Une panne d’électricité… Wayne aurait mille fois préféré que ça n’arrive pas le jour où les urgences étaient encore plus bondées que tous les autres jours de la semaine. Une chance qu’il ait été secondé par Ellyot, jeune étudiant en médecine on ne peut plus prometteur et dont il avait la responsabilité depuis son arrivée dans son service. Bien sûr, jusqu’ici, il lui avait surtout montré des opérations de neurochirurgie, sa spécialité, mais l’étudiant avait été intéressé, efficace, les nerfs bien tenus en laisse, tant et si bien que si on demandait au chirurgien ce qu’il pensait de lui, Wayne ne tarirait sûrement pas d’éloges à son sujet. Hélas, comme n’importe qui d’autre avant lui, Ellyot semblait légèrement préoccupé depuis quelques heures. Certes, il l’avait aidé et rien ne pouvait lui être reproché, surtout pas son professionnalisme, mais l’américain était bien trop coutumier du fait de cacher ses sentiments pour ne pas s’être rendu compte qu’il y avait anguille sous roche. En plein dans le feu de l’action, il perdit malheureusement le jeune homme de vue, et n’eut d’autre solution que celle de le chercher dans les grands couloirs de l’hôpital jusqu’à ce que son instinct ne s’en mêle et ne lui fasse prendre la bonne direction. Une salle de stockage… Wayne y pénétra juste au moment où Ellyot frappait une étagère et s’exclamait d’une voix forte et rageuse. Bien évidemment, difficile à quelqu’un d’extérieur de comprendre quoi que ce soit à la situation, mais quelque chose disait au chirurgien qu’il aurait sûrement tôt fait de saisir les tenants et aboutissants de l’affaire… « Est-ce que tout va bien ? » osa-t-il demander tout en brandissant ses deux mains devant lui en signe de paix. Inutile de se faire cogner en prime… surtout en pleine panne générale d’électricité. « Vous sembliez nerveux tout à l’heure déjà. Je ne suis pas du genre à fouiner ou à me mêler d’autre chose que de mes oignons… mais si je ne dois pas compter sur vous car vous devez vous rendre ailleurs, il faut que je sois au courant. Je suis responsable de vous ici, Ellyot. » Après tout, il pouvait lui faire confiance… Wayne serait une tombe en toute circonstance.

Ellyot avait passé une très bonne soirée sur le plan professionnel au côté de Wayne. Il lui apprenait beaucoup. Heureusement qu’il était là d’ailleurs pour cela car Rosalie, elle, ne faisait que lui mettre des bâtons dans les roues. C’était insupportable pour elle certes mais ce soir, même si elle n’était pas là, même si il avait adoré avec Wayne, ce qu’il trouvait insupportable c’est de ne pas être avec sa famille alors que la tempête faisait rage dehors. Il n’était pas rassuré pour eux et c’était la seule chose qui résonnait dans sa tête alors lorsqu’il y eut un moment d’accalmie, il s’était isolé pour crier un bon coup afin d’être plus dans son travail ensuite même si cela allait être dur. Malheureusement, ou heureusement pour lui, cela dépendait du point de vue que l’on prenait, le jeune homme ne fut pas seul au moment de son petit pétage de plomb. Non Wayne venait d’entrer dans la réserve où il s’était réfugié et avant entendu ses paroles. « Je ne vais nulle part. Je dois être ici, je le suis, je le reste… » Ellyot avait dit cela sur une voix très décidé mais aussi très fragile une fragilité qu’il ne put camoufler plus longtemps. « Pfff… non enfin comme tout le monde j’aimerais être auprès de ma famille, de ma sœur particulièrement pour pouvoir réagir si il leur arrive quelque chose avec cette tempête… » Le beau brun venait clairement de révéler à son mentor ce qui le tracassait et même s’il était gêné de lui avouer qu’il préfèrerait ne pas être là cela lui faisait tout de même du bien de dire ce qu’il avait sur le cœur, pourquoi il se sentait mal et pourquoi il était nerveux. Une nervosité qu’il parvenait tout de même à contrôler pour ne mettre en péril aucunes des vies qu’il pouvait voir passer entre ses mains de petit étudiant en médecine.

Wayne n’avait pas bougé d’un pouce, bras croisé, adossé contre un placard de rangement tout en observant ce jeune étudiant en proie à une sorte de détresse qu’il connaissait par cœur. Pour un peu, il s’estimait lui-même chanceux que sa sœur soit à l’intérieur de cet hôpital et non ailleurs, chose qui n’aurait fait qu’augmenter sensiblement son angoisse déjà bien assez vive en temps normal. Autant dire qu’il était presque prêt à applaudir la conscience professionnel de ce jeune, déterminé à rester en ces lieux au cas où on aurait besoin de lui… vraiment, il y avait de quoi en être ébahi, là où n’importe qui normalement constitué aurait foncé jusqu’à sa voiture malgré la tempête histoire de retrouver ses proches, ou à tout le moins de s’assurer qu’il ne leur était rien arrivé… « Je vous prendrais pour un idiot si vous n’étiez pas inquiet pour vos proches et que vous n’aviez pas peur pour eux. » C’était dit de façon peut-être abrupte, mais Wayne pensait ses paroles. Il avait eu le temps d’analyser Ellyot et il ne lui était pas apparut comme quelqu’un d’égoïste, bien au contraire. Normal donc qu’il soit en proie à de telles émotions, le poussant de fait vers une colère qu’il n’avait pas su réellement maîtriser. « Le choix vous appartient, je ne peux pas décider à votre place, Daniels. Vous pouvez rester ici et tenter de faire votre travail, mais pesez bien le pour et le contre… préoccupé, on fait souvent des conneries. Je veux savoir que je peux compter sur vous si d’aventure vous restez. Je peux aussi vous écouter si vous avez besoin de vider votre sac. Rien de ce que vous direz ne sortira de cette pièce. Vous aurez sûrement l’esprit plus clair se faisant, d’ailleurs. » Wayne n’était pas autant aimé pour rien… il avait une âme incroyablement humaine, bien que son visage souvent impassible ne le laisse pas toujours deviner d’un premier regard.

Ellyot était sanguin, il le savait et c’était ce qui l’avait poussé à se mettre à l’écart pour péter littéralement un plomb. Son caractère et sa vie privée ne devaient en effet plus avoir d’influence sur sa vie professionnelle, c’est ce qu’il s’était promis le jour où sa sœur avait reçu la greffe qui lui avait sauvé la vie. Cependant, ses angoisses avaient pris le dessus ce soir et il n’avait finalement pas su les contrôler jusqu’au bout, il avait dû craquer et il l’avait fait alors qu’il pensait être seul ce qui n’était malheureusement pas le cas. Son titulaire était là et il avait tout vu, il avait aussi bien compris son angoisse et qui signifiait qu’il comprenait bien ce qu’il ressentait actuellement. Pour Ellyot, s’était un soulagement, le soulagement fut d’autant plus grand lorsque le brun lui donna le choix entre partir et rester. Il n’était pas obligé de rester là en ayant la tête ailleurs… Certes mais il ne se voyait pas non plus tout abandonner, c’était juste impossible pour lui, il devait aider ses gens, faire leur bonheur comme le médecin qui avait fait son bonheur en greffant sa petite sœur même si celui qui ferait son bonheur complet n’était pas encore né car personne n’avait trouvé un remède pour éradiquer complètement cette maladie. Le jeune étudiant en médecine prit donc un moment le temps de la réflexion et finalement il prit la solution la plus lâche pour lui : pas de partir non, mais de dévoiler sa vie, de sortir tout ce qu’il avait dans son sac au médecin qu’il avait en face de lui. Pour ce jeune homme rempli de fierté ce n’était pas facile d’indiquer son principal point sensible mais pour avoir la tête à son travail s’était essentiel. « Je ne veux pas partir, non ma place est ici pour soigner tous ces gens… Si le médecin qui a greffé ma sœur avait paniqué et était parti juste avant son opération elle serait décédée alors je n’ai pas le droit de faire cela… » Il venait d’évoquer une nouvelle fois que le problème principal : sa sœur mais il n’avait pas révéler ce qu’elle avait, pas encore… Il allait cependant le faire maintenant afin que Wayne comprenne mieux son malaise. « Ma sœur a une très forte forme de mucoviscidose… Elle n’est pas très vieille et a dû déjà subir une greffe pour continuer à vivre… Même si elle va bien aujourd’hui, j’ai toujours cette boule au ventre, cette peur lorsque je suis loin d’elle…»Dit comme cela, cela paraissait surement très enfantin mais il n’y avait pas d’autres mots pour décrire ce qu’il ressentait. Cette angoisse était aussi peu justifiée aux yeux de certains car grâce à la greffe elle allait maintenant bien, mais c’était plus fort qu’Ellyot, il ne pouvait s’en empêcher.

Wayne se mit à écouter les propos d’Elyott sans qu’aucune émotion particulière ne prenne possession des traits de son visage. Cela ne voulait pas dire qu’il ne ressentait rien, bien au contraire, mais plutôt que cette histoire faisait bien trop écho dans son esprit pour qu’il ne se permette la moindre marque particulière. Il se contentait d’écouter, patient et compréhensif, à des lieues de vouloir tirer les oreilles ce frère inquiet par un temps aussi peu clément. Vraiment, il le prendrait pour un idiot s’il n’avait pas fait preuve d’autant d’inquiétude… Wayne avait une fâcheuse tendance à trouver que les frères n’ayant cure de leurs sœurs étaient de grands abrutis devant l’éternel. « Pour l’instant il n’y a pas de catastrophe, Mister Daniels. De plus, vous n’êtes pas le seul médecin dans cet hôpital, celui-ci en regorge… et c’est une chance ! Cela ne me choquera en aucune manière si vous vous éclipsez quelques heures. » Wayne ne pouvait pas en être choqué. Au contraire, il avait presque envie de le virer de l’hôpital à grands coups de pompe dans le cul mais ça, c’était son petit secret. Il se contenta de soupirer légèrement, détestant par avance le fait de devoir expliquer pourquoi il partait de ce principe-ci. « Ma sœur est dans cet hôpital, vous savez. Elle souffre d’une leucémie depuis de très nombreuses années et bien qu’elle soit ma jumelle, nous ne sommes pas compatibles. Je peux certes veiller sur elle et faire en sorte d’aller la voir aussi souvent que possible, mais je mentirais en disant qu’à votre place, je n’aurais pas sauté dans ma voiture ou dans le premier taxi me tombant sous la main pour aller la rejoindre. Je souhaite qu’il n’arrive rien à votre sœur… mais vous n’avez pas fini de culpabiliser si d’aventure il devait lui arriver un évènement fâcheux. Faut-il que je vous emmène pour vous décider ? »

Ellyot savait son mentor des plus sympathiques mais jamais il n’aurait cru entendre cela sortir de sa bouche. Il lui mettait clairement un coup de pied dans les fesses pour qu’il parte rejoindre sa sœur. Il se demandait s’il s’était endormi et s’il rêvait ou s’il était bel et bien éveillé face à un homme qui avait encore plus de qualités humaines qu’il ne le croyait. Cet homme était vraiment quelqu’un à qui le jeune homme voudrait ressembler dans l’avenir et il espérait réellement qu’il deviendrait comme lui mais il comprit aussi rapidement que s’il était aussi compatissant c’est parce qu’il vivait un peu la même situation lui avec sa sœur qui était atteinte d’une leucémie. Sauf que lui avait sa sœur qu’il ne pouvait aider par une greffe à porter de mains… Ce n’était pas le cas d’Ellyot ce qui lui valait son inquiétude encore plus grande et son pétage de plomb mais dans le cas du jeune brun, sa sœur était tout de même sauvée, elle avait eu une greffe et il n’y avait donc maintenant qu’une chance sur mille pour qu’il se passe quelque chose… Enfin Ellyot avait si peu de chance qu’il se disait vraiment très fort que cela pouvait tomber sur lui… « Je… Je vais y aller docteur ! Mais vous êtes réellement sûr que cela ne vous dérangera pas? Enfin je veux dire je sais maintenant que vous comprenez plus que bien ma situation… d’ailleurs je suis vraiment désolé pour vous et votre sœur… mais ça ne sera pas vu comme une sorte de faute professionnelle si je quitte l’hôpital juste pour m’assurer que tout va bien ? » Le jeune homme avait perdu assez de temps pour perdre une année en plus parce qu’il avait quitté l’hôpital par peur de perdre sa sœur une nouvelle fois. Il voulait donc s’assurer que son mentor lui disait bien de courir auprès des siens avant d’y aller. « Je vous promets que je rattraperais ses heures à un autre moment sur mon temps libre ! » Le jeune homme était un peu perdu mais surtout soulagé de cette situation. Cependant il était aussi curieux, une curiosité de jeune médecin. « D’ailleurs docteur, en étant jumeaux il est donc possible de ne pas être compatible ? Mais la compatibilité est obligatoire avec l’un des deux parents non ? » Il ne parlait pas seulement de sa sœur mais de tous les gens de maladie qui pouvaient demander une compatibilité.

C’était drôle, mais Wayne se reconnaissait énormément en ce jeune interne. La volonté de bien faire, parfois retenue par la peur de perdre un être cher… le neurochirurgien se serait trouvé monstrueux s’il n’avait pas cherché à comprendre ou à voir plus loin que le bout de son nez. Bien évidemment, Wayne ne savait que trop bien que tous ses collègues titulaires ne réagissaient pas de la même façon et pouvaient faire preuve d’une extraordinaire cruauté, mais cette histoire allait rester entre eux. Ce serait pour ainsi dire leur petit secret, l’américain y veillerait particulièrement… d’autant qu’Ellyot était sous sa responsabilité, il pouvait donc lui permettre de partir si cela lui chantait sans avoir de compte à rendre à quelqu’un d’autre qu’au chef de chirurgie, si toutefois celui-ci s’intéressait à leur cas. « Daniels, vous êtes mon interne et si JE vous autorise à quitter l’hôpital pour ce que je considère comme un cas de force majeure… vous pouvez me faire confiance, personne n’osera vous mettre une faute professionnelle sur le dos. » Pour ainsi dire, l’interne avait perdu suffisamment de temps à se poser des questions stupides… pourtant, Wayne fut surprit qu’il en prenne encore pour le questionner lui, sur le cas de sa sœur mais aussi sur leur gémellité. Un sourire à la fois amusé et surprit étira bientôt ses lèvres alors qu’il ne s’attendait pas à ce qu’Ellyot soit intéressé par la chose… quoi de plus naturel pour quelqu’un ayant lui-même une sœur malade ? « A vrai dire, nous sommes des triplés. Mon frère Jeremiah est compatible, de même que mon père, mais ni l’un ni l’autre n’ont jamais manifesté le moindre intérêt pour ma sœur. Elle n’a que moi, ma mère étant décédée il y a de nombreuses années. Et rappelez-vous de l’un de vos cours de troisième année, Daniels : en cas de jumeaux nés d’ovules différents, la compatibilité n’est pas certifiée. » Wayne préférait prendre cela sous cet angle. C’était moins douloureux. « Vous préférez que je vous emmène peut-être ? Vous ne semblez pas franchement prêt à prendre votre voiture, Daniels. »

Pas de faute professionnelle sur le dos, les encouragements de son chef pour aller rejoinder sa soeur, Ellyot était convaincu, il allait quitté l’hôpital pour aller retrouver sa famille il n’y avait pas à lui en dire plus. Il n’aimait pas laisser son travail en plan comme cela mais là c’était un cas de force majeure comme Wayne le disait si bien. Et puis ce n’était pas tous les jours qu’il y avait une tempête comme ça dehors et le jeune brun espérait bien que lorsque ce serait fini, cela ne se reproduirait plus avant longtemps, si cela pouvait ne plus se reproduire jusqu’à la fin de sa vie s’était même bien. En effet, vivre une tempête comme celle là était une véritable expérience pour chacun mais une expérience dont on se passerait bien ! « Merci Docteur, je vous revaudrais ça ! » Il ne savait pas comment il pourrait le remercier mais tout de même il y tenait. En effet, Ellyot avait reçu une très bonne éducation et le remerciement, la reconnaissance en faisait particulièrement partie. Cependant avant de partir, une question trottait tout de même dans l’esprit du brun. Cette question concernait ses études mais aussi le cas de la demoiselle, sœur de celui qui s’occupait de lui. Il ne savait pas qu’on pouvait ne pas être compatible avec une sœur jumelle, enfin il se doutait bien que deux jumeaux n’étaient pas similaires à cent pourcents mais tout de même cela l’intriguait. Il posa donc sa question et fut légèrement amusé par la réponse. « Je ne suis qu’en deuxième année Docteur ! Parcours un peu compliqué… Mais je m’en souviendrais pour l’année prochaine ! Mauvaise histoire tout de même il faut que la personne compatible soit la personne de qui on a plus de nouvelles… C’est malheureusement souvent comme ça, trop souvent comme ça !» Oh oui et c’était bien dégueulasse mais bon c’était le hasard, la vie. « Non, non ne vous embêtez pas, je vais me débrouiller ! Si ma présence peut passer inaperçue ici, la votre ce n’est pas le cas, et puis si un cas difficile arrivait je m’en voudrais que vous ne soyez pas là, alors je vais y aller seul ! Merci encore ! » Ellyot commença à retirer sa blouse qu’il allait aller déposer dans son casier qui n’était pas très loin. Il disait un simple merci mais au fond de lui c’était bien plus que cela.