Un coup d’œil à la pendule de la salle d’autopsie l’informa qu’il était – normalement – temps pour lui d’aller se changer et de quitter l’hôpital. Pourtant, il se concentra à nouveau sur son travail et examina consciencieusement le corps d’une jeune femme d’une vingtaine d’années qui lui avait été amené tôt dans la matinée. Minutieux comme il pouvait l’être, le médecin légiste aimait les choses bien faites et pour cela il pouvait très bien passé une journée entière sur le même corps pour s’assurer de ne rien manquer. Évidemment, lorsque des affaires se révélaient réellement urgentes et importantes il se pressait un peu plus, mais en ce samedi tout était plutôt calme pour lui. Ainsi, il resta deux bonnes heures de plus pour finir d’autopsier le corps et ceci fait, il prit place derrière son bureau afin de faire son compte rendu qu’il rangea soigneusement dans le tiroir du bureau en métal, tiroir qu’il ferma à clé avant de prendre la direction des portes automatiques de la salle d’autopsie. Le grec s’assura d’un coup d’œil de ne pas avoir oublié d’éteindre quoi que ce soit et, ceci fait, il gagna rapidement l’ascenseur à quelques pas des portes et monta quelques étages plus haut dans l’hôpital pour rejoindre les vestiaires du personnel et ainsi échanger sa tenue bleue pour un jean bien plus confortable, un tee-shirt par-dessus lequel il enfila sa chemise puis sa veste avant de quitter les lieux en saluant quelques collègues.

Thom n’avait pas besoin de faire un détour par la crèche de l’hôpital afin d’aller chercher sa fille puisque cette dernière – comme tous les samedis – se trouvait en compagnie de son oncle London qui, étant de repos, pouvait s’occuper de sa nièce tandis que son cadet travaillait jusqu’à dix-huit heures. Au volant de sa voiture située sur le parking réservé au personnel du New York Presbyterian Hospital, Thom consulta les messages vocaux laissés sur son répondeur et ne put s’empêcher de sourire en entendant la voix de l’une de ses sœurs lui demander de passer le voir chez elle soit disant parce qu’ils ne s’étaient pas vus depuis une éternité, chose peu probable avec un jeune homme aussi famille que lui, d’autant plus après ce que les Ioannis avaient connu ces derniers mois. Son portable posé sur le siège avant passager, Thom mit le contact et quitta l’enceinte hospitalier non sans avoir une pensée pour tout ce par quoi sa famille était passée. Si la mort de Zéphyr et Carmen avaient beaucoup chamboulé leur vie, les choses ne s’étaient pas forcément améliorées pour tout le monde, encore moins pour Arizona qui avait fait une grosse frayeur à toute la famille suite à son accident de voiture et à son coma. La disparition – ou mort concernant Paris – des jumeaux n’avaient pas aidé, pas plus que la nouvelle selon laquelle leur oncle était à la source du sabotage du bateau de Zéphyr qui avait coûté la vie à ce dernier. Les choix étranges d’Arizona, son départ avec l’un de leur cousin pour la Grèce, la mort de Kennie, tout ça étaient trop d’évènements pour toute cette famille qui pourtant tenait le choc sans que Thom soit capable de savoir comment, sans doute le besoin de se soutenir les uns et les autres depuis des années.

Arrivé à Carnegie Hill, le médecin légiste se gara en bas de l’immeuble dans lequel vivait deux de ses sœurs et s’empressa de gravir les quelques marches menant à la porte d’entrée de l’immeuble, puis il gagna l’étage où vivait Cheyenne – Ella pour le commun des mortels. Là, il ne put s’empêcher de se maudire pour avoir oublié le double des clés de l’appartement que sa petite sœur lui avait confié et alla même jusqu’à se frapper le front de la paume de sa main avant de sonner dans l’espoir que sa sœur n’allait lui faire aucune remarque. Les mains enfoncées dans les poches de son jean, Thom baissa la tête en fixant le paillasson sur lequel il se trouvait et attendit bien sagement que quelqu’un daigne venir lui ouvrir, lui la tête en l’air qu’il pouvait être. Lorsque ce fut le cas, lorsqu’il aperçut un trait de lumière sur le paillasson qu’il contemplait, le grec redressa doucement la tête et posa les yeux non pas sur Cheyenne, mais sur Indiana. « Indi’ … Salut. Dis, Chey’ est là ? » Demanda-t-il, un léger sourire aux lèvres. Si Indiana était sa sœur – ou demi-sœur, bien que ça ne changeait rien à ses yeux – ce n’était pas pour autant qu’il connaissait la demoiselle aussi bien que le reste sa fratrie. Il avait grandi avec la plupart de ses frères et sœurs jusqu’au divorce de leurs parents après quoi il avait été en froid pendant une période avec sa mère, une longue période d’ailleurs. Aujourd’hui, il regrettait sincèrement de ne pas avoir fait l’effort de mieux connaître sa petite sœur dont le cœur avait dû faire du yo-yo ces derniers mois, mais après tout, tout le monde n’est pas parfait et Thom avait sans doute encore toutes ses chances pour se rattraper auprès de sa cadette.

Indiana leva la tête quelques secondes de son sac, et adressa un sourire d'excuse à la jeune caissière qui semblait épuisée par sa journée de travail. Elle cherchait son porte-monnaie ; elle était certaine de l'avoir pris avec elle. D'ailleurs, elle ne le sortait que très rarement de son sac. Après quelques secondes de recherches intenses et surtout laborieuses, elle pût enfin mettre la main sur l'objet convoité. Elle pût ainsi payer le frappucino qu'elle venait de s'acheter. La caissière, l'air impatient, prit l'argent non sans laisser entendre un soupir. Indiana se disait que ça n'était certainement pas son attitude qui allait la faire terminer son service plus vite. Bref, elle n'y fit pas attention. Elle lui glissa un "merci" qu'elle voulait sincère avant de quitter le starbuck. Dehors, il faisait assez frais. Comme d'habitude, il y avait du monde dans les rues. C'était tout le temps pareil à New york. Lorsqu'Indi avait mis les pieds ici pour la première fois, après la mort de sa mère, elle avait été réellement surprise. Tout était différent par rapport à Townsville : le mode de vie, le bruit, les gens, ... Elle s'était demandée comment on faisait pour s'habituer à ça. Mais elle y était finalement parvenue. En quelques mois même, elle était devenue la reine des transports en commun et des taxis. A présent, sa vie en Australie lui paraissait bien lointaine, malgré le fait qu'elle en gardait de nombreux souvenirs. En effet, il lui arrivait souvent de repenser à sa ville natale, à la maison sur la plage, à ses amis, à Blake, ... De toute façon, on ne pouvait pas rayer dix-huit années de sa vie en un claquement de doigt. Ces souvenirs faisaient partie d'elle-même.
Marchant tranquillement, en buvant sa boisson à petites gorgées, Indiana ne semblait pas pressée. D'ailleurs elle ne l'était pas. Et c'était ainsi chaque samedi. C'était le seul jour, avec le dimanche, où elle pouvait passer un moment tranquille, sans stress et sans avoir à courir de droite à gauche. Durant la semaine, les cours lui prenaient tout son temps. Certes se rendre à nyada était un plaisir, mais ça restait quand même des cours, et les cours, ça n'était jamais amusant. Mais depuis qu'elle était à New york, entre la mort de Carmen, celle des jumeaux et le départ d'Arizona, son admission à nyada fut peut-être une des choses les plus heureuses qui lui soit arrivée. Désormais, elle s'efforçait de de faire de son mieux pour ne pas gâcher cette opportunité mais aussi, de prendre du plaisir car après tout, c'était parce qu'elle aimait la scène qu'elle y était.

C'est à pieds qu'Indiana avait décidé de rentrer cette fois-ci. Ça lui avait pris quelques minutes de marche mais après tout, la promenade en avait valu la peine. Elle était ainsi arrivée devant l'immeuble où elle vivant avec Chey et Joshua. Elle entra donc à l'intérieur et emprunta l'ascenseur, avant de se retrouver devant la l'appartement. Et une fois n'est pas coutume, elle se mît à chercher ses clés dans son sac ; celles-ci semblaient apparemment vouloir jouer à cache-cache comme l'avait fait son porte monnaie quelques minutes plus tôt. Toutefois elle finit par mettre la main dessus et ouvrit la porte. A première vue, il n'y avait personne dans l'appartement. Ce qui n'était pas surprenant ; un autre aspect du samedi. Indiana retira sa veste et la déposa une chaise avant de se diriger vers la cuisine. Il y avait certaines habitudes qu'elle avait en Australie, et qui malgré le temps, ne semblaient pas s'estomper. En effet, la jeune fille cuisinait beaucoup avec sa mère ; elle adorait ça, et ça lui rappelait des souvenirs agréables en compagnie de Carmen. Ainsi, elle sortit le restant d'un cake qu'elle avait préparé le matin, s'apprêtant à en couper une part lorsque la sonnette retentit. Elle consulta sa monte, se demandant qui ça pouvait être. Si ça avait été Chey' ou Joshua, ils auraient utilisé leur clé. Bref, elle se dirigea vers l'entrée et ouvrit la porte. Devant elle se tenait Thom, -techniquement- son frère. Elle ne s'attendait pas à le voir. « Hey, salut Thom. Euh non, Chey n'est pas là. » À cet instant, Indi' se rendait réellement compte qu'elle avait plus l'impression de parler à une simple connaissance, qu'à son frère. Avait-elle réellement cherché à le connaître un jour ? Oui. Mais il faut avouer qu'avec tout ce qui s'était passé durant les derniers mois, ça n'avait pas été facile de se retrouver autour d'une occasion heureuse et faire connaissance. Et puis la jeune fille avait toujours eu une certaine peur de pas être acceptée au sein de la famille, donc elle ne voulait pas trop insister. Elle jeta un nouveau coup d'œil à sa montre. « Mais je crois qu'elle ne devrait pas tarder normalement. Ça te dit de l'attendre ? » Elle posait cette question mais se disait qu'il allait certainement retourner l'invitation. Il n'avait jamais passé du temps avec elle, donc pourquoi le ferait-il maintenant, même si c'était dans le but de voir Chey.

Il avait toujours été tourné vers la famille dès son plus jeune âge. Troisième enfant d’une fratrie de douze – ou plutôt onze dans les débuts – il y avait de quoi comprendre son penchant pour la famille. Malgré les disputes qui avaient pu éclater entre eux tous, malgré les moments difficiles, il ne gardait en mémoire que les bons moments, ceux qui comptaient le plus à ses yeux. Il avait toujours fait en sorte d’être présent pour ses frères et ses sœurs quand bien même était-il à l’autre bout de la planète comparé à certains. Décrocher le téléphone n’était pas quelque chose de bien difficile et dès qu’il le pouvait le jeune homme prenait des nouvelles de ceux qu’il voyait que très rarement. Même Arizona qui se trouvait quelque part en Chine – du moins aux dernières nouvelles – il acceptait de l’appeler n’étant pas spécialement en colère contre elle. Toutefois, il comprenait parfaitement le point de vue du reste de la famille. Sa jeune sœur leur avait tourné le dos au moment où ils avaient eu besoin de compter les uns sur les autres alors qu’ils venaient de perdre deux des leurs et rien que pour ça le médecin légiste saisissait parfaitement le fait que beaucoup éprouvaient de la rancœur à son sujet. Seulement, pour avoir été au plus bas lorsqu’il avait perdu Kennie, il comprenait sans doute sa petite sœur mieux que personne. Elle-même avait beaucoup subi. Elle avait été témoin direct de la mort de leur père avec Phoenix, elle avait vécu à Townsville avec leur mère et leur demi-sœur et elle avait donc été présente lorsque Carmen avait quitté ce monde, emportée par la maladie.

Par la suite, entre sa fausse couche, l’accident de voiture qui avait causé la mort de son fiancé, son coma de trois mois et sa perte de mémoire ainsi que la mort des jumeaux, tous cela avait été de trop pour elle. Il ne cherchait en rien à justifier ses actes – après tout il ne comprenait pas qu’elle puisse abattre des gens de sang-froid rien que sur l’ordre de leur cousin – mais il la comprenait bien trop pour couper définitivement les ponts avec elle. Néanmoins, il avait également compris que parler d’elle ces derniers temps était une très mauvaise idée, surtout avec Cheyenne qui n’avait pas manqué de le gifler avec une telle force que le simple fait d’y penser lui donnait la sensation d’avoir à nouveau mal à la joue. Pourtant, aussi proche qu’il puisse être de sa famille, il y avait néanmoins une personne qui, encore aujourd’hui, lui restait inconnue sur bien des points – ou deux si on comptait Théo, mais là c’était tout à fait différent. Indiana était sa petite sœur et il savait que s’il n’avait jamais réellement cherché à mieux connaître sa demi-sœur c’était avant tout par rancœur envers leur mère. Le grec n’avait jamais supporté le fait que Carmen quitte son père et il avait encore moins aimé apprendre qu’elle était enceinte d’un autre homme alors qu’elle avait plus ou moins abandonné ses fils en bas âge. C’était de là que venait la raison de son manque d’intérêt pour sa petite sœur car, inconsciemment, à défaut d’avoir leur mère sur qui rejeter la faute il le faisait sur Indiana. Il avait mis du temps à s’en rendre compte, beaucoup de temps, de nombreuses années au point de s’en vouloir cruellement au jour d’aujourd’hui.

Elle était sa petite sœur et comme le reste des Ioannis elle avait dû faire face à de nombreuses épreuves, la rejeter était la dernière chose à faire et pourtant il l’avait plus ou moins fait. Indiana était sa sœur et elle méritait tout autant que le reste de sa fratrie son attention et son soutien. Elle ne méritait pas qu’il la blâme pour les choix de leur mère alors qu’elle n’y était strictement pour rien, cependant Thom était loin d’être parfait et la seule chose qui lui restait à faire était de tenter de se rattraper auprès de la demoiselle. Cependant, il avait cruellement manqué de temps dernièrement. La mort de Kennie en août – peu avant celle de ses frères – sa fille qui avait besoin de toute son attention et sa mutation il y avait peu lui avait pris tout son temps, mais le médecin légiste c’était toutefois promis de ne pas manquer une occasion si jamais l’une d’entre elles se proposaient. Debout et face à la porte de l’appartement d’Ella qui s’était ouverte sur la petite sœur à qui il pensait en fixant le paillasson, il sentit un petit sourire étirer le coin de ses lèvres alors que son regard se posait sur Indiana avant qu’il ne lui demande si leur sœur était là. « Hey, salut Thom. Euh non, Chey n'est pas là. » Une petite moue prit place sur le visage de Thom. Il n’était pas surpris, pas le moins du monde, mais il était vrai qu’il était venu en s’attendant à voir Cheyenne puisque cette dernière lui avait demandé de passer, mais visiblement quelque chose ou quelqu’un l’avait attiré en dehors de son appartement ou alors le grec était parti trop tard de l’hôpital et l’avait manqué.

« Mais je crois qu'elle ne devrait pas tarder normalement. Ça te dit de l'attendre ? » Les paupières fermées à semi pour se donner l’air de réfléchir, le jeune homme ne tarda pourtant pas à opiner du chef … c’était l’une des occasions à laquelle il pensait quelques instants auparavant et il ne pouvait pas se permettre de la négliger. « Pas de problème. » Annonça-t-il en guise de réponse verbale avant d’entrer dans l’appartement et de se diriger vers le salon – connaissant les lieux presque par cœur – pour se laisser tomber sur le canapé en suivant Indiana du regard. « T’es toute seule depuis longtemps ? » Comme moyen de lancer la discussion il y avait pas plus minable. Son regard balaya la pièce pour vérifier qu’il n’y avait bien qu’eux deux puis se reporta à nouveau sur sa petite sœur, son petit sourire toujours peint sur ses lèvres. « Tu es sûre que je ne te dérange pas ? Je peux repasser si tu préfères ? » Il était étrange d’éprouver la sensation de parler uniquement à une connaissance alors qu’un lien de sang les unissait. Elle était sa sœur pourtant et Thom avait tout de même l’impression de faire face à une étrangère. Comment était-il supposé ne pas s’en vouloir lorsqu’il remarquait une telle chose ? C’était de sa faute s’il ne connaissait pas Indiana aussi bien qu’il aurait dû, tout ça parce qu’il avait été trop borné pour laisser sa rancœur derrière lui et apprendre à connaître l’australienne comme les autres avaient pu le faire. Néanmoins, Thom ne laissa rien voir de son désarroi, il resta parfaitement neutre – bien que son sourire lui donnait un air quelque peu jovial – sans quitter sa petite sœur du regard.

Durant les neuf premières années de sa vie, Indianna avait vécu seule avec sa mère. Ça lui avait toujours paru étrange, lorsqu'elle allait à l'école et voyait ses camarades avec leur deux parents. Mais sa mère ne lui avait jamais rien caché et la jeune fille avait très tôt su que son père n'avait pas assumé ; il ne l'avait pas reconnu. Lorsqu'elle y repensait aujourd'hui, elle ne s'en portait pas plus mal. De plus, elle avait toujours su qu'elle avait des demi frères et sœurs, issus du premier mariage de sa mère. Pour une gamine ayant grandi seule, c'était une réalité agréable et exaltante. Elle avait toujours voulu faire leur connaissance et en mettait donc plein les oreilles à sa mère. Mais ça n'était pas aussi simple que ça, et Indiana ne le comprenait pas encore à ce moment là. Si sa mère n'était plus avec sa famille en Grèce, c'est qu'il y avait bien une raison. Mais lorsqu'on est enfant, ce sont des choses que notre relative innocence n'assimile pas encore. C'est la raison pour laquelle, l'arrivée d'Arizona à Townsville fut un moment marquant pour Indiana. Elle ne la connaissait pas mais elle savait qu'elle était sa sœur. Même si elle ne savait pas ce qui avait poussé à sa venue, elle en était ravie. À ce moment là, elle ne savait pas encore que Zéphyr, le père de ces demi frères et sœurs, était mort et que c'était pour cette raison qu'Arizona était à Townsville. Ça se comprend donc pourquoi Indiana avait toujours était plus proche d'Arizona que des autres ; de plus elles avaient dû affronter des moments durs à deux comme lorsque Carmen quitta ce monde. Indiana s'était toujours dit que si elle perdait sa mère, la seule épaule sur laquelle elle pourrait se reposer, serait celle de sa sœur Arizona. Et en effet, ça avait été le cas, du moins durant deux années seulement. Aujourd'hui, penser à Arizona était plus douloureux pour Indiana, qu'autre chose. Sa sœur était partie du jour au lendemain, sans prévenir, sans même lui dire au revoir. Elle avait certes vécu des moments douloureux et avait perdu des être chers, mais c'était leur cas à eux tous. Indiana ne la comprenait pas ; elle ne savait même plus trop où se trouvait Arizona à présent.

Être la dernière d'une famille n'est pas une chose difficile, pas du tout même. Mais être la dernière d'une famille que vous ne connaissez que depuis quelques temps et dont les membres et vous n'avez pas le même père ... Ça peut s'avérer un peu plus compliqué. C'est ce que vivait Indiana. Elle savait que sa mère, en venant en Australie et en la mettant au monde, avait laissé derrière elle son mari mais surtout ses enfants. C'est cette pensée qui avait toujours fait peur à Indiana. Peut être que ses frère et sœurs rejèteraient la faute sur elle, qu'ils l'accuseraient d'être la raison de la séparation de leurs parents. Donc bien qu'elle avait toujours eu envie de les rencontrer, cette pensée était toujours là pour la faire reculer un peu. Et pourtant, ça n'avait pas été le cas avec Arizona, et aussi avecCheyenne et London. Toutefois, avec d'autres comme Thom, elle n'était pas sûre. Elle lui avait déjà parlé oui, l'ayant vu à plusieurs reprises, mais c'était plus pour des banalités et des politesses. En fait, Indiana ne connaissait pas Thom. Oui, elle avait essayé de mieux faire sa connaissance mais ça n'était pas facile. Elle avait fini par se résigner. Peut-être qu'il ne voulait pas la connaître plus que ça ; pouvait-elle lui en vouloir ? Non. Mais elle trouvait ça tout de même dommage, car à part ses frères et ses sœurs, Indiana n'avait personne d'autre. Donc quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle le vit debout, devant la porte. Mais bien sur, c'était Cheyenne qu'il venait voir. Il n'y avait pas de doute sur cela. Toutefois, sa sœur n'était pas là. Indiana voulant être polie et lui proposa donc d'entrer en attendant. Elle était certaine qu'il allait dire non et fut donc une fois de plus surprise, lorsqu'il entra. Indiana avait refermé doucement la porte avant de déglutir rapidement. Voilà, elle se trouvait seule avec Thom et c'était un moment parfait pour que leur relation fraternelle quasi-inexistante se remarque un peu plus. Comment faire la conversation avec une personne qu'on ne connait presque pas. Elle entra dans le salon, et s'assit sur le fauteuil en face du canapé. « T’es toute seule depuis longtemps ? » Thom était assis sur le canapé, la fixant du regard. « En fait je suis arrivée il y a à peine quelques minutes et je n'ai trouvé personne. » Elle jouait nerveusement avec ses cheveux. Indiana mal à l'aise en présence de son frère ? La situation était bien plus grave qu'elle ne paraissait. Il était difficile de croire que ses deux là étaient liés par le sang. Elle regardait Thom ne sachant pas trop quoi dire. « Tu es sûre que je ne te dérange pas ? Je peux repasser si tu préfères ? » Qu'aurait elle fait s'il n'était pas là ? Elle aurait sûrement pris un petit encas devant la télévision. Ce n'était pas grand chose en effet. Mais son moi intérieur, ne restant jamais bien silencieux, avait envie de lui dire "oui Thom, tu me déranges. Parce que je ne sais vraiment pas quoi te dire". Au fond, elle n'avait pas envie de se dérober alors qu'une occasion de mieux connaître son frère se présentait. Indiana afficha un petit sourire. « Mais non, tu ne me déranges pas du tout. Je ne faisais rien d'intéressant. » Plus intéressante comme conversation, tu meurs. Indiana s'adossa un peu plus sur le fauteuil, ne lâchant pas Thom des yeux. Elle avait l'horrible impression qu'un blanc allait s'installer et elle voulait éviter ça. Elle le toisa longuement avant de froncer légèrement les sourcils. « Tu travailles le samedi ? Les médecins n'ont donc pas de jour de repos ? » Elle essayait de faire la conversation du mieux qu'elle pouvait. Elle espérait que Cheyenne rentre assez vite ; après tout c'est elle que Thom était venu voir. D'ailleurs celui-ci devait sûrement être pressé ; Indiana se demandait où se trouvait sa fille à cet instant. Car oui, ça au moins elle le savait ; Thom avait une fille, qu'elle avait brièvement vu une ou deux fois. Mais sans plus. « Dis, elle est où la petite Cameron ? Ça fait un bout de temps que je ne l'ai pas vu. » Son ton était devenu un peu plus chaleureux. C'était étrange pour elle de si dire qu'elle était -techniquement- tante. Elle avait l'impression que ça la vieillissait d'un coup. Mais ça lui faisait tout de même plaisir ; elle avait envie de beaucoup mieux connaître sa famille.

Spoiler:

Il doutait qu’il puisse exister plus gênante situation que celle à laquelle il était dès à présent confronté. Ils étaient du même sang et pourtant il semblait clair qu’ils ne se connaissaient pas assez pour savoir quel sujet de conversation lancer entre eux avant l’arrivée de leur sœur. Il aurait dû mieux la connaître, la connaître comme il était connaissait ses frères et ses sœurs. Il aurait dû faire le même effort que Cheyenne, Arizona et London mais il ne l’avait pas fait. Sa petite sœur avait l’avantage d’avoir vécu avec Indiana pendant quelques années après le décès de leur père. Arizona avait eu l’occasion d’apprendre à connaître leur demi-sœur, le temps de l’apprécier. Cheyenne avait fait de même lorsque leurs sœurs avaient débarqué à New York suite au décès de leur mère à tous et London … et bien son frère semblait être plus ouvert d’esprit que lui, probablement parce qu’il était l’aîné ... En réalité, il avait la sensation d’être le seul à ne pas avoir réellement fait le premier pas vers sa petite sœur. C’était stupide et immature de sa part, il en avait conscience, mais il ne s’était jamais vanté d’être parfait, loin de là. Il imaginait parfaitement la réaction de son père si ce dernier avait toujours été en vie. Quand bien même sa femme l’avait quitté, quand bien même avait-elle eu un enfant avec un autre que lui après plusieurs années de mariage, Zéphyr Ioannis aurait remonté les bretelles de son fils sans même lui laisser une seule occasion de se défendre.

La famille était quelque chose d’important pour son père, même après plusieurs années sans ce dernier il s’en souvenait parfaitement. Il avait aimé son demi-frère qui pourtant était celui qui avait organisé sa mort … ou tout du moins il l’avait aimé un temps jusqu’à ce qu’il découvre ce qu’il faisait et qu’il prenne la décision de dénoncer son frère, très mauvaise idée puisque ça lui avait clairement coûté la vie. Néanmoins, il n’aurait eu aucun problème quant au fait de sermonner son garçon qui agissait comme un parfait idiot avec l’une de ses propres sœurs. Elle n’était peut-être pas la fille de son père, ils avaient peut-être qu’un seul parent en commun, mais c’était supposé être suffisant. Elle était tout de même sa sœur et il regrettait d’avoir à le réaliser que maintenant, alors qu’ils avaient perdu Paris et Phoenix ainsi qu’Arizona … du moins en quelque sorte. Il devait être là pour elle, c’était son rôle d’aîné mais il n’en avait rien fait, trop buté pour ça … buté et plongé dans une semi dépression suite à la mort de Kennie. Alors oui, la situation était quelque peu gênante pour lui comme pour Indiana, il n’en doutait pas un seul instant. À quasiment pas se parler depuis qu’ils se connaissaient, ils n’avaient pas la moindre idée du sujet de conversation à débuter et ils risquaient probablement de rester là, dans le salon de l’appartement de l’une de leurs sœurs comme deux idiots. « En fait je suis arrivée il y a à peine quelques minutes et je n'ai trouvé personne. » Thom opina du chef et massa nerveusement sa nuque pour tenter de se décontracter, chose plus facile à dire qu’à faire.

Il n’avait pas l’impression d’être à sa place et cette pensée l’énervait d’autant plus. Indiana était sa sœur, bordel ! Il n’avait pas à se sentir ainsi, en terrain inconnu et avoir l’impression d’être face à une personne qu’il ne connaissait pas le moins du monde quand bien même était-ce quelque peu le cas. Ce fut l’une des raisons qui le poussèrent à s’assurer qu’elle ne préférait pas qu’il s’en aille. Si c’était le cas le grec ne l’en blâmerait pas puisque ce moment était particulièrement étrange et qu’elle avait sans doute envie d’être tranquille plutôt que d’avoir à tenter de trouver de quoi parler avec son frère. « Mais non, tu ne me déranges pas du tout. Je ne faisais rien d'intéressant. » Un petit sourire prit place au coin des lèvres du jeune homme. Il se surprit à ressentir une pointe de joie à l’entendre lui assurer qu’il ne la dérangeait pas. Il avait beau se sentir très mal à l’aise, ne pas avoir la moindre idée du sujet de conversation qu’il pouvait laisser, Thom n’en restait pas moins ravi de pouvoir avoir encore un semblant de chance de passer du temps avec sa sœur et tenter d’arranger leur relation du mieux qu’il le pourrait. « Tu travailles le samedi ? Les médecins n'ont donc pas de jour de repos ? Dis, elle est où la petite Cameron ? Ça fait un bout de temps que je ne l'ai pas vu. » Autant dire qu’Indiana semblait bien plus douée que lui quant au fait de lancer une conversation, aussi quelconque qu’elle puisse être. Lui, il restait assis sur le canapé face à sa petite sœur et à se retourner le cerveau pour tenter de trouver quelque chose à dire sans y parvenir si bien qu’il fut ravi par l’intervention de l’australienne. « Les médecins légistes n’ont quasiment pas de repos, malheureusement. » Commença-t-il sans se parfaire de son léger sourire. Son aveu était bien triste, mais ce n’était que la stricte vérité.

Il y avait toujours une personne pour mourir et donc le besoin de faire une autopsie et malheureusement, Thom avait pu remarquer que les médecins légistes ne courraient pas les rues et il était le seul dans l’hôpital où il travaillait désormais. « Et Cameron est avec London … tu sais si un jour tu veux passer du temps avec ta nièce, la garder un jour ou deux tu n’as qu’à le demander. » Son sourire se fit plus imposant, plus rassurant également. Elle était la tante de sa fille au même titre que toutes leurs sœurs. De plus, il savait que Kennie aurait voulu que la petite fille connaisse toute sa famille, après tout elle lui avait reproché elle aussi d’être distant avec Indiana. « Et toi ? Les cours, la vie de tous les jours ça se passe bien ? » Thom fit une pause pour vérifier s’il pouvait ou non se risquer à entrer plus dans les détails, mais s’il ne se lançait pas maintenant, s’il n’agissait pas comme un frère, il savait qu’il ne le ferait jamais. « Comment tu te sens Indi ? Je veux dire par rapport aux jumeaux et au départ d’Ari ? Est-ce que … tu tiens le coup ? » Jusque-là il ne lui avait jamais demandé, trop retranché dans ses propres problèmes pour se sentir concerné par ceux des autres. Penché en avant, les mains croisées sur ses genoux, le grec tenta de croiser le regard de sa petite sœur pour y déceler un quelconque début de réaction.

T'inquiète pas, la santé d'abord Et puis je suis patiente de toute manière

Indiana avait toujours pensé que le contact ses frères et ses sœurs serait aussi facile qu’il l’avait été avec Arizona. Mais elle n’avait pas pris en compte deux faits. D’une part, Arizona et elle s’étaient connues plus jeune et ça avait donc certainement été beaucoup plus facile ainsi ; d’autre part, tout le monde n’était pas pareil. Ces frères et sœurs n’avaient certainement pas pris le départ de leur mère de la même façon. Donc la rencontre avec sa famille avec était un peu délicate et certainement pas dans les meilleurs circonstances, ce qui n’était d’ailleurs la faute de personne. Toutefois le temps avait aidé Indiana à se rapprocher de sa famille ; elle était après tout la seule qu’il lui restait. Par exemple, ses débuts avec Cheyenne n’avaient pas été aussi faciles qu’ils pouvaient le sembler aujourd’hui. En effet, lorsqu’elle était arrivée à New York, Indiana avait bien senti que Cheyenne n’était pas plus ravie que ça par sa présence. A ce moment là elle se demandait ce qu’elle serait bien devenue si Arizona n’était pas à ses côtés. Et pourtant, cette pensée lui paraissait si paradoxale à présent. Car maintenant, ce serait plutôt sans Cheyenne qu’elle ne saurait quoi faire. Indiana habitait chez sa sœur maintenant et elle s’entendait merveilleusement bien, ce qu’elle n’aurait jamais imaginé avant. Arizona pour sa part, était tout simplement partie.

La jeune femme se sentait maintenant bien au sein de sa famille, connaissant beaucoup mieux ses frères et sœurs. Mais avec Thom, ce sentiment était encore loin. Se sentir mal à l’aise en présence de son propre frère, ce n’était pas normal. Elle savait bien qu’il avait une petite fille et qu’il était médecin. Mais quoi d’autre ? Rien. Et il en était certainement de même pour Thom car d’aussi longtemps qu’Indiana pouvait s’en souvenir, ils n’avaient pas partagé une conversation de plus de dix, voire cinq minutes. Pour la jeune femme, il n’y avait pas de doute : il fallait y remédier. Mais ça n’était pas aussi facile à dire qu’à faire. A cet instant là, assis au milieu du salon de leur sœur, ils semblaient tous les deux incapables de trouver une façon d’engager la conversation. Indiana était cependant très motivée pour faire plus ample connaissance avec son frère et donc après avoir hésitée quelques secondes, elle se lança. Parler de médecine n’était sûrement pas le meilleur sujet de conversation, mais c’était un bon début. « Les médecins légistes n’ont quasiment pas de repos, malheureusement. » Indiana ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel, non sans rougir. C’est vrai qu’en y pensant avec un peu plus de recul, c’était assez con comme question. Si les médecins légistes prenaient leur week-end, qui s’occuperait de tous ces corps ? « Tu m’étonnes. Question vraiment bête. » marmonna-t-elle plus pour elle-même. Savoir que Thom n’avait pas de jour de repos, la poussa à se demander où se trouvait Cameron lorsque son père travaillait le week end. « Et Cameron est avec London … tu sais si un jour tu veux passer du temps avec ta nièce, la garder un jour ou deux tu n’as qu’à le demander. » Le regard de la brune s’illumina un court instant avant qu’elle n’affiche un sourire sincère. Ca pouvait sembler n’être que pas grand-chose, mais venant de Thom, ça lui faisait chaud au cœur de l’entendre. « Ca me ferait très plaisir, en effet. » Indiana adorait les enfants. Elle aurait bien aimé avoir une petite sœur ou même un petit frère, mais bon, elle se contentait d’être la petite dernière à présent. « Et toi ? Les cours, la vie de tous les jours ça se passe bien ? » Indianna s’adossa un peu plus contre le fauteuil en repliant ses jambes sur elle. Ils semblaient petit à petit arriver à échanger normalement. « Les cours se passent très bien ; j’adore cette école. Mais tu sais à part ça, la vie d’une étudiante n’est pas aussi passionnante que celle d’un médecin légiste. Entre les cours et les amis, je ne fais rien de bien spécial. » Elle afficha un petit sourire, en regardant son frère. Elle avait raison ; sa vie n’avait rien de spécial. Ce n’était juste qu’une interminable routine. « Comment tu te sens Indi ? Je veux dire par rapport aux jumeaux et au départ d’Ari ? Est-ce que … tu tiens le coup ? » Indiana pencha doucement la tête sur le côté, en fronçant légèrement les sourcils. Elle ne s’attendait pas à cette question, sûrement parce qu’elle venait de Thom. Elle resta silencieuse pendant quelques secondes avant de pousser un léger soupir. Elle releva finalement les yeux pour croiser le regard de Thom. « En fait, je ne sais pas vraiment. Il s’est passé tellement de choses dernièrement que j’essaye de ne pas trop y penser. » Indiana s’arrêta un instant, essayant de trouver ses mots. On ne lui avait jamais posé cette question, c’était donc assez compliqué d’y répondre. Et puis, tous ces évènements qui s’étaient déroulés l’avaient tellement prise de court, qu’elle ne voulait pas y penser au risque que ça la préoccupe un peu plus. « Depuis la mort de maman, j’ai juste l’impression que plus rien ne va. A chaque fois que j’ai l’impression que tout redevient normal, il faut qu’il y ait quelque chose qui arrive. Tout le monde s’en va, les jumeaux puis Ari … » Indiana ferma les yeux un court instant. Ce qu’elle pensait réellement de tout ça, c’est qu’elle avait l’impression que tout le monde s’en allait autour d’elle et ça lui faisait peur. Elle regarda à nouveau Thom. « J’essaye juste de tenir le coup, comme tout le monde même si c’est difficile. Je crois que plus on reste proche et mieux ça ira … Tu sais, c’est pour cela que j’en veux beaucoup à Ari d’être partie comme elle l’a fait. » Et dire que quelques minutes plutôt, Indiana ne savait même pas quoi dire à Thom. Les choses avaient vite changé.