nahla &&. thaïs

Trois jours. Voilà trois jours qu'Esmeralda et Nattéo sont morts. Trois petits jours et j'avais l'impression que cela faisait un mois tellement mon mari me manquait... Assise dans le rocking-chair que j'avais acheté à la naissance de Logan, je regardais droit devant moi et laissais les larmes couler. C'était trop douloureux, beaucoup trop douloureux. Le seul homme que j'avais aimé était mort d'une balle dans le crâne alors qu'il allait déposer un chèque à la banque. Je détestais ce monde, je détestais la violence et encore plus les armes à feu. Essuyant une larme qui coulait le long de ma joue, je souffla légèrement et me leva de ma chaise. Logan dormait encore à poings fermés et c'était le moment ou jamais de continuer les préparatifs de l'enterrement, des enterrements. Esmeralda, ma cousine, avait subi le même sort que mon mari, laissant deux enfants de deux et quatre ans derrière elle. Me posant dans le salon, j'attrapai un magasine de fleuriste pour choisir à quoi ressemblerait la couronne de fleurs qui allait recouvrir sa tombe, leurs tombes. Esmeralda et moi même n'avions jamais été proche, absolument jamais et je lui avais fais vivre une vie d'enfer lors de nos années collèges et lycées. Seulement, ses parents étaient tous les deux morts, elle n'avait pas de petit ami puisque le père des fillettes était mort dans un accident de voiture deux mois auparavant et j'étais la dernière de la famille Patchett. Je devais donc m'occuper de son enterrement et d'héberger ses deux filles lors de ce dernier. Cara et Sasha avaient été envoyées en Russie chez leur arrière grand-mère âgée de quatre vingt douze ans mais je savais bien que cette situation ne serait que temporaire. Ma grand-mère n'avait plus toute sa tête et même si quelqu'un avait été nommée pour s'occuper des filles, cela ne durerait pas bien longtemps. Je tentais d'effacer ces images de ma tête lorsque j'entendis du bruit derrière moi. Essuyant mes larmes – et le maquillage qui coulait avec – je souris à Logan, mon fils de trois ans et lui fis signe de venir à côté de moi. Il ne comprenait pas bien ce qui se passait et la seule chose qu'il retenait était que papa était partie vivre avec papi et mamie mais que ce n'était pas de sa faute, loin de là même. « Maman, je peux avoir un bibi ? » Le biberon de seize heures était l'un des biberons préféré de ma petite tête blonde puisque c'était toujours son père qui le préparait. Mon cœur se brisa encore un peu plus. Rangeant les magasines dans le tiroir sous la table basse, je me leva et pris le bambin dans les bras. Si seulement j'avais pu avoir son âge et ne rien comprendre... Si seulement... Le posant sur une chaise, je dis « Mon petit cœur, tout à l'heure, papi et mamie Maye viennent à la maison, ça te fait plaisir ? » Je regardais mon petit ange montrait ses petites dents de lait et secouer la tête. Ô qu'il les aimait ses grands-parents qu'il ne voyait pas souvent, vivant toujours à Rome. Je devais avouer que leur présence me ferait un bien fou et que je pourrais enfin me reposer sur quelqu'un, je n'allais pas être bien longtemps seule dans cette épreuve difficile. Soufflant, je prépara le biberon de Logan et me posa sur une chaise à côté de lui. Je manquais cruellement de sommeil, il n'y avait pas à dire et je comptais bien le récupérer ce soir. Entendant le téléphone fixe sonner, je me leva et décrocha ce dernier. Plus la personne à l'autre bout du film parlait et plus je me décomposais, intérieurement. Ma grand-mère était dans le coma et les filles d'Esme seraient sur le territoire américain demain dans la journée. Elles allaient être placées en centre d'accueil puis être adoptée, à moins d'accepter de les garder avec moi. Déglutinant difficilement, je parlais lentement, tentant d'assimiler tout ce que l'officier russe me disait. Je devais être à la mairie dans deux heures pour un entretien pour voir si c'était une jeune femme du nom de Nahla ou moi même qui allions prendre la décision du sort des deux fillettes. J'étais seule avec un enfant, enceinte de jumelles et j'allais me retrouver avec deux autres fillettes ? Non, ce n'était pas possible... Logan comprit rapidement que quelque chose n'allait pas et c'est biberon à la bouche qu'il se rapprocha de moi et se jeta dans mes jambes, comme pour me faire un câlin taille miniature.

Vêtue d'un tailleur, j'entrais dans la mairie et demandais l'officier Romanov pour l'entretien. J'avais dix minutes d'avance et me dirigea vers la salle que l'on venait de m'indiquer. Posant mes fesses sur une chaise libre, j'attendis quelques minutes avant de voir une jeune femme entrer à son tour et s'asseoir. Mais qui pouvait être cette demoiselle ? Était-elle de la famille de Joshua, le défunt père des fillettes ? Je n'en avais aucune idée. L'officier arriva et nous expliqua rapidement ce qu'il se passait « Votre grand mère, Anakatarina Patchett est dans le coma depuis ce matin et l'auxiliaire de vie qui vivait avec à donc été libérée. Par conséquence, Cara et Sasha sont sans domiciles et étant donné que vous êtes les deux descendantes d'Anakatarina Patchett, c'est vers vous que nous nous tournons. » Arquant un sourcil, j'avais buté sur le fait que nous étions toutes les deux des descendantes Patchett... Cette jeune femme était donc ma cousine. Ma passant une main dans les cheveux, j'écoutais l'officier. « Les fillettes n'ont donc absolument plus rien à faire là haut. Le choix est simple, soit elles vont dans une maison d'accueil à New York soit l'une de vous deux les accueille chez elle.. » Non, ces gamines ne pouvaient pas se retrouver dans un orphelinat. « Mes relations avec ma cousine n'ont pas toujours été au beau fixe mais il est hors de question qu'elles finissent dans un orphelinat ! Seulement, je ne suis peut être pas la mieux qualifiée pour accueillir Cara et Sasha » Enfin, sûrement mieux que la jeune femme à côté de moi qui semblait ne même pas savoir qui étaient les filles et surtout, qui était Esmeralda...

THAÏS & NAHLA ❝ in my family portrait, we look pretty happy ❞

Le regard des jumeaux ne dévia pas. Ils se fixaient sans savoir ce qu’ils devaient dire ou non, sans être véritablement capable de mesurer la conséquence de ce qu’ils venaient d’apprendre. A leurs yeux leur famille n’était plus et ce depuis des années, depuis que leur mère était décédée de manière encore inconnue même si Callan et Nahla avaient bien leur petite idée aujourd’hui. Dire que ça semblait être un jour comme les autres, un jour où la sud-africaine n’avait pas à travailler et qu’elle pouvait passer du temps avec son petit garçon de trois ans ainsi que son frère aîné et jumeau. Nahla était épuisée par ce qui lui arrivait ces derniers temps. Elle était épuisée d’avoir à réfléchir à ce qu’elle devait faire elle qui se trouvait au beau milieu de la situation la plus complexe qu’elle avait eu à vivre jusqu’à présent. Même si son frère ne cessait jamais de la soutenir, il avait clairement fait comprendre que bien qu’elle soit sa sœur et qu’il appréciait son actuel petit ami sa loyauté irait toujours vers son fiancé. Comment pouvait-elle le blâmer alors que Jayden était son meilleur ami depuis qu’ils étaient au lycée ? Toutefois, ça n’avait pas été la seule surprise de la journée.

Elle qui avait été persuadée que cette dernière serait calme et sans nouveau rebondissement, elle s’était mise le doigt dans l’œil et l’avait bien compris lorsqu’elle avait vu le visage de son frère se décomposer lorsqu’il avait décroché le téléphone fixe de son appartement. Ça ne pouvait pas être leurs employés, ces derniers ne prenaient pas le risque de les appeler chez eux préférant de loin le téléphone portable ou tout simplement une lettre glissée sous la porte avec toutes les informations nécessaires. Pourtant, Nahla ne put s’empêcher de s’attendre au pire tandis que son frère discutait avec son interlocuteur dont la jeune femme ignorait tout et puis la nouvelle était tombée. L’une de leur grand-mère était décédée alors que tous les deux ignoraient avoir encore des proches dans la branche russe de leur famille. Ce n’était pas tout, cet appel était avant tout pour décider du sort de deux petites filles qui avaient également perdu leur mère et qui se retrouvaient orphelines et menacées de passer une partie de leur enfance en orphelinat. « Je vais y aller … ». Les mots étaient sortis plus vite qu’elle ne l’aurait voulu et le regard de Callan se durcit. Nahla dévia le sien pour le poser sur Lucas qui jouait tranquillement, parfaitement innocent comme toujours, au milieu du salon entouré de sa mère et de son oncle. « Ça serait Lucas à la place, tu ne ferais pas la même chose ? ».

La sud-africaine s’attendait à ce que son frère lui réplique que ce n’était pas la même chose, mais le regard qu’elle posa sur lui l’en dissuada, de toute manière elle avait fait son choix et dans moins d’une heure et demi elle serait à la mairie pour voir ce qu’elle pouvait faire ou ne pas faire pour les deux enfants. Ainsi, elle laissa son fils à Callan, lui rappelant néanmoins de le ramener à l’heure chez elle pour éviter d’inquiéter Roméo bien qu’elle laissa un message sur sa boite vocale lorsqu’elle fut sur la route, profitant d’un feu rouge pour l’appeler. Nahla n’avait pas même pris le temps de se changer lorsqu’elle était partie, faire un détour par chez elle aurait pris bien trop de temps et elle refusait d’être en retard. Ce fut donc vêtue d’un simple jean et d’un débardeur tout aussi simple et violet qu’elle entra dans le hall de la mairie, se bénissant d’avoir opté pour ses boots compensées plutôt que pour des talons qui auraient claqué si bruyamment dans le hall qu’elle s’en serait sentie gênée. Nahla gagna rapidement la salle qu’on lui indiqua après avoir demandé et fronça légèrement les sourcils en voyant une jeune femme déjà présente qui attendait tranquillement et qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam.

Silencieuse, la sud-africaine prit à son tour place sur l’une de chaises et attendit patiemment jusqu’à ce qu’un homme – probablement celui qui avait appelé chez son frère, mais elle ne pouvait pas en être certaine – entre à son tour. « Votre grand-mère, Anakatarina Patchett est dans le coma depuis ce matin et l'auxiliaire de vie qui vivait avec a donc été libérée. Par conséquence, Cara et Sasha sont sans domiciles et étant donné que vous êtes les deux descendantes d'Anakatarina Patchett, c'est vers vous que nous nous tournons. ». Les sourcils de Nahla se froncèrent d’autant plus et elle jeta un bref coup d’œil vers la jeune femme à ses côtés. Elle était donc sa cousine … il fallait croire que Callan et elle avaient encore bien plus de famille qu’ils ne le pensaient, une famille qui avait échappé à la malédiction qui planait sur leur côté de l’arbre généalogique. « Les fillettes n'ont donc absolument plus rien à faire là-haut. Le choix est simple, soit elles vont dans une maison d'accueil à New York soit l'une de vous deux les accueille chez elle.. ». Là-dessus, elle était parfaitement d’accord. Comme elle l’avait souligné à son frère un peu plus tôt, si son fils avait été à leur place elle aurait de loin préféré qu’il se retrouve chez quelqu’un de la famille plutôt que dans un orphelinat, une idée bien inconcevable pour la jeune femme.

« Mes relations avec ma cousine n'ont pas toujours été au beau fixe mais il est hors de question qu'elles finissent dans un orphelinat ! Seulement, je ne suis peut-être pas la mieux qualifiée pour accueillir Cara et Sasha. ». Son regard se posa à nouveau sur celle qui était donc sa cousine bien qu’elle ignorait toujours son identité, un détail qui avait dû probablement échappé à son frère. Nahla fit la moue et dévia son regard en direction de l’homme qui s’adressait à elles deux. « Jusqu’à il y a un peu plus d’une heure j’ignorais que j’avais encore de la famille et c’est ce qui m’a poussé à venir pour que les petites n’aient pas à finir en orphelinat. ». Son regard voyagea de nouveau entre les deux personnes présentent avec elle dans la pièce et la jeune femme fini par soupirer avant de reprendre. « Mais sincèrement, j’ai un métier avec un planning très aléatoire et même si je ne suis pas seule je ne suis pas certaine que me les confier serait une excellente idée … Maintenant je peux en prendre une même si les séparer n’ait peut-être pas une excellente idée bien qu’elles pourraient toujours se voir … je présume. ». Cette fois, ses yeux restèrent posés sur sa voisine. Elle ignorait tout d’elle, de son prénom jusqu’à ce qu’elle pouvait faire de sa vie. Nahla était prête à aider si besoin et elle savait que Lucas ne serait pas contre une autre présence plus jeune à la maison et que Roméo la soutiendrait sans nulle doute, mais elle avait peur de faire courir un risque à un nouvel enfant avec son « métier » tout comme elle doutait qu’elles aient envie d’être séparées, du moins à leur place Nahla aurait refusé de se voir éloignée de son frère.

Un cauchemar, voilà ce que je vivais depuis quelques jours. Nattéo était mort, Esmeralda était morte, une de mes amie les plus proches était décédée et voilà que c'était ma grand-mère maternelle qui était à la fin de sa vie. Je n'en pouvais plus, je ne pouvais plus encaisser tant de décès, c'était trop pour moi. J'avais envie de tout claquer, de tout abandonner et de partir un mois en vacances. Logan faisait sa rentrée dans quelques jours mais j'avais déjà prévenu l'institutrice qu'il risquait d'y avoir des problèmes pour l'emmener à l'école et venir le chercher. Tout le monde avait été compréhensif et il me faudrait bien du temps pour me remettre sur pied. J'avais besoin de temps pour moi mais me voir attribuer la garde de deux nouvelles petites filles me mettrait une épine de plus dans le pied. Il était tout bonnement impossible que je les laisse aller dans une maison d'accueil et j'étais prête à tout pour les garder ensemble. Je ne cachais pas mon passé avec ma cousine et la police devait savoir que pendant quelques années, j'avais été plus qu'un mauvais exemple pour devenir mère. Regardant la jeune femme à côté de moi parler, je me rendis compte qu'elle était dans la même situation que moi ; nous avions toutes les deux un emploi du temps plus que plein et n'étions pas au courant de l'existence l'une de l'autre jusqu'il y a quelques minutes. L'officier arqua un sourcil et nous regarda, l'une après l'autre. Il venait de se rendre compte qu'il n'avait pas fait les présentations et avait tout bonnement cru que nous nous connaissions. Après tout, nous avions que deux ans de différence et nous avions les mêmes origines. Je regardai le policier d'un air dubitatif et l'écouta parler « Veuillez m'excuser, je pensais que vous vous connaissiez » Je secoua légèrement ma tête, de droite à gauche pour répondre à la négative. Non, je n'avais aucune idée de qui était cette demoiselle même si son visage me disait quelque chose... J'avais déjà croisé ce regard quelque part mais où, je n'en avais aucune idée. « Madame Thaïs Patchett-Maye, voici donc Mademoiselle Charlotte McKay. Selon mes papiers, vos mères étaient sœurs et avaient une troisième sœur : la mère de votre défunte cousine, Esmeralda Patchett. » La petite histoire généalogique terminée, je me tourna vers la jeune Charlotte et lui tendis la main. Léger sourire sur les lèvres, je dis « Enchantée.. Même si je dois avouer que j'aurais préféré vous rencontrer autrement... Esmeralda est morte le même jour que mon mari, il y a trois jours... » Je n'essayais pas d’apitoyer la jeune femme mais au moins c'était dit et elle n'allait pas faire de gourde en mettant – qui sait – en avant le fait qu'elle était mère célibataire ou je ne sais quoi. Nous étions deux demoiselles totalement prises dans nos entreprises et métiers respectifs, ce qui ne rendait pas la tâche facile pour personne. Ni elle, ni l'officier, ni moi même qui était dans une drôle de vague émotionnelle. Regardant le policier puis ma cousine – j'allais mettre pas mal de temps à m'adapter à avoir de la famille – je dis « Elles pourraient se voir, c'est sûr mais Cara n'a que deux ans et n'aiment pas vraiment changer ses habitudes... Elles ont perdu leur père il y a six mois et du haut de ses deux ans, c'était elle la tête forte de la famille. Aucune des deux ne doit comprendre ce qui se passe et je ne pense pas que les séparer serait judicieux... » Me tournant vers la jeune femme à mes côtés, je dis « Ce n'est pas contre vous mais si j'avais perdu mes deux parents et que j'avais un frère, je n'aurai pas supporter en être séparée... » Et ça, c'était peu dire. J'avais perdu mes parents et la première personne que j'avais approché était devenue mon mari une petite année et demi plus tard, ce n'était pas pour rien. À ce moment même, je pensais à Logan qui devait être à ses grands-parents et ne penser à rien qu'au nouveau nounours qu'ils leur avaient ramené d'Italie ou du nouveau repas italien qu'il allait pouvoir goûter ce soir. L'insouciance de cet âge me faisait totalement craquer et j'étais presque prête à prendre les petites d'Esmeralda pour que Logan ait de la compagnie et qu'elles ne se sentent pas seule, jamais. Le policier ferma son dossier et d'un air quelque peu supérieure, dit « Je vous laisse en discuter entre vous deux, il y a des photos des petites là dedans ainsi que la date et l'heure de leur avion. Elles seront à nouveau sur le territoire américain dans deux jours grand maximum. Elles reviendront pour l'enterrement de leur que vous préparez Madame Patchett-Maye » J'acquiesçais et le regarda partir. Levant les yeux au ciel, je souffla fortement avant de dire « Même mon congélateur n'est pas aussi froid que cet homme. » Je laissa échapper un petit rire avant de me tourner vers la jeune femme. « Thaïs, vingt huit ans, un fils Logan de trois ans et voilà... » Je lui fis un léger sourire avant de souffler légèrement et de passer une main dans mes cheveux. Tout cela était vraiment... étrange. J'avais donc de la famille, j'avais quelqu'un, je n'étais pas seule et pourtant, j'avais un peu peur de m'y faire. Après tout, j'avais toujours fais fuir tout le monde alors pourquoi pas ce soir ? « Moi qui pensais être la dernière de la branche Patchett, ça me fait plaisir qu'en fait ce ne soit pas le cas... Cara et Sasha doivent être tellement déboussolée... On les envoie en Russie pour faire leur rentrée et une semaine après, elles sont rapatriées à New York... » Je parlais presque pour moi même puisque la jeune femme ne devait pas porter grande importance au fait que les fillettes étaient trimbalés d'états en états. « Nous sommes la seule famille qu'elles ont et je regrette de ne pas plus les connaître. Je n'étais pas très proche d'Esmeralda pendant mon enfance... Enfin, ça leur fera plaisir de savoir qu'elles n'ont pas une mais deux tantes. » Je ne voulais pas mettre le sujet de la garde sur le tapis même si j'avais du mal à me dire qu'une inconnue pourrait s'occuper des fillettes. Charlotte était de la famille mais elles ne la connaissaient pas et depuis mon mariage avec Nattéo, je m'étais excusée et rapprocher de ma famille. Les filles adoraient Logan et c'était réciproque...

« Veuillez m'excuser, je pensais que vous vous connaissiez ». Nahla secoua la tête à la négative. Elles ne se connaissaient pas et elles n’avaient jamais entendu parler de l’une et de l’autre tout au long de leur vie passée. La jeune femme n’avait jamais véritablement parler de sa famille avec sa mère et à vrai dire cette dernière n’avait jamais tenu à s’étaler sur le sujet. Elle avait rapidement senti que la famille n’était pas le sujet de conversation que sa défunte mère préférait éviter, mais à avoir bien fouillé et à l’avoir interrogé intelligemment, plus jeune elle était tout de même parvenue à apprendre que sa mère s’était brouillée avec une grande partie de sa famille lorsqu’elle avait rencontré son père. Nahla n’avait jamais su en quoi le fait que sa mère soit heureuse soit un problème jusqu’à ce qu’elle vive elle-même une situation très similaire à celle de la femme à qui elle devait la vie. Avec un métier comme le leur, avoir une famille n’était pas une excellente idée, pas même un petit ami et pourtant aujourd’hui elle était forcée de voir que toute la famille russe n’avait pas été touchée par cette « malédiction » au point que la sud-africaine ne put cesser de se demander quelles pouvaient être les autres raisons qui auraient poussé sa mère à s’éloigner de ses proches … Callan et elle ? Comment savoir ? La jeune femme chassa bien vite ces pensées de son esprit et se concentra de nouveau sur le moment présent. Cette fois il était question de deux petites filles sans famille qui ne devaient absolument pas finir dans un orphelinat ou séparer dans deux familles d’accueil différentes et non pas de ses propres problèmes familiaux.

« Madame Thaïs Patchett-Maye, voici donc Mademoiselle Charlotte McKay. Selon mes papiers, vos mères étaient sœurs et avaient une troisième sœur : la mère de votre défunte cousine, Esmeralda Patchett. ». Oui, vraiment elle en apprenait pas mal aujourd’hui et Nahla était bien heureuse d’être celle qui était venue à la mairie. Elle connaissait son frère par cœur et il y avait fort à parier que Callan n’aurait que très peu aimé cette nouvelle tant il pouvait haïr le mensonge bien qu’il vivait dedans depuis dix-neuf ans. De nouveau ramenée au présent par la main de sa cousine qui se tendit vers elle, Nahla l’attrapa et la serra avec douceur, un sourire prenant alors place sur ses lèvres malgré les raisons de leur présence et surtout de leur rencontre. « Enchantée.. Même si je dois avouer que j'aurais préféré vous rencontrer autrement... Esmeralda est morte le même jour que mon mari, il y a trois jours... ». Au moins elles étaient sur la même longueur d’onde et auraient préféré un autre moyen de faire connaissance. Quant à la suite des paroles de Thaïs, la sud-africaine lui adressa un sourire désolé. Elle ne préférait même pas imaginer ce que la jeune femme avait pu éprouver et ce qu’elle pouvait ressentir à cet instant à devoir se rappeler qu’elle avait également perdu son mari. Elle-même n’aurait pas été capable de sortir de chez elle aussi rapidement et face au courage de sa cousine, Nahla éprouvait beaucoup de respect pour elle.

« Elles pourraient se voir, c'est sûr mais Cara n'a que deux ans et n'aiment pas vraiment changer ses habitudes... Elles ont perdu leur père il y a six mois et du haut de ses deux ans, c'était elle la tête forte de la famille. Aucune des deux ne doit comprendre ce qui se passe et je ne pense pas que les séparer serait judicieux... ». La jeune femme posa à son tour les yeux sur le policier et écouta d’une oreille attentive les paroles de Thaïs. Visiblement, la demoiselle à ses côtés en savait énormément sur leur famille au point que Nahla en vint à se demander si sa présence était vraiment nécessaire puisqu’elle ne connaissait pas ses petites cousines comme Thaïs semblait les connaitre. « Ce n'est pas contre vous mais si j'avais perdu mes deux parents et que j'avais un frère, je n'aurai pas supporté en être séparée... ». Cette fois, son regard alla se poser sur sa voisine, mais elle resta silencieuse. Elle ne l’avait pas pris pour elle et elle comprenait parfaitement ce qu’elle voulait dire. Nahla était dans cette situation. Elle avait un frère et elle n’aurait jamais pu supporter d’être séparée de lui, pas même encore aujourd’hui. Callan était plus que son frère aîné, il était plus que son jumeau, c’était une partie d’elle-même. « Je vous laisse en discuter entre vous deux, il y a des photos des petites là-dedans ainsi que la date et l'heure de leur avion. Elles seront à nouveau sur le territoire américain dans deux jours grand maximum. Elles reviendront pour l'enterrement de leur que vous préparez Madame Patchett-Maye ».

La sud-africaine arqua un sourcil et manqua de faire une remarque concernant l’air supérieur qui venait d’apparaître sur son visage, mais n’ayant pas besoin de s’attirer des soucis avec les autorités, elle resta silencieux, opina du chef et le regarda s’éloigner pour ensuite attarder son attention sur sa cousine. « Même mon congélateur n'est pas aussi froid que cet homme. ». Nahla pouffa légèrement. Décidément elle appréciait vraiment beaucoup sa cousine et aimait le fait de penser la même chose qu’elle en plus d’être sur la même longueur d’onde. « Thaïs, vingt-huit ans, un fils Logan de trois ans et voilà... ». Un petit haussement de sourcils et un sourire apparu sur son visage, visiblement amusée par le comportement de la jeune femme. « Nahla, vingt-six ans, un fils Lucas du même âge. », enchaina-t-elle en se prêtant au jeu de la jeune femme sans que son sourire ne disparaisse de ses lèvres. Toutes les deux semblaient avoir vraiment beaucoup de choses en commun en plus de leur simple lien de parenté qu’elles ignoraient jusque-là et la demoiselle trouvait ça très appréciable. « Moi qui pensais être la dernière de la branche Patchett, ça me fait plaisir qu'en fait ce ne soit pas le cas... Cara et Sasha doivent être tellement déboussolée... On les envoie en Russie pour faire leur rentrée et une semaine après, elles sont rapatriées à New York... ». L’écoutant avec attention, Nahla ne prononça pas le moindre mot. C’était bien la première fois qu’elle était aussi silencieuse. Elle essayait encore de se faire à l’idée qu’elle avait encore de la famille, une famille qu’elle aurait pu considérer comme plus chanceuse que la sienne s’il n’y avait pas eu tous ces décès de leur côté.

« Nous sommes la seule famille qu'elles ont et je regrette de ne pas plus les connaître. Je n'étais pas très proche d'Esmeralda pendant mon enfance... Enfin, ça leur fera plaisir de savoir qu'elles n'ont pas une mais deux tantes. ». Un petit sourire prit place au coin de ses lèvres et Nahla s’enfonça contre la chaise sur laquelle elle était assise en croisant les bras contre sa poitrine tout en réfléchissant à ces deux pauvres petites filles qui, toutes jeunes, avaient déjà à souffrir. « Et un autre cousin … ça les aidera peut-être à se sentir mieux dans ce nouveau pays. », affirma-t-elle avec conviction. Lorsqu’elle avait quitté l’Afrique du Sud pour Los Angeles, Nahla avait eu sa mère et son frère et c’était ce qui lui avait permis de tenir dans ce nouveau pays qu’elle ne connaissait pas le moins du monde. Cara et Sasha n’avaient plus de parents, juste des tantes et des cousins, mais elle espérait que ça soit suffisant pour les aider même si elle ne pourrait pas les voir régulièrement. « Concernant leur garde, puisqu’il semblerait que ça soit à nous de nous en occuper … je ne voudrais pas paraître égoïste, mais je ne les connais pas du tout et même si je ne tiens pas non plus à ce qu’elles finissent dans un orphelinat, elles semblent mieux vous … te connaître. Il serait peut-être mieux pour elles qu’elles te soient confiées. ». Elle-même n’aurait vu aucun problème à les accueillir chez elle, mais en plus du fait qu’elle venait de souligner auprès de Thaïs, avec son métier elle refusait de mettre en danger plus d’enfant que ce n’était déjà le cas. Elle avait déjà bien assez de mal à vivre en sachant que Lucas pouvait être une cible facile, rajouter ses cousines qui avaient déjà pas mal d’épreuves à surmonter lui semblait être inconcevable.

La vie avait un drôle d’humour. Un humour dont elle se serait parfaitement passé. Un humour qu’elle trouvait loin d’être drôle, mais un humour avec lequel elle devait faire. Pendant des années elle avait pensé que la seule famille qui lui restait n’était autre que son frère jumeau et son père quelque part sur cette planète. Elle avait créé sa propre famille et avait craint de la perdre tant l’environnement dans lequel cette famille s’était construite n’était pas le meilleur. A ses yeux il n’y avait plus que Chris, Jayden et Lucas qui comptaient ainsi que Roméo depuis quelques années. Elle n’avait jamais cherché à en savoir plus sur sa famille et ce sans doute parce qu’à ses yeux cette dernière n’était plus depuis que sa mère était morte. Cette dernière ne lui avait jamais fait part des parents qu’elle pouvait encore avoir en Russie. Durant des années elle avait ignoré avoir encore de la famille, posséder encore une grand-mère peut-être même plus que ça puisque près d’elle se trouvait celle qui se révélait être sa cousine. Quelque part la sud-africaine était en colère. Elle qui avait bien du mal à supporter le mensonge et le fait de vivre en plein dedans depuis des années, se rendre compte que c’était d’autant plus le cas en ce jour était loin d’être agréable. Nahla avait la sensation d’avoir été volontairement mise de côté durant toutes ces années sans trouver la raison qui aurait pu pousser le destin d’en décider ainsi.

Elle avait une petite idée sur la raison qui aurait pu forcer sa mère à ne rien dire à Chris et elle-même. Avoir des enfants avec ce qu’elle avait pu exercer comme métier à côté de celui de vétérinaire était assez dangereux pour ses propres enfants, elle n’avait probablement pas voulu en rajouter. Etant quelque peu dans la même situation, la jeune mère comprenait parfaitement mais ce n’était pas pour autant que cette sensation de colère diminuait pour autant en elle et pourtant elle était mal placée pour ressentir une telle chose. Elle-même mentait à son entourage depuis près de cinq ans. Elle n’avait jamais trouvé le courage de dire la vérité à Jayden de crainte de lui apporter plus d’ennuis qu’il ne pouvait déjà en avoir lorsqu’il était encore membre des Bloods. Elle n’avait pas trouvé le courage de l’avouer à Roméo de peur de leur perdre, d’autant plus aujourd’hui que leur relation ne tenait qu’à un fil et en vouloir au destin pour le fait qu’elle avait ignoré toutes ces années avoir de la famille avait quelque chose d’ironique. Toutefois, Nahla ne se montra pas une seule fois désagréable envers Thaïs qui était tout aussi surprise qu’elle et la jeune femme se concentra uniquement sur la raison de leur présence qui à ses yeux avait bien plus d’importance que le reste. Bien vite, on les laissa toutes seules ce qui leur permis de faire brièvement connaissance avant de se focaliser à nouveau sur les deux petites et la personne qui allait avoir leur garde.

« Logan va être heureux de l'apprendre ! Lorsqu'on rendait visite à la famille de mon mari, il rechignait toujours puisqu'il était le seul garçon ». Un petit sourire étira les lèvres de la sud-africaine. Lucas allait sans doute être tout aussi ravi que le fils de Thaïs. Étant fils unique et n’ayant que la présence de son oncle, de Roméo et de sa mère voir des enfants de sa propre famille et de son âge allait lui faire très plaisir et peut-être même lui permettre d’oublier que ces derniers temps à la maison rien n’était simple. « Avoir leur garde n'est pas un problème pour moi, je peux travailler de la maison mais c’est moralement que j'ai peur de ne pas suivre. Je ne vais pas m'étaler sur ma vie personnelle mais il y a une semaine, je ne savais même pas que j'étais enceinte de jumelles et là, quatre enfants à charge en plus risque d'être chaotique... Je ne demande pas de l'aide financière mais plutôt morale. J'ai l'air d'une grosse profiteuse mais on va dire que depuis une semaine, ce n'est pas tous les jours roses et je ne pourrais jamais tout assumer toute seule... ». Nahla écouta chacune des paroles de Thaïs avec attention sans même chercher à l’interrompre. Qu’elle puisse garder les petites l’arrangeaient non pas par égoïsme mais justement par altruisme afin d’éviter à ces deux enfants d’avoir plus de problèmes que ce qu’elles allaient déjà avoir en devant s’adapter à leur nouvel environnement de vie. Néanmoins, elle comprenait que la jeune femme ait besoin d’un soutien moral.

Elle lui avait avoué avoir perdu son mari – chose qu’elle-même n’aurait pas su supporter – et le fait de devoir élever son petit garçon toute seule ne devait pas être bien simple tous les jours alors rajouter quatre enfants en plus risquait de lui faire perdre la tête bien vite. « Et puis, ça pourrait leur faire plaisir de voir d'autres personnes que Logan et moi-même... Enfin, si tu peux bien entendu parce que si tu as un emploi trop prenant, je me débrouillerais seule ». Nahla opina du chef. Elle était d’accord avec elle même si les deux petites filles connaissaient bien plus Thaïs qu’elle-même de ce qu’elle avait pu comprendre. Toutefois, elle n’était pas contre, pas si ça lui permettait de renouer avec une famille dont elle ignorait l’existence jusqu’à présent mais aussi si ça permettait à Thaïs de pouvoir souffler avec toutes les obligations qu’elle n’allait pas tarder à avoir en plus sur le dos. « Ça ne me pose pas le moindre problème. Si ça peut te permettre de souffler un peu, je t’aiderais avec grand plaisir. Lucas sera ravi d’avoir des enfants à la maison autre que lui et ça mettra un peu plus d’ambiance positive au sein de la famille. ». Un petit sourire étira ses lèvres. Même si sa vie semblait être chaotique, elle voulait néanmoins être là pour sa famille comme elle l’aurait fait en temps normal si elle les avait connus auparavant. Naturellement altruiste, malgré les difficultés, Nahla s’était toujours évertuée à faire passer les autres avant elle et même si son second métier la forçait à être une machine à tuer ce n’était pas pour autant qu’elle allait changer sa véritable nature du jour au lendemain.

« Franchement, si on m'avait dit qu'en soixante-douze heures ma vie changerait autant, je n'y aurais jamais cru ». La sud-africaine pouffa, parfaitement d’accord avec les propos de celle qui était sa cousine. « J’ai eu du mal à croire que j’avais encore de la famille, alors je veux bien te croire. D’ailleurs … » laissant volontairement sa phrase en suspens, Nahla fouilla dans son sac à la recherche d’un papier et d’un crayon. Elle gribouilla rapidement son numéro de portable et son adresse puis tandis le papier à Thaïs. « Si jamais tu as besoin de me joindre ou de me trouver ça pourra t’être utile d’autant plus que je dois filer. » avoua-t-elle en grimaçant tandis qu’elle se levait déjà de sa chaise. « Je suis sincèrement désolée de t’abandonner comme ça alors qu’on a probablement beaucoup à se dire, mais je travaille dans une heure et si j’arrive en retard ma collègue risque de me tuer. ». Ce qui n’était pas totalement faux, mais Nahla ne supportait que très peu le fait d’être en retard surtout pour une jeune femme aussi ponctuelle qu’elle-même. Un nouveau sourire aux lèvres, la sud-africaine garda les yeux posés en direction de la jeune femme à ses côtés avant de reprendre. « En tout cas je suis vraiment ravie d’apprendre que j’ai encore de la famille. ». Son sourire se fit plus large, puis ne perdant pas plus de temps pour rejoindre son lieu de travail, elle salua poliment Thaïs et quitta les lieux à toute vitesse son esprit se focalisant déjà sur les divers calculs qu’elle devait à nouveau effectuer et qui allaient lui faire passer le temps à une vitesse si impressionnante qu’elle n’aurait pas la moindre minute pour repenser à toute cette histoire avant d’être chez elle auprès de son fils.