esteban & phoenix

❝ unexpected ❞

D'ordinaire, Phoenix était quelqu'un de plutôt calme : ses voisins ne s'étaient jamais plaint d'elle et pour cause, la jeune femme était particulièrement discrète. En même temps, elle ne voulait pas attirer l'attention sur elle, il était déjà bien assez dangereux d'être revenue aux Etats-Unis ! Cependant, ce matin-là, en revenant du centre équestre où elle avait rendu visite comme presque tous les jours à Stormy, son étalon hybride, elle avait allumé la radio sous la douche et bien vite, une chanson avait attiré son attention : vieille, elle n'en était pas pour autant démodée et lorsque le refrain arriva et que Phoenix sortit de la douche pour s'enrouler dans une serviette, elle chanta à tue-tête en sautillant jusqu'à sa chambre. « I'M SO EXCIIIITED ! AND I JUST CAN'T HIDE IT ! I'M ABOUT TO LOSE CONTROL AND I THINK I LIKE IT ! » Enfilant ses sous-vêtements, elle glissa dans un jean en continuant de danser, profitant du fait qu'elle se dandinait pour faire rentrer plus facilement ses cuisses dans son vêtement. Lorsqu'elle enfila son tee-shirt, cependant, la chanson changea et Phoenix eut un moment de suspens : la chanson, canadienne et peu connue, était très en décalage avec la chanson précédente – les radios devenaient folles, apparemment. Après quelques paroles, cependant, Phoenix haussa les épaules et se mit à chanter tout de même, riant des paroles pleines d'ironie. « Women are equal and they deserve respect... JUST KIDDING THEY SHOULD SUCK MY DICK ! » Seulement, elle fut la seule à prononcer le dernier mot, et elle s'arrêta avec surprise avant de constater que sa radio s'était totalement arrêté de fonctionner. Suspicieuse, elle tenta d'allumer la lumière avant de pester : l'électricité avait encore sauté. Il lui en fallait tellement peu ! En même temps, elle ne vivait pas exactement dans l'endroit le plus classe de New York ; Jamaica était un quartier animé du Queens mais pas particulièrement chic, et puis de toute façon même si Phoenix cumulait plusieurs « salaires », entre son appartement, les charges et celles liées à l'hébergement et aux soins de Stormy, la jeune femme ne pouvait pas se permettre plus que ce petit deux-pièces qu'elle sous-louait depuis son arrivée en ville. Pestant, la jeune femme prit son téléphone portable et chercha dans son courrier d'éventuels pubs pour des électriciens. Elle prit le premier numéro qu'elle trouva, continuant à chanter doucement la première chanson qui lui avait plu, et appela une compagnie connue d'électricité – deux jours d'attente. Quoi ?! Elle avait fait plusieurs électriciens avant de tomber sur une petite pub pour un homme à tout faire, un certain Esteban Santos. La jeune femme l'appela donc et fut ravie de savoir qu'il pouvait passer immédiatement, lui permettant ainsi de finir à temps pour qu'elle puisse aller au garage commencer son service. Elle confirma donc son adresse et raccrocha, occupant son temps en utilisant la musique de son téléphone portable pour continuer d'évacuer toute l'énergie qui l'habitait. Une quinzaine de minutes plus tard, on tapait à la porte ; laissant son portable sur le petit plan de travail de la cuisine, Phoenix sautilla jusqu'à la porte d'entrée pour l'ouvrir... et bloquer totalement sur la personne en face d'elle. Elle resta silencieuse un long moment, observant l'homme qui venait de frapper à sa porte et dont le visage lui était étrangement familier, mais comme venant d'une autre vie. « Esteban ? » souffla-t-elle, surprise. La dernière fois – et seule fois, en fait – où elle avait vu le jeune homme, c'était dans un bar d'Heroica Guaymas, au Mexique. Et soudainement, elle fit le rapport. « Oh, Esteban Santos ! C'est toi, l'électricien ! » s'exclama-t-elle sous le coup d'une illumination. « Merde, c'était toi au téléphone ? Je t'ai pas reconnu du tout ! Entre, entre ! » continua-t-elle, tout sourire, agréablement surprise de voir le jeune homme qui lui avait porté assistance plus d'un an et demi plus tôt dans un bar mexicain.

Esteban avait vécu assez de galère en arrivant à New-York, et encore plus avant de fouler la terre des Etats-Unis qu’il savait aujourd’hui apprécier les choses à sa juste valeur. Alors, même si ses journées étaient parfois interminables et totalement éreintantes, il faisait de son mieux pour prendre les choses du bon côté. Aujourd’hui, il avait un appartement, des revenus qui lui permettaient de manger à sa faim et même de se payer quelques sorties en boite de nuit ou dans les bars branchés de la ville, alors de quoi pouvait-il se plaindre ? Ses parents s’étaient littéralement sacrifiés pour lui, et il avait désormais atteint le but qu’il se fixait depuis des années. Il aurait donc du être un garçon un tant soit peu épanoui. Pourtant, quelque chose manquait à son bonheur. Quelque chose ou plutôt quelqu’un. En réalité, ce rêve de pouvoir un jour vivre à New-York n’était pas seulement le sien, mais aussi celui de sa sœur, avec qui il avait échafaudé les plans les plus fous, en rêvant de la Grosse Pomme alors qu’ils étaient tous les deux retenus en otage dans la forêt colombienne. Seulement voilà, Esteban avait depuis longtemps perdu toute trace de cette petite sœur, qu’il s’était pourtant promis de protéger quoi qu’il arrive. Il n’avait pas su se montrer digne de ce rôle qui lui avait été donné, et se sentait un peu plus coupable à chaque jour qu’il passait ici. Pourtant, à aucun moment le jeune homme n’avait perdu espoir, et aujourd’hui encore il espérait pourvoir retrouver Luisa. Au fond, il était persuadé qu’elle aussi était parvenue à s’en sortir, et qu’elle poursuivait toujours leur rêve commun de son côté.

Malgré ses incessantes recherches qui lui prenaient un temps considérable, Esteban devait aussi gagner sa vie et les petits services qu’il rendait ça et là étaient le meilleur moyen qu’il avait trouvé pour cela. Suite à l’appel d’une jeune femme qui disait avoir quelques problèmes avec son électricité, le jeune homme se rendait aujourd’hui dans le quartier du Queens, armé de sa boîte à outils. Qu’il s’agisse de plomberie, de mécanique ou d’électricité, Esteban était assez débrouillard et ingénieux pour trouver une solution à chaque problème. C’est donc plutôt confiant qu’il se présenta à l’adresse qu’on lui avait indiqué. Mais au moment où la porte de l’appartement s’ouvrit, une expression d’extrême surprise prit place sur le visage du colombien. « Esteban ? Oh, Esteban Santos ! C'est toi, l'électricien ! Merde, c'était toi au téléphone ? Je t'ai pas reconnu du tout ! Entre, entre ! » Un peu sonné par cette rencontre, le jeune homme entra avant même d’avoir trouvé les mots justes pour traduire la surprise et le bonheur de retrouver cette « vieille connaissance ». « Phoenix… » souffla-t-il à son tour en affichant un large sourire. « Oui, c’était bien moi ! Je… je ne suis pas vraiment électricien mais disons que je me débrouille ! » plaisanta-t-il à propos de son métier qui, il fallait bien l’avouer, n’était pas des plus communs. « Je ne savais pas que tu étais à New-York ! Est-ce que… ça fait longtemps que tu vis ici ? »

Phoenix était pour le moins surprise de se retrouver face à Esteban, et pourtant elle aurait dû s'y attendre ; après tout, il lui avait bien dit qu'il voulait partir à New York, lorsqu'ils s'étaient rencontrés. A l'époque, Phoenix ne savait pas trop ce qu'elle voulait faire, si elle voulait rester au Mexique, retourner au Guatemala ou retenter sa chance aux Etats-Unis, où elle avait finalement vécu ses plus beaux moments. Revenir sur le territoire américain était risqué, et c'était d'ailleurs précisément la raison qui l'avait poussée à se diriger vers la côte ouest, malgré le fait qu'elle ai beaucoup de mal avec ce climat auquel elle n'avait jamais dû faire face. Elle avait d'ailleurs d'abord pensé à la Floride avant de la déclarer trop humide. Si le fait qu'Esteban lui ai parlé de New York l'avait inspirée pour faire son choix ? Probablement, oui. Peut-être un peu, quoi. Et puis, New York était une grande ville, ou du moins le pensait-elle avant que le colombien ne vienne taper à sa porte ! « Phoenix… » déclara-t-il à son tour, apparemment aussi surpris qu'elle de tomber sur cette connaissance d'un jour qu'il s'était faite plus d'un an et demi auparavant. Il fallait avouer que le hasard ne la jouait pas très fine, aujourd'hui ! « Oui, c’était bien moi ! Je… je ne suis pas vraiment électricien mais disons que je me débrouille ! » Aussitôt amusée par les propos du jeune homme, la brune laissa échapper un léger rire avant de lui répondre sur le même ton. « Et tu sais parfaitement vendre tes services, à ce que je vois ! » ironisa-t-elle. A vrai dire, elle se moquait bien qu'il ai un diplôme ou pas, elle connaissait sa situation, elle vivait la même. Elle n'avait jamais vraiment étudié la mécanique ou les voitures, elle était juste habituée à réparer les voitures de sa mère, de son beau-père ou, plus récemment, celles qu'elle avait volées. Du coup, falsifier quelques compétences n'avait pas été bien difficile et la jeune femme avait pu se faire engager chez un mécanicien qui la payait vraiment bien et ne posait pas de questions tant qu'elle faisait son travail. Alors bon, tant qu'il savait réparer son électricité, elle lui pardonnait bien de ne pas être un professionnel du marketing. « Je ne savais pas que tu étais à New-York ! Est-ce que… ça fait longtemps que tu vis ici ? » Haussant les épaules, Phoenix laissa Esteban rentrer et ferma la porte derrière lui pour l'accueillir dans son humble demeure. « Non, quelques mois. Je suis arrivée en octobre. » l'informa-t-elle en se rappelant du jour où elle avait foulé pour la première fois le bitume de la ville. « Ca change d'Heroica Guaymas... » sourit-elle. Pour elle, c'était différent de tout ce qu'elle avait connu ; elle était habituée aux étendues désertiques, à la chaleur, aux petites villes, à la proximité de la mer, aux grands espaces... Ici, la ville se construisait à la verticale et même les espaces verts étaient artificiels. « Enfin, j'imagine qu'on s'habitue à tout ! J'avais besoin de changement, de toute façon... J'ai jamais été très sédentaire. » commenta-t-elle en haussant de nouveau les épaules. « Et toi, alors ? T'as trouvé ce que t'étais venu chercher ? » demanda-t-elle, pas sûre de savoir de quoi elle parlait puisqu'ils étaient restés très évasifs sur leur passé lors de leur première rencontre.

Très vite, la surprise qu’avait provoqué cette rencontre inopinée avec une vieille connaissance telle que Phoenix avait laissé place à une sorte de joie, qu’Esteban ne prit même pas la peine de dissimuler. Un large sourire éclaira son visage alors qu’il se glissait dans l’appartement après y avoir été invité. Si on lui avait dit qu’il recroiserait la jeune femme un jour, et surtout dans de telles circonstances, il ne l’aurait très certainement pas cru. Et pourtant, il se trouvait bel et bien en face d’elle, tout comme lors de leur première rencontre quelques mois auparavant, sur cette plage mexicaine. Phoenix était visiblement arrivée à New-York depuis quelques semaines, et le fait de l’avoir « retrouvée » aussi vite s’apparentait presque à une prouesse, étant données les dimensions totalement monstrueuses de cette ville. D’ailleurs, elle ne tarda pas à relever elle aussi le changement en murmurant : « Ca change d'Heroica Guaymas... » Aussitôt, le colombien esquissa un nouveau sourire en se remémorant l’ambiance chaleureuse (parfois même un peu trop…) et cette plage sur laquelle ils s’étaient croisés pour la première fois. Esteban acquiesça d’un air absent, provoqué par la facilité avec laquelle il se projetait dans cet environnement passé. « Et toi, alors ? T'as trouvé ce que t'étais venu chercher ? » Surpris, le colombien releva les yeux vers sa voisine, sans trop savoir ce qu’il devait répondre, ou au contraire ne pas dire.

Esteban se souvenait de la soirée qu’ils avaient passée ensemble sur la plage, et pendant laquelle ils avaient pris le temps de discuter, sans pour autant rentrer dans les détails de leurs vies respectives. Mais le fait qu’elle se souvienne de quelques bribes de son histoire lui fit étonnamment plaisir. Alors, le colombien haussa les épaules, en déposant sa caisse à outil sur le sol. « Ca dépend… Disons que je suis arrivé à destination, et c’est déjà pas mal ! Mais… on ne peut pas dire que j’ai réellement atteint mon but, non… » conclut-il en laissant échapper un bref soupir, traduisant toute la frustration mais aussi l’inquiétude que le souvenir de sa petite sœur éveillait en lui. Mais, comme pour couper court à cette conversation qui le mettait quelque peu mal à l’aise, Esteban se reconcentra rapidement sur son interlocutrice en demandant : « Et du coup… tu t’es décidée pour New-York… définitivement ? Est-ce que tu as trouvé un job ? Ton appartement a l’air sympa en tous cas… » Le jeune homme ne put s’empêcher de repenser à tous les déboires qu’il avait connu dès son arrivée dans la Grosse Pomme, et à sa vie dans la rue pendant plusieurs mois en attendant de trouver un emploi et un foyer. Mais visiblement, Phoenix n’avait pas eu ce genre de problèmes et dans un sens, il était plutôt admiratif. Le jeune homme appréciait tout particulièrement le fait de pouvoir discuter avec elle, mais il n’en oubliait pas pour autant le but de sa visite. Alors, pour en revenir à ce sujet-là, Esteban regarda tout autour de lui et déclara : « Alors ? Tu avais un problème d’électricité ? »

En fait, Phoenix ne connaissait vraiment pas Esteban ; ils ne s'étaient fréquentés que pendant une journée et la seule raison pour laquelle ils avaient entamé la conversation était parce qu'il l'avait aidée à éloigner quelques-uns de ses « clients » alors qu'elle prenait tranquillement un verre au bar après avoir dégourdi les jambes de Stormy. Pourtant, il avait vraiment marqué un tournant pour Phoenix, parce qu'en voyant la détermination d'Esteban à rejoindre les États-Unis, à ne pas se laisser abattre par peu importe ce qu'il avait traversé dans sa vie mais qui, en tout cas, lui avait valu une cicatrice bien sexy voyante sur la joue, Phoenix s'était dit, pourquoi pas moi ? Elle qui se laissait abattre par la mort de Mateo, qui se blâmait pour tout ce qui les avait conduits à cette maison du Nevada où on leur avait tiré dessus, se retrouvait de nouveau seule au Mexique, à se dire qu'elle aussi avait le droit à une seconde chance. Du coup, elle avait quand même beaucoup pensé à lui, à ce que son départ représentait & ce qu'il pouvait représenter pour elle, pour se motiver à se sortir de son deuil et de sa planque au bord de la plage. Mais lorsqu'elle & Stormy étaient arrivés à New York, elle n'avait pas vraiment cru y recroiser Esteban. « Ca dépend… Disons que je suis arrivé à destination, et c’est déjà pas mal ! Mais… on ne peut pas dire que j’ai réellement atteint mon but, non… » » lui répondit-il après qu'elle lui ai demandé si il avait trouvé ce qu'il était venu chercher. Compréhensive, elle haussa la tête ; chacun avait son rêve, peu y parvenaient. Elle voulut lui répondre de ne pas s'inquiéter, qu'il atteindrait bien son but un jour – elle ne savait vraiment pas de quoi elle parlait – mais celui-ci sembla bien vite inconfortable avec la situation et reprit la parole. « Et du coup… tu t’es décidée pour New-York… définitivement ? Est-ce que tu as trouvé un job ? Ton appartement a l’air sympa en tous cas… » » Phoenix ne voulait pas que le jeune homme se sente mal à l'aise, alors elle lui adressa un sourire avant d'enfoncer ses mains dans ses poches et de hausser les épaules. « Je sais pas si ce sera définitif, j'en doute même... je suis pas du genre à rester longtemps au même endroit, mais pour le moment, ouais, c'est mon QG on va dire ! » déclara-t-elle. Il n'était pas rare qu'elle s'évade dans les Etats alentours, le plus souvent accompagnée de son inséparable zorse. « Et puis je bosse comme mécano dans un garage du Queens, c'est pas du luxe mais ça paie les factures. » sourit-elle, sachant qu'il comprenait parfaitement sa situation. Elle ne mentionna bien évidemment pas qu'il lui arrivait aussi très souvent de participer à des combats illégaux, le punching-ball qui trônait dans son salon pouvait passer pour un hobby et elle était plutôt douée pour dissimuler d'éventuels bleus au visage avec du maquillage de pro. « Alors ? Tu avais un problème d’électricité ? » » lui rappela le colombien, faisant brièvement rire Phoenix qui, effectivement, avait totalement oublié le but de la visite d'Esteban. « Oh, oui... C'est par là. » déclara-t-elle en l'invitant à la suivre vers le compteur électrique. « Je sortais de la douche et puis soudainement, ça a sauté ! Enfin, c'est pas la première fois... » expliqua-t-elle avant de se placer près du jeune homme alors qu'il commençait à travailler. « Je peux t'apporter quelque chose ? »

Même s’il était arrivé à New-York depuis plusieurs mois maintenant, Esteban n’avait pas spécialement eu l’occasion de se faire de bons amis. Le peu de rencontres qu’il avait pu faire se cantonnaient à des clients qui avaient fait appel à lui pour une raison ou pour une autre. Il fallait dire que la longue période que le colombien avait passée dans la rue ne l‘avait pas vraiment aidé à faire de belles rencontres… Alors lorsque son regard avait recroisé celui de Phoenix, plusieurs années après leur toute première rencontre, Esteban avait ressenti quelque chose d’inexplicable. Passé l’effet de surprise, une profonde joie l’avait envahie car même s’ils ne s’étaient croisés que durant quelques heures, la jeune femme était tout simplement la seule personne qu’Esteban avait l’impression de connaître à New-York. Aussi étrange que cela puisse paraitre, le jeune homme se sentit donc immédiatement à l’aise et en confiance. Comme s’ils s’étaient quittés quelques jours auparavant, le colombien orienta la conversation sur la vie qu’elle menait ici à New-York, sur le job qu’elle avait trouvé et qui lui permettait probablement de payer le loyer de cet appartement plus que convenable. « Je sais pas si ce sera définitif, j'en doute même... je suis pas du genre à rester longtemps au même endroit, mais pour le moment, ouais, c'est mon QG on va dire ! Et puis je bosse comme mécano dans un garage du Queens, c'est pas du luxe mais ça paie les factures. » répondit-elle en souriant. Impressionné, Esteban hocha la tête sans chercher à cacher son admiration. Visiblement, la jeune femme s’en était beaucoup mieux sortie que lui, et il ne pouvait qu’être content pour elle.

Revenant à leurs moutons après quelques minutes, le colombien se laissa conduire vers le compteur électrique défectueux. Il déballa ensuite son matériel pour commencer à bidouiller les différents interrupteurs et les fils électriques qui traversaient ledit compteur. « Je peux t'apporter quelque chose ? » demanda alors Phoenix derrière lui. Sortant la tête de son travail quelques instants, Esteban s’exclama : « Un café ? Est-ce que je peux te demander ça ? Ca ne devrait pas être trop long… et puis ça sera l’occasion de tester la qualité de mes réparations ! » sourit-il, déjà impatient à l’idée de savoir ce qui avait bien pu se passer pour elle depuis leur rencontre mexicaine. Tout en travaillant, Esteban se remémorait cette seule et unique soirée qu’ils avaient passée ensemble et soudain, un souvenir de fit sourire. Sans lever le nez du compteur électrique, le colombien ne put s’empêcher de demander : « Et ton cheval ? Est-ce qu’il est venu jusqu’ici avec toi ?! »

« Un café ? Est-ce que je peux te demander ça ? Ca ne devrait pas être trop long… et puis ça sera l’occasion de tester la qualité de mes réparations ! » répondit Esteban à Phoenix alors que celle-ci lui avait demandé si elle pouvait lui apporter quelque chose après l'avoir mené jusqu'au disjoncteur, où elle espérait qu'il trouve la raison de sa soudaine panne de courant. Être pauvre, d'accord, vivre dans une toute petite maison, d'accord, ne pas avoir l'électricité, NON. Définitivement, non. Phoenix avait pourtant déjà vécu avec moins de ça, lorsqu'elle vivait avec sa mère dans l'Airstream et qu'elles devaient se brancher sur un centre électrique pour pouvoir passer la nuit au chaud, ou bien lorsqu'elle était en fuite, avec Mateo... ou bien après, lorsqu'elle vivait au ranch avec Stormy et qu'elle devait supporter les courants d'air qui passaient entre les planches mal disposées de sa chambre... Oui, sauf que New York était un nouveau départ, et que l'électricité, bah, elle s'y était habituée. Riant devant la dernière remarque d'Esteban, la jeune femme avança dans le couloir en secouant la tête. « Mon dieu, je m'inquiète pour mon installation électrique ! » s'exclama-t-elle en se rendant dans la cuisine, où elle se ravit de voir que le café qu'elle avait préparé un peu plus tôt était toujours chaud dans la cafetière, et elle s'empressa d'en servir une tasse avant de la poser sur une petite coupette qu'elle agrémenta d'une cuillère et de quelques sucres. Elle revint finalement rapidement vers l'homme à tout faire et s'agenouille pour poser le café près de lui. « Voila ! T'as de la chance que le café soit toujours chaud. » fit-elle remarquer au jeune homme avant de se redresser, au moment même où il reprenait la parole. « Et ton cheval ? Est-ce qu’il est venu jusqu’ici avec toi ?! » lui demanda-t-il. Surprise qu'il s'en souvienne, la jeune femme haussa un sourcil avant d'afficher un large sourire. « Stormy, oui ! Je suis surprise que tu te souvienne de lui ! » s'exclama de nouveau la jeune femme. Pour Phoenix, Stormy était désormais ce qu'elle avait de plus proche d'une famille ; elle l'avait acquis en revendant les objets qu'elle avait volé avec Mateo et, à travers lui, elle retrouvait un peu de son ex-mari, et de cette autre vie qu'elle avait vécu à Silver City, lorsqu'elle vivait dans le rang des Alba. « J'ai pu l'amener, oui. Enfin, ça a pas été évident au début, mais finalement un centre équestre un peu au nord de la ville a accepté de le loger et de le nourrir si il pouvait en profiter pour le faire monter. » expliqua la jeune femme, qui n'avait d'abord pas apprécié – et Stormy non plus – que quelqu'un s'approche de son bébé mais à quoi elle s'était finalement habituée, parce que ça leur permettait à tous les deux d'être tranquilles. « Du coup, je peux le monter quand je veux aussi, enfin si il est disponible, c'est pas négligeable ! Je vais le voir pratiquement tous les jours, d'ailleurs. » avoua-t-elle en haussant les épaules, parfaitement consciente qu'un cheval, et encore plus un zorse, n'était pas le genre d'animal de compagnie qu'on trouvait dans tous les foyers. « Alors, ça se présente comment ? » demanda-t-elle en jetant un œil par-dessus l'épaule d'Esteban, se demandant si elle allait être arrangée ou encore plus embêtée après que le jeune homme ai glissé ses doigts partout mais se rassurant en se disant qu'au moins, ça lui avait donné l'occasion de renouer le contact avec lui.

Plongé dans son travail et plus concentré que jamais, Esteban laissa la jeune femme s’éloigner sans forcément y prêter beaucoup d’attention. Il savait à quel point les installations électriques pouvaient jouer des tours, et il ne tenait pas particulièrement à s’électrocuter à cause d’une mauvaise manœuvre. Alors il restait prudent, et usait pour cela de toute sa concentration. Mais l’odeur du café que Phoenix déposa quelques minutes plus tard près de lui le fit en quelque sorte revenir à la réalité, et il accueillit cette tasse avec un grand sourire. Marquant une courte pause afin de boire quelques gorgées de la boisson avant qu’elle ne refroidisse, le colombien décida de demander des nouvelles de ce cheval qu’il n’avait croisé qu’une fois, et qui pourtant l’avait tant marqué. Tout comme sa propriétaire, d’ailleurs.

La jeune femme fut tout d’abord surprise qu’il se souvienne de lui et pourtant… Le fait de croiser une fille qui se baladait à longueur de temps en compagnie de son cheval n’était pas banal, et Esteban se demandait même comment il aurait pou l’oublier. « J'ai pu l'amener, oui. Enfin, ça a pas été évident au début, mais finalement un centre équestre un peu au nord de la ville a accepté de le loger et de le nourrir si il pouvait en profiter pour le faire monter. » expliqua-t-elle, en précisant qu’elle prenait le temps d’aller le voir tous les jours, ce dont le colombien ne doutait pas une seule seconde. Heureux de voir qu’elle avait trouvé une solution pour ne pas se séparer complètement de son canasson, Esteban hocha la tête avant de se remettre au travail plus sérieusement. Il bricola encore quelques minutes, dévissant par-ci, revissant par-là, et en profitant pour changer quelques fusibles qui avaient amplement fait leur temps. Mais alors qu’il était prêt à tester ses réparations, Phoenix sembla s’impatienter derrière lui : « Alors, ça se présente comment ? » Tout en haussant les épaules, le jeune homme actionna le disjoncteur avant de guetter la réaction des ampoules autour de lui. Et à sa plus grande satisfaction, il vit la lampe du couloir s’illuminer quasi-instantanément. « Oh ! Apparemment, ça se présente bien… » plaisanta-t-il en répétant sa manipulation à plusieurs reprises. « Hm… espère juste que ça tienne comme ça encore longtemps ! Mais à ta place, je ne ferai pas trop confiance à cette bête-là ! » ajouta Esteban en désignant le compteur un peu vieillissant sur lequel il ne miserait pas grand-chose.

Après avoir terminé son café, et discuté pendant un long moment avec Phoenix, le colombien se décida à la quitter, contraint par d’autres rendez-vous plus tardifs qu’il avait encore. Mais lorsqu’elle sortit son portefeuille, il secoua la tête en le repoussant doucement vers elle. « Ca ira pour cette fois, j’ai pas fait grand-chose de toute façon… Et puis, ça m’a fait plaisir de te revoir ! C’était pas vraiment du boulot à mes yeux ! » lâcha-t-il avant de la saluer, et de récupérer ses outils pour s’éclipser vers les autres missions qui l’attendaient.