi" et on me dit que je suis assez comique, c'est naturel chez moi d'être un peu con » finit par avouer John avec un petit sourire.
Cela dit, il ne resta pas bien longtemps en super forme, il était plutôt flagada à vrai dire. Pour garder le fil, ils parlèrent et se confièrent à sa demande, il dut raconter son histoire, ce n'était pas la première fois qu'il le faisait, c'était devenu une sorte d'automatisme de raconter son histoire de cette façon, il avait l'impression en le faisant qu'il racontait l'histoire de quelqu'un d'autre et non la sienne. « D’où votre réticence à aller à l’hôpital… » il la regarda quelques secondes avant qu'un pauvre sourire n'étire ses lèvres. « Oui... je dois souvent y aller, surveiller ma tête, elle est un peu fêlée, les docs espèrent que je récupère la mémoire un jour » il fit un vague geste de main, comme si l'idée en soit était tout bonnement absurde, parce que plus le temps passait, plus il se faisait à l'idée qu'il ne découvrirait jamais sa véritable histoire, c'était juste comme ça et il commençait à l'accepter. « John est un joli prénom aussi, il vous va bien. » Il se passa la langue sur la lèvre faisant mine de réfléchir, il s'y était fait mais ne l'aimait pas outre mesure. Enfin, si, depuis qu'il avait vu Pocahontas... « Parfois, j'ai le sentiment d'être John Smith en brun, une sorte d'aventurier... fin, je n'ai pas trop la tête d'un japonais donc je suppose que... je sais pas, j'étais un explorateur comme John Smith ? » tenta-t-il d'expliquer de façon un peu vague. De toute façon, il prenait toujours de nouvelles identités au fur et à mesure de ses nouvelles découvertes.
Cela dit, il sentit une fatigue s'emparer de lui au point qu'il demanda à la jeune femme de déposer sa tête quelques secondes sur son épaule. Il lui avait également demander à ce qu'elle appelle une ambulance, ce qu'elle fit, il grimaça, il n'avait pas envie d'être puni à l'hôpital, on avait tendance à le sermonner pour son manque de prudence. Mais ça n'avait rien à voir ! Il n'était pas téméraire, juste terriblement maladroit et malchanceux ! « Je vous en prie, si je peux vous aider… Du moment que vous restez conscient et qu’on continue de parler, tout me va. » « Vous êtes vraiment gentille » souffla John du bout des lèvres. « Et je parle tout le temps, je n'aime pas le silence, mes docteurs au Japon devenait fous, ils m'ont fait sortir plus tôt pour que je leur foute la paix avec mes questions... » avoua-t-il un sourire malicieux sur les lèvres. « Pire qu'un gosse ! » affirma-t-il avec une emphase étonnante pour son niveau de fatigue. L'ambulance arriva finalement et les ambulanciers l'aidèrent à se relever de façon prudente. Il grimaça, il détestait vraiment aller à l'hôpital. Il lança un regard désespéré en direction d'Ana. « Vous venez ? » demanda-t-il d'une petite voix de chien battu. Une fois installée, il fit un signe de main en direction de la jeune femme pour qu'elle se rapproche de lui. « Hey, si jamais on demande, j'ai été très prudent hein ? Ne dites pas à mon docteur que j'ai pris un sens inverse, il dit que je suis immature et que je devrais avoir une sorte de tuteur parce que je suis un peu incapable selon lui » il roula des yeux, c'était tout à fait faux, il était capable de beaucoup de choses, juste pas les mêmes choses que le reste du monde.
Ana avait fait son possible pour occuper l’esprit de John pour ne pas qu’il s’évanouisse dans ses bras. Elle se sentait déjà assez coupable comme ça… Puis il ne faisait aucun doute qu’elle paniquerait et qu’elle penserait très vite qu’elle l’avait tué. Parce que bon même si c’est lui qui roulait en sens inverse, elle aurait pu regarder et faire plus attention. Ils parlèrent donc de toute et de rien, de leurs vies respectives et de ce qu’ils faisaient pour se nourrir et se loger. Il n’y avait rien de mieux que des banalités pour meubler une conversation entre deux inconnus. Le seul problème était que le jeune homme ne voulait pas être conduit à l’hôpital, or c’était le seul moyen qu’elle voyait pour que les choses s’arrangent. Parce que bon, l’occuper et parler avec lui c’était bien un moment, mais s’il avait vraiment un problème avec sa tête, ça ne pourrait pas le soigner. Et peu importe son passé, elle finirait par appeler une ambulance qu’il le veuille ou non si elle constatait que la situation les dépassait. Elle avait néanmoins été touchée par son histoire, un peu impressionnée aussi qu’il ait réussi à s’en sortir et à se relever surtout. Elle avait beau être très courageuse, se retrouver seule comme ça l’aurait achevé et elle n’aurait pas été capable d’avancer comme lui semblait l’avoir fait.
Au bout d’un moment, elle sentit qu’elle le perdait. Il était pâle et ses traits étaient tirés. Son cœur s’affola un peu, et s’il s’effondrait là, maintenant, que ferait-elle ? Est-ce qu’elle pouvait appeler Rosalie pour qu’elle lui vienne en aide ? Ou Sofia ? Sofia savait toujours quoi faire. Visiblement conscient de son état alarmant, il lui demanda de finalement appeler une ambulance, mettant de côté sa peur des hôpitaux, sa peur de revivre le cauchemar qu’il avait vécu. Elle le laissa poser sa tête sur son épaule, se sentant plus coupable que jamais. Si elle pouvait faire quoi que ce soit pour qu’il se sente mieux, elle le ferait. « Vous êtes vraiment gentille. » Elle hocha la tête avec un sourire pour accepter le compliment. C’était sa principe qualité, merci maman. « Et je parle tout le temps, je n'aime pas le silence, mes docteurs au Japon devenait fous, ils m'ont fait sortir plus tôt pour que je leur foute la paix avec mes questions... Pire qu'un gosse ! » Là, la jeune femme se mit à rire. « Ne vous en faites pas je parle beaucoup aussi et mes proches sont de vraies pipelettes également alors faites-vous plaisir, il en faut beaucoup pour me fatiguer. Puis franchement je trouve ça cute alors ne vous privez pas. » En l’entendant parler et en le voyant comme ça, il n’avait pas l’air si mal en point que ça finalement. Mais quand même, mieux valait prévenir que guérir.
L’ambulance finit par arriver, ils n’avaient pas eu à attendre trop longtemps. Les ambulanciers se dirigèrent immédiatement vers eux et ils prirent tout de suite John en charge. Ana se leva à son tour, les regardant le mettre dans l’ambulance. « Vous venez ? » Elle sourit. Avec une tête comme celle-là, elle ne pouvait pas lui dire non. Elle lui devait bien ça quoi, puis elle ne voulait pas le laisser seul à l’hôpital. Surtout qu’elle se ferait du souci sans nouvelles lui. Elle grimpa alors dans l’ambulance à son tour et prit place à côté de lui. Il l’attira ensuite vers lui pour vraisemblablement lui souffler quelque chose à l’oreille. « Hey, si jamais on demande, j'ai été très prudent hein ? Ne dites pas à mon docteur que j'ai pris un sens inverse, il dit que je suis immature et que je devrais avoir une sorte de tuteur parce que je suis un peu incapable selon lui. » Ana sourit de nouveau. Il était vraiment adorable quand même, et elle avait envie de le protéger. Donc bien sûr qu’elle ne lui dirait rien qui pourrait lui nuire. Elle fit donc mine de fermer sa bouche comme si ses lèvres étaient liées avec une fermeture éclair. « Votre secret est bien gardé avec moi, ne vous en faites pas. Mais promettez-moi quand même que vous ne prendre plus de sens inverse à l’avenir. »