Les réunions de milieu de semaine étaient toujours interminables. Parfois c'était presque un supplice pour le jeune homme. Mais il aimait son travail plus que tout, et assumait pleinement que le plaisir passait par des choses plus déplaisantes. Les articles de la prochaine édition étaient en distribution, et la place qu'il prenait dans tout ça était satisfaisante. Cette semaine, l'édition avait décidé d'accorder à une jeune fille ne travaillant pas pleinement au New Yorker la chance d'être chef de chantier d'un gros coup. Chose étonnante que Jezabel, l'étudiante en question se montre réticente face à la proposition alléchante. Il ne connaissait pas cette jeune brune personnellement, et leur relation avait toujours été quelque chose cloué dans la notion professionnelle. Mais néanmoins, c'était définitivement quelque chose dont il fallait discuter, et Mikaël ne manquerait pas de lui en toucher deux mot. C'est pourquoi, il se hâta d'aller à sa rencontre alors que le meeting prenait fin. Pas question de la laisser se faufiler comme un poisson dans l'eau alors que c'était décidément un essai que l'on ne pouvait refuser.
« Ne me fais pas ce sourire conventionnel enfin! » Son intention n'était pas de venir la sermonner, au contraire. Il comprendrait avec attention tout ce qu'elle pourrait lui dire, et ne la contredirait pas sans raison. Mais il cautionnait le fait qu'une personne étrangère venant se fourrer dans des opinions ne la regardant pas était quelque chose de désagréable.
« Je pense, sauf mon respect, que tu devrais reconsidérer la proposition de la rédaction. » Il fit une pause. « Je veux dire... C'est la chance d'une vie! Même si je comprends que tes études te tiennent à coeur. Ce serait quelque chose de superbe, que tu réussisses cet article. » Mikaël prenait le risque de passer pour un homme aux tendances paternels, et il n'avait sûrement aucun droit de s'adresser à cette jeune fille de la sorte. Au fond, il n'avait que quatre petites années de différence, ce qui ne changeait pas inévitablement son niveau de réfléxion.

La fin de cette longue réunion à laquelle elle était arrivée en retard était comme une libération pour Jezabel, elle pourrait finalement rentrer chez elle assez tôt et ce serait bien. Oui sauf que tout le monde n’était pas d’accord avec cela, en effet elle avait bien vite compris que ses réticences feraient parler et qu’on viendrait tenter de lui ouvrir les yeux sur ce qu’elle pouvait louper si elle n’acceptait pas les choses telles qu’on lui proposait si jamais ses conditions n’étaient pas accepter. Elle se fichait bien de l’avis des autres, elle savait prendre ses propres décisions et personne ne la ferait changer d’avis. D’autant plus qu’elle détestait qu’on vienne la trouver pour lui dire ce qui était le mieux pour elle, dommage pour celui qui allait le faire mais Mikael avait l’air de savoir ce qu’il faisait lorsqu’il s’approcha d’elle. Jezabel écouta ce qu’il avait à lui dire un petit sourire aux lèvres, il avait raison sur toute la ligne, c’était la chance d’une vie mais elle ne voulait pas de la chance d’une vie, elle voulait juste faire ce qu’elle aimait sans rentrer dans la machine infernale du journalisme. Et puis elle ne pouvait pas abandonner ses études, non, et ça il ne pouvait pas le comprendre car il ne savait pas tout, personne ici ne savait rien sur elle et cela continuerait ainsi mais elle allait tout de même clairement justifier sa décision avec des excuses qui tenaient parfaitement la route. « Pourquoi? Pourquoi ils m’ont choisi moi ? Ici il y a des tonnes de petits journalistes qui veulent ce genre de proposition et ça tombe sur moi ! C’est la chance d’une vie oui je le sais, j’ai déjà eu la chance de faire ce genre d’article quand j’étais encore en Antarctique je sais que ça peut changer beaucoup de chose dans une vie mais je ne veux pas de ça ! J’aime mes études, j’aime ma vie je ne veux pas être la grande journaliste de demain ! Voilà pourquoi je ne reconsidèrerais pas la proposition… Je l’ai accepté sous conditions, soit ils acceptent mes conditions, soit ils donnent le dossier à quelqu’un d’autre, personnellement je m’en fiche ! Pourquoi pas toi d’ailleurs ? » Jez était tellement détachée du bureau et des relations avec les collègues qu’elle ne savait pas vraiment quelle était la place de Mikael à la rédaction alors elle avait peut être fait une bourde en lui disant que lui pourrait prendre l’article, si ce n’était pas le cas, il devrait alors s’estimer heureuse qu’elle refuse et sauter sur l’occasion.

Mikaël voyait bien la réticence se dessiner sur le visage de son interlocutrice. D'un côté il trouvait cette réaction normale. Pour qui ce prenait il à donner des conseils à une simple collègue de travail dont il ne connaissait que l'âge et un peu de ses futures ambitions? Néanmoins il ne pouvait s'empêcher de l'encourager à faire cet article. C'était une chance, il aurait aimé avoir cette opportunité, plus jeune, et de voir sa carrière se lancer plus rapidement. Il adorait ce qu'il faisait, et il se fichait bien de ne pas être le rédacteur en chef du journal le plus connu de New York. Une carrière ça se construit, il n'était pas né de parents riches et n'avait pas hérité d'un empire, et alors? Il inspira une grande bouffée d'air avant de continuer le dialogue. « Alors j'espère pour toi qu'ils accepteront les conditions que a données. Mais ne lâche pas cette occasion, je le pense vraiment. Et si ils t'ont choisis toi, c'est parce qu'il voient que tu possèdes de grandes capacités! Tu devrais même le voir comme le plus beau des compliments qu'on puisse te faire. » Il jeta un coup d'oeil par la fenêtre la plus proche, le temps était littéralement moche. Le ciel gris et les nuages prenaient part au milieu des grattes-ciels.La journée ne donnait pas vraiment envie d'être vécue, du moins cette journée là. Il continua sa tirade prenant la sûreté de ne pas laisser la jeune fille partir, ennuyé par son pseudo-sermon paternel. « Tu dois me trouver très avenant de venir te dire ça, mais sache que je n'ai aucune envie de prendre cet article. J'ai déjà ma place dans la rédaction du prochain numéro, et je suis déjà installé ici, de manière sûre. C'est ton futur article, et je prendrais des précautions en m'assurant qu'ils acceptent tes conditions. »

Il tapota contre le mur sur lequel il était appuyé et s'excuse envers Jezabel avant de se rendre dans le bureau principal. Mikaël allait littéralement aider la jeune fille à avoir cet article suivant les envies qu'elle avait imposées. Cet acte était évidemment non attendu, pourquoi insistait il de cette façon à aider la jeune fille? Ils n'avaient que quatre années d'écart et un comportement paternel envers elle était techniquement anormal. Pourtant il ne s'empêchait d'agir comme un mentor, ce qu'il avait été pour beaucoup d'autres jeunes filles débutant dans le métier.

Depuis qu’on lui avait diagnostiqué sa maladie, Jezabel voyait toutes les sortes d’aide qu’on pouvait lui proposer comme de la pitié même lorsque cela venait d’une personne qui n’était pas du tout au courant de sa maladie. Elle faisait vraiment une fixation là-dessus et c’était une chose sur laquelle elle devrait réellement travailler pour passer au-dessus. La demoiselle avait aussi une grande fierté, outre la maladie et la pitié, elle détestait simplement ne pas obtenir les choses par elle-même. Que Mikael veuille l’aider aurait pu la toucher, l’attendrir mais pas du tout, il ne faisait qu’accentuer l’effet inverse, elle allait le rejeter. Elle écoutait attentivement tout ce qu’il disait, c’était très sympathique et il avait beaucoup de chance d’avoir déjà sa place dans le journal mais elle, elle ne voulait pas de cela. Elle ne voulait pas de sympathie mais surtout pas finir dans ce journal même si il y a quelques mois cela aurait été tout ce qu’elle aurait souhaité de plus cher au monde… Jezabel était véritablement imprévisible depuis qu’elle avait su pour sa maladie mais une chose n’avait pas changé : le contrôle qu’elle avait d’elle-même. Elle ne voulait pas se faire mal voir et elle allait juste tenter de faire comprendre le fond de sa pensée à ce jeune homme qui était à peine plus vieux qu’elle et qui pourtant se comportait comme son père… « C’est gentil Mikael mais vraiment laisse faire les choses… Je n’aime pas avoir les articles parce qu’on m’a aidé à les avoir ! S’ils veulent me le donner réellement ils le feront avec ou sans condition ! Je marche comme ça, je vis au jour le jour et je n’ai pas envie d’être posée dans un journal à l’heure d’aujourd’hui, je ne sais même pas si je serais toujours ici dans un an après tout… Je ne veux pas prendre d’engagement, alors que ce soit la chance d’une vie ou non, pour moi ce sera juste un article de plus ! » Jezabel pouvait paraitre sèche mais elle espérait au moins que le message qu’elle voulait lui faire passer était bel et bien passé et qu’il n’allait pas continué à vouloir la prendre sous son aile, des ailes elle en avait pour savoir voler toute seule et se débrouiller seule. « Et toi, même si tu as ta place ici, cette place te suffit ? Tu ne rêves pas de mieux ? Cet article pourrait peut être t’apporter plus !» Elle ne comprenait pas qu’il se contente de sa petite place de chroniqueur, pour elle, cet homme avait beaucoup plus à espérer, beaucoup à donner mais il n’avait pas l’air de le penser… Jezabel, elle avait de l’ambition et si évoluer était juste devenir chroniqueuse elle ne voulait pas de cela, surtout qu’elle était maintenant en photographie, elle pourrait avoir dans quelques années des diplômes très complémentaires en journalisme et en photographie, elle voulait donc avec une place de rêve… Si sa maladie lui laissait réaliser ses rêves bien sûr car pour le moment ce n’était que cela.

Que Jezabel continue de l’interpeller alors qu'il était prêt à faire en sorte que le bureau principal accède à sa requête l'agaça. Il ne comprenait pas comme une jeune femme pouvait refuser de l'aide de la sorte. Il n'était pas dans la recherche d'autre chose en l'aidant, non ça n'avait rien à voir, ce n'était pas basé sur la règle du "donnant/donnant" et si la brune avait pu pensé ça ne serait-ce qu'une seule seconde il se devait de rectifier le tir dès que possible. Attends, ça n'a rien à voir avec moi tout ça. Je t'ai dis, j'ai une place sûre, une vie qui assure derrière te je ne m'en plains et plaindrait jamais. Ce n'est pas la réussit en elle même qui me donne envie, c'est juste d'avoir un siège dans lequel je me sens à l'aise avec la certitude que j'arriverais à vivre correctement et convenablement. L'ambition, oui il faut en avoir je ne dis pas le contraire, mais je n'ai alors certainement pas le même niveau de projets que tu puisses avoir. Le suédois parlait entre autre de sa future famille, qui grandissait de jour en jour alors que sa fiancée arrivait bientôt au terme de sa grossesse, de son fils qu'il devra élever bientôt. Devenir père, oui, c'était la seule ambition encrée en lui pour l'instant. Si il n'était pas au courant pour la maladie de la jeune femme, il ne pouvait sûrement pas en déduire de ses paroles. Et ce qu'il disait n'était pas dit dans le but de créer un malaise chez son interlocutrice, non, il n'était pas au courant de ses moeurs, il n'y pouvait rien. Ne crois pas que je sois là à essayer de t'aider pour que derrière tu passes la nuit avec moi. J'espère que tu sais, ou au moins que tu vois que je ne suis pas comme ça et que la question n'a même pas lieu d'être. Il n'allait même pas préciser qu'il était presque marié, ça tournerait au ridicule.
Si je propose mon aide c'est pour te voir réussir, parce que si mes ambitions se réduisent à ma famille, j'apprécierais beaucoup de voir une jeune fille, toi Jezabel, monter au top et être satisfaite de tout ce que tu as fait jusque là. Franchement, je ne suis pas un gros pervers qui aime les jeune femmes heureuses, juste un gars à l'instinct paternel un peu trop développé.
Mikaël sourait un peu, se rendant compte de la bêtise qu'il pouvait sortir en parlant, mais ça faisait partie de lui, il n'y pouvait rien.

Jezabel était peut-être trop dure avec ce jeune homme qui voulait l’aider alors qu’il avait lui-même une bonne place dans le journal, même si sa place n’avait rien d’enviable car Jezabel espérait, après avoir obtenu son diplôme en journalisme, un poste bien plus élevé qu’au sien… Mais il avait raison, ils n’avaient juste certainement pas les mêmes ambitions et cela devait être dû à leurs âges différents mais aussi au fait qu’ils avaient des vies différentes. Si la brunette ne s’imaginait juste pas avoir des enfants actuellement car elle n’arrivait pas à se dire qu’on pouvait l’aimer avec sa maladie et elle ne savait même pas si elle pouvait tomber enceinte avec la maladie, Mikael lui avait peut-être ce genre d’ambition s’il n’avait pas déjà une famille… Elle changea donc de ton et se montra beaucoup moins sèche avec lui. En plus de cela, il la rassura bien vite sur ses intentions, il ne l’aidait pas dans le seul but qu’elle soit reconnaissante et qu’il puisse passer une nuit avec elle, c’était une bonne chose et finalement, la brunette changeait presque totalement d’avis sur le jeune homme qui s’attardait à lui dire qu’elle louperait une super occasion si l’article ne lui était pas confié à cause de ses conditions. « L’instinct paternel trop développé ça doit être ça ! En tout cas ne croit pas que je n’apprécie pas que tu tentes de tout faire pour que je ne loupe pas des occasions de réussir mais je ne suis vraiment pas pressée, je laisse les choses arriver comme elles doivent le faire et tant pis si je loupe des occasions je m’en mordrais juste les doigts et je saisirais la prochaine ! Personnellement j’ai encore le temps pour réussir mes ambitions car moi je n’ai pas d’ambition niveau famille je n’en suis pas encore là ! Tu as des enfants toi ? » La jeune femme, dans son ton, était tout de suite plus chaleureuse et le jeune homme n’allait pas loupé ce changement de comportement ce qui le surprendrait peut être mais c’était tout Jezabel… Elle était tout d’abord sur la défensive, ne voulait pas de pitié, ne voulait pas qu’on l’aide et qu’on s’approche trop d’elle… Puis, lorsqu’elle voyait qu’il n’y avait pas de menace et pas de pitié elle devenait plus sympathique et beaucoup moins froide. Elle redevenait un peu ce qu’elle était avant d’avoir découvert cette maladie qui lui bouffait actuellement la vie et cela lui faisait plaisir pour la seule et bonne raison qu’elle ne demandait qu’à redevenir celle qu’elle était auparavant.